Catégorie : Poésie du dimanche

  • Jardinières des quatre saisons

    Comment avoir une main verte lorsque j’ai le cœur à l’envers ?
    Peut-être avec des fleurs à rire, rire jaune de préférence.
    Les Jonquilles me déconcertent, les tournesols sont un calvaire
    Lorsque je les vois parcourir d’Est en Ouest leurs révérences.

    Comment paraître un peu fleur bleue lorsque j’affiche un air morose ?
    Sans doute avec des fleurs couleur d’un ciel d’azur et pastoral.
    Les hortensias trop globuleux, les myosotis pas assez roses
    Et l’agapanthe d’une pâleur à me rabaisser le moral.

    Comment écrire à l’eau de rose quand j’écris des poèmes tristes ?
    Probablement des fleurs du mal trempées dans un parfum de joie.
    J’ai des coquelicots dans ma prose avec des épines du christ
    Mais si leur rouge est optimal, l’encre est d’un effet rabat-joie.

    Et comment offrir des fleurs blanches à celle qui se marie demain
    Et qui me blesse ainsi le cœur par les épines du mariage.
    Hélas je pleurerai dimanche et jetterai sur le chemin
    Toutes mes bouquets avec rancœur et ma boîte de coloriage.

    Photos d’Endo Ayumi

  • L’étoile mouvante

    Que ne suis-je tortue, ma maison sur le dos
    Avançant lentement au rythme des saisons ?
    Que ne suis-je escargot dont la seule libido
    Est d’être hermaphrodite sans aucune raison ?

    Mais je ne suis que torture et je cours et je cours
    À la course à l’argent à la course du temps.
    La vie prend ma valeur pour en suivre le cours,
    Lui faut monter la cote par des krachs rebutants.

    Suis-je encore vivant quand j’arrête la course
    En voyant tous les autres accélérer leur pas ?
    Hors du temps désormais autour de la Grande Ourse,
    Je ne suis qu’une étoile échappée du combat.

    Illustration de Marija Tiurina

  • L’oiseau et son modèle

    Vêtue de robe de rosée, fleurie d’un rayon de soleil,
    Elle apparut au maître-oiseau comme un modèle, comme une idée.
    La muse métamorphosée en déesse en demi-sommeil
    Émergeant entre les roseaux inspira l’artiste décidé.

    L’oiseau, un peintre méconnu dont la carrière battait de l’aile,
    Livra une toile immortelle malgré la critique timorée.
    Hélas pour la belle ingénue, celle-ci n’eut droit à pareil zèle
    Et retourna dans l’éternelle et bien mystérieuse forêt.

    Illustration d’Emmanuel Lepage

  • Amours d’antan, d’hier et d’aujourd’hui

    Amours d’antan, datant d’autant d’années que de nouvelles lunes
    Résonnent encore dans l’Histoire, Égypte ancienne et Rome antique.
    Reines et rois omnipotents ou gentilshommes de fortune
    Nous ont légué ce goût notoire pour les épopées romantiques.

    Amours d’hier et d’avant-hier restent sur les photographies
    Le témoignage des passions de nos grands-pères pour nos grand-mères.
    Familles pauvres ou condottières avec ou sans biographies
    Nous ont laissé la compassion envers d’impossibles chimères.

    Les amours d’aujourd’hui s’accordent avec les rêves de princesses,
    Avec l’argent et les voyages, avec les shows télévisés,
    Avec ruptures et discordes, avec problèmes de grossesses…
    Pour rire après le troisièmes âge de toutes nos billevesées.

    Illustrations de Mike Willcox

  • Mes ballets d’école

    Si j’endors tous ces petits « moi » qui veulent diriger ma vie,
    J’arrive alors à retrouver le chemin de mon âme pure.
    Et je retrouve avec émoi tous ces fragments avec envie
    Qui se réveillent pour m’éprouver et m’allouer cette coupure :

    Dans le globe de mon enfance, dansaient des ballets merveilleux
    Sur des musiques féeriques et des pays imaginaires.
    Mes petits neurones sans défense, encore en état sommeilleux,
    Pensaient en idées génériques pas encore extraordinaires.

    Dans le flou de l’adolescence, ils se sont mis à tournoyer
    Sous l’effet de testostérone dictée par mes pressentiments.
    Tous mes sens en effervescence s’en retrouvaient soudain noyés
    Afin que le cœur fanfaronne à éprouver ses sentiments.

    Aujourd’hui le cœur accélère ou bien la Terre tourne trop vite
    Et moi, j’orbite dans mon refuge autour d’un ballet endiablé.
    Toutes mes pensées parcellaires quittent mes neurones et lévitent
    Sous cette force centrifuge produite par un monde accablé.

    Photos de Tim Walker

  • Lune profonde

    Après neuf mois de traitement sous l’effet de l’action lunaire,
    Mon enfant est né cette nuit au bord de la mer silencieuse.
    J’ai commencé l’allaitement et senti mon lait liminaire
    Couler par un courant induit par une force délicieuse.

    J’aime venir me recueillir dans cette profonde moiteur
    Tamisée par la Pleine Lune qui nous inonde de lumière.
    Je laisse l’enfant t’accueillir de ses petits yeux convoiteurs
    Qui découvrent sur la lagune ta resplendissance première.

