CONTE DE MAI

L’un marche vers l’inconnu, l’autre bâtit ce qu’il découvre.
L’un s’émerveille des sentiers, l’autre s’impose sur les routes.
Ils avancent sans se confondre, mais leurs forces se recouvrent :
L’élan et la volonté unis sous les astres qui s’ajoutent.

Ils sont le miroir l’un de l’autre ; l’un au passé, l’autre au futur.
L’un anticipe par ses voyages, l’autre concrétise de sa main.
L’un part toujours en éclaireur, l’autre revient en grand vainqueur
Ils ont ensemble un même cœur, un même corps, une même âme.

Le voyageur

Le voyageur se leva tôt le matin. La nuit avait commencé tourmentée puis, lui-même, par la force de l’amour, s’était régénéré. La mer était calme, les vagues frappaient les dunes encore endormies comme pour les réveiller. Il plongea dans l’eau fraîche matinale avec sa compagne pour se laver de tous les conflits passés. Lorsque l’aube commença à diluer le ciel sombre, il ne prêta pas attention à la direction de l’astre naissant par lassitude ; en revanche, il émergea avec sa compagne sur la plage pour contempler l’aurore matutinale. Les premiers instants du jour étaient ce qui lui faisait le plus de bien. Il avait eu besoin de la nuit pour apaiser en lui tous les conflits ; c’était la période de décantation. L’aube, au contraire, le nettoyait. C’était comme une douche qui évacuait toutes ses tensions. L’aurore marquait un renouveau, une nouvelle journée pour l’homme nouveau qu’il était. C’était, à chaque fois, une renaissance. Tout en observant le spectacle d’amour de l’union de la mer et du soleil, il aperçut une crique qu’il n’avait pas encore remarquée. Il questionna son amie à ce sujet. Tout en souriant, elle se leva, lui prit la main et lui glissa à l’oreille : « Viens, allons voir les enfants ! »

Les enfants ! Les enfants étaient réveillés ! Au fur et à mesure qu’ils avançaient sur la plage, des cris de joie et de gaîté rythmaient et emplissaient le rivage du matin. D’abord de tout petits enfants qui courraient joyeusement puis, çà et là, des groupes qui riaient. Ils arrivèrent auprès d’un grand édifice qui surplombait la mer. Encore et toujours, la sensation du renouveau, de l’inattendu et du spontané émanait du site. Lorsqu’ils montèrent les marches du hall, c’était comme si le voyageur parcourait les escaliers de sa petite enfance enfouie très, très loin, dans son être. Chaque marche lui rappelait un souvenir. Là, le souvenir de ses parents, ici, la communion avec ses frères et sœurs, plus loin, les mémoires de ses craintes, de ses aspirations. Plus il montait, plus il revoyait en lui l’innocence de son enfance. Il n’entendait plus aucun bruit. Non pas que l’espace était silencieux mais le cheminement l’emmenait tellement au plus profond de lui-même qu’il ne percevait plus aucun son sinon sa plus lointaine réminiscence. Au niveau supérieur, rien d’autre qu’un couloir à suivre. Puis, franchi la porte, un foyer. D’abord, à droite, deux enfants, deux jeunes adolescents, un garçon et une fille, face à face, les yeux fermés, entre eux, un objet, un ballon semblait immobilisé dans l’espace. Non. Il bougeait ! Imperceptiblement vers l’un puis vers l’autre comme une joute, un jeu. Quand il atterrit dans les genoux de l’un, l’autre éclata de rire. « J’ai gagné ! J’ai gagné ! ». Plus loin, un autre groupe. Assis en tailleurs six garçons et six filles lévitaient à un mètre du sol en dépit de la gravitation. Ils semblaient tous sereins et reposés. Un autre, là-bas dans le coin, flottait à la verticale et à l’envers. Que faisait-il ? Le voyageur se le demandait quand, soudainement, l’enfant déploya ses membres et revint au sol. Pendant cet instant, le voyageur s’était senti basculé lui-même. « Tiens ! » pensa-t-il. « La même impression que lorsque nous avons, nous aussi, basculé sur notre bateau. ». Au fond de la pièce, des jeunes gens discutaient autour d’une table. Le voyageur pressenti la possibilité d’une communication. Il les rejoignit.

« Bonjour » annonça-t-il. « Salut ! » répondirent-ils en regardant dans sa direction. « Tu es celui qui est arrivé par le bateau, n’est-ce pas ? » demanda l’un d’eux. « Exactement » répliqua le voyageur. « Nous t’avons vu lorsque tu as débarqué avec les marins. Faire passer un bateau entier avec son équipage, c’est extrêmement difficile. Moi, j’y arrive avec de petits objets ! » Expliqua un adolescent blond. « C’est surtout lorsqu’il y a des êtres vivants que c’est délicat ! » intervint une jeune fille très brune aux grands yeux noirs. « Tu devais être important pour qu’ils accomplissent cet exploit ! » lui dit-elle.

