Contes et légendes

Conte de janvier



Le voyageur est matinal et part quand l’aube est imminente
Et devine l’aurore pâlir sur les collines embrumées.
Il fixe le point cardinal du parcours qu’il expérimente ;
Il ne craint pas de se salir et nulle crainte à s’enrhumer.

Il est l’énergie qui avance, cette énergie qui crée l’espace,
Et qui aussi crée le néant jusqu’aux confins de l’univers.
Il est l’énergie qui devance, cette énergie qui nous dépasse
Et qui fait paraître géants les infinis les plus divers.



Conte de février



Le conquérant marche au zénith sous le soleil point culminant
Il a appris à observer, comprendre, entendre et entreprendre.
C’est dans la lumière bénite, à l’aise dans son élément,
Qu’il a su toujours préserver toute son existence à apprendre.

Il est le temps qui accélère et qui impose ses limites
Qui indique la persistance du moindre atome qui demeure.
Il est le temps qui décélère, qui mesure et qui délimite
La durée de tout existence, de ce qui naît, grandit et meurt.


Conte de mars



Quand le soir couvre son domaine de son ombre sur les collines,
Les maîtres aiment lever les yeux, parcourir, contempler les terres.
Ils annotent au fil des semaines la progression, la discipline
De bon ton, à peine orgueilleux, qui marque x son ministère.

C’est la lumière qui se condense, la lumière qui s’obscurcit
Et devient l’énergie première, celle qui régit la matière.
C’est la lumière qui se fait dense, qui ralentit, qui raccourcit
Jusqu’à devenir la charnière de la physique tout entière.


Conte d’avril



Le voyageur n’est pas le sage qui sait voyager dans l’espace
Le conquérant n’est pas le sage qui a construit dans tous les âges.
Le maître n’est pas plus le sage qui sent la matière qui passe
La sagesse n’est pas le sage, c’est la sagesse qui fait le sage.

C’est la raison existentielle de l’écho prononcé par Dieu
Qui a semé et tout l’espace, et la matière, et le temps.
C’est ce mouvement essentiel dont on voit le poinçon radieux
Dans chaque ombre ou rayon qui passe, dans chaque cil papillotant.


Conte de mai



L’un marche vers l’inconnu, l’autre bâtit ce qu’il découvre.
L’un s’émerveille des sentiers, l’autre s’impose sur les routes.
Ils avancent sans se confondre, mais leurs forces se recouvrent
L’élan et la volonté unis sous les astres qui s’ajoutent.

Ils sont le miroir l’un de l’autre ; l’un au passé, l’autre au futur.
L’un anticipe par ses voyages, l’autre concrétise de sa main.
L’un part toujours en éclaireur, l’autre revient en grand vainqueur
Ils ont ensemble un même cœur, un même corps, une même âme.


Conte de juin

Le Maître consigne et structure ; le Sage respire et comprend.
L’un fait grandir, l’autre relie ce qui dépasse l’entendement.
Ils s’écoutent, s’ajustent, s’éprouvent dans un silence bienveillant
Et gardent ensemble le seuil où commence l’éveil permanent.

L’un enregistre et archive, l’autre est déjà reparti ailleurs ;
L’un gère pour le bien de tous, l’autre rêve à l’avenir de tous ;
L’un pèse et soupèse ses mots, l’autre prépare un chant nouveau ;
Avec l’un tout est accompli, avec l’autre tout s’épanouit.


Conte de juillet


Il partait sans règle ni carte ; il apprit à lire le monde.
Par le Maître, il apprivoisa les signes et les cycles profonds.
En retour, le Maître s’ouvrit à la clarté vive et féconde
D’un chemin qu’aucune science n’enfermerait dans ses raisons.

L’un parcourt des mondes nouveaux, l’autre alors les cartographie ;
L’un ne connait pas l’impossible, l’autre connait tous les possibles ;
L’un prend des risques insensés, l’autre enregistre les plus sensés
Et ensemble quand ils font le point, l’univers paraît plus brillant.


