Catégorie : Reflets Vers inédits

Les maladroits, les trop osés, les non satisfaisants, les « à revoir » et tous ceux qui auraient sans doute dû finir à la poubelle.
Ils n’ont pas été choisis. Trop vifs, trop mous, trop bruts, trop flous.
Mais ils sont là. Fragments d’élan, chutes de vers, éclats d’essai.
Ils ne brillent pas toujours… mais parfois, ils clignent de l’âme.

  • Le chat dégringolo

    Le chat dégringolo

    Mon petit farceur de mari m’a tendu tellement haut mes fils
    Qu’il sera sans doute marri d’savoir que, quand je me faufile
    Debout les pieds sur l’escabeau dont les quatre marches ballottent,
    Je m’fais siffler par les ribauds sous prétexte qu’ils voient ma culotte.

    Même le chat, ce scélérat, s’en vient jouer le funambule
    Et fait trembler mon étendage pareil aux cordes d’un violon.
    Sous un motif de chasse aux rats, il débouche sans préambule
    Et termine son dévergondage en s’agrippant de tout mon long.

    Alors l’escabeau fout le camps, je me cramponne au fil de fer
    Tandis que le chat dégringole en me labourant la chemise
    Puis, la culotte, par conséquent, tombe par-terre pour satisfaire
    Les petits voyous qui rigolent matant mon cul, quelle méprise !

    Illustration de Marta Orlowska.

  • Nouvelles voyances

    Même si la Terre perd la boule au cours de ces temps incertains,
    Les hommes cherchent une carrière et les femmes, leur avenir.
    La bosse du commerce roule chez des médiums fort libertins
    Qui ressassent à l’un ses barrières et à l’autre ses beaux souvenirs.

    Tant que la Terre sera ronde et les étoiles brilleront,
    Ils demanderont des miracles et une existence princière
    Car depuis que le monde est monde, jamais les yeux ne se dessilleront
    Et l’on aura besoin d’oracles et superstitions outrancières.

    Photos de Dana Trippe sur https:www.weekend-creative.comthoughtsinspiration76 .

  • Femme à rayures… femme à mouillure

    Femme à rayures… femme à mouillure

    Derrière une femme voilée se cachait une femme à rayures
    Qu’un soir en fermant ses volets, j’aperçus par l’entrebâillure.
    Plus tard sous le ciel étoilé, je revins pour la revoyure
    Et la surprise tout affolée, le corps nu, moite de mouillure.

    Juste vêtue de la pénombre que lui projetaient les persiennes,
    Je l’embrassai tout doucement derrière le moucharabieh.
    Je ne me souviens plus du nombre de fois où cette magicienne
    S’offrît dans un trémoussement de sa corolle bilabiée.

    Photo de Wojciech Magierski.

  • La contorsionniste

    La contorsionniste

    Pour les uns, elle se plie en quatre, pour les autres, toujours disponible,
    Tout est question d’adaptation au moule qui lui est offert.
    Ainsi, pour rentrer dans le cadre, sa position souvent pénible
    Se borne à la constatation qu’elle a franchement trop souffert.

    Femme élastique ou chiffe molle ? Femmelette ou bien loque humaine ?
    Il est tant de mots qui s’étirent qu’il y a autant de réparties.
    Mais pour passer à la casserole, celles à la petite semaine
    Devront satisfaire aux satyres ou les botter dans les parties.

    Veruschka von Lehndorff – 1972 par Richard Avedon.

  • En quête d’une héroïne

    En quête d’une héroïne

    Quand l’inspiration ne vient pas, tous mes conduits sont grand ouverts
    Pour permettre au canal du cœur d’irriguer l’imagination.
    Je me prépare un bon repas, je dresse la table et le couvert
    Je cherche, le gosier mastiqueur, le goût de la fascination.

    Souvent le goût de l’héroïne surgit brusquement dans la bouche ;
    Elle me raconte l’histoire salée d’une sorcière de Bohème
    Vêtue d’une robe en fibroïne aux fils de soie, elle débouche
    Ma bonde d’où viennent exhaler tous les arômes d’un poème.

    Photo de Haris Nukem.

  • L’heure bleue-et-or

    L’heure bleue-et-or

    En Rouge-et-or, j’ai beaucoup lu ; en bleu-et-or, j’ai parcouru,
    Pour mon plaisir, mon dévolu, beaucoup d’avenues et de rues.
    Rues miroitantes sous la pluie, avenues sombres sans un bruit,
    Quartiers partiellement détruits ou en train d’être reconstruits.