« Ils » pensa le voyageur. Il y a donc bien quelqu’un qui nous a attiré. Quelqu’un qui mène le jeu et qui n’a encore dévoilé ni sa présence ni ses desseins. Il s’assit à leur table. La fille aux cheveux noirs lui proposa quelque chose qui ressemblait à un jus de fruit laiteux ainsi qu’un plat de gâteaux. « Tiens ! Ils sont frais de ce matin ». Lorsque sa compagne le rejoignit, la fille lui demanda : « il les a vus ? » tout en détaillant le voyageur. « Non. Pas encore. Jusqu’à présent, il n’a rencontré que les anciens. Ils lui ont accordé d’aller au sommet de la montagne. Nous devons préparer l’expédition c’est pourquoi j’ai pensé vous l’amener. » Les jeunes gens échangèrent, entre eux, des regards furtifs. La fille brune et le garçon blond discutèrent à voix basse. Puis, ils se concertèrent tous ensemble. Enfin ils lui dirent « Si tu le veux, nous t’accompagnerons ! »

Un éclair irradia la plage. Les nuages sombres s’étaient amoncelés, la pluie commença à tomber drue. C’était l’orage. Tout en regardant la pluie, le voyageur était pensif. « L’eau. Nous sommes arrivés par la mer, Celui qui arrive par l’eau repart par l’eau, l’eau est certainement l’une des clés de ce monde mais comment l’utiliser ? ». Il s’adressa aux jeunes gens : « Que pouvez-vous me dire concernant l’eau ? »

Les enfants se levèrent ensemble d’un signe de tête. Le jeune homme blond lança au voyageur : « Lorsque la pluie sera terminée, rejoins-nous, nous t’emmènerons. »

La pluie dura toute la matinée. Des éclairs zébraient brièvement le ciel. La mer était très agitée et la tempête bravait le ciel et l’océan. Tandis que tous les habitants s’étaient réfugiés dans l’abri que leur offraient les huttes, le voyageur se couvrit et courut vers le navire rejoindre les marins. Lorsqu’il arriva, une odeur de café chaud lui emplit les narines. Ce fut avec grand plaisir qu’il accepta une tasse du breuvage magique. Il était heureux de retrouver ses compagnons. Il pensait à cet instant déjà loin derrière lui où il avait été accosté par le capitaine.

« Avez-vous remarqué que cette tempête ressemble comme une sœur à celle qui nous a amenés ici ? » s’enquit le voyageur.

« Nous l’avons remarqué » dit le capitaine. « Crois-tu que nous pourrions essayer de revenir chez nous ? »

« Ce serait trop dangereux ! Trop risqué ! Qui sait si le bateau y résisterait ? N’oublions pas que nous avons été guidés pendant l’arrivée. Qu’arriverait-il si nous tentions la sortie par nos propres moyens ? Aucune vie ne vaut d’être risquée pour tenter l’expérience. Je ne suis pas un lâche, simplement je suis d’accord pour prendre des risques lorsque j’aperçois une possibilité, une ouverture. Dans ce cas, rien, absolument rien ne peut nous apprendre comment se déroulerait le retour ; si retour il y a. Non. Si la sortie existe, elle est quelque part dans l’île. En revanche, rien ne nous empêche d’observer. Pourrions-nous lever l’ancre et nous rapprocher de la tourmente sans risquer le bateau ? »

« La réponse est non, bien sûr ! » trancha le capitaine. « Cependant, tu as raison ; si nous voulons sortir de ce trou un jour ou l’autre il nous faut chercher là où est la solution. Nous allons nous rapprocher au plus près sans risquer la vie du bateau. Mais au premier danger, que Dieu nous garde ! »

Au fur et à mesure que la côte s’éloignait, les vents devenaient plus forts et les vagues plus hautes. La vision était complètement assombrie par les éléments déchaînés mais, paradoxalement, lorsqu’un éclair illuminait le ciel, tout devenait clair une fraction de secondes.

« Capitaine, lorsque vous avez tenté la traversée de ce monde insolite, vous avez dû en évaluer les distances. Naviguez tout droit jusqu’au quart de la mesure puis, mettez la barre à 90 degrés et voguez toujours en maintenant le cap. »

« Compris. » Approuva le capitaine. « Nous allons nous mettre en orbite sur l’équateur imaginaire ! »

Il leur fallu des heures avant d’atteindre le point de bifurcation. Ce qui était étrange, c’est que, plus ils se rapprochaient de l’équateur, moins les eaux étaient agitées. Comme s’ils parvenaient dans l’œil du cyclone. Curieusement, les marins apercevaient les effets de la tempête à bâbord et à tribord alors que, droit devant eux et en arrière, ils voguaient dans un couloir tempéré. À l’aide de puissantes jumelles et de longues-vues de marine, le voyageur et le capitaine observaient les deux horizons. La foudre lacérait le ciel ; son flash donnait un bref aperçu à chaque déflagration. Scrutant les deux pôles opposés, ils entraperçurent une gigantesque trombe d’eau tournoyante tandis que, de l’autre côté en direction de l’île, d’énormes nuages noirs impénétrables coiffaient le paysage et montaient au plus haut des cieux. Le monde semblait pris dans un étau et frappé des deux côtés à la fois. Puis, subitement, comme si un ordre fantasmagorique avait été donné, la tempête se calma, la mer s’apaisa, le ciel bleu déchira les nuages.

