Catégorie : Sirènes

  • Pourquoi offrir un couteau ?

    Pourquoi offrir un couteau ?

    Offrir un objet appointé à un ami porte malheur
    Qui doit l’mauvais sort conjurer par une pièce symbolique.
    Alors pourquoi pas s’accointer des grâces de plus grandes valeurs,
    Sans pour autant se parjurer, en offrant un couteau phallique ?

    Phallique à lame recourbée pour une pénétration lente
    Dans la tendre chair savoureuse, celle d’une sirène offerte
    Qui va lentement absorber cette douce dague insolente
    Dont la frénésie amoureuse devient pures délices souffertes.

    Mais le cadeau était trompeur et la lame à double tranchant
    Et le marin mourra d’amour au propre comme au figuré.
    Lui qui était venu sans peur séduit par la fille et son chant !
    La fin ne manque pas d’humour et le twist est transfiguré.

    Elle l’attire, nue dans l’onde, la voix sucrée, les reins de sel ;
    Le couteau d’amour, finement forgé du métal des promesses.
    Ses yeux fendus, comme deux mondes où l’homme oublie tout l’essentiel,
    S’enfoncent au cœur du firmament prêts à célébrer la grand-messe.

    Pendant qu’il jouit – qu’il croit jouir – elle s’ouvre à la lune nouvelle ;
    Lui, il sourit, pâlit, puis meurt… heureux, peut-être, mais bien trompé.
    Son sang qui va la réjouir coule dans sa bouche sensuelle ;
    Le mâle heureux connaît humeur d’une camarde détrempée.

    Tableau de Eva Frantova Fruhaufova.

  • Ma petite sirène

    J’avais ramené une sirène chez moi pour mon éducation
    Mais mon père me l’ayant volée, j’en étais resté tout frustré.
    Toutefois une nuit sereine ôta mes préoccupations
    Une fois que j’eus somnolé et fait un rêve fort illustré.

    Je répartis le lendemain à la recherche de sa sœur
    Dont j’avais aperçu en songe l’emplacement de son repaire.
    Je n’étais encore qu’un gamin sans l’expérience du chasseur
    Mais j’en avais marre des mensonges que m’avait racontés mon père.

    Je l’ai découverte isolée sur un rocher de la lagune,
    Pareille à celle de Copenhague, fidèle au conte d’Andersen.
    Ma déception s’est envolée lorsqu’elle s’approcha sans rancune
    Tandis qu’une incroyable vague m’engloutit de ses eaux malsaines.

    Quand je revins à moi, flottant dans l’abîme aux reflets liquides,
    Elle me serrait contre ses seins nus dans un silence séraphique.
    D’un baiser froid mais envoûtant, elle scella mes songes avides,
    Et m’entraîna vers l’inconnu dans une nage chorégraphique.

    Illustration de Nicole Claveloux.

  • La carte du tendre de la sirène

    La carte du tendre de la sirène

    J’ai, en guise d’invitation, reçu une carte marine
    Et une coquille vulvaire avec une perle nacrée.
    Sur la carte, une annotation : « ceci est la clef utérine
    Où beaucoup de marins trouvèrent l’attachement le plus sacré ! »

    J’ai donc traversé l’Atlantique en suivant la route du tendre
    Gravée sur la partie moirée de l’intérieur du coquillage ;
    En suivant les vents romantiques et, sans devoir beaucoup attendre,
    J’atteignis en fin de soirée la destinée de mon voyage.

    Une grotte semblable à ma valve, s’ouvrait entre deux bras de mer
    J’y pénétrai dans la toison formée de plantes odorantes.
    Sur l’autel en forme de vulve et le trône bleu-outremer,
    Vint ma sirène en pâmoison envers sa proie revigorante.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • La vague entre mes cuisses

    La vague entre mes cuisses

    Je suis née d’une brume où ton nom fait marée,
    Un frisson vertical qui remonte mes hanches ;
    Ma peau salée t’appelle, offerte, écartelée,
    Sous la lune couchée dans mes gouttes blanches.

    J’ai gardé dans mon ventre un trésor inconnu,
    Un coquillage d’or où ton souffle s’enroule ;
    Tu y reviens sans fin, naufragé revenu,
    Et tu t’y perds, en moi, dans mes algues qui roulent.

    Mon cri devient sirène et mon sexe un récif
    Où ta langue s’égare en cherchant la lumière ;
    Quand mes jambes se referment dans un motif,
    C’est que je t’ai happé — poisson de ma rivière.

    Et quand tu dors enfin, la vague entre mes cuisses
    Berce ton corps d’écume, et ma main sur ton cœur
    Note encore les vers que ton sperme m’indice
    En alphabet vivant, mouillé de notre heure.

    Texte de Laureline Lechat et Illustration de Milo Manara.

  • L’addiction aux moules

    L’addiction aux moules

    Après l’accouchement, Madame a repris goût
    Aux gratins de palourdes et moules en ragoût.
    Elle en demande tant que Monsieur énivré
    S’enregistre aux cartiers afin d’être livré.

    Et de troisième main, un jeune facteur en friche
    Viendra tous les matins apporter sa bourriche.
    Surpris au saut du lit par le coup de sonnette,
    Notre couple l’accueille, nus dans la maisonnette.

    Mais le garçon, troublé par cette étrange scène,
    Rougit sous la casquette et, d’une trique saine,
    S’invite au doux fumet de salade marine
    Et rêve de s’offrir, lui aussi, la rouquine.

    Et chaque jour depuis, double la livraison,
    Joignant à la corbeille un zeste d’addiction.
    On dit que la maison est une péroraison
    De cris d’invitations à d’autres suggestions.

    Tableau de Tobias Rivrain sur https:deepdreamgenerator.comutobiasrivrain .