    Les silhouettes bleu-de-nuit, les façades aux grilles dorées,
    Les immeubles plongés dans l’ennui, ceux que des couples ont adoré.
    Amoureux sous un parapluie, mélange d’ombres et de gris,
    Un mot de trop venant de lui et elle qui part d’un pas aigri.

    Tableau de Thomas Schaller.

  • La franc-macronnerie

    La franc-macronnerie

    On le supposait « bon-à-rien », il s’est révélé bon aryen ;
    En pire, il a semé l’effroi en se prenant pour un petit roi,
    Petit roi qui a fait l’erreur de se prendre pour un empereur,
    Pour un Kaiser, pour un Führer, pour le tyran de la fureur.

    Il lance un pavé dans la mare puis, lâche, il largue les amarres
    En fuyant vers les antipodes préparer le prochain épisode.
    Mais lorsqu’on prouvera ses crimes, diront alors ceux qu’il opprime :
    « Tu paieras pour ta trahison et on te mettra en prison ! »

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • La carotte

    La carotte

    On m’a agité la carotte devant mon nez toute ma vie
    Et j’ai couru après l’argent nécessaire à mon existence.
    D’abord une simple marotte puis, une irrésistible envie
    Jusqu’au terme départageant où rien ne restait en substance.

    Finalement cette carotte, c’est moi, tel que j’imaginais
    La vie dans une société organisée pour le bonheur.
    Mais cet argent qui me garrotte tant et que j’emmagasinais
    Goulûment jusqu’à satiété est devenu mon déshonneur.

    Photo de Filippo Ioco.

  • La Terre est morte !

    La Terre est morte !

    Sur une mer couleur d’argent, sous un ciel couleur de pétrole,
    Le soleil brille comme de l’or derrière des nuages en diamants.
    Ainsi s’en vont se partageant les richesses en belles paroles
    Qui blessent la Terre indolore par ceux qui la tue patiemment.

    La mer se vide désormais de la vie qu’elle a fécondé,
    Le ciel s’obscurcit à présent de particules liposomes.
    Le soleil, aveugle à jamais, se cache derrière l’ondée
    Chargée d’acide omniprésent qui efface la trace des hommes.

    Photo de Julius Olsson sur https:www.tate.org.ukartartworksolsson-moonlit-shore-n02787 .

  • L’ancêtre

    L’ancêtre

    Je suis comme un tricot de laine dont le temps tire le fil qui pend
    Qui lentement me détricote des jambes jusqu’au périnée.
    Ma peau, jadis de porcelaine, se fragmente en s’entrecoupant
    De rides qui s’emberlificotent comme un sourire buriné.

    Restera-t-il un souvenir, une vieille photo jaunie
    Qui finira dans un album à ma mémoire disparue ?
    Je vis ainsi mon avenir par ma vieillesse rajeunie
    Lorsqu’arriva l’ultimatum où devant Dieu j’ai comparu.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • L’exo-squelette

    Le formatage par la crainte m’a doté d’un exo-squelette
    Qui me contraint et qui m’enferme d’une solide carapace.
    Plus se resserre son étreinte et plus ma personne maigrelette
    S’atrophie et atteint le terme où elle faiblit, où elle trépasse.

    Voilà le but de ce carcan que le pouvoir me fait porter
    Afin de mieux m’éliminer au cas où je ne saurais me taire.
    On me contrôle en me marquant et pourquoi pas me déporter
    Derrière des enceints minées dans le trou du cul de la Terre !

    Photo de Maciej Grochala sur http:www.bleaq.com2015maciej-grochala .

  • Sous la glace

    Sous la glace

    De l’autre côté de la glace qui miroite le monde à l’envers,
    Vivent tous les déshérités qui n’ont pas l’droit de respirer.
    Ce petit peuple se déplace tant bien que mal dans l’univers
    Et se cachent, en vérité, des imbéciles mal inspirés.

    Parfois dans mes rêves, j’inverse le sens de la réalité
    Pertinemment je me retrouve du côté des expatriés.
    Cette situation perverse me fait revoir l’actualité
    Et j’examine et j’éprouve l’antagonisme approprié.

    Illustration d’Oriol Vidal.

