Catégorie : Poésie du dimanche

  • Les fous du Tarot

    Voulant mener à bonne fin ma folle course vagabonde,
    J’en examinai les arcanes, l’un après l’autre avec ma loupe.
    D’abord je restai sur ma faim puis, en recomptant tout le monde,
    J’y aperçus quelques chicanes révélant toute l’entourloupe.

    Par un tour de force astucieux, deux cartes étaient escamotées
    Pour égarer tous les profanes dans un labyrinthe foldingue.
    C’était un lion malicieux qui jadis les avaient ôtées
    Les jugeant, l’une trop diaphane et l’autre beaucoup trop lourdingue.

    Ce fut la Reine des bâtons – la femme du roi du tambour –
    Qui fit jaillir toute la lumière crue de la dix-neuvième lame.
    Je sortais du rêve à tâtons, aveuglé par le petit jour
    Qui répandait dans ma chaumière la joie du soleil sur mon âme.

    (Tableaux de Catrin Welz-Stein
    Le premier vers est de Georges Brassens.)

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Le nid d’anges

    Le nid d’anges

    Depuis les Pâques, quoi qu’on dise, les œufs me font tourner la tête !
    Les enfants tournent en girouettes tout autour de mon nid d’amour.
    On ne parle que de friandises, les chocolats sont à la fête
    Et dès cinq heures, une pirouette pour les cacher avant le jour.

    À peine revenue sous la couette, j’entends crier dans la maison
    Les enfants qui sortent en trombe pour guetter les premières cloches.
    Je vois courir leur silhouettes, explorer les fleurs de saison,
    Secouer les arbres pour que retombent les œufs colorés dans les poches.

    Tableau de Beth Conklin sur http:bethconklin.blogspot.com201602 .

  • Gaie, gaie, Madame Pinson

    Gaie, gaie, Madame Pinson

    J’aimerais connaître chaque oiseau par son petit nom de baptême
    Donné au sortir de son œuf pour la becquée providentielle.
    Je me cacherais dans les roseaux avec une musique à thème
    Pour, tous ensemble, faire un bœuf d’une habileté démentielle.

    Bergeronnette en clef de Do, Chardonneret en La mineur,
    Martin-pêcheur en triolets, une Hirondelle en pâmoison,
    Quatre Alouette pour un rondeau, Coucous et Moineaux jaspineurs,
    Un Étourneau à dos violet et un Pinson pour diapason.

    Et la Fauvette des dimanche, connue pour nous donner le La,
    Chanterait avec la Mésange, le Merle bleu et le Corbeau.
    Et moi qui chante comme un manche, j’entonnerais a capella
    Avec la Grive des vendanges et la Tourterelle à jabot.

    Tableau de Lizzie Riches.

  • La folle du Tarot

    Elle bascula dans le vide, retenue par un parachute
    De grands froufrous et de volants sous ses jupons affriolants.
    Je lui liai, le cœur avide de la préserver de la chute,
    Une corde avec nœud coulant à son pied nu sanguinolent.

    Mais entraînés par la vitesse, nous plongeâmes au fond du bassin
    Et la robe en forme de coquille lui fit un trône d’or pailleté.
    Alors humblement son Altesse, la Reine des coupes offrit le sein
    À un bébé de pacotille, un hippocampe emmailloté.

    Je repartais à pas de loup lorsque la Reine un peu loufoque
    M’ouvrit passionnément, sans trêve, son lit en forme de crocodile.
    Elle me dit « Ne sois pas jaloux des hippos et des bébés phoques !
    Puisque tout ceci n’est qu’un rêve, viens donc me chanter tes idylles ! »

    Tableaux de Catrin Welz-Stein.

  • Le fou du Tarot

    Tonitruant à tous les vents, descendit le roi du bâton
    De l’escalier colimaçon tambourinant devant mon huis :
    « Debout les morts et les vivants ! En avant pour le marathon ! »
    Et, enfourchant son canasson, partit se fondre dans la nuit.

    Je restai là, sur le parvis de l’esplanade circulaire
    En regardant courir les gens qui sortaient du numéro dix.
    Plutôt soucieux pour ma survie de fuir la nuit caniculaire,
    Je montai dans l’encourageant froid qui émanait de l’interstice.

    J’avais encore les oreilles sifflantes d’embrouillamini
    Quand j’arrivai sur la terrasse où trônait une jolie pépée.
    Coiffée d’une charlotte pareille à l’arbre creux offrant son nid
    Je commentai ce qui se passe au 10, rue Abbé-de-l’épée.

    Tableaux de Catrin Welz-Stein.

  • La Reine d’Halloween

    La Reine d’Halloween

    Contrairement à sa cousine – la Reine de Pâques susnommée –
    La Reine d’Halloween ponctuelle arrive toujours fin octobre.
    Carrosse tout neuf, sorti d’usine qui a bâti sa renommée
    Par son mouvement perpétuel exempt de défaut et d’opprobre.

    Jadis, elle venait en citrouille traficotée par sa marraine
    En une voiture dernier cri qui n’a plus cours dorénavant.
    Mais foin de ces carabistouilles ! Désormais Madame la Reine
    Roule en cabriolet Ferrari au cheval cabré vers l’avant.

    Tableau de Michael Cheval.