« Rentrons ! » Dit le voyageur. « Il est temps d’aller explorer le cœur de la montagne de l’île. »

Dès l’accostage, il laissa ses compagnons et courut tout droit à la maison des enfants. Il trouva rapidement les adolescents. Il ne prêta pas attention à ce qu’ils faisaient. Il alla tout droit vers le garçon blond et la fille brune. « Soyez prêts. Nous partirons demain à l’aube si vous êtes toujours d’accord. » Ils acquiescèrent. Il sortit. Sur la plage, il retrouva sa compagne. « Viens avec moi » lui dit-il en la prenant par la main. Arrivé devant la hutte de la cheftaine, il entra, elle était là. « Je pars, demain matin, pour le centre de l’île. Les enfants m’accompagnent. Peux-tu m’accorder quelques guerrières ? ». « Ma fille s’en occupera » répondit la vieille. « Les hommes ? » s’enquit le voyageur. « Ils te suivront et interviendront si nécessaire » termina-t-elle.

C’était le soir. Une brise courrait sur la mer et sur le rivage comme pour effacer les traces de la tempête qui avait secoué la journée. En accostant, il avait aperçu une forge. Lieu singulier mais rassurant ; un terrain connu. Il s’y dirigea. Le maître des céans était un homme de haute stature. « Bonsoir, forgeron ! » salua le voyageur. « Puis-je me servir de tes outils ? J’ai une épée à forger. » L’homme, sans dire un mot, l’invita dans son atelier. La chaleur était étouffante. Le voyageur se mit une chemise de travail et choisit parmi les métaux. Il travailla toute la nuit. Il frappa, martela, trempa, éprouva maintes et mainte fois le métal. Il sortit de la masse une épée longue et légère. Il se confectionna également une dague courte. Le forgeron l’avait aidé tout en admirant l’art et la technique du voyageur. L’aube n’était pas encore naissante ; le voyageur se dirigea vers sa hutte pour dormir quelques heures dans les bras de sa promise.

Pendant la nuit, il s’éveilla. Sans un bruit, il sorti et s’assit sur la terrasse. Il se prépara mentalement à sa journée du lendemain. Il se détendit dans la brise douce des ténèbres. Il en avait besoin. C’était presque un luxe qu’il s’accordait. Il avait besoin de faire respirer son corps et son esprit.

Le conquérant

Le conquérant regardait en haut. Il n’y avait plus personne dans la clarté dominante. Ce n’était pas le soleil habituel mais il devait trouver, dans la lumière, sa force. Ces gens n’avaient rien d’une armée ; rien de belliqueux n’habitait leurs regards. Il s’avançât vers les hommes volants. Sa princesse était parmi eux ; elle l’éclaira d’un grand sourire. Alors, il s’adressa au chef de groupe : « Qui êtes-vous, quel est cet étrange pouvoir de voler ? »

Le chef des hommes volants échangea un sourire avec la princesse. Il répondit. « Bienvenue à toi et à tes compagnons, conquérant ! Lorsque tu es arrivé la première fois, nous avons préféré t’accueillir selon nos rites nomades et observer quelles étaient tes possibilités. J’étais assez indécis lorsque ma fille s’est épris de toi et a suivi son intuition car elle était persuadée que tu étais un être humain évolué. Elle t’a montré le chemin sans rien te dévoiler. Par ton expérience évidente, tu as monté ton expédition et tu n’as pas hésité. Tandis que tu descendais, nous t’observions suffisamment loin pour que tu ne nous aperçoives pas. Bravo ! J’avoue être conquis par ton esprit d’initiative. Toi, le terrien, tu t’es lancé dans la voie des airs et tu n’as pas eu peur de braver les flammes. »

Le conquérant écouta son interlocuteur. Il l’estimait à son image. C’était un honneur. La princesse lui prit la main et l’embrassa. Le chef reprit la parole :

« Nous sommes une civilisation très ancienne et nous avons préféré nous retirer des cultures barbares. Oh ! Je sais très bien qu’aujourd’hui beaucoup de peuplades se réclament évoluées ou divinement éclairées. À nos yeux et à nos cœurs, vous êtes toujours des barbares. Aussi, nous avons enfouis nos lieux d’habitations très profondément sous terre tout en étant observateurs à la surface de la terre comme nomades dans des territoires reculés. Je constate toutefois et avec grand plaisir, qu’il existe des hommes vrais. Viens ! Nous t’invitons dans notre cité. »

La cité ? L’endroit où ils étaient ne semblait pas très accueillant. Plutôt même assez désolé. Pourtant, lorsqu’il se retourna à l’invite de ses hôtes, il découvrit une ville d’une grande richesse parée de décorations mêlées de technologies stupéfiantes. Les maisons étaient désormais enrichies de couleurs chaudes et différentes tout en créant un dessin gigantesque sur l’ensemble de la cité. Des objets flottaient et suivaient des rails invisibles. Des hommes et des femmes se déplaçaient sur plusieurs niveaux. L’ensemble produisait une sorte de musique fantastique. Le ciel ! Un ciel bleu, parfait recouvrait ce nouveau monde.