  • Femme-fleur

    Femme-fleur

    Une jolie fleur dans une belle peau, soit un beau soleil dans le dos,
    Et la journée s’embellira vers une promesse d’amour.
    Deux petits oiseaux bien à propos, un joli paon sur une poule d’eau
    Et mon petit cœur s’emballera sur cette invitation glamour.

    Tandis que le soleil s’affaisse sur le Mont de Vénus ambré,
    Le paysage se détend dans la douceur du crépuscule.
    L’ombre s’étire sur les fesses, les jambes et le bassin cambré ;
    La nuit referme ses battants et les étoiles se bousculent.

    Photo de Craig Tracy sur https:www.topito.comtop-bodypainting-craig-tracy .

  • L’œil du désert

    L’œil du désert

    La nature joue de paréidolie lorsqu’elle imite des visages
    Comme les formes dans les rochers, dans les nuages ou les feuillages
    Des forêts d’arbres qui s’exfolient en resculptant le paysage
    Ou dans les ronces décrochées après un rude débroussaillage.

    Dans le désert, souffle l’artiste qui expose sa galerie.
    Tableaux de couches et de structures qui rappelle l’œil du créateur,
    Rose des sables et améthystes mimant une animalerie
    Et dunes haussées de sculptures d’un enthousiasme idéateur.

    Photo de « l’œil du désert » en Iran.

  • Femmes-fruits

    Quand les femmes-fleurs ont mûri, elles deviennent femmes-fruits.
    La nature fait bien les choses et nourrit l’homme en abondance.
    Pour prévenir la pénurie je vous propose dès aujourd’hui
    Que les jeunes fleurs à peine écloses soient traitées sans condescendance.

    Arrosées quatre fois par jour d’attention et de courtoisie,
    Retaillées à chaque saison de nouvelles tenues à la mode.
    Ensemencées avec amour pour le nectar et l’ambroisie
    Que leur cœur produit sans raison pour que leurs hommes s’en accommodent.

    Tableaux de Jean Dominique Antony Metzinger sur https:fr.wahooart.comArt.nsfArt_FR?Open=&Query=Jean%2CMetzinger .

  • Les reines des tabloïds

    Le marketing la plébiscite, la publicité la chérit,
    Tous les magazines l’adulent et tous les médias la vénèrent.
    Pas un seul jour où l’on ne cite les nouvelles d’une chérie,
    D’une vedette à particule ou d’une star imaginaire.

    Mais la reine des tabloïds n’est reine que dans son pays ;
    La réalité la replace dans son monde phallocratisé.
    À cette loi bizarroïde, les hommes ont toujours obéi
    À moins qu’un jour, on la remplace par un transgenre médiatisé.

    Tableaux d’Arnaud Bauville.

  • La femme de bric et de broc

    La femme de bric et de broc

    De temps en temps, Dieu sur sa table, recycle ses vieux matériaux
    Et refait Ève avec l’image des présentoirs des bars-tabac.
    Les briquets bon marchés jetables, utilisés a contrario,
    Sont assemblés après usage pour faire office de djellaba.

    Jetons, doses homéopathiques, tout est mis à contribution
    Pour créer de bric et de broc, une femme de pacotille.
    Après ce moment pathétique de folie de substitution,
    Avec Lilith, sa réciproque, ils s’esclaffent de leurs broutilles.

    Tableau de Renaud Delorme.

  • Plus il y aura de trous…

    Plus il y aura de trous…

    Encore plus de trous dans les robes sur les cuisses et les poitrines
    Et moins il y aura d’artifice qui sont des tissus de mensonges.
    Lorsque l’étoffe se dérobe, la femme devient une vitrine
    Dont par ses petits orifices toute sa beauté se prolonge.

    Évidemment, mon cœur fantasme par ses visions à rayons X
    Et mon esprit libidineux lorgne à travers la moindre niche.
    Mais n’y voyez aucun sarcasme sur cette mode assez prolixe
    Qui fait des prix faramineux de fringues de plus en plus chiches.

    Montage Photo de Michel Lamoller sur http:www.journal-du-design.frarttautochronos-par-michel-lamoller-65006 .

  • La prosopagnosie

    Les gens me paraissent informes dans mes mémoires accumulées.
    Je ne suis pas physionomiste mais plutôt prosopagnosique.
    L’incapacité non conforme que je cherche à dissimuler
    Mais trahit l’anticonformiste qui se défend d’être amnésique.

    Parfois les visages s’estompent seulement après quelques années
    Si je les ai perdus de vue ou oubliés depuis des mois ;
    Parfois ils partent en grande pompe de façon presque instantanée.
    Étrangement, par mes bévues, les gens se souviennent de moi.