  • La Reine des Pâques

    La Reine des Pâques

    La Reine nous arrive en retard, n’en déplaise aux chocolatiers !
    Tout dépend de son attelage qui tire, hâle et s’évertue ;
    Trop tôt quand c’est l’père fouettard qui n’fait pas les choses à moitié,
    Trop tard quand le staff de voyage est assuré par une tortue.

    Or, cette tortue attelée n’est autre qu’une célébrité ;
    Elle a déjà coursé Achille et le Lièvre de La Fontaine.
    Je me dois de vous rappeler qu’elle gagne en célérité
    Nonobstant une santé fragile d’avoir passé la soixantaine.

    Tableau de Michael Cheval.

  • Inaccessible, insondable, incompréhensible

    Cette fille, fort inaccessible, tout en haut de sa tour d’ivoire
    Avait débranché la sonnette et décroché le téléphone.
    Pour la voir, ce n’était possible qu’à condition de l’émouvoir
    Par une petite chansonnette déclamée par un mégaphone.

    Après trois-cent-soixante aubades – une année entière à chanter –
    J’obtins la clef de l’entresol, c’était pour moi une ouverture.
    Je me perdis dans l’escalade de l’escalier sans doute hanté
    Car il descendait au sous-sol par sa complexe architecture.

    Le sommet de sa tour d’ivoire se situant donc à la cave,
    Je rencontrai la demoiselle qui parlait de tout et de rien.
    Au risque de la décevoir, je lui ai récité l’octave
    « Do, mi, sol, do » en ritournelle selon un vieux chant grégorien.

    Photos d’Antonio Mora sur https:blog.grainedephotographe.comles-portraits-photographiques-surrealistes-dantonio-mora .

  • Robes à armures

    Une forteresse de mystères à l’entrée jalousement gardée
    Par une escouade de jupons et de dentelles en oubliettes.
    Ne dites rien ! Il faut se taire car il n’y a rien à regarder
    Et lorsqu’elle passe sur un pont, il vous faut fermer les mirettes.

    La voie des airs reste hasardeuse et les fruits sont bien défendus
    Par un instable mâchicoulis qui borde les rotondités.
    Une curiosité baladeuse provoquera la main tendue
    Qui claque sur le malpoli, prix de son intrépidité.

    Vous eûtes pu ouvrir la poterne dissimulée dans son armure
    À l’aide de la clef du cœur mais ça, il eut fallu l’ savoir.
    Pour éclairer votre lanterne, inadaptée à sa serrure,
    Vous n’obtiendriez à contrecœur qu’une fin de non-recevoir.

    Tableaux d’Alan Macdonald.

  • Voir le silence

    Voir le silence

    Les échos extraordinaires issus des heures routinières
    Dont le silence est reproduit dans les couleurs du crépuscule,
    Entre deux jours bien ordinaires, ouvrent leur assemblée plénière
    Dans l’atmosphère d’aujourd’hui noyée vers la nuit qui l’accule.

    Alors les secondes perdues, les heures et minutes égarées
    Pendant lesquelles rien n’a changé fusionnent dans la confluence
    Portée dans le vent éperdu et les nuages bigarrés
    Pour qu’un soleil rouge-orangé puisse en percevoir la nuance.

    Tableau de Liquidsteel.

  • L’oreille de l’Univers

    L’oreille de l’Univers

    Tous les secrets de l’univers resteront à jamais cachés
    Dans les trous noirs astronomiques et la mécanique quantique.
    Comment un Dieu aussi pervers créerait-il une œuvre entachée
    D’énigmes autant macrocosmiques que minuscules à l’identique ?

    Sans doute que les électrons n’obéissent plus à ses lois ;
    Sans doute que les molécules ont échappé à sa chimie ;
    Sûrement que protons et neutrons interagissent de bon aloi
    Et que la moindre particule disparaît en catimini.

    Pourtant ces secrets se racontent de bouche à oreille d’étoile
    D’où, avant de naître sur Terre, nous serions liés en cohérence.
    Pour ainsi dire, en fin de compte, il est temps de lever le voile
    Et qu’enfin la clef du mystère nous déverrouille l’ignorance.

    Tableau de Wojtek Siudmak.

  • Si une femme à sa fenêtre…

    Si une femme à sa fenêtre laissait s’évanouir son cœur
    Pour un regard vers un bateau et l’être aimé sur sa mâture,
    Je serais curieux de connaître ce marin soi-disant vainqueur
    Qui laisse sa femme au château tandis qu’il parcourt l’aventure.

    Si une femme à sa fenêtre laissait s’évaporer son âme
    Pour une pensée vers l’au-delà où a disparu son marin,
    Je guetterais l’espoir renaître le soir en ranimant la flamme
    Au souvenir du Walhalla loin des pays outremarins.

    Si une femme à sa fenêtre laissait dégringoler son corps
    Pour rattraper le temps perdu à mourir d’amour lentement,
    Je craindrais que le blues pénètre tout son être et, pire encor,
    Qu’elle le rejoigne éperdue d’un mutuel consentement.

    Tableau et variations autour de Salvador Dali.

  • Les reines au cœur d’artichaut

    Tout le monde se tient à carreau lorsque le temps est à l’orage
    Et se réfugie sous la Reine rallié à son pavillon.
    Moutons, brebis, boucs et taureaux font plus que force ni que rage,
    Patients dans l’étable sereine recouverte de tavillons.

    Quand le temps prend un ton épique en lançant ses premiers éclairs
    Et qu’il tombe des hallebardes à faire grincer les quenottes,
    On se serre contre vaches et biques en laissant au ciel sa colère
    Et l’on peste contre le barde qui a poussé ses fausses notes.