Conte d’août

L’un dompte, l’autre renonce ; l’un frappe, l’autre effleure.
Mais parfois, au creux d’un été, leurs souffles s’interpénètrent :
Le Conquérant, las de guerre, trouve au Sage une douce lueur
Et le Sage, troublé soudain, reconnaît en lui son propre maître.

Le conquérant insatiable ? Le sage en quête de vérité ?
Eh oui, ils sont tous deux pareils ; ils ont une soif d’absolu.
Chacun tient l’autre en peu d’estime… mais ils sont tellement semblables !
Ce qui les unit, c’est le cœur, le corps, l’esprit… une même âme.


Conte de septembre

Ils se réunirent, inquiets, autour d’une carte effacée.
Le temps pressait, les mots manquaient, la voie semblait impossible.
Mais leur alliance, bien dosée, offrit une nouvelle clarté :
La force, la loi, la vision tressées dans un pacte invisible.

Mais le voyageur n’est pas là, le corps a besoin de la vue ;
Mais le voyageur est absent et le cœur a besoin d’amour ;
Mais le voyageur ne vient pas ; l’esprit a besoin de nouvelles
Mais le voyageur est ailleurs à la poursuite de son âme.


Conte d’octobre

L’errant, le guide et le veilleur partagent un même feu fragile.
L’un raconte, l’autre éclaire, le dernier apaise.
Ensemble, ils traversent la brume des jours plus hostiles
Et leur trio devient l’écho d’une sagesse sans emphase.

Mais aucun d’eux n’est un stratège et ne sait prévoir à l’avance ;
Ils sont joueurs et avisés mais sans tactique et sans tricher ;
Car trop honnête ne sait risquer sa vie au-devant de la mort
Et qui affrontera sa mort sera vainqueur ou bien vaincu.


Conte de novembre

Les vents froids soufflaient sur la lande et les décisions étaient dures
Pourtant chacun tenait sa place : explorateur, bâtisseur et gardien.
C’est ainsi qu’en défiant l’hiver, ils trouvèrent la mesure pure
D’une alliance imparfaite mais humaine, debout jusqu’au matin.

Durant la nuit, il y eut l’orage ; une tempête se leva.
Chacun ne tenait plus en place et se regardaient tour à tour.
Puis un éclair illumina et le tonnerre après gronda ;
D’un même geste, d’un même élan, ils sortirent à bride abattue.


Conte de décembre

Décembre exigeait l’épreuve ultime : allier mouvement, force et loi.
Et les trois compagnons, las mais solidaires, bâtirent un pont de lumière
Entre ce qui fut et ce qui vient, entre la chute et la foi.
Ils comprirent enfin que l’union est la plus juste des frontières.

Il restait encore une épreuve qui pouvait tout bouleverser.
Dont ils en ressortiraient vainqueurs ou éparpillés dans la poussière.
Car si l’équilibre est crucial et l’énergie indispensable
La cohésion n’aboutira que lorsque l’amour unira.


Conte du nouvel an

Ce fut un silence d’or et d’aube demeurant jusqu’au crépuscule.
Tous les quatre restaient immobiles, comme au-devant d’un grand mystère.
Ils savaient que des changements allait changer le monde entier,
Mais c’est sans peur, sans regret qu’ils vécurent ce nouvel an.

Dans un futur plus ou moins proche, l’histoire recommencera.
On partira, on se battra, on vaincra et on règnera.
À chacun de se reconnaître dans ce récit initiatique
Et rassembler ses dimensions qui lui ouvrira l’Univers.


Épilogue

Moi-même, l’humble narrateur, je les ai tous portés en moi ;
Je les ai rêvés, animés, redoutés, parfois repoussés.
Mais aujourd’hui, je les embrasse, tous ensemble avec émoi
Car si on m’a donné leurs souffles, qui est-ce qui en a le secret ?

Je l’ai perçue entre les lignes bien qu’elle ne fut jamais nommée
Celle qui m’a raconté l’histoire, cette étrange petite voix
Qui m’emmène depuis que je suis né, qui me protège et me conseille
Et il est grand temps maintenant pour moi de prononcer son nom.