Chacun des quatre compagnons de fortune fut entouré de deux hommes volants. Le conquérant était accompagné de la princesse et de son père. Ils les saisirent par les bras. Tous ensemble, ils s’élevèrent et se dirigèrent vers la plus haute tour de la ville. Tandis qu’ils montaient, chacun essayait de satisfaire sa curiosité. « Comment faites-vous cela » demandait le scientifique pendant que l’écologiste examinait les corps de ses guides tout en guettant leurs fonctions cachées. Le commandant ne disait mot ; il observait et évaluait ses possibilités. Le conquérant ne cherchait ni à comprendre ni à se défendre ; il tâchait à être présent dans ce moment incroyable. Des gens volaient autour de lui et l’emmenaient. C’était à la fois simple et extraordinaire.

Ils parvinrent sur la terrasse surélevée de la tour. Le groupe se dirigea vers la grande loggia. Spacieuse, elle permettait à chacun de trouver sa place, ils s’assirent. La conversation reprit ou, plutôt les questions. La plus importante revint en priorité : « Qui êtes-vous ? ».

Ce fut la princesse qui répondit : « Comme nous vous l’avons dit, nous sommes d’une antique civilisation. Très ancienne. La plupart des nôtres ont atteint le degré d’évolution méta terrestre. Ils sont passés dans un autre plan ou une autre dimension. C’est-à-dire qu’ils sont à la fois proches et inaccessibles pour ceux qui ne possèdent pas l’ouverture sur leur nouvelle dimension. Quelques-uns, toutefois, sont restés en arrière pour établir des liens avec les civilisations suivantes. Nous servons de relais et sommes restés cachés pendant des siècles dans les profondeurs de la terre. Aujourd’hui, nous avons décidé d’établir un contact avec le monde actuel. Mais pour cela, il nous fallait trouver des hommes de cœur. Lorsque tu as répondu à notre invitation et que tu es venu, nous avons apprécié le fait que tu nous respectais tous avec beaucoup de noblesse. J’ai été conquise par ton charisme et je t’ai mis à l’épreuve. Je devais savoir si tu répondrais spontanément à l’appel de la table d’émeraude. Maintenant je sais. »

« Et en ce qui concerne mes compagnons ? » demanda le conquérant.

« Ils sont avec toi ; tu t’es associé avec eux ; nous les traiterons comme toi. » Répondit le chef.

Le scientifique était impatient de savoir, se comprendre, il ne put se retenir de demander : « Comment ce lieu, qui était inhabité à notre arrivée, est-il revenu à la vie ? Et comment faites-vous pour voler ? »

Le chef sourit en répondant. « En ce qui concerne notre cité, c’est tout simplement un transfert d’une dimension vers une autre ; un déménagement instantané si vous voulez. Nous faisons exister deux cités dans deux dimensions différentes et nous effectuons un simple déplacement. Quant à notre faculté à voler, voulez-vous essayer ? »

« Vous voulez dire que nous avons le pouvoir de voler ? » postula l’homme de science.

« Le pouvoir, non. Pour s’élever, il faut vaincre l’énergie de l’attraction ; ou l’équilibrer. Nous lévitons parce que nous recevons une énergie complémentaire à la gravitation. Mais ce n’est pas nous qui créons l’énergie, nous sommes récepteurs. Si l’énergie ne nous atteints pas, nous sommes incapables de quoi que ce soit. Il faut d’abord recevoir. Ensuite, créer en nous un nouveau sens qui va répondre à l’offrande et développer celui-ci, l’éduquer et en faire une partie de nous-mêmes à part entière. Nous allons vous envoyer cette énergie. Concentrez-vous, ne résistez pas, sentez au plus profond de vous-même comme un éveil. Acceptez sans contester. »

Les quatre compagnons s’assirent, fermèrent les yeux et se détendirent. Ils étaient à l’écoute lorsqu’ils sentirent une vibration chaude qui les remplit d’un bien être similaire au plaisir. Lorsqu’ils ouvrirent les yeux, ils flottaient les uns et les autres à 10 mètres au-dessus du sol comme s’ils étaient portés par des ailes. Et ces ailes, ils les sentaient profondément ancrées en eux. Ils testèrent leur assise et, progressivement, redescendirent vers le sol. Après l’atterrissage, ils firent chacun quelques mouvements de décollage afin de mieux sentir et éprouver leurs nouveaux pouvoirs. Ils étaient comme des enfants devant un présent merveilleux. Ils étaient redevenus des enfants.