    Point de trèfle ni de marguerites sous la houlette de la Reine.
    Bientôt les animaux crient famine, ils s’ankylosent, c’est éreintant !
    Malgré sa place favorite sous les cotillons, on se traîne !
    On sort chercher des vitamines dans l’abondance du printemps.

    Les animaux n’ont pas de cœur, ventre affamé n’a pas d’oreilles
    Et la Reine de les voir s’enfuir pense qu’ils se sont payé sa fiole…
    Tant pis ! Ils s’en vont voir ailleurs déguster leur salsepareille
    Et les cigales se produire sous les lampions des lucioles.

    Illustrations de Dominic Murphy sur https:www.dominicmurphyart.co.ukdown-the-rabbit-hole .

  • Voici ce que j’ai écrit cette nuit

    Voici ce que j’ai écrit cette nuit

    Parfois une pensée dans la nuit surgit comme idée de génie
    Et je la note, émerveillé par ce Saint-Graal réincarné.
    Hélas le matin – quel ennui ! – de lire un embrouillamini,
    Une fois que je suis réveillé, sur les pages de mon carnet.

    Ainsi le monde immatériel frôlé dans mes rêves adducteurs
    Obéit à d’autres langages et d’autres formes de pensées.
    Et comme je n’ai ni tutoriel ni dictionnaire traducteur,
    Je n’obtiens que ce « divagage » dont le songe m’a récompensé.

    (Tableau d’Uramisan.
    Si « divagage » n’est pas français dans notre monde, il l’est dans l’autre monde, évidemment.)

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • L’âme des amis disparus

    L’âme des amis disparus

    Sans libre arbitre, l’âme pure n’est pas soumise au jugement
    Ni au paradis ni l’enfer ni à la réincarnation.
    Elle est diffusée dans l’azur au gré des vents et mouvements
    De l’atmosphère qui leur confère un avant-poste d’observation.

    Le chat veille sur sa maison quelques semaines puis, disparaît ;
    Le chien accompagne ses maîtres quelques jours puis, s’en va ailleurs ;
    D’autres animaux, sans raison pour les humains, s’apitoieraient,
    Aux abords de leur périmètre, aux victimes de ces giboyeurs.

    (Tableau de Megan Ellen.
    Le 16 mars 2020, jour du déclenchement antiCovid, Chanelle est montée sur le toit de notre ciel.)

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Les caméléonnes se densifient

    Les femmes les plus conquérantes après César, Napoléon…
    Et les autres qui les occultent n’ont pas fait leurs places au soleil.
    En conséquence, elles s’apparentent au charme du caméléon
    Qui s’adapte aux coutumes incultes d’une humanité en sommeil.

    L’homme ne voit chez les féministes qu’une parcelle de leur corps
    Par tous ces appas qui l’obsèdent ; les yeux, les fesses et les nichons.
    Autant d’arguments très sexistes dont ces phallocrates du hardcore,
    De la manière la plus laide, abusent d’un esprit de cochon.

    Mais elles sortent du brouillard grâce à leur volonté opaque
    Qui cesse d’être transparente parmi ces mâles intransigeants
    Qui redeviennent des trouillards lorsque les femmes les attaquent
    Avec leur gente concurrente et leur esprit intelligent.

    Presque tous les Tableaux de Michael Carson sur https:www.sohu.coma428867333_120065965 .

  • Dédoublement intime

    Au petit jour, on m’a réveillée, on secouait mon oreiller,
    Je me sentais très à l’étroit entre les draps de mon p’tit lit
    Quand j’aperçus, émerveillée, une fille en double appariée
    Qui, comme moi, payait l’octroi de cette étrange anomalie.

    Tout avait été dupliqué et mes armoires et mes jouets !
    Toutes mes robes allaient de pair avec chaussures et culottes.
    On n’ nous avait rien expliqué mais nous en furent enjouées,
    Sans pressentir le moindre impair, trouver la chose rigolotte.

    Mais si tout apparait en double, l’espace hélas reste le même
    Et bientôt la prison dorée devient une cage à oiselles.
    Je sens tous mes sens qui se troublent à partager tout ce que j’aime
    Avec un être subodoré faire l’amour entre demoiselles.

    Tableaux de Shiori Matsumoto sur https:iamachild.wordpress.comcategorymatsumoto-shiori .

  • La serrure au cœur de l’Être

    La serrure au cœur de l’Être

    Au cœur de l’Être, la serrure dont l’amour possède la clef
    Qu’il a cachée dans une fleur et que l’âme doit retrouver.
    Hélas, l’esprit, sous la ferrure verrouillée tend à renâcler
    D’après les conseils persifleurs de ses mémoires réprouvées.

    Alors aujourd’hui, il voyage pour se remettre le cœur en chasse
    Où le soleil va sublimer ses projets remis à demain.
    Après un ample nettoyage, il ne sait plus ce qu’il pourchasse
    Et rentre, la clef élimée, mais toujours à portée de main.

    Tableau de Catrin Welz-Stein sur http:artsdumonde.canalblog.comarchives2016031233502041.html .

  • Croire et Croître

    Croire et Croître

    Malgré les soucis de la vie qui nous attirent vers le bas,
    Malgré les fléaux dus aux charges que l’on ne cesse de nous brandir,
    Le cœur épanouit se ravit de la rudesse du combat
    Par l’amour qui, à la décharge du malheur, nous pousse à grandir.