    Tableau de Tair Zairov

  • Lune extatique

    Pleine, Ô ma Pleine, Lune, Ô ma Lune, arrose-moi de ta pâleur !
    Baigne ma peau d’opalescence, oins-moi de ton argent nacré !
    Je viendrai à l’heure opportune t’offrir mon corps et sa chaleur
    Afin de t’offrir mon essence issue du féminins sacré !

    Je viendrai, nue, sur la colline recevoir la bénédiction
    Que tu as enfantée de l’astre par son amour illimité.
    Couchée sur les fleurs violines, j’écouterai les prédictions
    De cette graine qui s’encastre dans ma profonde intimité.

    Tableau de Karl Bang

  • Totale immersion – 2

    La femme arrosée par amour embellira sa pépinière ;
    À l’abri d’une protection contre la grêle et les tempêtes !
    Bien orientée selon le jour ou les nuits de Lune plénière
    Et entretenue d’affection, voire même de galipettes.

    La femme emballée par amour deviendra femme à part entière ;
    Toutefois sans l’asphyxier et la priver de liberté !
    Au contraire, faites-lui la cour en la libérant des frontières
    Et en sachant l’apprécier au point d’en être déconcerté.

    La femme écrite avec amour nourrira vos rêves d’azur ;
    Toutefois sachez varier et agrémenter son empire.
    Pimentez-lui avec humour la vie au fur et à mesure
    Et vous serez appariés pour le meilleur et pour le pire.

    Photos de Patty Carroll sur https://www.anothermag.com/art-photography/gallery/10112/patty-carroll-domestic-demise/2https://www.anothermag.com/art-photography/gallery/10112/patty-carroll-domestic-demise/2

  • Totale immersion – 1

    La femme implantée dans l’amour deviendra bonne jardinière ;
    Toutefois faites attention à bien conserver la main verte !
    Arrosez-la au fil des jours de votre passion coutumière ;
    Cédez à toutes ses prétentions et sa fleur vous sera ouverte.

    La femme plongée dans l’amour deviendra la fée du logis ;
    Toutefois avec vigilance, ne faites pas tourner la sauce !
    Agrémentez-lui son séjour avec tact et psychologie ;
    Sachez pratiquer l’abstinence quand ses humeurs sont à la hausse.

    La femme rimée par l’amour devient cantique des cantiques ;
    Toutefois cent fois sur le métier, vous remettrez-vous à l’ouvrage !
    L’amant au cœur de troubadour trouvera l’amour authentique
    En commençant par l’amitié pour terminer en mariage.

    Photos de Patty Carroll sur https://www.anothermag.com/art-photography/gallery/10112/patty-carroll-domestic-demise/2https://www.anothermag.com/art-photography/gallery/10112/patty-carroll-domestic-demise/2

  • Au jeu du chat et la souris

    Au jeu du chat et la souris, j’aimerais bien jouer à trois…
    Tantôt le chat, ce gros matou qui niche au creux de ton giron ;
    Tantôt la souris bien nourrie au fond de ton boyau étroit ;
    Tantôt la femme aux beaux atouts et ses amants, joyeux lurons.

    Au jeu du chat et la souris, j’aimerais bien jouer à quatre…
    Déguisé en un chat qui dort et qui te pelote les seins ;
    Baiser la bouche qui me sourit par ma langue vive et folâtre
    Qui, comme ton conquistador, pénètre au creux du saint des saints.

    Tableau de Anna Silivonchik sur https://www.thinkfeelart.com/anna-silivonchik

  • Le vieil homme, la sirène et la mer

    Le fabuleux combat épique entre un vieil homme et un Merlin
    Eut pour témoin une sirène qui suivit de près leur embrouille.
    Santiago, vieux pêcheur typique et un jeune garçon, Manolin,
    Partaient en mer, l’âme sereine mais rentraient tous les soirs bredouilles.

    Le vieux partit tout seul au large pour mettre fin à sa malchance
    Et mena une lutte acharnée contre un espadon gigantesque.
    Mais il ne put le mettre en charge et la sirène eut l’obligeance
    De lui conseiller d’ajourner son opération titanesque.

    Elle lui redonna du courage car il était temps qu’il s’arrête
    Et le soigna par ses massages, oui mais en tout bien tout honneur.
    Elle l’aida au découpage et de la tête et de l’arête
    Afin d’offrir par ce message qu’il avait trouvé son bonheur.

    Tableau de Anna Silivonchik sur https://www.thinkfeelart.com/anna-silivonchik

  • Comme un lundi bourgeonnant

    Lundi aurait pu être vert s’il était dédié au soleil
    Afin d’honorer la nature du premier jour de la semaine.
    Avec l’accord de l’Univers qu’un vent de comètes balaye,
    Lundi serait la signature de notre société humaine.

    Lundi aurait pu être rose s’il était dévoué aux fleurs
    Afin d’adorer les jardins et le bonheur à la campagne
    Qui réjouirait les cœurs moroses vidés de douleurs et de pleurs
    En invitant les citadins entre compagnons et compagnes.

    Lundi aurait pu être d’or s’il était coté à l’amour
    Plutôt qu’au fric qui fait l’affront d’être la seule raison de vivre.
    Mais le dimanche, tout le monde s’endort pour courir dès le petit jour
    Pour, à la sueur de son front, gagner le ticket pour survivre.