Ils s’élevèrent à nouveau pour atteindre le sommet de la tour où ils étaient attendus. À leur arrivée, le chef leur adressa dans un sourire : « Vous êtes, à présent, des hommes nouveaux. Vous êtes des nôtres. Venez vous restaurer ; vous en avez besoin ! »

On leur présenta des coupes. Ils burent tous ensemble. C’était un vin blanc léger doux et frais. Puis ils prirent place sur de grands coussins autour des tables qui leur étaient présentées. Cela ne ressemblait pas tout à fait aux mets auxquels ils avaient goûtés en surface. Là-haut, la cuisine était composée de chasse et de récolte. En bas, le menu était végétarien mais dont les saveurs et les combinaisons n’avaient rien à envier au banquet précédent. Les couleurs étaient différentes également. Plus douces et plus pastels. Sans doute dû à la lumière ambiante. La lumière ! Tandis qu’ils mangeaient, le conquérant observa à nouveau la lumière. Ce n’était pas la lumière naturelle bien entendu ; ce n’était pas une lumière blanche non plus. Pourtant, autour de lui, il distinguait parfaitement les tons de couleurs tantôt rouges, tantôt bleus, tantôt jaunes ainsi que les autres variations. C’était évident ! À cette profondeur, la lumière ne pouvait être qu’artificielle. Or, elle venait de partout à la fois ; il en eut la confirmation en observant les objets et les personnes autour de lui. Pas d’ombre. C’était comme s’ils étaient engloutis dans une mer de lumière. Aucune technologie terrestre n’était capable d’un tel exploit. Cette lumière ainsi que la manière de la produire était de toute évidence d’un art inconnu. Il discuta à voix basse avec le scientifique du groupe. Il en était arrivé aux mêmes conclusions. En les entendant chuchoter, l’écologiste leur révéla que les plantes et les végétaux n’avaient pas non plus la teinte habituelle que la chlorophylle aurait dû leur donner. L’homme de science leur fit remarquer, toutefois, qu’il pourrait s’agir de mutations occasionnées par des années passées sous lumière artificielle. Mais, de toute façon, rien n’expliquait sa nature et comment elle était produite.

Pendant qu’ils conversaient, le chef et sa fille les observaient, toujours en souriant. Lorsque les invités levèrent les yeux, leurs regards se croisèrent. Alors, il se leva et déclara : « Maintenant que vous êtes rassasiés et que vous pouvez nous suivre, nous allons vous présenter qui nous sommes. »

Ils se levèrent tous, se tinrent debout sur la terrasse et commencèrent à s’élever aussitôt suivis par le conquérant, le scientifique, l’écologiste et le commandant comme s’ils avaient toujours pratiqué cet art étrange depuis leur prime jeunesse. Le groupe descendit au cœur de la cité en direction du temple. « La table d’émeraude » pensa le conquérant, « ce doit être la clé ». À leur approche, le temple s’ouvrit comme une fleur éclot au soleil.

Le maître

Le maître attendait. Ils avaient été appelés pour leurs personnes ; ils n’avaient pas à être différents d’eux-mêmes. « Nous vous écoutons » dit-il tranquillement.

L’être de lumière se plaça au milieu du cercle et commença à parler. « Vos nombreuses civilisations sont arrivées à un point de déséquilibre. Elles ont développé un nombre incroyable de choses d’une grande beauté. Leurs arts sont très diversifiés, leurs créations merveilleusement innovatrices. En revanche elles ne sont pas parvenues à chasser la haine de leurs cœurs. Les anciennes rancunes et le pouvoir orgueilleux sont restés ancrés. Nous devons vous aider de plus en plus. Mais plus nous vous aidons et plus nous éveillons les cœurs de vos semblables, plus la haine et l’orgueil se développent. Plus nous augmentons la pression, plus le mal se fortifie. »

Le maître demanda du tac au tac : « Qu’est-ce que la haine ? »

« La haine ? Qu’est ce qui nous fait réagir ? Quel est le moteur ? Regardez bien au plus profond de votre cœur. Cherchez dans vos souvenirs ce que vous haïssez. Vous allez, alors, vous rendre compte que ce que vous croyez haïr est ce que vous craignez le plus. La peur. La crainte. Vos sentiments se mettent en alerte. Une alarme ancrée profondément en vous qui n’est rien d’autre qu’un voyant, une alerte. Ce que vous pensez haïr est ce que vous craignez. Vous vous êtes imaginé que ce qui vous fait le plus peur est le plus détestable. La réponse est en vous. C’est à vous – et à vous seul – qu’il appartient de vaincre vos propres peurs. C’est votre barrière émotionnelle – car vous lui avez donné une conscience – qui est votre seule frontière. Allez au-delà de vos peurs et de vos craintes pour être des hommes libres ! La haine est, en comparaison, tout à fait différente. Elle ne peut s’appliquer qu’aux êtres que vous avez aimés. Elle n’est le reflet que de vos souvenirs heureux. Des souvenirs où vous avez échangé de l’amour. À partir du moment où ces souvenirs ont cessé, alors, votre cœur s’est chargé de haine. Non pas pour la personne encore aimée, mais pour les circonstances qui ont changé cet état de bien-être. Et vous nourrissez du mal pour quelque chose d’indéfinissable qui n’existe pas en lui-même. Alors que la personne est toujours aimée quelque part dans votre cœur. Comprenez-vous, à présent, que la haine n’existe pas ? Que l’amour existe toujours ? Que vous nommez ‘haine’ une frontière indéfinissable qui n’a aucune existence, sinon les circonstances qui ont tué l’amour ? »