  • Partie de moules

    Partie de moules

    On ne refuse pas une partie de moules
    Après un bon repas arrosé d’un Picpoul.
    Si Madame consent et Monsieur est en forme,
    Monter en balançant la jupe et l’uniforme.

    Demain les bigorneaux, après-demain les huitres ;
    On fera du porno moulé à juste titre.
    Samedi et dimanche, un gratin de palourde
    Après, c’est dans la manche, Madame sera lourde.

    Mais lundi au boulot, la Belle ballonnée
    Refuse le bulot, ne veut pas pardonner.
    Elle exigera fleurs, douceurs et chocolat ;
    Après ses premiers pleurs, chacun en reste là.


    Neuf mois sans coquillage, c’est comme les mois sans « R » ;
    Car plus de gaspillage de parties jambes en l’air !
    Mais après la naissance du nouvel arrivage
    L’envie avec aisance reprend à l’abordage.

    Tableau d’Andrei Protsouk.

  • La sirène médusée

    La sirène médusée

    Fasciné de bioluminescence
    dans les abysses les plus profondes,
    J’en recherchais les organismes
    méduses, calamars, sirènes.
    J’en perçus une évanescence
    pour peu que je ne la confonde
    Avec un microvolcanisme
    ou la naissance d’une reine.

    Je suivis alors ton enfance
    et toute ton adolescence,
    Parmi l’existence de bohème
    auprès de ton père et ta mère.
    Mais de peur que je ne t’offense,
    je t’envoie en reconnaissance
    Mon ancre chargée de poèmes
    écrits de reflets outre-mer.

    « Je nage en silence dans ton encre,
    tissée d’ombres et de velours,
    Je suis médusée de lumière
    mais pour toi je vibre en secret.
    Quand tu m’appelles en jetant l’ancre
    avec ton air le plus balourd,
    C’est pour moi l’impression première
    d’un feu doux à jamais sacré !

    Sous mon ombrelle phosphorescente,
    j’ai cousu ton nom qui m’effare
    Et chaque flagelle que j’agite
    retient un poème qui me touche.
    Tes rondes de plus en plus récentes
    m’obligent à briller comme un phare
    Et produire ce qu’il faut de gîte
    pour t’attirer contre ma bouche ! »

    Illustration de Digna Cournoyer sur https:www.flickr.comphotos134845334@N06 .

  • La sirène à l’Eurovision

    « Tous transgenres, tous transsexuels » était le modèle adopté
    Pour remporter l’année dernière le concours de l’Eurovision.
    Ce phénomène factuel, s’est alors trouvé adapté
    Par toute une faune marinière en route pour la télévision.

    Dotées d’une voix surnaturelle, les sirènes y ont accédé
    Rapidement aux premières places loin devant castras de tous poils.
    Ainsi la chanson culturelle étant jusqu’ici obsédée
    Par la hantise du surplace est remontée jusqu’aux étoiles.

    Étoiles de mer précisément avec robes en queues d’écailles,
    Seins nus pour capter l’attention surtout de la gente masculine.
    Au sujet du désagrément, les femmes ont prié la flicaille
    De modérer toute tension et la montée d’adrénaline.

    Sa queue brillante de sirène l’a fait glisser du trône en bois ;
    Les mouettes criaient, souveraines : « À poil la star ! Rentre chez toi ! »
    Le public, grisé de frissons, a voté pour la candidate
    Dont le string orné de poissons sortait du maillot écarlate.

    Les dauphins aux mines froissées juraient qu’on truquait les concours ;
    L’un d’eux, la queue bien retroussée, rugit qu’il était sans recours.
    Des pieuvres pleines d’ambitions poussaient des cris d’exaltation
    Mais leur huée aux mille tensions tomba… faute de pulsation.

    Tableaux de Sam Yeates.

  • La sirène cosmique

    La sirène cosmique

    Dans l’océan du ciel, elle est en vigilance,
    Ses hanches font tanguer les voiles nébuleux ;
    Ses seins, pleins de clarté, distillent en silence
    Le lait des galaxies, élixir fabuleux !

    Elle glisse en riant dans la soie des étoiles,
    Son chant trouble les vents des orbites heureuses ;
    Des astres en émoi s’embrasent et se dévoilent ;
    Même Vénus jalouse en devient amoureuse.

    Ses cheveux sont des flux de matière cosmique ;
    Chaque boucle en spirale enfante une comète.
    Et dans l’ombre des nuits, dans l’univers comique,
    Elle rit aux éclats sur toutes les planètes.

    Quand elle rêve silencieuse aux cyclades maltées,
    Je deviens son écho, son soupir réfracté.
    Elle verse dans mon âme le lait chaud d’Amalthée,
    Sa mère dont du sein jaillit la Voie Lactée.

    Tableau de René lalique.

  • Une sirène à la maison

    Une sirène à la maison

    Lorsque j’étais petit garçon, j’ai ramené à la maison
    Une sirène adolescente qui voulait me faire l’amour.
    Là, au bout de mon hameçon, elle m’a fait entendre raison
    Et j’ai fait entrer l’indécente direct en salle-de-séjour.

    Mais la créature épuisée s’est endormie sur le sofa ;
    J’attendais qu’elle se réveille lorsque mes parents sont entrés.
    Ma mère tout électrisée m’observa et m’apostropha
    « Non ! Ce n’est pas demain la veille qu’une chimère viendra se montrer ! »

    Mon père, plus scientifique, me dit qu’il allait l’éprouver
    Et l’emporta dans son bureau soi-disant pour se documenter.
    J’ai trouvé ça catastrophique car c’est moi qui l’avais trouvée
    Et leurs gémissements gutturaux n’ont fait lors que m’épouvanter.