    Photos de Blake Kathryn sur https://trendland.com/blake-kathryns-sleek-3d-collaboration-with-fendi

  • Comme un lundi fleuri

    Lundi, jour bleu de la semaine, darde tout son soleil d’azur
    Aux premières heures du matin loin de la grisaille des villes.
    Cependant la marée humaine bat la cadence et la mesure
    Pour obtenir le quota atteint de son existence servile.

    Lundi, jour en accord au « La » de la nature chromatique
    Aux premiers oiseaux de l’aurore qui saluent la pointe du jour.
    Toutefois, l’homme est déjà las d’une expression fantomatique
    À écouter ceux qui pérorent pour lui oppresser son séjour.

    Lundi, jour au goût velouté de la primeur du potager
    Aux premières grappes mûries qui nous embaument les jardins.
    Néanmoins à n’en pas douter, l’homme passe son temps partagé
    Entre le risque de pénurie, le chômage et son coup de gourdin.

    Photos de Rhonda Buss sur http://rhondabuss.blogspot.com/2014/03/monday-morning-inspiration_24.html

  • Le cerf blanc morose

    Au pays des biches moroses, les cerfs sont blancs évidemment
    Mais quand celles-ci sont aux abois, ceux-là ne les entendent pas.
    On leur peint les sabots en rose afin que les sourdingues amants
    Leur fassent des signes avec les bois et puissent devenir papas.

    Il faudrait bien trouver la cause à une telle absurdité ;
    Les éleveurs perdent patience et tout le cheptel diminue.
    Qu’est-ce qui provoque leur psychose et entraîne leur surdité ?
    Sans doute qu’ils ont pris conscience de leur friande déconvenue…

    Tableaux de Daria Petrilli

  • La clef du cœur

    Lorsque vient le temps des secrets, la pudeur devient primordiale
    Et le cœur, sur sa défensive, exige la fidélité.
    Seul, un petit oiseau s’agrée des communications cordiales
    Par son allure inoffensive et sa célèbre intégrité.

    Bien sûr ! C’est l’oiseau messager, qui distribue les confidences
    Selon si la clef qui s’agréée correspond à l’expéditeur.
    Si les petits flirts passagers cherchent encore leurs correspondances,
    Ils ont beau faire de simagrées, ils ne seront point créditeurs.

    À chaque amour, chaque alliance, une combinaison éprouvée
    Dont seul l’amant et seule l’amante peuvent s’affranchir comme un tampon.
    Hélas il y a des défaillances et il aurait été prouvé
    Que des fausses clefs infamantes circuleraient sous les jupons.

    Tableau de Daria Petrilli

  • Le fol amour à Paris

    Décidément la Tour Phallique attire encore les amoureux
    Du mois de mars au Champ-de-Mars jusqu’aux confins automne-hiver.
    Le feu au cul des basiliques laisse Cupidon langoureux
    Décochant ses flèches éparses en les lorgnant d’un œil sévère.

    Après tout la Dame de Fer peut s’imposer en chaperon
    Puisqu’elle veille sur Paris et tous les couples illégitimes
    Qui vraiment n’ont pas à s’en faire car Elle bénit ces fanfarons
    Qui viennent tromper les maris et les épouses légitimes.

    Remercions Monsieur Eiffel d’avoir posé ce baromètre
    Qui note le temps des amours et les passions dans les chaumières.
    Car il suffit d’une étincelle pour faire monter le thermomètre
    Des coups de foudre au petit jour sur Paris, la ville lumière.

    Tableaux d’Andrei Protsouk

  • Aquatic love – 3

    Depuis les lacs verts de Bavière jusqu’enfin le Lac de Constance,
    Nous suivrons la route du tendre en naviguant sur ses cours d’eau.
    Nous remonterons les rivières jusqu’à leurs sources en circonstance
    Pour faire fondre sans attendre l’éclat de notre libido.

    La Suisse, côté allemand, nous y boirons dans ton calice
    Les eaux-de-vie alémaniques vives comme tes cuisses fraîches.
    Nous irons dans le Lac Léman nager lorsque le soir pâlissent
    Les chaînes de montagnes titaniques qui l’abreuvent de torrents revêches.

    En descendant par l’Italie, du Piémont à la Vénétie,
    Nous prendrons les lacs romantiques aux coups de foudre surannés.
    Et quand sonnera l’hallali de nos douces péripéties,
    Nous vivrons d’amours authentiques dans la mer Méditerranée.

    Illustrations de Lorenzo Mattotti

  • Le temps des câlins

    Le temps des câlins

    Que vienne le temps des câlins après une vie de labeur
    Lorsque la mort m’embrassera le cœur en paix, l’âme ravie !
    Même si c’ n’était pas très malin d’avoir entretenu ma peur
    De mourir quand s’arrêtera le dernier souffle de ma vie.

    Durant ma vie paradoxale, j’ai aimé la petite mort,
    Celle qui succède aux fantasmes après le plaisir de l’amour.
    Mais pour l’issue philosophale d’une existence sans remords,
    Oserais-je comme ultime orgasme, mourir de rire non sans humour ?