    Plus la gravité sera forte et plus la vie progressera
    Comme une poussée d’Archimède qui nous remonte par surprise.
    Lorsque se referme une porte, un pan de mur coulissera
    Car le cœur trouve toujours remède quand l’intelligence lâche prise.

    Tableau de Cyril Desmet.

  • L’ombre rouge – 2

    Le rouge intensifie la femme et son cœur d’amours flamboyantes
    Qui peut lui troubler le regard tout jeune avant l’adolescence.
    Alors pour protéger son âme des aventures imprévoyantes
    Elle cache son point faible, hagard, d’une frontière opalescence.

    Mais s’en échappe une vision modifiée par sa monture
    Qui dément les désirs secrets tapis au fond de sa rétine.
    Œil gauche, œil droit, en division, cherchent le lien d’une aventure
    Au-delà des verres nacrés qui la rendent un peu cabotine.

    Le verre change la couleur et l’âme que l’on croit violette
    Mais en réalité bleuie jusqu’au plus profond de sa flamme.
    Si vous n’y voyez que douleur, cette idée déjà obsolète
    Cache ce qui vous éblouit : le brasier au cœur d’une femme.

    Presque tous les Tableaux de Michael Carson sur https:www.sohu.coma428867333_120065965 .

  • L’ombre rouge – 1

    D’où naît le rouge d’une femme ? Pas de son sang, évidemment !
    Il naît du premier cri de vie à la naissance de ses lèvres.
    Un cri échappé de son âme qui vient embrasser l’élément ;
    Cet air nouveau qui la ravit et qu’elle mélange à sa fièvre.

    Par sa toison qui voit le jour, si fine comme de la flanelle ;
    Rouge trop clair ou trop foncé dont l’auréole tait son feu.
    Encore mouillée de bravoure décrite sur les fontanelles
    En petits signes enfoncés, éparpillés dans ses cheveux.

    Et la douleur sort de la bouche comme couleur émerveillée
    De montrer celle de son âme plus rouge que vous ne le pensez.
    Rouge profond qui effarouche, rouge de l’esprit réveillé
    Qui soutient le cœur d’une femme de ses toutes premières pensées.

    Presque tous les Tableaux de Michael Carson sur https:www.sohu.coma428867333_120065965 .

  • Dimanche, la muse cornue

    Quand elle se montre d’humeur absente de la moindre veine poétique,
    Il m’est inutile de croire qu’elle m’inspirera ce dimanche.
    Mon encre et ma plume s’exemptent de toute envie hypothétique
    Qui ne saurait faire qu’accroire le bourdon de la page blanche.

    Alors je l’imagine ailleurs dans un décor blues & morose,
    Vêtue de toilettes françaises et coiffée d’une cornemuse.
    Je plonge son regard railleur dans une prose à l’eau de rose
    Afin que la douche écossaise brusquement déride ma muse.

    Aussitôt elle renvoie la balle de toute sa rage intérieure
    Que je m’attrape en pleine poire par l’effet miroir attendu.
    Aussitôt ma plume s’emballe de mes mémoires antérieures
    Qui se dévident d’une encre noire aux reflets-vers inattendus.

    Tableau de Michael Cheval sur http://chevalfineart.com/portfolio/new-releases

  • Le joli temps rosé du dimanche

    Un joli calicot rétro pour un bustier à l’eau de rose
    Et je sens toutes mes racines fleurer des photos argentiques
    Avec leurs portraits magistraux des élégantes un peu moroses
    Dont l’étrange regard fascine encore d’un air nostalgique.

    La mode s’enfuit éperdue à la recherche du futur
    Tandis que les modèles s’ancrent dans les mémoires démodées.
    Pourtant le temps n’est pas perdu et j’aspire à voir la suture
    Entre l’avenir qui s’échancre et le passé raccommodé.

    Tableau de Catrin Welz-Stein sur http://artsdumonde.canalblog.com/archives/2016/03/12/33502041.html

  • À problème de cochon, sa solution de lapin

    Puisque dans l’cochon, tout est bon, confions-lui l’orientation
    Car son odorat légendaire sait guider chaque mouvement.
    Les femmes à l’esprit pudibond pourront même sans contestation
    En faire leur référendaire pour tout affaire en jugement.

    Pareillement chez les chauds lapins – bien plus encore que le cochon –
    Il suffit d’une simple carotte pour le rendre plus perceptif.
    Ainsi sans le moindre pépin, sans se monter le bourrichon,
    L’animal par simple jugeote saura foncer sur l’objectif.

    Sitôt les lapins en action, les solutions se multiplient
    Bien plus vite que les problèmes se soulèvent en fédération.
    Évidemment en réaction, seront également accomplis
    Autant de sources de dilemmes issus des proliférations.

    Tableaux de Margo Selski sur https://hamptonsarthub.com/2012/12/29/margo-selski-explores-myths-of-her-own-making

  • À l’heure des thés

    À l’heure du premier thé vert, j’ai le cœur encore à l’envers ;
    Mes cauchemars ont transformé mes inquiétudes déformées
    Qui ont macéré la semaine toute mon aventure humaine
    Et répandu sur mes nuits blanches tous mes soucis en avalanche.

    À l’heure du second thé rose remontent les pensées moroses
    Et je me mets à ressasser le présent mêlé au passé.
    Toutes ces mémoires ancestrales, tragicomiques et théâtrales
    Se rejouent sans interruption comme un mal qui fait éruption.