    Le lendemain, toute pimpante, elle est sortie du cabinet,
    Un large sourire aux écailles et la crinière fort épointée.
    Mon père, de manière élégante, dit : « Beau sujet bien coquinet ! »
    Et moi depuis, vaille que vaille, j’en reste tout désappointé.

    Illustration de Nicole Claveloux.

  • Le nombril de la sirène

    Le nombril de la sirène

    Les sirènes ont-elles un nombril ? Si oui, elles sont vivipares
    Sinon de septembre à avril elles seraient donc ovipares !
    De mai à août, par leur nature, elles partent en vacances orphiques
    Où elles prennent leurs villégiatures parmi les îles du Pacifique.

    Mais comme elles sont nées de la mer par un cordon ombilical
    Qui sort d’une vulve outremer par un couloir obstétrical,
    Elles sont marquées du sceau sacré telle une couronne invaginée
    Que Neptune leur a consacré lorsqu’il les a imaginées.

    Mais quant au sexe des sirènes, seuls les marins qui s’en souviennent
    Sont mort d’épectase sereine donc… que voulez-vous qu’il advienne ?
    Le sens du monde eût-il changé si cette énigme d’anatomie
    N’avait pas autant dérangé les amateurs de sodomie ?

    Tableau de Paul Vincenti sur https:paul-vincenti-800415.square.site .

  • La sirène qui monte, qui monte, qui monte

    Elles montent, elles montent les sirènes, tout droit fixées sur l’objectif ;
    Un joli navire affrété à leur nourricière attention.
    Aussitôt touché la carène, en un mouvement collectif,
    Avec l’idée bien arrêtée de n’e’en faire aucune abstention.

    Marin, entends-tu les remous des queues de sirènes agitées
    Qui montent, montent à la surface à l’assaut des bateaux de pêche ?
    Déjà la première fait la moue mais ce n’est que narquoisité…
    Pauvre marin, quoi que tu fasses, tu mourras en sauce escabèche !

    Mais voici qu’émerge la reine et sa chevelure dorée
    Qui vient réclamer son octroi, notamment sa pièce de choix.
    Ce soir grand festin des sirènes avec menu élaboré :
    « Marin dodu bien à l’étroit dans sa papillote aux anchois ! »

    Il cria : « J’suis végan, pitié ! » et voulut fuir sur un dauphin
    Mais il était ventripotent et le ramena sans façon ;
    Mais cuit, il fut fort apprécié après le mousse en coupe-faim ;
    « Un peu sec ! » dit l’une en rotant son cocktail aux crabes glaçons.

    Tableaux de Marco Paludet.

  • En attente du 1er mai

    1er mai

    À la recherche du muguet cueilli tout frais dans les forêts,
    J’ai découvert une vendeuse qui le vendait à la sauvette.
    Son étal, un peu déglingué nacré de teintes phosphorées
    Ainsi que sa tenue frondeuse juraient avec sa peau d’helvète.

    Car elle était en tenue d’Ève malgré la fraîcheur du matin,
    Sans doute un argument de charme pour mieux attirer le chaland.
    Mais elle se tenait sur la grève aux abords du Quartier Latin
    Tandis que deux ou trois gendarmes l’examinaient, les bras ballants.

    Désirant tenter l’aventure malgré les trois gars galonnés
    Pensant le muguet chouravé selon l’avis des trois pandores,
    Elle disparut sous une tenture, m’invitant à la talonner,
    Les trois hurlant comme si j’avais ouvert la boîte de Pandore.

    Hé non, le commerce était libre comme de coutume ce jour-là
    Et elle n’était pas vraiment nue, juste un string de couleur pervenche.
    Mon cœur perdant mon équilibre, je me retrouvai au-delà
    Du plus beau premier mai connu à marquer d’une pierre blanche.

    Illustration de Milo Manara.

  • Le sexe féminin

    Le sexe féminin

    Ce sexe en conque de bulot ou bien en corne d’abondance
    Est à la femme mystérieuse un secret venu de la mer.
    Il demande un peu de culot pour lui faire ses confidences
    Et entrer dans la luxurieuse caverne aux plaisir doux-amer.

    En forme de queue de sirène qui gobe d’un coup de morsure
    Le marin, aussitôt happé aux profondeurs de l’océan,
    Qui connaîtra sa fin sereine dans une petite mort sûre
    Mais au milieu de priapées avec orgasmes bienséants.

    Dans chaque femme une sirène surveille au fond de ses quartiers
    Le membre imprudent du malin pénétrant la chambre à coucher.
    J’en connais une, nommée Irène, qui dès que vous lui écartiez
    Les jambes en quête d’un câlin, vous avalait d’une bouchée.

    Tableau de Rafal Olbinski.

  • Irène et le bouton rose

    Irène et le bouton rose

    Depuis les montagnes de Bavière avec leurs Lorelei alpestres,
    J’avais coutume de croiser génies des eaux, vouivre et sirènes
    Qui séjournent au fil des rivières, parfois dans des grottes rupestres,
    Et passent leur temps à toiser tout un chacun qui se promène.

    Sans doute par le bouton de rose qu’elle arbore dans ses cheveux,
    J’aperçois souvent ma sirène qui chantonne pour tromper sa faim.
    Et je lui récite ma prose pour qu’elle fasse ce que je veux,
    Car j’attends de la belle Irène sa dernière strophe pour la fin.

    En réalité c’est le Sphynx mais je l’ai prénommé Irène
    Et modifié son énigme par un poème de mon choix.
    Si elle voit, par son œil de lynx, une quatrième strophe sereine
    Elle accomplit son paradigme sauf qu’elle se plante à chaque fois.

    Je la vois scruter l’horizon, l’œil acéré sur l’examen ;
    Elle tord l’intrigue serrée au creux de ses griffes subtiles.
    Mais – serait-ce par dérision ? – elle se perd sur le chemin
    Et répond la langue acérée d’une conclusion bien futile.