    Tableau de Le Corbusier de l’expo Beaubourg http:celine-photographie2.overblog.com201505exposition-le-corbusier-a-beaubourg.html .

  • J’ai, mais littéralement, le choix

    Gémellité entre deux sœurs provoque des interférences
    Je me suis toujours demandé comment peut-on préférer l’une
    Plutôt que l’autre en connaisseur de cette ultime différence
    Qui fait qu’une âme est quémandée tandis que l’autre, inopportune.

    Bien sûr, cette légende urbaine sur la complicité des sœurs
    Pourrait expliquer qu’au contraire, elles ont déjà fait leur choix.
    Elles profiteraient de l’aubaine en se renvoyant l’ascenseur ;
    La décision bien arbitraire à la meilleure qui gagne, échoit.

    Tableaux de Lia van Elffenbrinck sur http:liavanelffenbrinck.comabout-me .

  • Le bonhomme vert

    Le bonhomme vert

    On prétend qu’il vit en ermite comme un vieux bonhomme pervers,
    On ne sait pas où il habite mais il ferait tout à l’envers.
    Il vivrait nu dans sa maison qui sentirait le renfermé ;
    Il n’aurait plus toute sa raison derrière ses volets fermés.

    Tous ces propos sont des rumeurs, billevesées, calembredaines ;
    Les gens sont de mauvaise humeur quand on n’a pas de vie mondaine.
    Si l’homme vit comme un ascète si c’est là tout ce qu’il sait faire,
    S’il ne porte ni slip, ni chaussette ; quoi qu’il en soit, c’est son affaire.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Entre l’apéro et le café

    Entre le verre d’apéro et la tasse de café serré,
    Ce que je prends est superflu. Eh oui mais comment m’en passer ?
    J’aurais l’estomac à zéro dans les talons aux pieds ferrés
    Si l’eau à la bouche, qui afflue, n’en était pas la panacée.

    Lorsque l’appétit va, tout va ! Mon petit ventre me le dit.
    Plus je me prive, plus je m’aigris et plus je joue la comédie.
    Mais lorsque je mange à tout-va, mon petit ventre s’arrondit ;
    Je me dis : « Demain, je maigris ! » mais la balance m’en dédit.

    Tableaux de Georgy Kurasov.

  • Aimez-vous la fondue ?

    Aimez-vous la fondue ?

    L’homme fait bouillir la marmite avec des idées morfondues
    Quand sa bourguignonne de femme lui prend la rate au court-bouillon.
    La tension atteint ses limites et lorsque les plombs ont fondu
    Tous les propos les plus infâmes se répandent comme papier brouillon.

    Bien sûr, nous ne sommes pas en sucre mais quand les propos sont blessants
    Le cœur se fend et se disperse par la peine autant redoutée.
    Cessons de suivre des goûts de lucre et montrons-nous compatissants
    Et si l’un de nous tergiverse, laissons-lui le temps de douter.

    Photo de Jean-Charles Debroize.

  • Exlibris

    Exlibris

    J’inviterais bien mes lectrices voir mes estampes japonaises
    Mais je n’en ai et ça m’ennuie aucune et ça m’aggrave ma douleur.
    J’ai eu l’idée inspiratrice d’utiliser quelques punaises
    Avec mes livres pour appui sur des volumes de couleurs.

    Ma bibliothèque nippone prend des allures de Geisha
    Et j’offre des jours de bon thé à celles qui l’apprécieront.
    Venez luronnes et friponnes partager un peu d’herbe à chat
    Que je cultive avec bonté sur le devant de mon perron.

    Création « Geisha » de Vincent Magni.

  • Manque de ressort

    Manque de ressort

    Panne de ressort dans les tendons, manque de tonus dans les artères,
    Défaut d’énergie dans le cœur, crise de foie, prise de tête.
    Voici ce que nous entendons depuis les cieux jusqu’aux parterres
    Par notre corps à contrecœur et l’esprit chargé de tempêtes.

    Que s’est-il passé dans ma tête et qui me fait tirer l’alarme ?
    Qui me donne la chair de poule et qui me fait claquer des dents ?
    Qui me bombarde d’épithètes, qui me menace de ses armes ?
    Qui me confine et me refoule ? Évidemment, le président !

