
« Oui, nous formons une organisation réactionnaire, secrète, maléfique. Nous possédons des agents partout. Nous connaissons mille procédés pour décourager la recherche, saboter les expériences, fausser les renseignements…
Cependant, permettez-moi de répondre maintenant à quelques questions et accusations qui nous viennent souvent aux oreilles. Les membres du gouvernement jouissent-ils de la richesse, des privilèges, de la puissance, sont-ils dispensés d’obéir aux lois ? L’honnêteté nous oblige à répondre : oui, à des degrés divers qui dépendent des circonstances et des contingences. Dans ce cas, le gouvernement serait un groupe fermé, limité ? En aucune sorte. Nous nous considérons, évidemment, comme une élite intellectuelle. Mais nos portes sont ouvertes à tous, bien que peu d’élus puissent les franchir.
Notre politique ? Plutôt simple. L’ère économique a mis une arme terrible entre les mains des mégalomanes qui se trouvent dans notre sein. Il existe d’autres connaissances qui, si elles étaient mises à leur disposition, pourraient leur assurer un pouvoir tyrannique. C’est pourquoi nous contrôlons la dissémination de la connaissance.
On nous stigmatise du nom de « divinités auto-sacralisées » ; on nous accuse de pédantisme, de conspiration, de condescendance, d’arrogance, d’être obstinément persuadés de notre bon droit. Ce sont là les moindres critiques qu’on nous adresse. On nous traite d’insupportables paternalistes et, dans le même temps, on nous reproche de nous désintéresser des affaires humaines.
Pourquoi n’utilisons-nous pas notre influence à soulager la peine des hommes, à prolonger leur vie ? Pourquoi affectons-nous de nous retirer sur un plan supérieur ? Pourquoi ne transformons-nous pas l’habitat humain en un royaume de bonheur, alors que nous possédons les moyens d’y parvenir ?
La réponse est simple – et peut-être décevante. Nous pensons que ce sont là de faux biens ; que la paix et la satiété sont synonymes de mort. Malgré sa brutalité et ses excès de cruauté, nous envions à l’humanité archaïque ses expériences ardentes. Nous prétendons que la récompense après l’effort, le triomphe après l’adversité, l’accomplissement d’un projet longuement poursuivi, procurent plus de satisfaction qu’une prébende nutritive puisée à la mamelle d’un gouvernement bonasse. »
Extrait d’une allocution de Madian Carbuke, politicien imaginaire issu du roman « le Prince des étoiles » de Jack Vance. Tous ceux qui ont cru à la confession d’un ministre de notre gouvernement pourraient être classés comme activistes, fatalistes et alarmistes. Et moi, un petit farceur.
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