    Tableau de Veris.

  • L’appel de la sirène

    L’appel de la sirène

    Aussitôt que sonne sa conque dans l’obscurité des abysses,
    Tout l’obscur petit monde bouge au communiqué de leur reine.
    Et jamais on ne vit quiconque déroger à ces bons auspices
    Qu’on ne voit que par infrarouges sauf peut-être par la sirène.

    Et justement c’est aujourd’hui que son cœur de mère chavire
    Par cet appel annonciateur d’un événement dominateur.
    Tout ce que les hommes ont produit, bathyscaphe, sous-marins, navires
    Ont fourni d’appréciateurs matelots inséminateurs.

    La Reine pond d’impondérables œufs de toutes sortes de races ;
    Des œufs à coquille dorée, des œufs ronds et des œufs bridés.
    Ce matin de considérables petits coups sur leurs carapaces
    Laissent entrevoir une adorée éclosion de sirènes hybridées.

    Tableau de Heru Setiawan.

  • L’arbre généalogique à poisson nommé

    L’arbre généalogique à poisson nommé

    Animales et végétatives sont les racines de la vie
    Qui ont poussé au fond des mers et se sont nourries de leur sel.
    Par cette souche relative, j’aime retracer la survie
    De tous mes ancêtres éphémères dans ce classement universel.

    Là, je dois couper le cerveau qui n’a qu’une seconde d’existence
    Reportée d’après un barème sur vingt-quatre heures de la vie.
    C’est donc à mon cœur que prévaut le droit de sonder ma substance
    Et à mon âme le théorème qui fait qu’un dieu m’aurait suivi.

    J’en étais venu aux poissons lorsqu’une sirène s’interpose
    Et me dit être ma grand-mère à la millième génération.
    N’étant pas épris de boisson, j’examine ce qu’elle propose
    Et voici qu’elle m’énumère tous nos degrés de filiation :

    Elle m’évoque sur un fil de soie, les profondeurs et leurs tourments ;
    Les vagues chantent noms et prénoms qu’ensemble nous nous autorisons.
    Dans cette lignée qui va de soi, l’histoire prend forme lentement
    Et toutes les âmes de renom s’éveillent alors sous l’horizon.

    Tableau de Hayk Shalunts

  • Dans mes filets

    En tant que pêcheur de merveilles, en tant que chasseur de trésors,
    J’aime explorer chaque mystère et chaque énigme de la mer.
    Pour cela, tous mes sens surveillent chaque empreinte de dinosaure,
    Chaque légende planétaire, chaque fabuleuse chimère.

    Quand j’ai capturé ma sirène que j’ai hâlée dans mes filets,
    Je savais que c’était un loup qui entrait dans ma bergerie.
    Mais je suis fou, elle est ma reine et je vois bien se profiler
    Une victoire qui m’alloue de vaincre sa sauvagerie.

    Je l’ai ramenée à la maison et déposée dans la piscine ;
    Je l’ai laissée y méditer qu’elle n’avait pas de quoi pavoiser.
    Je ne sais pas si j’ai raison mais cette femme me fascine
    Et sans folie préméditée, j’ai plongé pour l’apprivoiser.

    Mais l’eau soudain s’est embrasée d’un halo sombre et menaçant ;
    Ses yeux brillaient d’un feu sauvage d’une fournaise carnassière.
    D’un chant aux notes abrasées par ses crocs à feu et à sang
    Et d’un baiser couleur naufrage, je péris dans la souricière.

    Illustration de « Skeeter » Andrea C. Medert & Aldo Perez Mermaid.

  • Monde cruel !

    Monde cruel !

    La vie est un monde cruel où rien n’importe que la survie
    Et l’on mange ou l’on est mangé car le pragmatisme est vorace.
    La vie est un jeu sexuel ; on se reproduit à l’envi
    Pour ne pas soumettre au danger la préservation de sa race.

    Pour la sirène, c’est différent puisqu’elle se nourrit de naufrages,
    De navigateurs solitaires, marins pêcheurs, vieux loups de mer.
    Pour la marine, c’est atterrant mais pour l’océan, quel ouvrage
    Que laver ces parasitaires le plus souvent au goût amer !

    Or il y a marin et marin, le petit mince au goût d’anchois,
    Le gros ventre imbibé d’alcool qui remporterait le championnat
    Car pour faire un bon navarin, il faudrait des morceaux de choix
    Et, comme on l’a appris à l’école, on ne fait qu’avec ce qu’on a.

    Tableau de Jérémie Fleury.

  • L’inspiration sous les eaux

    L’inspiration sous les eaux

    L’inspiration de l’eau d’ici vaut-elle celle de l’au-delà ?
    La question n’est pas importante pour les sirènes des abysses.
    Toutefois la superficie des grands fonds pleine de mandalas
    Peints par leurs queues papillotantes sont comme nos muses du temps jadis.

    Ça laisse à penser que les rêves qui s’écoulent dans les rivières,
    Finissent par aller dans la mer, poussés par de puissants courants.
    Ces petites inspirations brèves dissoutes partent en croisière
    Dans les profondeurs douces-amères vers des points cibles concourants.

    Ainsi Clio conte l’Histoire, Euterpe chante la Musique,
    Thalie nous fait la Comédie, Melpomène une Tragiconomie,
    Terpsiphore Danse, c’est notoire, Érato vit au Chœur Lyrique
    Polymnie à la Poésie et Uranie à l’Astronomie.

    Enfin Calliope à l’Épopée et donc toutes les neuf ensemble
    Finissent par se retrouver à chaque rencontre éphémère.
    Il en naît plusieurs mélopées que les sirènes alors rassemblent
    Pour chanter et ainsi prouver que le talent vient de la mer.

    Tableau de Leinen Leinwand.