    Vaccinez-moi de la bêtise qui nourrit le corps des moutons !
    Confinez-moi dans l’autre monde afin d’abréger mon séjour !
    Isolez-moi de l’expertise de la mort au premier bouton !
    Saturez-moi de mots immondes ; trop tard, je suis aveugle et sourd !

    Photo d’Ismoyo Adhi.

  • Le patriarche

    Le patriarche

    Quand Noé, assis sur son trône, chaussé des bottes-de-sept-brasses,
    Avait terminé sa tournée et nourrit sa ménagerie,
    Il attendait que sa patronne le félicite et puis, l’embrasse
    Afin de finir la journée dans le foin de la bergerie.

    Il n’osait atteindre le comble de ses perversions déviées
    Car la bergère insatiable commençait à le fatiguer.
    Il vit arriver la colombe porteuse du rameau d’olivier
    Comme un présage appréciable après avoir tant navigué.

    Sculpture de Beau Raymond.

  • Labyrinthe religieux

    Labyrinthe religieux

    Dieu est partout, omniprésent, mais surtout éternel absent.
    Sa Sainteté laisse les hommes aller au bout de l’expérience.
    Dans la fenêtre du présent où Dieu a posé son accent,
    J’entrevois la porte fantôme d’un labyrinthe aux clairvoyances.

    Les catholiques portent à droite, les protestants plutôt à gauche,
    Les musulmans tournent en rond et les hébreux sont dans l’impasse.
    La carte divine maladroite n’était sûrement qu’une ébauche
    Avec la bible aux environs qui indiquerait qu’un ange passe.

    Photo de Michele Durazzi.

  • Mon étrange reflet

    Mon étrange reflet

    J’ai joué à l’apprenti sorcier en découvrant la boîte noire
    Qui contenait mon subconscient, mon aura, mon coeur et mon âme.
    Puis, j’ai prié le Grand Sourcier, ce Dieu de toutes mes mémoires
    Pour qu’il recrée à bon escient une copie de mon programme.

    Lors à partir de mon génome, j’ai décodé mon ADN
    Pour reproduire un nouveau corps destiné à me compenser.
    Mais au lieu d’obtenir un homme de la bonne vieille souche aryenne,
    Une sorte de manticore est née du fruit de mes pensées.

    Et me voici avec mon double, un animal à quatre pattes
    Aux rayures rouge et azur d’une robe du plus bel effet.
    Cette bestiole, de plus, me trouble car elle aussi télépathe
    Et refait sans demi-mesure exactement ce que je fais.

    Illustration de Moebius.

  • L’île au héron

    L’île au héron

    L’île au héron, à ma fenêtre, possède plusieurs patronymes
    Quand les grandes crues la recouvrent, elle devient l’île sous-marine ;
    Quand la sécheresse se fait connaître, elle devient presqu’île unanime ;
    En temps normal, elle se découvre gîte aux hérons qui l’entérinent.

    L’île au héron, d’humeur changeante, reste fidèle à ses oiseaux.
    Canards et toutes leurs familles, poules d’eau, corbeaux et hirondelles
    Trouvent sa retraite arrangeante et nourriture dans les roseaux ;
    D’autres insectes y fourmillent et sont chassés à tire-d’aile.

    Tableau de Robert E. McGinnis.

  • La cage

    La cage

    La pudeur devient une cage qui enferme la liberté
    Et l’homme ne peut vivre nu sans un esclandre fatidique.
    Le corps nu oppose un blocage aussitôt que la puberté
    Marque ses organes charnus qualifiés d’objets impudiques.

    Le fardeau de la connaissance implique le sexe caché
    Par le tabou des religions et d’extrémismes infatués.
    Dès le moment de la naissance, nous sommes déjà harnachés
    Afin que nous privilégiions un corps sans genre asexué

    Illustration de Thorn sur https:twitter.comthorn_bulle .

  • Les petites allumettes

    Toutes les mères d’autrefois ont consenti un sacrifice
    Pour transmettre aux générations la flamme heureuse et préservée.
    L’honneur ne sert jamais qu’une fois et part comme un feu d’artifice
    Qui demande coopération et consommation réservée.

    Semblables aux boîtes d’allumettes, gardiennes de la flamme sacrée,
    Qui renferment dès leur naissance une cinquantaine d’allumeuses
    Prêtes à jouer aux fantômettes pour un coup de foudre exécré
    Et un peu de luminescence vers une destinée fumeuse.