    À l’heure du dernier thé noir, finis cafards et idées noires
    Qui ont tellement infusé que leur poison s’est transfusé
    Dans tous les canaux collecteurs qui se sont montrés protecteurs
    En expulsant mille douleurs qui m’ont redonné mes couleurs !

    Tableaux de Catrin Welz-Stein sur http://artsdumonde.canalblog.com/archives/2016/03/12/33502041.html

  • Le paradis sans elle ?

    Afin de plaire aux phallocrates, Dieu créa Adam sans la femme
    Et le plaça au Paradis sans désir et sans tentation.
    L’homme régna en autocrate sur les animaux sans fantasme
    Et eut pour le prix d’un radis la Terre pour sa sustentation.

    Que croyez-vous qu’il arriva dans ce nirvâna enchanté ?
    Il resta sans conversation, sans plaisir de la connaissance.
    Tant sa bêtise dériva que Dieu, lui-même fort déchanté,
    Gomma sans tergiversation l’erreur et son obsolescence.

    Alors Dieu eut l’idée du siècle : L’erreur étant inévitable,
    Il refit l’homme d’après brouillon et se consacra à la Femme !
    Avec un caractère espiègle et une audace irréfutable,
    Elle transforma le couillon en lui développant son âme.

    Tableau de Wojtek Siudmak

  • Croissant de Lune

    Au premier croissant de ma muse, j’observe sa rotondité ;
    Quand elle est pleine, je m’amuse à tâter sa fécondité.
    Au dernier croissant une averse tombe en vers hexadécimaux
    Et la nouvelle me renverse quand je suis père de jumeaux.

    Après maintes révolutions, Lune rousse et éclipses solaires,
    J’ai vite pris la résolution d’en peindre nos rapports lunaires.
    Ma muse m’a donné tant d’enfants aux yeux brillants comme des étoiles
    Que je les ai brossés triomphants dans tout l’univers de ma toile.

    Lorsque la Lune ralentit et ma muse tourne moins vite,
    Ce sont mes peines ressenties qui freinent quand elle gravitent
    Autour de mon âme assoiffée de leurs lumières inspiratrices
    Que, sur ma tête décoiffée, elles répandent en bienfaitrices.

    Photo de Plamena Koeva

  • Le peuple de la mer

    Au milieu des eaux peu profondes parmi les récifs coralliens,
    Une nouvelle humanité chante une ultime litanie.
    Celle de l’expression féconde via le continent australien
    Et d’autres nationalités de toutes les océanies.

    Là, hommes et femmes de pierre forment un cromlech humanoïde
    Pour rappeler le peuple ancien parti au fin fond des abysses.
    Les ondes chargées de prière se transmettent en sinusoïdes
    Jusqu’aux archipels tahitiens et renvoient l’écho d’Anubis.

    Peuples Atlantes, d’Égypte ancienne, d’Hyperborée et Lémurie
    Demeurent à jamais disponibles envers le monde du silence.
    Philosophies platoniciennes issues d’idéologies mûries
    Restent à jamais incompatibles avec leurs cercles en vigilance.

    Sculptures sous-marines de Jason deCaires Taylor

  • Fééries

    Jeu de la poudre, jeu des chevaux, jeu de la guerre, jeu du courage,
    Pour honorer un mariage, pour célébrer une naissance.
    Parures et grands écheveaux font plus que force ni que rage
    Avec leurs tirs de mitraillage, symboles de reconnaissance.

    Tous les fusils à poudre noire crépitent et simulent la charge
    Pour repousser les ennemis et protéger femmes et enfants.
    Les cavaliers jouent de mémoire, en louvoyant de long en large,
    D’ancestraux combats retransmis d’un peuple fier et triomphant.

    Pratiques anciennes d’Afrique, le bruit des sabots galopants
    Et le feu des salves nourries persévèrent au-delà du temps
    Dans les souvenirs féériques qui vont en se développant
    Sous les ovations des houris qui sourient aux exécutants.

    Tableaux d’Anne Delplace sur http://www.anne-delplace.com/peinture-huile.php

  • Au regard où vont les choses

    La façon de voir la nature appartient au cœur de l’artiste
    Car l’œil ne sait que regarder, seul le cœur sait apprécier.
    Lui seul voit la température qui lui plait ou bien qui l’attriste
    Et sait jeter ou bien garder le sentiment associé.

    Le peintre sait fermer les yeux pour voir les couleurs invisibles,
    Il oriente son appareil contre toute normalité.
    Il ne voit pas le merveilleux ; il l’extrait de l’imprévisible
    Qui vient parler à son oreille des nouvelles tonalités.

    Je laisse l’œil se promener dans l’image et, sans polémique,
    J’écoute sa petite voix qui me raconte son histoire.
    Je n’ suis pas poète chevronné des écoles académiques
    Et je cherche ma propre voie aux dépends de mon auditoire.

    Illustration de François Ravard

  • Ô réseaux sociaux magiques !

    Mon chat et moi, nous connaissons beaucoup d’amis sur les réseaux.
    À lui, les petites souris ; à moi tous les jolis minets.
    Mon chat et moi, nous conversons avec de nombreux noms d’oiseaux
    Aux intentions souvent pourries qui sont sitôt éliminées.