  • Empreintes maritimes

    Nous avons en commun un gène hérité du séjour en mer
    Où les éléments de la vie, par opération alchimique
    Dans la matrice hétérogène, sont issus de la même mère
    Engendrés par Gaïa ravie de cette grossesse adamique.

    Observez de plus près les vagues de vos empreintes digitales
    Et vous retrouverez le flux du sang maternel transmissible.
    Ne croyez pas que je divague quant à la lignée génitale
    Qui n’est qu’un mythe superflu pour les adeptes de la bible.

    J’ai dans les pouces ses tourbillons et dans les index ses spirales,
    Ses boucles dans les annulaires et ses arches aux auriculaires.
    Dans les majeurs, des tortillons issus des sirènes amirales
    Qui enfantèrent et annulèrent le darwinisme titulaire.

    Et si mon cerveau fait « flic-flac » lorsque j’entends chanter la mer,
    Et si mon cœur produit des ondes lorsque je rêve à ma sirène,
    Et si mon corps produit des flaques par le cycle des eaux amères,
    C’est que j’ai l’âme vagabonde d’empreintes maritimes et sereines.

    Tableaux de Reiichi Tsuchiya.

  • La sirène de la Madrague

    La sirène de la Madrague

    Inspiration pour les artistes, Fille des arts qui font vibrer,
    Saint-Tropez obtint la faveur des peintres et des écrivains ;
    Peinture fauve et pointilliste, romans qui l’ont tant célébrée
    Et rehaussée de la saveur d’acteurs et actrices divins.

    Notamment la belle sirène qui fit construire sa maison,
    Une cabane de pêcheur sur la plage des environs.
    Tout le village l’a élue reine et l’on vient en toute saison
    Se confronter aux empêcheurs de paparazzier en rond.

    On dit que la sirène est vieille et qu’elle approche des cent ans
    Mais qu’elle serait éternelle en même temps… est-ce une blague ?
    Mais ce n’est pas demain la veille que les potins alimentant
    La légende sur la péronnelle s’arrêteront sur la madrague.

    Illustration d’Arantza Sestayo sur https:nevsepic.com.uaenart-and-hand-drawn-graphicspage,2,15239-works-by-arantza-sestayo-54-works.html .

  • Drôle de sirène

    Drôle de sirène me direz-vous ! Mais moi, les sirènes je les aime
    À moitié femme, moitié poisson, un quart, trois-quart soit quarteron.
    Et celle-ci, je vous l’avoue, venue suite à un emphysème
    Après s’être éprise de boisson à cause d’un qui n’tournait pas rond…

    « Drôle de sirène ! », me dit-elle, alors que j’observais ses pieds
    En forme de nageoire caudale… « Un peu compliqué pour danser
    Mais je sais faire la tarentelle et le tango sur un trépied
    Avec une voiture à pédales sur un mouvement cadencé ! »

    Drôle de sirène dans mes filets, foi de marin-pêcheur breton ;
    Je n’ai pourtant pas l’habitude de faire une mauvaise pêche !
    Mais là, j’ai dû me défiler et revenir à croupetons
    Tandis qu’elle, par gratitude, se parfumait à l’escabèche…

    Je l’ai revue en pâmoison, chantant à la lueur des lampions,
    La queue en l’air sur la mesure d’un madrigal plutôt baroque.
    J’ai trébuché sur l’émotion en rêvant d’être son champion
    Tandis qu’elle, d’un dernier murmure, mît fin à notre idylle loufoque.

    Tableau de David Inshaw sur https:www.davidinshaw.netgallery.html .

  • La nymphe des rivières

    La nymphe des rivières

    La Vouivre au marais poitevin, la Lorelei au fil du Rhin,
    Les Walkyries au Walhalla et les Nymphes dans les forêts suisses.
    Chacune son attribut divin, chacune son pouvoir souverain
    Chacune son parcours çà et là autant que son mythe le puisse.

    J’ai parcouru des kilomètres de la Töss d’amont en aval,
    L’œil aux aguets à chaque bord, sous les ponts et aux affluents.
    Et j’ai vu, assise sans maître, une chimère de carnaval,
    Aux cheveux verts et tout le corps d’un azur des plus influents.

    Car elle se noie dans le décor et seule sa chevelure émerge
    Lorsqu’elle s’amuse à surprendre qui viendrait s’y désaltérer.
    Et j’en étais – et pire encore ! – d’une curiosité qui submerge
    Mon cœur qui a tant soif d’apprendre de mes sirènes préférées.

    Mais d’un courant couleur agrume, son regard des plus harcelants
    M’enlace d’une onde froide et douce et m’entraîne en un long ballet.
    Je veux parler, briser la brume, mais sous ses doigts ensorcelants,
    Je deviens ombre dans la mousse, un reflet vert bringuebalé.

    Tableau de Fomin Nikolay sur https:dzen.ruaZgA7Ru8Li1pUBL8I .

  • Ma sirène, mon chat et moi

    Ma sirène, mon chat et moi

    Le plus difficile dans ma quête de découvrir une sirène
    Fut de détromper la rumeur que les sirènes n’existent pas.
    Une fois formulée ma requête, j’ai, l’âme et la raison sereines,
    Poursuivi de meilleure humeur ma chasse avec moi pour appât.

    Elle m’a traqué, je dois le dire ; je n’ai rien fait pour la trouver
    C’est elle qui m’a capturé et qui m’a dévoré le cœur
    Au figuré pour m’interdire d’aimer une autre et lui prouver
    Que je n’irai m’aventurer nulle part ailleurs à contrecœur.

    Je l’ai ramenée à la maison, mon chat l’a tout de suite adorée ;
    Il faut le voir lui mordiller la queue et bien la peloter !
    Désormais en toute saison, j’aime voir ses écailles dorées
    S’étendre et se recroqueviller et ses nageoires trembloter.