Le maître écouta attentivement le message de ses hôtes. Puis il répondit : « Avant que vous nous expliquiez quel sera notre rôle dans votre plan, pouvez-vous nous dire combien de fois vous êtes intervenus dans notre monde et ce qu’elles en ont été les conséquences ? »

Les êtres se concertèrent avant de répondre puis expliquèrent : « Nous n’allons pas faire l’inventaire exhaustif de toutes nos interventions. Mais nous allons vous dévoiler les plus importantes. La première des plus importantes – qui n’est pas forcément la première chronologique – c’est lorsque nous avons apporté la loi. Quand tous les peuples de la terre se querellait et mettait leur propre civilisation en péril, nous sommes apparus porteurs d’une loi essentielle de sauvegarde. Une loi qui avait été façonnée pour la sauvegarde de l’espèce humaine. Bannir le meurtre, préserver la race, la descendance, la famille et empêcher la propagation d’idolâtries en mettant en place un Dieu unique. Il était unique, en effet, il était leur destinée. À partir de là, beaucoup de religions ont vu le jour. Et, bien que nous ayons été clairs quant au message à suivre, chaque religion a refaçonné la loi de préservation de l’humanité pour en faire une loi de pouvoir. Lorsque nous avons constaté à quel point cette dérivation de la loi était allée, nous avons provoqué une autre intervention conséquente. Nous avons, alors, apporté la loi de l’amour – le terme est incorrect, c’était plutôt un droit humain – pour rétablir dans le cœur des hommes la véritable essence. Encore une fois, le message n’a pas pris au début. Et, insensiblement, de nouvelles religions ont émergé pour profiter et diriger les masses humaines. Quelles que furent les interventions sporadiques qui eurent lieu par la suite, la greffe a donné un rejet. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous n’interviendrons plus directement. C’est à partir de votre propre race, à partir de vos fils, de vos filles, de votre cœur que doivent être apportés les messages. La raison pour laquelle nous vous avons convoqués c’est, d’abord, parce que, vous-mêmes, vous nous avez appelés et, ensuite, parce que nous désirons que se crée dans vos cœurs ce qui va donner l’essor de votre civilisation. »

Le maître demanda : « Permettez-nous de répondre tous ensemble. »

L’Ermite : « Je vis retirée du monde à cause de la haine, je me suis isolée pour l’amour. »
Le Guerrier : « J’œuvre dans de nombreuses batailles pour combattre la haine. »
Le Médecin : « Je guide l’esprit dans la santé pour guérir de la haine. »
Le Mage : « Je connais les sciences cachées et je sais où se cache la haine. »
Le Roi et la Reine : « Nous régnons en harmonie pour déloger la haine. »
La Magicienne : « Je connais la magie d’amour et la magie de haine. »
L’Astronome : « L’univers entier est un univers d’amour, la haine n’a pas d’univers. »
L’Initiée : « Je connais les religions et je connais leurs parts d’amour et de haine. »
Le Juge : « J’établis la justice. Je connais la loi des hommes, la loi de l’amour, la loi de la haine. »
Le Diplomate : « Je suis médiateur. Ma vie est consacrée à transformer la haine en amour. »
Le Maître : « Nous sommes unis dans l’amour et aussi contre la haine ! »

Les êtres prirent la parole : « Écoutez-nous : Vous n’avez pas choisi les choses auxquelles vous croyez. Ce sont elles qui vous ont choisis. »

« Que voulez-vous dire ? » rétorqua le maître.

« Eh bien, lorsque vous naissez dans votre monde, vous transportez avec vous des liens. Des racines que vous avez préalablement choisies pour vous raccorder. Ce sont ces liens qui vous rappellent ce que vous croyez du plus profond de votre cœur. Tout ce que vous pensez avoir développé et qui fait votre force au plus profond de vous-mêmes est, en réalité, l’écho de cette force qui a développé un lien avec vous. Ce que vous appelez votre âme ne fait pas partie de vous. Imaginez-vous comme un long tube. Votre âme est l’énergie qui circule dans ce tube. Tube qui a, d’ailleurs deux extrémités ; l’une masculine et l’autre féminine. L’énergie sexuelle est l’une des très nombreuses énergies qui circulent entre ces deux pôles. Au milieu se trouve la fontaine d’amour. Cet état est difficile à retrouver lorsque l’humain a grandi. L’être humain a cependant une possibilité de découvrir et ressentir cette force. Lorsqu’il quitte sa petite enfance, juste avant de devenir adulte, il entre dans une période où son cœur est grand ouvert à toutes ces connaissances. Il ne tient qu’à lui de fixer cette étape dans sa vie et s’y accrocher sans tenir compte de toute l’éducation qui va le transformer. Durant cette période, une connexion s’établit avec ses origines. Cette sensibilité sera progressivement enfouie sous plusieurs couches d’instruction de la vie des hommes. Seuls ceux qui se souviennent de cette période peuvent ressentir ce que je vous apprends aujourd’hui. Si vous désirez dans votre cœur accepter et faire tomber le masque, alors, concentrez-vous et revenez à cette étape de votre vie. »

« Est-ce pour cette raison que l’adolescence est une étape difficile ? » demanda la femme médecin.