    Mais quand je quitterai ma vie, j’en aurai les jambes coupées ;
    J’embrasserai celles qui restent, qui m’aiment et que j’ai bien aimées.
    De la première qui m’a ravi à ma dernière jolie poupée
    Pour lesquelles mon dernier geste sera un rencard programmé.

    Sculpture de Bruno Bruni.

  • Sortie de l’ombre

    La vie serait née de l’espace brassée dans le coeur des étoiles ;
    La lumière serait la divine créatrice de notre univers.
    Je ne sais pas ce qui se passe derrière la science et son voile
    Mais mon petit doigt en devine tous les secrets les plus divers.

    « Fiat lux ! Que la lumière soit ! » Ces mots ont surgi du néant
    Comme une explosion d’énergie d’où se déversa la matière.
    Puis, s’étendît par-devers soi l’espace-temps comme un géant
    Qui se réveille en synergie avec un monde à part entière.

    Tableaux de Remedios Varo

  • Coopération et création

    Tandis qu’il répand la semence composée de poudre d’étoiles,
    Le créateur transmet la vie à la planète nourricière.
    Il attend que tout recommence pour que l’avenir lui dévoile
    La maintenance et le suivi de la part des bénéficiaires.

    Aussitôt qu’elle reçoit l’onde génératrice de la vie,
    La génitrice alors arrose la terre promise à l’essor.
    Elle déverse l’eau féconde qui assurera la survie
    Des filles aux pétales de rose, des garçons aux choux … et consort.

    Tableaux de Christian Schloe

  • Pervers Regards

    Regard sévère, regard amer voilà le prix de la souffrance
    Quand l’amour n’a pas eu son dû ou n’en a pas eu son content.
    Regard bleu-vert presque outremer ou fluorescent à outrance
    Pour marquer sans sous-entendu un litige qui se paie comptant.

    Regard de face en face-à-face voilà le prix de l’amertume
    Quand la tromperie se dilue dans l’eau de rose polluée.
    Regard tordu, plein de grimaces, saumâtre et d’un zeste d’agrume
    Pour mesurer l’huluberlu d’un sentiment dévalué.

    Regard qui s’en va de travers voilà le prix d’indifférence
    Quand elle veut taire les mots qu’elle n’ose pas prononcer.
    Regard qui renvoie à l’envers les fallacieuses déférences
    Qui écriront, chargé de maux, un chagrin d’amour romancé.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Tintin pour la Suisse !

    À peine franchi la frontière, je croyais maîtriser les langues
    – Puisqu’elles sont universelles en ce qui concerne l’argent –
    Pour naviguer ma vie rentière sur les eaux d’un euro qui tangue
    Entre les monnaies qui excellent et un franc suisse, départageant.

    Au début, leur langue curieuse ressemblait assez à la mienne ;
    Un peu plus lente entre les phrases avec un patois des alpages.
    J’eus alors une envie furieuse pour plaire à mes concitoyennes
    De parler la langue genevoise afin de paraître à la page.

    Mais à la frontière des langues, l’affront que j’essuie salement
    Me donne le pire des maux avec une langue imbuvable.
    Bien que ce pays me harangue de parler le suisse-allemand,
    Je n’en comprends pas un seul mot sinon un dialecte improbable.

    Parodies et hommages à Hergé

  • Comme un poisson dans l’eau…

    Heureux comme un poisson dans l’eau… mais limité à son bocal
    Qui paraît tellement fragile qu’il pourrait voler en éclats.
    La pollution va à vau-l’eau, et le gouvernement bancal
    N’est qu’un colosse aux pieds d’argile pour qui, déjà, sonne le glas.

    Et nos petites vies tranquilles que nous pensions inébranlables
    Se fissurent sur les frontières et à l’intérieur de nos villes.
    Nous pensions nos règles utiles mais les voici incontrôlables
    Aux mains d’autorités altières sur des groupuscules serviles.

    Tableau de Jacob A. Pfeiffer

  • Vu d’ici

    À vue d’œil derrière un écran, je vois mes propres opinions ;
    Je me vois, l’esprit mis à cran, privé de toutes réunions.
    À vue de nez derrière un masque, je sens mes propres excrétions ;
    Je me sens, une âme fantasque, asphyxiée sous l’oppression.

    À vue d’oreille derrière un casque, j’entends mes propres cris du cœur ;
    J’entends s’élever la bourrasque d’un peuple qui crie sa rancœur.
    À vue de goût, c’est le dégoût d’avaler ma propre nausée
    Envers ceux qui frappent des coups sur une foule ecchymosée.

    Tableau d’Arantzazu Martinez

  • L’embarcadère de rêve

    Un rêve qui ne manque pas d’air serait d’attendre un dirigeable
    Directement sur ma terrasse contiguë à l’embarcadère.
    Pour un voyage hebdomadaire avec billets interchangeables
    Afin que je me débarrasse des tracasseries légendaires.

    Puis, selon la boussole folle qui tournicote au gré des vents,
    Je m’embarquerais sans valise juste mes chaussures à la main.
    Et dans l’azur dont je raffole, je m’élancerais aux devants
    De l’aventure sans balise, sans destination pour demain.

    Et puis, à l’intérieur du rêve, s’entrouvrirait un autre monde
    Où disparaîtraient les frontières pour ne laisser que l’inconnu.
    Les heures, d’ordinaire si brèves, dans une course vagabonde,
    D’allongeraient la vie entière pour l’honneur d’un cœur ingénu.