    Si je suis souvent sanctionnée, mon chat fait patte de velours.
    Je n’en retire que des censures ; lui, n’en reçoit que commentaires.
    Sachant comment cela fonctionnait, sous le pseudo un peu balourd
    De « chatte soignant les blessures », j’expose mon cœur de panthère.

    Illustration de Marija Tiurina sur https://www.behance.net/gallery/81309017/Artwork-born-during-my-art-residency-in-Finland?tracking_source=best_of_behance_big_covers

  • Rouge-Vert-Bleu

    Ma vie en rouge, je la revois dans mon passé qui se contracte
    Où plus rien ne saurait changer, rien que le fruit de l’expérience.
    Car la jeunesse rien ne prévoit ; elle s’amuse et se dévontracte,
    Inconsciente d’avoir échangé insouciance contre clairvoyance.

    Ma vie en vert, je la subis dans mon présent presque immobile
    Que je peux encore modifier sous les contraintes qu’on m’impose.
    Mes aspirations, mes lubies, mes objectifs et mes mobiles
    Peuvent encore se personnifier selon tout ce dont je dispose.

    Ma vie en bleu, je la suppose dans un futur hypothétique
    Où auront été accomplies mes tentatives et stratégies.
    Mais mon cœur et mon corps s’opposent à trouver la voie prophétique
    Entre une vieillesse assouplie ou une mort en léthargie.

    Tableaux d’Izumi Kogahara sur http://touchofcolorr.blogspot.com/2015/11/izumi-kogahara.html?m=1

  • Connaissez-vous Marie-Antoinette ?

    Connaissez-vous Marie-la-Mode ? Celle, à la mode de chez nous,
    Qui faisait trembler tout Versailles tant elle ne restait pas en place ?
    Ses exigences malcommodes mettaient ses servantes à genoux
    Et les murs encore en tressaillent jusqu’à la Galerie des Glaces.

    Quant à l’affaire du collier qui aurait fait perdre la tête
    À son ministre des finances sur leur régime marital,
    Les chansonniers et paroliers en ont écrit tant d’épithètes
    Que pour en voir la pertinence, il faudrait une boule de cristal.

    Marie-Antoinette dépensière ? Les deux termes assez se ressemblent !
    Évidemment la femme triche pour mieux compenser ses souffrances.
    Si « romancière » et « financière » en amour riment souvent ensemble,
    Son cœur est resté en Autriche mais sa tête à jamais en France.

    Photos d’Alexia Sinclair sur https://beautifulbizarre.net/2015/02/20/alexia-sinclairs-rococo-black-eye-gallery

  • L’école du charme

    La sirène, devenue moderne, séduit les femmes plus que les hommes
    Sauf que, plutôt que les noyer, elle les enchante, s’il vous plaît !
    Fi des marins, vieilles badernes, vivent les coquines amazones
    Dont l’amour sait s’apitoyer d’orgasmes vocaux décuplés !

    Celles qui cherchent la bonne école de la jouissance au féminin
    N’ont pas besoin de GPS à la voix de fausse sirène.
    Demandez Madame Nicole, au 4, rue Saint-Saturnin,
    Et découvrez, je vous l’ confesse, le chant langoureux d’une reine.

    Tableau de Gustave Gélinet extrait de la BD « La Sirène des pompiers » dessinée par Zanzim

  • Sirénologie

    Depuis que j’ai approfondi mes connaissances sur les sirènes,
    Elles m’acceptent à condition de prendre un poisson pour parrain.
    J’en ai choisi un, arrondi, que j’appelle « Simon de Cyrène »
    Car il me croit, sans conviction, grand ambassadeur des marins.

    J’ai donc passé mes examens à l’université Neptune
    Et j’ai été promu « Triton » lors du grand bal de fin d’année.
    Je n’suis plus qu’à moitié humain mais à l’apparence opportune
    D’un amphibien en demi-thon et demi-homme simultanés.

    Illustration de Charles Santore

  • Vivre avec une sirène

    J’avais commandé sur le Net une « Femme-Poisson authentique »
    Garantie à vie, s’il vous plaît, et « satisfait ou remboursé » !
    Écologique pour la planète, elle a traversé l’Atlantique
    Pour me parvenir au complet dans une caisse renforcée.

    « Avant le tout premier usage, baignez-la trois jours et trois nuits ! »
    Collé comme avertissement pour obtenir « bon résultat ».
    J’ai commencé son arrosage que j’ai terminé à minuit
    Et pris un rafraîchissement glaçons et triple-margarita.

    Soixante-douze heures passées, elle frétillait là, dans mon lit
    Et moi, comme un poisson dans l’eau, j’ai honoré sept fois ma reine.
    Quant à elle, elle s’est surpassée et m’a aimé à la folie
    À en devenir ramollos, ma queue et celle de la sirène.

    Kristen Mcmenamy photographiée par Tim Walker sur http://visualoptimism.blogspot.com/2013/12/far-far-from-land-kristen-mcmenamy-by.html?m=1

  • Toutes ces autres sirènes

    Dans le Grand Livre des Sirènes – que Dieu n’aurait pas imprimé –
    Existent d’autres créatures que la femme en queue de poisson
    Qui n’ont pas besoin d’oxygène ni de belle voix pour s’exprimer
    Sans faire offense à la nature ni lui faire de contrefaçon.

    Les femmes au corps de raie manta préfèrent les eaux tropicales
    Et leurs belles ailes delta permettent les belles prouesses.
    Elles ont acquis leur potentat après des luttes syndicales
    Grâce à leur voix de célesta qui ont fait d’elles des déesses.