« Pas complètement car, beaucoup de transformations hormonales se déclenchent à cette période. En revanche, c’est bien à cette période que les jeunes deviennent très sensibles. Il se passe même un moment important lorsqu’ils quittent leur enfance et qu’ils n’ont pas encore accroché leur vie d’adulte. Une période qui peut être imperceptible chez certains mais remarquée chez d’autres. Ils ne veulent plus être un enfant mais ne veulent pas être adultes. Mais dès qu’ils se mettent à combattre le monde, ils abandonnent cette étape pour prendre une autre route. En revanche, selon l’intensité, ils peuvent s’en souvenir toute leur vie. C’est ce souvenir qui est présent en chacun de vous et qu’il faut réveiller. »

Le maître intervint : « Et lorsque nous serons tous réveillés ? »

« Alors, vous serez prêts à relier votre monde au notre » répondirent simplement les êtres fabuleux. « C’est vous qui serez les témoins et qui enseignerez vos semblables. »

« Est-ce que cela concerne tout le monde ? » demanda le juge qui avait l’expérience de la vaste étendue des différences de comportements humains.
« Et nous faudra-t-il combattre ceux qui s’opposeront ? » interrogea le guerrier, homme habitué aux conflits entre les peuples de la terre.

« Eh bien, oui et non. Mais vous comprendrez tout cela au fur et à mesure. Ne vous inquiétez pas, pour le moment, de la forme, du fond ou de quoi que ce soit. Ayez confiance ! Tout ce dont vous aurez besoin arrivera en son temps. » Soulignèrent les êtres.

L’initiée conclut en ces termes : « D’autant que ce que vous nous proposez correspond à notre mode de vie et à nos aspirations. Mais nous renfermons dans nos cœurs l’humilité d’accepter vos nouveaux enseignements. »

Le sage

Le sage prit un temps de repos. Il avait demandé au passeur de le ramener auprès des enfants. Il avait envie de communier à nouveau avec leur amour. Lorsqu’ils arrivèrent à la grande maison, ils étaient assis silencieusement dans l’herbe sous les arbres. Quand ils le virent ils se levèrent joyeusement.

« Viens avec nous ! » crièrent-ils de joie en l’apercevant. « Nous sommes en train de jouer à créer des mondes ! C’est très amusant ! »

Le sage souriait tant qu’on aurait pu dire qu’il riait aux éclats. Ils le prirent par la main et formèrent une ronde.

« Tu vas voir ! Le plus important, c’est quand on commence ! »

Le sage s’assit et écouta attentivement, laissant son corps détendu.

« D’abord pour commencer, tu fermes les yeux et tu observes le noir dans lequel tu te trouves. Toujours les yeux fermés, tu vas visualiser ce que tu voyais. À la différence de l’aveugle de naissance qui ne peut imaginer le noir, toi, tu connais la nuance. Maintenant, tu réalises que tu n’as jamais créé de monde, cette lacune est le noir de ta conscience. Cependant, contrairement à l’aveugle, si ta capacité créatrice existe, c’est que tu possèdes en toi l’organe. Tu vas apprendre à le réveiller. Souviens-toi, lorsque tu as ouvert le passage entre la vie et la mort, celui-ci te semblait sans espace et sans durée. La manière dont tu as perçu le passage a été accomplie par cet organe caché, ton troisième œil si tu veux. À présent, nous allons faire des expériences et tu vas t’introduire dans la faille pour créer ton propre espace et ton propre temps. C’est ainsi que l’on crée des mondes. »

Le sage repéra vite le passage, l’expérience était toujours fraîche dans son cœur. Son cœur ? Il découvrit alors son troisième œil auquel il n’avait pas prêté attention tant le passage était la révélation éclatante ! Il tenta son premier pas. C’était chaud ! Ça fit en lui comme une explosion.

« Attention ! À l’instant de la création tu mets quelque chose là où il n’y a pas d’espace. L’explosion peut être épouvantable. Quand tu crées, l’espace et le temps doivent se créer en parallèle et par conséquence. »

Le sage renouvela l’expérience. C’était si facile, maintenant, de faire fonctionner son nouvel organe ! Lorsqu’il pénétra dans la brèche, un univers se déploya, ce fut très lumineux une fraction de temps puis, tout s’effondra.

« Magnifique feu d’artifice ! » éclatèrent de rire les enfants.

Le sage était prêt à recommencer l’expérience mais il avait besoin, avant tout, de connaissances et d’apprentissage afin de pouvoir continuer.

« Pour que ton monde soit stable, il faut qu’à l’instant de la création il y ait l’essence de tout ce qui devra exister dans celui-ci. Et tu ne pourras y pénétrer que si l’amour que tu y as semé t’est favorable. » Le passeur levait les bras comme pour embrasser l’espace en prononçant ces mots.