    « Si je l’avais conquise :
    Mais parfois, dans un songe bleu, elle fixe l’horizon lointain,
    Ses yeux noyés d’anciens mystères qu’elle ne veut pas dévoiler.
    Alors je crains qu’un jour ou deux, bercée d’un appel incertain,
    Elle file entre les vagues claires, me laissant seul à contempler.

    Si elle m’avait conquis :
    Mais c’est elle qui m’a enfermé dans un palais sous les abysses,
    Où l’eau danse en reflets d’argent et chante en échos infinis.
    Mon chat, trônant sur un rocher, m’observe d’un regard complice,
    Tandis qu’elle enchaîne mes jours d’un amour doux et interdit. »

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Rare, la sirène phare

    S’il n’est pas rare que la sirène chante pour chasser les marins
    Qui croient entendre une fanfare aux harmonies avantageuses,
    Il est fort rare qu’une sirène brille pour tromper les marins
    Qui croient y distinguer un phare car hélas elle est naufrageuse.

    Si les sirènes n’existent pas, que penser des sirènes-phares ?
    Seraient-elles le rêve d’un nabot, un savant qui se prend pour Dieu ?
    De Dieu à fou, il n’y a qu’un pas et pas besoin de gyrophare
    Pour le cueillir dans son labo et mettre fin à son plan odieux.

    Or le savant s’est échappé avec sa sirène-sémaphore
    Et sème partout la terreur parmi les bateaux de croisière
    Dont on n’a qu’un seul rescapé sauvé du détroit du Bosphore
    Qui serait situé, sauf erreur, fort loin de Charleville-Mézières.

    Le rescapé, dérivant seul, divagua en contes et chimères,
    Jurant qu’il a vu, dans les flots, scintiller un chant malicieux.
    On rit de ses mots lâches et veules, qui feraient rire les commères
    Et l’on raconte à Saint-Malo qu’un phare a chanté sous les cieux.

    Tableau de Juan Carlos Verdial

  • Les poissons de mauvais augure

    Quand les poissons viennent de gauche par une marée maladroite,
    La sirène, très superstitieuse, préfère rester à la maison.
    Elle en profite pour faire l’ébauche d’une stratégie plutôt adroite
    Pour chasser l’armada précieuse qui se précise à l’horizon.

    Quand les poissons viennent de droite par une marée favorable,
    La sirène, très galvanisée, part à la chasse au matelot.
    Animée d’une envie étroite d’en croquer la chair adorable,
    Sa faim est tant tétanisée qu’elle mangerait tout un cachalot.

    Quand les poissons viennent du centre, elle ne sait à qui se fier;
    Elle consulte fort à propos ses réseaux sociaux facebookistes.
    D’où les gargouillis dans son ventre ; elle aurait dû se méfier
    De ce mérou sourd comme un pot, trop sûr de lui et complotiste.

    Quand les poissons fuient en arrière, fendant l’écume à contre-courant,
    La sirène, prise de panique, sent son empire vaciller
    D’un monstre aux écailles de fer, surgissant d’un abîme hurlant,
    Renversant d’un feu tyrannique son règne ancien et décrié.

    Tableau de Marco Busoni

  • La sirène de minuit

    Sur une mer encrée de nuit et sous un ciel vague de lune,
    Une sirène en queue de plumes évolue entre deux éléments
    Mus par le soleil de minuit et son énergie opportune
    Qui semble poindre à plein volume sous un clair-obscur firmament.

    Soleil de minuit et demi, la sirène à la queue de paon
    Fait une roue atmosphérique et s’élève les bras dressés
    En montrant son académie dont la poitrine se suspend
    Comme deux astres chimériques qui me sont soudain adressés.

    À ce moment-là, la sirène crève l’image et le poème
    Et se matérialise enfin dans un rayon projectionniste.
    Elle me dit d’une voix sereine : « Je suis une fée de Bohème
    Qui s’était perdue aux confins d’un univers impressionniste ! »

    Et puis sans tambour ni trompette, je la vois monter au plafond
    Et traverser la page blanche entre les lignes fantomatiques.
    Le temps d’une dernière trempette dans l’eau d’un blanc le plus profond,
    Je succombe à une avalanche de limbes à l’encre sympathique.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • La sirène à l’école

    Depuis que l’Europe réglemente les lieux de pêche autorisés,
    Les pêcheurs de métier renoncent à continuer d’exercer.
    Hélas, les sirènes s’alimentent de ces jolis marins frisés
    Et en conséquence nous annoncent qu’elles en sont bouleversées.

    Nous allons devoir accueillir de jeunes sirènes à l’école
    Et les intégrer comme il sied aux enfants qu’elles vont côtoyer.
    Nous pourrons nous enorgueillir de nouvelles classes piscicoles
    Adaptées aussi bien aux pieds qu’aux queues de poissons écaillées.

    Piscines de récréation remplaceront les cours d’école
    Et les sirènes maître-nageuses auront des fonctions aquatiques.
    Il ne manque que l’agréation afin que le projet décolle
    D’une ministre courageuse pour mettre tout ça en pratique.

    Illustration de Kay Tarrant

  • Mélancolie du fond des mers

    Le fond des mers est frais et les amours rigides
    Entre le matelot invité aux abysses
    Et la sirène hélas qui se montre frigide
    Ne fait aucun effort, la passion s’estourbisse.

    Heureux comme un poisson dans l’eau ne suffit pas
    Et le marin déçu se sent un peu frustré ;
    La sirène avait beau promettre ses appas,
    Sur son lit de cailloux, elle n’a su s’illustrer.

    Leurs amours sont noyées ; le feu de la passion
    Ne saura plus vraiment comment les réjouir.
    Ayons pour le bonhomme toute la compassion
    Qu’il est en droit d’attendre d’être mort sans jouir.