    Tableaux d’Emilio Pettoruti sur http:www.midcenturia.com201105emilio-pettoruti-paintings.html .

  • La Tour Bönickhausen

    La Tour Bönickhausen

    Né Bönickhausen, son vrai nom – pour les français imprononçable –
    Gustave Eiffel fut reconnu comme un ingénieur autochtone.
    J’ose imaginer le renom qu’aurait sa Tour impérissable
    Si sa souche eut appartenu à la descendance teutonne.

    Et pourquoi pas un Champ-de-Mars rempli de moutons de Panurge
    Avec des vaches qui regardent passer les bateaux sur la Seine ?
    Avec un berger pour comparse au lieu d’un président qui purge
    La république par mégarde au pas d’une marche malsaine.

    Tableau d’Ivan Generalic.

  • Trois-quart

    Trois-quart

    Minuit-trois-quart, je me retourne tout en sueur, le cœur battant
    J’ai rêvé que la Terre tourne au rythme des sabots de Satan.
    Six heures trois-quart, je tourne encore ma langue sept fois dans la bouche
    Avant d’appeler Eléonore, à me rejoindre sous la douche.

    Midi-trois-quart, je virevolte, j’ai l’estomac dans les talons
    D’une assurance désinvolte, je pique-nique dans le salon.
    Six heures trois-quart, je tournicote au quatre coins de ma maison
    Eléonore me bécote et me fait l’amour sans raison.

    Photo de Joe Cavazos.

  • L’homme sans tête

    L’homme sans tête

    Je vins à vous, la tête vide, un corps tout neuf et l’esprit vierge
    Pour que vous pussiez m’initier aux quatre vertus cardinales.
    Toute mon âme était avide d’humanité qui la submerge
    Par des solides amitiés et des amours phénoménales.

    J’ai découvert que la justice devait jouer de tempérance
    Par une épée à double lame mais aussi à double tranchant
    Entre droiture et injustice à employer avec prudence
    Selon que la force de l’âme assouvisse ou non ses penchants.

    Photo Le Cirque Du Soleil.

  • Sous surveillance

    Sous surveillance

    Grâce à nos nouveaux téléphones, on nous écoute où que nous sommes ;
    Grâce aux cameras embarquées, nous nous faisons tous remarquer.
    Grâce à nos cartes de crédit, nos comportements sont prédits ;
    Grâce à nos courses sur le net, nous sommes fichés sur la planète.

    Grâce aux vaccins obligatoires, les labos sont jubilatoires ;
    Grâce aux voyages organisés, le tourismes est mécanisé ;
    Grâce à notre télévision, nous baignons dans une illusion
    À laquelle nous sommes attachés, il est trop tard pour s’en cacher.

    Tableau de Robert Giusti.

  • Le coup du parapluie

    Le coup du parapluie

    Ce petit coin de paradis sous l’abri de mon parapluie,
    Je le travaille, comme il se doit, les jours d’orage, évidemment.
    Ainsi je vais, d’un pas hardi, proposer mon abri fortuit
    À la première que je coudoie, en l’invitant élégamment.

    À partir de la quatrième, je suis suffisamment rodé
    Et je commence à négocier mon abri au le prix d’un baiser.
    Le croiriez-vous ? Pas de dilemme ! Toutes s’y sont accommodées ;
    Beaucoup l’ont très apprécié et pas une seule n’a refusé.

    Illustration de Claudia Lucia McKinney.

  • Transmission de pensées

    Transmission de pensées

    Dans la musique du silence de l’ombre bleue d’un jour d’été
    Je paressais dans la fraîcheur d’une ruelle ensommeillée.
    Oubliant toute vigilance, dans une quiétude hébétée
    Un chat s’allongea, l’air bêcheur, sur le côté ensoleillé.

    Que pouvait donc penser ce chat avec ses allures de pacha ?
    J’en fus soudain récompensée par la transmission de pensées :
    « Plutôt que jouer comme un pied sur les marches de l’escalier,
    J’y joue plutôt de mon séant ; le style est beaucoup plus seyant. »

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Mélancolie d’un jour de pluie

    Que faire quand il n’y a rien à faire ? Voilà le but de l’existence !
    Que dire quand il n’y a rien à dire ? Telle est la question de la vie !
    Ressasser n’est pas mon affaire, je dois me rendre à l’évidence
    À défaut de ne me prédire que réflexions d’un même avis.