    Tableaux de Stanislav V. Plutenko sur http://malaguetasur.blogspot.com/2015/03/stalinlav-plutenko-pintor-ruso.html

  • L’invitation au voyage

    Quand le cœur appelle,
    Quand il interpelle,
    L’invitation au voyage,
    Le corps lui répond
    « Partons au Japon,
    Courrons à l’appareillage ! »
    La raison s’efface
    Sans perdre la face
    Dans un simple lâcher prise
    Et l’âme s’éveille
    Devant les merveilles
    Issues de cette entreprise.

    Là, tout le sel de la Terre
    Charme le voyage en solitaire.

    Au hasard des rues,
    La peur disparue,
    J’irai à la découverte
    De nouveaux regards
    Aux yeux pleins d’égards
    Pour mes intentions ouvertes.
    Je rencontrerai,
    Je recouvrerai
    Cette âme-sœur en attente
    Qui m’attend là-bas
    Peut-être à Cuba
    Sur la plage miroitante.

    Là, le voyage solitaire
    Goûte le sel de la Terre.

    Quand je reviendrai,
    Quand je rejoindrai
    Mes amis et ma famille,
    Je leur offrirai
    Ces vers inspirés
    De l’odeur de la vanille.
    Je repartirai,
    Sans aucun regret,
    Vers de nouveaux paysages,
    Pour voir triomphants
    Grandir mes enfants
    De tout ce qu’ils envisagent.

    Là, le voyage reprend,
    Tout le monde se comprend.

    Au soir de ma vie,
    Mon âme ravie
    Connaît sa dernière étape,
    Elle largue les voiles,
    Va vers les étoiles,
    Personne ne la rattrape.
    Ce dernier voyage
    N’est qu’un nettoyage
    De l’essence tout entière
    Qui renaît demain
    Qui me tend la main
    Pour une vie sans frontière.

    Là, le voyage sans fin
    Trouve son plaisir enfin.

    Tableaux de Stanislav V. Plutenko sur http://malaguetasur.blogspot.com/2015/03/stalinlav-plutenko-pintor-ruso.html

  • La météorologiste

    J’aimais ses cumulonimbus sous son manteau en peau de nuit
    Qui épousait les dépressions et les sommets de sa poitrine.
    Mais au moindre cunnilingus, qui lapait doucement son huis,
    Sa bouche s’ouvrait d’une expression semblable à un lèche-vitrine.

    Quand l’amour parsème à tout vent, les corps subissent la tempête
    Dans les folles précipitations de l’effervescence des sens.
    On y revient le plus souvent dès que l’orage monte à la tête
    Aussitôt que l’excitation met les cœurs en incandescence.

    Illustration « Ter » de Dubois & Rodolphe

  • La chasse aux météores

    En ce temps-là, nonchalamment, perchés au sommet de la piste,
    Nous dénombrions les météores, pluies, grêles, ouragans et tempêtes.
    J’y accompagnais galamment ma belle météorologiste
    Comme deux anges égrégores assis sans tambour ni trompette.

    La nuit venue, secrètement, juchés sur un esquif fragile
    Nous naviguions sous le prétexte d’améliorer nos connaissances.
    Mais pour parler concrètement nous nous échappions des vigiles
    Pour nous aimer dans un contexte plus en rapport avec nos sens.

    Illustrations « Ter » de Dubois & Rodolphe

  • L’amour flou, flou, flou

    L’amour fait chavirer le cœur et en aveugle la raison
    Par interférences avec moires dans les souvenirs partagés.
    J’en veux pour preuve avec rancœur les errances en toutes saisons
    Dont j’ai gravé dans ma mémoire les mésaventures outragées.

    Ève voyait flou, Adam myope, ils n’ont pas reconnu la pomme,
    Ont croqué le fruit défendu dans un paradis de brouillard.
    S’ils avaient été nyctalopes ou bien consulté les Prud’hommes,
    Ils auraient été entendus par un avocat débrouillard.

    Voilà pourquoi l’amour est flou voici pourquoi l’amour voit double.
    Dieu nous a brouillé l’œil du cœur en nous privant de connaissance.
    C’est ainsi, l’homme devient fou ; c’est ainsi, sa femme le trouble
    Mais peu importe la liqueur pourvu que l’ivresse des sens.

    Tableaux d’Egor Ostrov

  • Souveraine matin, midi et soir

    Au matin la reine s’éveille encore éperdue dans les songes
    Dont les souvenirs disparaissent de sa mémoire vaporeuse.
    Il suffit d’un peu de soleil pour faire traiter de mensonge
    La nuit aux ténèbres épaisses fors d’une attente langoureuse.

    À midi, la reine s’habille encore baignée de rosée
    Avec des pétales de rose et leurs arômes inégalés.
    Juste un éclat sur les pupilles sur une joue couperosée
    Qui lui efface l’air morose de rester seule en son palais.

    Le soir, la reine au crépuscule encore en attente du roi
    Dont le retour imprévisible deviendrait presque indispensable.
    Sans un seul mot, son cœur bascule, affolé, en plein désarroi
    D’une émotion intraduisible et d’une envie imprononçable.