    Tableau de Miguelanxo Prado

  • Dans son aquarium

    Lorsque l’hypothétique muse s’régale de la somme des carrés,
    Poissons scalaires des deux côtés de son réservoir agencé,
    Elle me regarde et elle s’amuse de voir mes plans contrecarrés
    Car j’espérais la bécoter dès qu’elle se serait avancée.

    Elle est joueuse et fait semblant de se sentir ma prisonnière
    Dans son petit cube magique qu’une eau douceâtre ravitaille.
    Je lui trouve un air ressemblant avec Rita, la poissonnière
    Qui me l’a vendue léthargique et de toute petite taille.

    Croyant que c’était un poisson, je l’ai placée au vivarium
    Avec d’autres poissons de roche, rouget-grondin, congre et rascasse
    Que je lui donne sans façon en disposant son aquarium
    Afin que, lorsque je m’approche, elle devienne beaucoup plus loquace.

    C’est pourquoi chaque vendredi, j’ai des histoires à raconter
    Autant cocasses qu’inédites grâce à notre correspondance.
    Comme je n’ai jamais contredit ma belle sirène, je peux compter
    Sur elle pour éviter redites, répétitions et redondance.

    Tableau d’Ivan Lubenikov sur https://www.catherinelarosepoesiaearte.com/2012/06/ivan-loubennikov.html

  • M. & Mme Fisher-Mermaid

    Le temps passe sur les rencontres mais les rencontres ne passent pas
    Et le vieux pêcheur marseillais aime toujours sa vieille sirène.
    Ils gardent leurs enfants tout contre leur cœur et à chaque repas
    Noël ou Pâques, ces grassouillets reviennent embrasser leur mère.

    Mère qui a bien bourlingué bien que devenue franco-suisse
    Loin des mers et des océans, bien loin des abysses sauvages,
    Mais elle a su ribouldinguer de manière à ce qu’elle puisse
    Se faire la belle sur son séant en peignant tous ses vieux rivages.

    Ses vieux rivages de Bretagne, du Maroc et des îles hellènes
    Avec un ancien flibustier qui l’a auparavant distraite.
    Aujourd’hui elle est la compagne qui, entre Rimbaud et Verlaine,
    Écoute le langage châtié de son poète à la retraite.

    Illustration de Jessica Warrick.

  • Prière à Neptune

    Celle qui veut devenir sirène doit prier de cette position :
    Nue, accroupie dans la baignoire, les mains jointes et les pieds levés.
    Psalmodier d’une voix sereine l’incantation sous condition
    Que l’eau salée de la Mer Noire les ait très longuement lavées.

    Il faut la foi et la patience qui seront bien récompensées
    Lorsque fusionneront ses membres en une queue toute en rondeurs.
    Dès qu’elle en aura conscience, elle sera alors dispensée
    De vivre seule dans sa chambre pour gagner les grandes profondeurs.

    Plaise à Njörd et plaise à Neptune de lui accorder leurs faveurs
    Si la novice a de la voix et le corps bien proportionné
    Là où le corps ressemble à la Lune leur sera de toute saveur
    Et lui feront découvrir la voie enchanteresse et passionnée.

    Tableau de Valéria Ko.

  • Les sirènes au cirque

    Les sirènes courent au chapiteau se régaler des baladins,
    Des musiciens, des comédiens qui font la tournée de Neptune.
    Illico, presto, subito, elles s’asseyent sur les gradins
    Avec les clowns costumédiens et leur bonne humeur opportune.

    Arrivent les hommes-poissons, adeptes des hommes-grenouilles,
    Et les sirènes folles de joie plongent en chœur dans le bassin.
    Elles font de baisers la moisson, puis ensemble elles s’agenouillent
    Pour leur chanter à pleine voix une chanson de Joe Dassin :

    Celle où « …Tous les sifflets de train, toutes les sirènes de bateau
    Ont chanté cent fois la chanson d’un Eldorado d’Amérique… »
    Et de courir avec entrain en abandonnant le plateau
    Pour filer sous les étançons pour des relations homériques.

    Le lendemain, ils sont partis, le cirque et la ménagerie ;
    Le tout a été démonté et transporté au petit jour.
    Les sirènes en prennent leur parti car de leurs courtisaneries
    Avec leurs meilleures volontés naîtront le fruit de leurs amours.

    Tableau d’Ana Hernandez San Pedro.

  • Ma première sirène

    Non, jamais de la vie, je ne puis l’oublier,
    La première sirène avec qui j’ai couché.
    Tout comme les premiers vers que j’ai dû publier
    Suite à cette expérience où j’ai pu la toucher.

    Ses seins au goût marin, sa bouche au goût de sel,
    Ses mains aux tentacules qui lui servaient de doigts ;
    Sa queue souple et charnue, son sexe de pucelle
    Qui découvrait ce jour l’humain comme il se doit.

    Ce qu’elle m’a chanté au creux de mon oreille,
    Je l’entendrai toujours lorsque je pense à elle.
    L’épectase obtenue, à nulle autre pareille,
    M’a envoyé au ciel et depuis j’ai des ailes.

    Tableau de Tracey Harris sur https://www.artepintu.com/2019/04/tracey-harris-pintora-realista.html .

  • Le jacuzzi des sirènes – 2

    Vieilles sirènes, que faites-vous quand sonne l’heure de la retraite ?
    Remettez-vous la queue au stock des costumes traditionnels,
    Tous vos colliers, tous vos bijoux et toutes vos bottes secrètes
    Pour aller à Vladivostok goûter aux bains émotionnels ?

    En bikini, la clope au bec ou à poil, un verre à la main,
    On se retrouve au jacuzzi des femmes-poissons pensionnées.
    Caviar servi par des Ouzbeks autochtones dont le tournemain
    Ferait pâlir de jalousie des serveurs malintentionnés.