    Lire pourrait tromper l’ennui, écrire pourrait me fair frémir,
    Chanter ferait tomber la pluie et ça suffit pour aujourd’hui !
    Il ne fait pas encore nuit, il est trop tôt pour s’endormir
    Et mon esprit, en court-circuit, ne rêverait que parapluies…

    Tableaux d’Armando Barrios https:www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com201511Armando-Barrios.html .

  • Ça pousse comme des champignons !

    Ça pousse comme des champignons !

    Pour rompre avec les traditions, il naîtra dans les champignons
    Notre prochaine génération de rejetons plutôt trognons.
    Mais gare aux garçons vénéneux et aux filles empoisonnées
    Avec visages boutonneux, mal chapeautés, mal façonnés.

    Afin de mieux les reconnaître au sein des nombreuses familles
    On choisira, au pifomètre, séparément garçons et filles.
    Un vrai retour à la nature grâce à la mycétologie
    Qui rendra nos progénitures plus végétatives aux logis.

    On se dira : « C’est malheureux cette drôle d’évolution
    Qu’a dû subir l’humanité à cause d’apprentis sorciers
    Qui, par leurs discours chaleureux et leurs vaccins en solution
    Injectable pour l’immunité, ont fait de nous des sacrificiés.

    Photo de Riitta Ikonen & Annie Collinge.

  • Une fille à la barre

    Une fille à la barre

    Une fois larguées les amarres d’un amour perdu à jamais,
    Le cœur s’en va à la dérive sur le canal de la tristesse.
    La fille blessée en a marre et se laisse aller désormais
    N’importe où et, quoi qu’il arrive, en fonçant à toute vitesse.

    Mais la vie d’un fleuve tranquille connaît le calme et la tempête
    Et ce n’est plus le gouvernail mais le courant qui l’éconduit.
    La fille, comme une presqu’île sur l’océan de l’escampette,
    Refleurira, vaille que vaille… néanmoins c’est elle qui conduit.

    Illustration de Jean-Pierre Gibrat.

  • Pyramide

    J’aime quand l’artiste rejoint la pyramide des besoins
    Et quand les acrobates ensemble miment le monde qui nous ressemble
    Par une simple observation de leurs propres motivations.

    Au sol, les hommes physiologiques s’assurent des lois de la logique ;
    Debout, les hommes sécuritaires se révèlent surtout solidaires ;
    Assis, les hommes de l’affection ne montrent aucune défection ;
    L’homme de l’estime de soi est apprécié quoi qu’il en soit ;
    Quant à l’homme d’accomplissement il voit son resplendissement…

    Si la crise de la quarantaine sape le moral du capitaine,
    Il n’aura qu’à recommencer d’autres pyramides romancées.

    Le Cirque Trois-Rivières sur https:quebec.huffingtonpost.ca20150203cirque-du-soleil-hommage-beau-dommage-trois-rivieres_n_6605906.html .

  • Héros de papier

    Héros de papier

    Drogué à l’encre du plaisir de m’identifier aux héros
    Des aventures de papier aux confins des pages brochées,
    J’aimais cultiver le désir de suivre chaque numéro
    Depuis l’école, rentrant à pied et faisant maints et maints crochets.

    Depuis la Grande Pyramide, quarante siècles d’aventures
    Ont sonné l’écho des histoires, en plusieurs tomes déclinées.
    Garçons et filles, bien timides, sortaient de leurs mésaventures
    Par chaque pas vers la victoire des héros de bandes dessinées.

    Illustration de Jean Pierre Gibrat.

  • Un jour à la fenêtre

    Un jour à la fenêtre

    Passer un jour à la fenêtre à observer le temps qui passe
    Comme si j’absorbais le décor de l’extérieur vers l’intérieur,
    Passer mon temps à reconnaître le moindre détail qui dépasse
    De mon présent en désaccord avec mon passé antérieur.

    Je le pratique cent fois par jour quand je travaille à mon bureau,
    Selon ce que je manigance et que je crée dans ma cuisine.
    Ainsi j’agrémente mon séjour de poèmes caricaturaux
    Qui content les extravagances sentimentales qui m’avoisinent.

    Illustration de Jean Pierre Gibrat.

  • L’empreinte du masque

    L’empreinte du masque

    Quand nous aurons abandonné ces fichus masques imbéciles
    Qui n’ont jamais que défendu l’économie protectionniste,
    La tessiture amidonnée laissera des traces indélébiles
    Marquant les visages morfondus par leurs cicatrices bien tristes.