    Tableaux de Joshua Burbank

  • La fondue marseillaise

    Bien que ce ne soit pas Venise, ici, le soleil nous gondole
    Toutes les images, peuchère, trois cent soixante-cinq jours par an.
    Autant la chaleur galvanise, autant le pastis nous console,
    À l’ombre des portes cochères, à la santé de nos parents.

    Tableau de Tinou Grimal

  • La dame avec la tête en fleurs

    La dame sortit de l’auto arborant une tête en fleur ;
    Fleurs magnifiques de surcroît qui lui camouflaient le visage
    Comme ornements sacerdotaux qui dissimuleraient les pleurs
    D’une déesse de qui l’on croit obtenir un tendre présage.

    Elle fit quelques pas à droite et s’agenouilla sur la berge
    De la rivière dont les eaux transportaient les neiges fondues.
    Dans une action souple et adroite la dame dégaina sa flamberge
    Solennellement de son fourreau dans le silence répandu.

    Tableaux d’Anna Kincaide

  • Manifestement

    Manifestement alarmistes sur les dangers qui les menacent,
    Les oiseaux commencent à crier comme les Oies du Capitole.
    Assez craintifs et pessimistes, ils ne s’en affichent pas moins tenaces
    Dans le milieu approprié des domaines arboricoles.

    Manifestement trop nombreux sur la planète fragilisée,
    Les oiseaux commencent à pleurer avec les mouettes rieuses.
    Qu’ils soient blancs ou bien ténébreux, ils se sont tous coalisés
    Avec les poissons apeurés par la pollution injurieuse.

    Manifestement trop à dire, trop à se plaindre et protester,
    Les oiseaux commencent à maudire les cargos et les pétroliers
    À qui on devrait interdire d’impunément se délester
    Du pétrole dont on peut prédire la mort de la Terre spoliée.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Sous des spirales d’idées

    J’ai cru que la Terre était plate, j’ai cru que j’habitais au centre,
    J’ai cru que régnait le néant après le mur de l’horizon.
    Mais quand la vérité éclate – et même si cela fait mal au ventre
    Et me retourne sur mon séant – je dois me faire une raison.

    Alors il faut bien que j’admette, alors il faut bien que j’accepte
    Que tout ce que l’on m’a fait croire n’était qu’un monde d’illusion
    Avec ses plans sur la comète et ses vérités qu’on excepte
    Et ses dogmes contradictoires qui m’ont contraint par collusion.

    Aujourd’hui je lève le voile des doctrines d’obscurité
    Qui me maintiennent dans l’ignorance pour mieux m’auto-suggestionner.
    Je vois au-delà des étoiles mon futur de maturité
    Qui m’engage à la tolérance afin de me perfectionner.

    Tableaux d’Anna Ewa Miarczynska

  • La pomme de discorde

    Steve Jobs et les Beatles, déçus de n’avoir point été conviés,
    Désapprouvèrent le partage de la pomme de la discorde.
    Adam et Ève, bien fessus, n’avaient rien à leur envier ;
    Ils en subirent le boycottage par l’ange de miséricorde.

    Blanche neige et Guillaume Tell, trouvant la pomme empoisonnée,
    Jetèrent, sur Issac Newton, ce fruit sans trop de gravité.
    Bill Gates la mit sur Minitel et força tous ses abonnés
    À lui payer des kilotonnes de royalties accréditées.

    J’appelle tous les amoureux qui croquent la pomme à belles dents,
    À se souvenir de l’histoire de Blanche-Neige et de son prince
    Dont l’itinéraire langoureux s’apparente à Ève et Adam
    Qui pour une transgression notoire ont dû fuir leur jardin à pinces.

    Illustration de Marco De Angelis

  • En effeuillant la marguerite

    En effeuillant la marguerite, j’ai connu le bien et le mal ;
    En mesurant selon ses rites, j’ai jugé l’homme et l’animal ;
    En détachant chaque pétale, j’ai pesé, péché et vertu ;
    En dépouillant le végétal, j’ai vu le mâle qui s’évertue.

    À force de dire « je t’aime » de ma naissance jusqu’à ma mort,
    J’ai vu que le cœur du problème vit à travers tous mes remords.
    « Un peu, beaucoup et pas du tout », comme justice et injustice
    Peut-être je ne comprends pas tout mais tout est dans cet interstice.

    C’est à travers joies et douleurs que j’ai vu le ciel et l’enfer ;
    Je suis de toutes les couleurs, je suis le tout dans l’univers.
    C’est ainsi que j’ai pu apprendre que ce que je juge me juge ;
    C’est ainsi que j’ai su comprendre que je suis mon propre refuge.

    Inspiré d’un poème de Hazrat Inayat Khan, fondateur du « soufisme universel », un mouvement spirituel basé sur l’unité de tous les peuples et de toutes les religions.

  • Les quatre sens en question

    Sens-tu l’éternelle jeunesse battre chaque jour dans ton cœur ?
    Sens-tu sa douce flamme ardente brûler ton esprit de désirs ?
    Sens-tu la suprême finesse de l’âme et de son air moqueur
    Lorsque l’humeur pétaradante te fait explorer de plaisir ?

    Vois-tu l’éternelle lumière briller au plus profond de ton regard ?
    Vois-tu la couleur de l’amour lorsque tu joues à la poupée ?
    Vois-tu la vérité première qui sort de ton sourire hagard
    Lorsque ta bouche avec humour me dit « je t’aime » à mots coupés ?