Le sage réitéra sa création. Cette fois-ci, il mesura tout son amour dans la composition. Au début, ce fut comme dans un kaléidoscope. Des nouveaux atomes s’organisaient en réseau pour former des figures comme dans un jeu. Des combinaisons toujours nouvelles s’arrangeaient et offraient au monde que le sage avait créé un éclat harmonieux. Puis, au bout d’un temps, les étoiles s’éteignirent, le monde perdit sa clarté et s’effondra.

« Les mondes ont une vie et une mort. Ils s’épanouissent puis reviennent au néant. Si tu veux lui donner la vie éternelle, alors il faut lui insuffler ta propre vie et y demeurer. Tu comprends, bien sûr, que tu dois maîtriser le processus afin que ton monde soit stable. »

Le sage approuva et accepta les leçons et les conseils de ses quatre guides. Toute la journée fut consacrée aux essais, aux échecs, au travail, à des découvertes, à de nouveaux échecs. Mais l’enrichissement augmentait au fur et à mesure de l’avancée de la journée. Lorsque le soir tomba, ils rentrèrent se restaurer. Tandis qu’ils mangeaient, le garçon aux cheveux de jais annonça au sage : « Ce soir, nous allons pratiquer les songes. Tu verras, c’est très reposant et génial ! Tu te laisses transporter et, si tu es doué, il t’arrive plein de choses merveilleuses. »

Ils terminèrent leur repas puis, montèrent un escalier majestueux pour arriver dans une grande pièce circulaire dont le plafond était un dôme transparent. Au-dessus des étoiles dessinaient des constellations que le sage n’avait jamais observées.

« Comment rêve-t-on ? » demanda le sage. Les enfants répondirent : « Il y a deux forces opposées dans le rêve. D’abord, il y a toi, tes questions, tes préoccupations, tes envies, ton esprit. En face, il y a tes origines. Tu peux imaginer cela comme le yin et le yang. Toi l’homme terrestre d’un côté et toi, l’homme des étoiles de l’autre côté. La rencontre de ces deux entités va créer un rêve. Selon les mélanges et les combinaisons, cela peut être très beau, très fort, très créatif. »

Il était allongé et détendu. Il n’avait pas d’effort de création à faire ; juste se laisser dériver dans le voyage, observer et découvrir. Il se posait des questions. Il était aussi très curieux de cette rencontre avec lui-même ou plutôt son complémentaire. D’abord, il s’imagina un long tunnel. Il était à l’une des extrémités. Il se déplaça à l’intérieur pour atteindre l’autre terminaison. Il y découvrit une femme qui lui ressemblait et avec qui il ressentait une grande communication. Ce n’était pas ce à quoi il s’attendait mais il comprit aussitôt. Il prit alors la main se son moi féminin. Lorsque leurs mains se serrèrent ce fut comme un coup de foudre, comme une grande compassion, comme s’ils avaient vécu et partagé tous leurs souvenirs pendant toute une vie. Alors, ils rentrèrent dans le tourbillon du tunnel afin de trouver le passage. Lorsqu’ils arrivèrent au centre, ils replièrent le tunnel puis, le retournèrent. Ils baignèrent alors dans un espace empli de lumière. Plein de lumière. Comme s’il en venait de partout. Ils virent qu’ils étaient dans une fontaine de lumière et qu’ils en faisaient partie. Quand leurs yeux furent habitués à la clarté ambiante, un paysage fantastique se révéla dans leurs cœurs. Dans leur cœur et non dans leurs yeux car, étrangement, ils voyaient et percevaient le monde qui les entourait sans en discerner les formes comme dans la réalité de leur monde originel. Ils en avaient la perception mais sans la vision. Un œil nouveau venait de naître dans leur cœur. Le sage et la sage trouvèrent donc cela naturel. Non seulement naturel mais beaucoup plus précis et plus riche. Par leurs nouveaux sens, ils se dirigèrent sans difficulté sur la piste qui s’élevait dans le jardin conique. Au sommet de la pyramide arboricole, une clé. Pas une clé qui ouvre les portes mais une clé qui ouvre les mondes et la conscience. Dès qu’ils l’eurent en main, ils s’aperçurent que leurs corps avaient fusionné, que leurs cœurs s’étaient rejoints et qu’ils vivaient dans un monde aux multiples dimensions auxquelles ils avaient droit. En recouvrant le pays de ses origines, l’être nouveau salua ses congénères qui l’accueillaient.

« Bravo pour ton rêve, tu es doué » lui annonça l’un des garçons. Il venait de se réveiller dans un matin calme. Il avait encore quelques bribes, quelques fragments, quelques souvenirs de son rêve. Il avait un peu de peine de l’avoir quitté mais il était très heureux d’avoir approché d’aussi près sa source de lumière. Il se mit debout. Il avait faim.

La vie est faite d’expériences et de nourriture s’exclama-t-il !

Tableau de Laureline Lechat

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