    Et malheureusement pour moi qui ne l’ai presque pas porté,
    J’afficherai ma tête intacte et me ferai vite repérer.
    J’attendrai donc au fil des mois que ces marques soient emportées
    Dans l’oubli du zéro-contact que je n’ai plus qu’à espérer.

    Illustration d’Enki Bilal.

  • Vivent les clones !

    Vivent les clones !

    Vive la vie multipliée, clonée et stéréotypée
    Grâce aux médias qui nous formatent et nous apprennent à rêver !
    Vive le monde simplifié et le bonheur anticipé
    Par nos attitudes automates dans des projets parachevés !

    Certes, il y aura des bousculades à la piscine et sur les pistes
    Mais avec un cerveau commun, tout ira comme sur des roulettes.
    N’ayons pas peur de l’escalade vers cet avenir utopiste
    Puisque, tous ensemble comme un, nous nous courbons sous sa houlette.

    Tableau de Maria Svarbova.

  • À refaire !

    Il semblerait que dans ce monde où plus rien ne sera comme avant,
    Il faille un jour recommencer et tout oublier du passé.
    Que mon cœur d’enfant vagabonde dans un futur dorénavant
    Où il n’ait qu’à ensemencer un peu d’espoir à ramasser !

    Quand nos enfants auront grandi dans ce monde de transition
    Que nos parents nous ont légué au nom de la civilisation,
    Soit ils en auront agrandi sa propre décomposition,
    Soit, aux animaux, délégués sa désindustrialisation.

    Tableaux de Marcel van Luit.

  • Tranches de vie

    Tranches de vie

    De l’enfance à l’adolescence, l’adulte, la vieillesse et la mort,
    Chaque période se consume dans une course à l’existence.
    Lorsque frappé d’obsolescence, je largue un étage sans remords
    On me prie comme de coutume de payer pour ma subsistance.

    La loi est dure mais c’est la loi quand ce n’est pas une religion
    Et dans une poussée juvénile, on part conquérir son destin.
    Moi, je verrais de bon aloi qu’un jour nous nous envisagions,
    Après le terminus sénile, être voyageurs clandestins.

    Sculpture d’Antonello Serra et de Sara Renzetti sur https:www.vice.comenarticlemg887qnsfw-disturbing-fleshy-sculptures-imagine-a-mutated-human-race .

  • Complémentaires et complimentaires

    Fruit d’un hasard élémentaire, les rencontres les plus fortuites
    Crèvent mon tissu de l’ennui lorsque je m’y attends le moins.
    Ce partenaire complémentaire, comme l’extra balle gratuite,
    Fait « tilt » en plein cœur de la nuit ; seule la Lune en est témoin.

    Car aussitôt le coup de foudre d’un beau sourire complimentaire
    Frappe mon cœur d’un coup de grâce qui, toute mon âme, disloque.
    L’amour me met le feu aux poudres comme étincelle élémentaire
    Et ma raison tombe en disgrâce d’un esprit qui bat la breloque.

    (Zoë Mozert – alias Alice Adelaide Moser – illustratrice et peintre américaine, 1907-1993).

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Homo-z-oiseaux

    Que ma Nature fasse sécession entre le haut, entre le bas,
    Entre les eaux, entre les airs, entre les sexes, schisme suprême !
    Qu’elle en accepte la mission à perpétuer son combat
    Et qu’elle me sorte du désert pour vaincre toutes mes extrêmes !

    Hélas, ma cervelle d’oiseau me fait rêver, le nez en l’air,
    Je suis la voie que ma Nature m’a choisi comme évolution.
    Je suis faible comme un roseau qui plie sous les vents en colère
    Mais qui porte la signature d’une forte irrésolution.

    Tableaux d’Igor Morski.

  • La tournée du chat noir

    La tournée du chat noir

    Dès potron-minet, on s’attable et de peur qu’on ne se morfonde,
    Qui son épée, sa hallebarde lève pour payer sa tournée.
    L’aubergiste, homme respectable, remplira leurs gorges profondes,
    Gosiers secs et bouches bavardes, patiemment toute la journée.

    Quand vient la tournée du chat noir – à l’heure où les matous sont gris –
    Les esprits battent la campagne et les cœurs parlent en divaguant.
    L’alcool fait perdre la mémoire tandis que la bourse maigrit ;
    Alors compagnons et compagnes rentrent chez eux en zigzaguant.

    Illustration d’André Juillard.