Créatrice et Créature

Créatrice et Créature

Dans le miroir, je me crayonne, nue sur mon siège de satin ;
Le pinceau tremble, et m’abandonne ; tu nais de moi dans le matin.
Je pose un sein, puis ton épaule, je trace un souffle entre mes reins ;
Chaque courbe est une parabole et tu sors de mon souterrain.

Tu crois m’avoir imaginée, muse sortie de ton néant
Mais c’est ton âme dénudée que je dessine lentement.
Car si je suis ta créature, tu n’étais rien sans mon regard.
Je suis la forge-enluminure ; artisan du feu, l’œil hagard.

Alors penché sur mon esquisse, avoue-le, créateur charmé :
Tu n’étais qu’un flanc de délice, avant que je t’aie animé.
Laureline qui prend le pinceau, Maryvon qui fond de plaisir ;
La reine dépose son sceau et le Roi naît de son désir.


Je l’avoue, tu m’as enfanté du creuset même de ton sexe
Tu m’as sorti, ensanglanté, de ton saint utérus convexe.
Je suis dans ton monde un reflet et toi, ma femme, tu m’accouches ;
Et de ton haleine insufflée j’ouvre les yeux, nu sur ta couche.

Illustration de Milo Manara.

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