    Les femmes-pieuvres – ou femmes-poulpes – vivent dans les eaux boréales
    Dans les abysses où leur fortune est de récolter des godasses.
    Il paraît que c’est là leur coulpe d’avoir volé les céréales
    Du jardin privé de Neptune qui les a puni de l’audace.

    Illustrations de Viccolate, HTG17 et Ryan Firchau

  • La nuit dans la forêt

    Dans la forêt des nuits profondes aux arbres peints en clair-obscur,
    Jamais étoile ne pénètre fors un petit rayon de Lune.
    Mais quelques herbes vagabondes tendent leurs limbes et leurs nervures
    Vers l’astre pour s’y reconnaître ; bruyères, genêts et callunes.

    Petite musique de Lune jouée sur un halo léger
    Semble animer des feux follets entre les bois reconnaissants.
    Quelques farfadets de fortune se mettent alors à galéjer
    Et soudain s’enfuient, affolés, au premier cri du jour naissant.

    Tableau de Jan Sluyters

  • Éternel Saint-Michel

    Dominant les quatre éléments, le Mont-Saint-Michel ne déroge
    Ni aux lois des flux telluriques ni à la règle des marées.
    Même le cours du temps véhément ne ralentit pas son horloge
    Qu’il soit météorologique ou d’un présent contrecarré.

    Plusieurs histoires s’y rencontrent dans le dédale de ses rues
    Depuis l’époque gallo-romaine jusqu’à Arthur et Pendragon.
    Même les dieux vont à l’encontre de leurs religions disparues ;
    Seule une force surhumaine maintient Michel et son dragon.

    Photo de Mathieu Rivrin

  • Conjonction Lune-Soleil

    Jeudi, les quartiers de la Lune croissent ou décroissent à volonté.
    Les éphémérides le confirment et l’astronomie en fait foi.
    Quoi qu’il en soit, cette opportune faculté de désorienter
    Son monde, à mon avis, affirme que l’astre nous ment plusieurs fois.

    Vendredi, le Soleil, la Lune et la Terre avaient rendez-vous
    Et l’astrologie en profite pour m’annoncer plein de bonheur
    Bien qu’une chance inopportune se soit glissée, je vous l’avoue,
    Comme une éclipse à la va-vite pressentie en bien tout honneur.

    Samedi, j’attends les étoiles qui mentent nettement moins souvent
    Et j’en appelle à la Grande Ourse sans pour autant la prendre au mot
    Car voici qu’un nuage voile le ciel au moment émouvant
    Où elle me révèle la source originelle de tous mes maux.

    Tableaux de Lilly Nilly

  • De marée haute à marée basse

    Lundi, je sens le blues qui monte avec la première marée
    Qui m’apporte du vague à l’âme à l’idée de recommencer
    À rajouter à mon décompte un nouveau jour à démarrer,
    Attiser, surveiller sa flamme sans pour autant le romancer.

    Mardi, le cœur à marée basse fait l’inventaire de la place
    Qu’il occupe sur cette plage, sur cette tranche de ma vie.
    J’observe tout ce qu’il s’y passe, chaque seconde qui remplace
    La précédente au recyclage et qui se répète à l’envi.

    Mercredi, j’ai oublié l’heure et j’ai raté la marée haute.
    Tant mieux car Madame la Lune m’agace avec ses haut-le-cœur.
    Je cesse d’obéir au leurre de monter ou baisser la cote
    De mon moral à la fortune des phases de l’astre moqueur.

    Tableaux de Francisco Fonseca

  • L’impossibilité d’une île

    Mon cœur rêve d’îles désertes où l’on vit nu dans l’insouciance
    Comme si le singe, tapi en moi, restait dans son arbre éploré.
    Mon âme se montre diserte pour refouler l’insignifiance
    Du progrès qui met en émoi l’esprit sans cesse amélioré.

    Redevenir homme des bois et retourner à la nature ?
    Il semblerait qu’il soit trop tard car le temps reste irréversible.
    Les remords font le contrepoids avec la triste conjoncture
    Aux regrets toujours en retard sur ses effets imprévisibles.

    Tableaux d’Anne Delplace sur http://www.anne-delplace.com/peinture-huile.php

  • Rêveries en rémission

    La nuit, capté par l’inconscient, le flux de mes rêves s’anime
    Et passe à travers la passoire de l’esprit en demi-sommeil.
    Il puise dans mon subconscient mes désirs les plus unanimes
    Et se répand dans ma mémoire puis, fond comme neige au soleil.

    Entre l’émetteur mystérieux et le récepteur défaillant,
    Beaucoup de songes se précipitent dans l’abîme des trous du savoir.
    Combien de messages impérieux, transmis d’un souffle prévoyant,
    Tombent dans l’âme décrépite qui n’a pas su les promouvoir ?

    Tableaux d’Anne Delplace sur http://www.anne-delplace.com/peinture-huile.php

  • Et tangue le navire

    Les monstres marins ressurgissent quand on ne s’y attendait plus ;
    On les avait dit disparus, éradiqués par le progrès.
    Pourtant les alarmes rugissent comme s’ils étaient en surplus
    Et pour cette fois apparus annoncer le temps des regrets.

    Autant de fléaux sont passés et ont englouti nos cités
    Et l’humanité n’a cessé de recommencer son histoire.
    On ne compte plus les trépassés, les guerres et les atrocités
    Sans que la vie ait progressé par-dessus-tout vers sa victoire.