    Entends-tu le son de ta voix lorsque tu me donnes ta bouche ?
    Entends-tu l’écho de ton cœur qui s’emballe tout feu tout flamme ?
    Attends-tu la fin de l’envoi pour répliquer qu’enfin tu couches
    Avec ton amant, ce vainqueur qui a su découvrir ton âme ?

    Goûtes-tu la saveur du jour lorsque vient la Saint-Valentin ?
    Goûtes-tu le bouquet du temps qui rythme le cœur des amants ?
    Écoute le son de l’amour résonnant au petit matin
    Réveiller en les affûtant le cœur et le corps, ardemment.

    Tableaux d’Edward Vardanian

  • La couleur des saisons

    Parlez-moi d’une saison d’une couleur de printemps
    Et de ses teintes pionnières qui envahissent la nature,
    De ses premières floraisons qui portent un bonheur chantant
    À nos abeilles ouvrières et aux papillons en pâture.

    Parlez-moi d’une saison d’une couleur de l’été
    Et de l’or en abondance qui se répand sur les terres.
    Arômes et exhalaisons que les vents ont haletés
    S’exhalent en récompense de la manne alimentaire.

    Parlez-moi d’une saison d’une couleur de l’automne
    Par la rouille qui convertit les feuilles de nos forêts
    D’une foi qui aurait raison de la terre monotone,
    Lasse d’avoir trop verdit et de s’être trop dorée.

    Parlez-moi d’une saison d’une couleur de l’hiver
    Et la neige en avalanche jour de la Saint-Valentin,
    Qui isole les maisons de la froidure qui diffère
    La Terre d’une nuit blanche comme un manteau de satin.

    Tableaux de Anna Ewa Miarczynska

  • La distribution

    À la distribution des corps, je me suis fondue dans le décor ;
    Pour la distribution des cœurs, j’ai pris le mien à contrecœur ;
    À la distribution des âmes, j’étais nue tout comme une femme ;
    Pour la remise des cerveaux, j’ai été remise à niveau.

    Tableau de Felice Casorati

  • Une femme à sa fenêtre

    Parfois au sortir de la douche, elle se met à la fenêtre
    En plaquant son corps de sirène contre la vitre tout embuée.
    Ensuite, elle y colle sa bouche à la recherche d’un bien-être
    Pour sentir cette joie sereine à laquelle j’ai contribué.

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  • Astérisques et arobas

    L’arobas fait des arabesques et les astérisques, des étoiles
    Sur les parures couleur du temps, des temps modernes, évidemment.
    Bien que le goût du romanesque prenne la femme à rebrousse-poil,
    Elle ne trouve pas rebutant d’y renouer incidemment.

    Or, l’astérisque devient sexy quand, posée sur le mamelon,
    Elle en souligne sans cacher l’affriolante rotondité.
    Et je tombe en apoplexie quand l’arobas glisse selon
    Comment l’étoffe reste attachée en dévoilant l’intimité.

    Vêtue de poussière d’étoiles ou d’arobas ou d’astérisques
    Tout ça c’est cousu de fil blanc, c’est blanc bonnet et bonnet blanc !
    Mais jamais elle ne se dévoile, la fille ne prend aucun risque,
    Car elle se protège en tremblant contre mensonges et faux-semblants.

    Tableaux de Csaba Markus

  • Ces murs qui ont du nez

    Si les murs avaient des oreilles, dorénavant ils ont du nez !
    C’est dû à l’effet combiné de l’internet et la 5G.
    L’humanité n’est plus pareille maintenant qu’elle est condamnée
    À se retrouver confinée sous une protection singée.

    Grâce à nos appareils modernes, le futur nous suit à la trace
    Grâce à nos cartes de crédit qui s’usent graduellement.
    Le téléphone nous materne avec tous ses forfaits voraces
    Dont l’abonnement nous prédit son tacite renouvellement.

    Vous aurez plus que la lumière ! Demain on vous rase gratis !
    Tout est promis, tout est prévu dans notre offre de comédie !
    Depuis l’échéance première, au fil des mois, on vous ratisse
    Jusqu’à la mort, sauf imprévu, mais là, cochon qui s’en dédit !

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  • Pendant ce temps…

    Tandis que les humains voyagent pour mieux réchauffer la planète,
    Tous ceux qui vivent des grands froids devront s’adapter ou mourir.
    Quant aux ours blancs, le bousillage de leur banquise fait place nette
    À une lutte avec effroi pour trouver de quoi se nourrir.

    Adieu compagnons plantigrades qui montraient toujours patte blanche,
    Vous resterez dans nos mémoires rangés avec les dinosaures !
    Vous étiez juste rétrogrades à la croissance en avalanche
    Des humains et de leurs déboires à coups de Nabuchodonosor.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Le vilain petit canari

    Les femmes aux cervelles d’oiseaux nous trompent depuis le début ;
    Elles jouent les filles innocentes, pimbêches et superficielles.
    Elles nous prennent pour des zozos dotés des pires attributs
    Par la conscience abêtissante volatile et obédientielle.

    « C’est mon p’tit doigt qui me l’a dit ! » lancent-elles à brûle-pourpoint
    Avec l’intuition féminine et les mots qui s’y apparient.
    Entre les dits et les non-dits ou les « Va ! Je ne te hais point ! »,
    Derrière ces phrases sibyllines se cache un vilain canari.

    Tableaux de Maria Pace-Wynters

  • Petits pois sont rouges et verts

    Les petits pois sont bien revêches comme de subtils ennemis
    Et les pois cassés racornis sont les pires belligérants
    Car les princesses, ces pimbêches, ne supportent pas l’infamie
    Après une nuit d’insomnie causée par ce mal ulcérant.

    Les petits poissons rouge et or peuplent les rêves polissons
    Du chat botté qui en profite lorsque la princesse est partie.
    Quand ces souris sont au-dehors, queue lovée en colimaçon,
    Minet, la mine déconfite, se repose en contrepartie.

    Les petits pois sont confortables, surtout l’intérieur de leur cosse,
    À condition d’avoir poussé suffisamment sur l’échalas.
    Et la princesse insupportable préfère un légume précoce
    À ce lit qui l’a courroucée malgré ses douze matelas.

    Tableaux de Hanna Silivonchyk

  • Faute de filles, on prend des merles

    Merle noir ou rossignolet, qui fait le meilleur professeur ?
    Les filles-merles, dans la nuit, en ont retenu la leçon.
    Les deux oiseaux croquignolets restent les plus grands connaisseurs
    Des chants qui tirent de l’ennui filles chipies et polissons.

    Quand elles ont le cœur galopin qui révèle une âme friponne,
    Elles viennent travailler leur voix avec éclat et apparat.
    Sur les Impromptus de Chopin, elles s’entraînent, elles chantonnent ;
    Les oiseaux leur ouvrent la voie qui les conduit à l’opéra.

    Quand vient le temps de la maîtrise, décorées d’une grive blanche,
    Les filles en jupes et chemisiers donnent un gala de circonstance.
    Sous le vertige de leur emprise, un saisissement se déclenche
    Que même les paradisiers n’ont jamais vu dans l’assistance.

    Tableaux de Maria Pace-Wynters

  • Le château des quatre lunes

    Selon les phases de la Lune, mon château change de saison.
    Il nettoie ses tours au printemps au premier quartier de sa dame
    Et ses murailles fort opportunes quand elles sont en pleine floraison
    Puis, son donjon désappointant du dernier quartier bas de gamme.

    En hiver, je ferme ses portes et tout s’endort jusqu’au printemps ;
    On fait l’amour dans les tourelles pour se réchauffer tour à tour.
    Le froid, que le diable l’emporte, reste l’ennemi fort inquiétant
    Dont les neiges intemporelles annoncent l’éternel retour.

    Tableaux d’Anna Ewa Miarczynska

  • C’était avant l’hiver

    J’ai connu des printemps voraces d’une jeunesse insatiable
    Baignée dans un temps d’insouciance presque arrêté sur mes treize ans,
    Où nulle inquiétude n’embarrasse ni dieu, ni maître, ni le diable
    Et où la vie n’est qu’impatience à boire le moment présent.

    J’ai connu des étés de rêves comme un paradis avant l’heure,
    Avant que ne démarre l’horloge du temps stupide des adultes.
    L’hiver où tu marches ou tu crèves afin d’entretenir le leurre
    D’une vie qui ferait l’éloge des vanités qui en résultent.

    Tableaux de Lisa Aisato sur https://www.aisato.no

  • La conquête du soupirant

    D’abord pour commencer, il y va pas à pas
    Au hasard des rencontres qu’il sait anticiper.
    Un début romancé car il ne faudrait pas
    Trop aller à l’encontre d’une femme émancipée.

    Une fois qu’elle a ri, il passe à l’offensive
    En flattant son physique mais aussi son sourire.
    Si elle ne s’apparie pas à la défensive,
    Son audace magique saura la conquérir.

    Quand la femme est conquise, son vainqueur magnanime
    Pénétrera le Saint Graal de sa forteresse.
    Et sa chair tout exquise dans un cri unanime
    Accueillera en son sein la sève enchanteresse.

    Illustrations de Riccardo Guasco

  • Les quatre saisons

    Tandis que je rêve au printemps, la Terre s’habille de fleurs,
    De pissenlits, de marguerites, myosotis et pâquerettes.
    Adieu jours au froid éreintant peuplés de larmes et de pleurs
    Bonjour la douceur émérite des dahlias en collerette.

    Tandis que je rêve à l’été, la Terre s’habille de fruits ;
    Pommes d’amour au goût sucré s’invitent à faire bombance.
    Hier, la nature a haleté à se réveiller à grands bruits
    Mais aujourd’hui s’est consacrée à nous nourrir en abondance.

    Tandis que je rêve à l’automne, la Terre s’habille de rouille ;
    Tapisseries aux feuilles d’or, forêts dorées et arbres d’ambre.
    Dans cette douceur monotone valsent potirons et citrouilles
    Qui entrent par le corridor de septembre, octobre et novembre.

    Tandis que je rêve à l’hiver, la Terre s’habille de blanc ;
    Premières gelées matinales, chutes de neige sur le parvis.
    Ainsi le cycle de l’univers refroidit la Terre en tremblant
    Comme une horloge machinale qui règle les lois de la vie.

    Tableaux de Lisa Aisato sur https://www.aisato.no