    Aujourd’hui la moindre tempête est synonyme d’apocalypse ;
    Le moindre rhume qui éternue menace toute la Terre entière.
    On prend la poudre d’escampette et l’intelligence s’éclipse
    Devant un virus inconnu qui franchit toutes les frontières.

    Tableaux de Francisco Fonseca

  • Au fil de l’eau de l’océan

    Bientôt ma ville submergée vivra d’une vie aquatique ;
    Mon long courrier naviguera vers des latitudes sereines.
    Mais je le verrai converger par les couloirs sud-Atlantique
    Surtout lorsqu’il rappliquera pour ensemencer nos sirènes.

    Cette nuit, ma ville sous-marine allume ses feux de positions
    Et attire ainsi mon navire qui vire de tribord à bâbord.
    Le capitaine alors s’arrime à l’ancre à sa disposition
    Et hèle celles dont le cœur chavire mais accepte de grimper à bord.

    Un an plus tard, sur le retour, les sirènes avec leurs enfants
    Qui ont affermi leurs poumons reviennent aux eaux maternelles.
    Chacun de plonger à son tour afin de rentrer triomphant
    Retrouver leurs hommes-saumons dans leurs abysses paternelles.

    Tableaux de Francisco Fonseca

  • Ô Lotus !

    Fleuri de rose vénitien, le Grand Canal semble tranquille
    Sous l’odeur des lotus éclos qui l’endort dans ses rêves roses.
    Un marchand de sable phénicien coupe les eaux de la presqu’île
    Afin de gagner son enclos sous un ciel d’aurore morose.

    Originaire de Phénicie, au sable si rose et si fin,
    Il répand les parfums d’orient tout autour de l’Adriatique.
    Le tourisme bénéficie jusqu’à ses ultimes confins
    De ce trafic répertoriant toutes les dépendances hypnotiques.

    Venise fleurie

  • Chatonades

    Dans la nuit noire, les chatons excellent au jeu des silhouettes ;
    Velours au bout des ripatons, ils aiment jouer les girouettes.
    Eux, savent d’où vient la lumière qu’ils renvoient pareil à un phare
    Postés au bas d’une chaumière d’une fixité que rien n’effare.

    Minet, derrière sa fenêtre, joue comme à la télévision
    Et prend son temps pour reconnaître où voler quelques provisions.
    S’il observe le temps qui passe, la météo et les infos,
    Il cherche à faire un coup d’audace car à tout âge, les chats sont faux.

    Photo d’Andofuchs

  • Promenade naïve

    Je m’accompagne naïvement le cœur d’enfant dans les contrées
    À la recherche d’un espace où le temps n’a pas d’importance.
    Je communique tardivement mais il est temps de rencontrer
    Cette entrevue que j’outrepasse à travers le temps à distance.

    Tiens ! Me voici sous le grand chêne avec l’ami imaginaire
    Qui était promu seul confident et détenteur de tous mes biens.
    Et moi je rétablis la chaîne entre mon présent ordinaire
    Et mon passé se dévidant vers l’avenir qui est le mien.

    Je me souviens de son guichet qui s’ouvrait à même son tronc
    Et son visage souriant suivant mes pensées surannées,
    Ma timidité affichée et mes allures de poltron,
    Sans savoir que l’ami brillant, c’était moi, dans plusieurs années.

    Tableaux de Paul Corfield

  • La reine entre deux rois

    Le roi de droite hache le temps pour ne pas perdre une seconde.
    Son temps, précieux comme l’argent, est minutieusement compté.
    Économe du moindre instant, il fait payer à tout le monde
    Un impôt qu’il va partageant avec ses amours escomptées.

    Mais la Reine, elle ne compte pas ; l’amour ne sait pas ce défaut.
    La Reine attend impatiemment que son roi cesse cette addiction.
    Le temps, quand il part au combat, suspend son vol en porte-à-faux ;
    Elle s’en va chercher galamment un réconfort à l’affliction.

    Le roi de gauche, d’un amour ivre, ne fait pas les choses à moitié ;
    Dans sa tête, le temps peut trotter avec ses courses contre la montre !
    Lui, c’est un homme du temps de vivre, du temps d’aimer et de châtier
    Et quand la Reine vient s’y frotter, impétueuse est la rencontre.

    Tableaux de Victor Nizovtsev

  • Trois matins de Shéhérazade

    Au gui l’an neuf tout recommence, Shéhérazade se met en transe
    Après sa nuit bleue et profonde, elle déguste un thé au jasmin.
    Elle redémarre une romance avec intrigues à outrance
    Pour que le Sultan se morfonde à patienter jusqu’à demain.

    À Pâques ou à la Trinité, la vie, la mort s’enchaînent encore
    Comme une éternelle routine qui vit qui meurt et puis, renaît.
    Perpétuelle féminité qui rythme neuf mois de son corps
    Depuis les prémices enfantines dont les amours tambourinaient.

    À Noël comme au réveillon, Shéhérazade se fait vieille ;
    Les mille-et-une nuits corrodent un peu le cœur, beaucoup la femme.
    Elle guette le premier rayon d’un soleil que trop longtemps veillent
    Ses yeux fatigués émeraude brillant sur les bleus de son âme.

    Costumes du ballet « Shéhérazade » de Nicolas,Rimsky-Korsakov par Boris Israelevich Anisfeld