    Lorsqu’elles invitent un homme – parce que dans l’homme tout est bon –
    Toutes s’en régalent d’amour du sexe comme une croquembouche.
    Enfin elles noient le bonhomme et en dégustent les jambons
    Avec un sourire glamour qui leur illumine la bouche.

    Photo de Moni Haworth.

  • Le jacuzzi des sirènes – 1

    On s’entend bien entre sirènes ; lorsqu’un navire est capturé
    Par l’association océane des amatrices de gibelotte.
    Après des agapes sereines de loups de mer ligaturés
    Soumis au feu érotomane d’un grand méchoui en matelote.

    On se détend bien juste après pour aider à la digestion
    Dans le trou normand encavé avec fenêtre sur la mer.
    On se délecte des apprêts de la chasse à courre en question
    Avec les âmes chouravées à la marine intérimaire.

    Neptune nourrit ses enfants et leur décerne des étoiles
    Pour la cuisine élaborée du consortium des maîtres queues.
    Et les meilleurs chefs triomphants reçoivent leurs prix que dévoile
    Une pluie d’or corroborée par tous les dieux du monde aqueux.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance.
    Source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Mais à quoi pense la sirène ?

    Parfois quand sa queue s’entortille comme un point d’interrogation,
    La sirène pense et se concentre sur quel habile subterfuge
    Elle va, de toute une flottille, attirer la navigation
    Afin de s’en remplir le ventre toute une année dans son refuge.

    Car la sirène qui pense en boucle recherche à rentabiliser
    Le panier de la ménagère lorsqu’elle sort faire son marché
    De ses deux précieuses escarboucles, ses lèvres sensibilisées
    À semer la fièvre passagère auprès des marins démarchés.

    Sa voix terrible qui roucoule séduit et envoûte à la fois,
    D’une attraction irrésistible, le moindre navire étranger.
    Et tandis que les larmes coulent aux yeux qui ont perdu la foi,
    D’une manière indéfectible, elle compose son garde-manger.

    Illustration Valeriabatz sur https://www.instagram.com/p/CrvB6frqlDW .

  • L’escorte révérencieuse

    Cela semblait très solennel, cérémonial et silencieux ;
    Le cortège remontait sans hâte, sans un bruit et majestueux,
    Puis comme un voile de flanelle ramassé et révérencieux,
    Qui aurait noyé dans la ouate un cortège très voluptueux.

    Très lents étaient ses mouvements, nage ondulée presque falote,
    Comme une déesse soumise pleurant un père disparu.
    Une escorte exclusivement composée de poissons pilotes
    Suivait la princesse promise aux circonstances encourues.

    Des requins blancs fermaient la marche et, derrière eux, une mer vide
    Mais ce fut lorsqu’ils arrivèrent qu’on comprît la cérémonie.
    Neptune, ce grand patriarche, cédait d’une main impavide
    Son trident désormais sous verre au musée sans hégémonie.

    C’était pour fêter l’ouverture du grand musée outre-Atlantique
    Sur les chimères de toutes sortes qui font les récits formidables.
    Et quand vint l’heure de la clôture, tous repartirent à l’identique,
    Sirène en tête et son escorte vers les abysses insondables.

    Illustration de Weebong.

  • Sirène at tea time

    Déjà cinq heures dans les abysses, sous l’éclat des poissons-lanternes,
    On boit le thé d’algues marines dans des tasses de porcelaine.
    Bien que la céramique subisse la profondeur qui la rend terne,
    On la rehausse d’alizarine issue de nacres pure laine.

    Car la peau des mérous se tond et donne une laine écaillée
    Qui lustre tasses et théières qui sont ainsi bien culottées.
    Cependant faute de mouton, on n’obtient que du lait caillé
    Lorsque les sirènes écaillères traient leurs mamelles ballotées

    Déjà six heures et l’éternelle obscurité est compensée
    Par les poissons luminescents dans une ambiance tamisée
    Et les sirènes confraternelles aiment venir s’y dépenser
    Pour échanger d’évanescents commérages mondialisés.

    Illustration de Megan Stringfellowd « csgirl ».

  • La mémoire de la sirène

    Avant, les huîtres-caméras n’enregistraient nulle aventure,
    Ni amourettes ni compulsions de l’intimité des sirènes.
    Aujourd’hui grâce au tempéra, une technique de peinture
    Appliquée sur une émulsion, garde les mémoires sereines.

    Les perles ainsi sont détrempées et enrobées des émotions
    Issues des jours les plus intenses de la chasse aux marins charmants.
    Et pour ne pas se détromper, avec la nacre en promotion
    Les huîtres hissent leur compétence vers un prestige désarmant.

    Ainsi le soir dans les abysses, se déroulent les souvenirs
    Les plus glorieux et valeureux des belles histoires aquatiques.
    Et ces moments les plus propices viennent justement soutenir
    Les poissons les plus malheureux ainsi que les neurasthéniques.

    La sirène choisit son programme selon l’humeur de ses amis
    Et leur remonte le moral par tous les trésors recueillis
    Lors des naufragés et des drames au cours des navires ennemis
    Qui s’échouent sur le littoral à coups de vagues enorgueillies.

    Illustration d’Antares Alkimista.

  • La sirène annulaire

    La pleine Lune et ses effets sont bien connus dans nos contrées
    Cependant il parait qu’en mer, c’est encore plus spectaculaire.
    Les poissons-volants stupéfaits se hâtent d’aller rencontrer
    Sur le firmament outremer les sirènes en saut annulaire.

    Elles sautent autour de la Lune complètement en pâmoison ;
    Une sorte de danse nuptiale pour attirer les matelots
    Qui auraient mauvaise fortune de s’accorder au diapason
    De la créature abyssale qui pirouette au-dessus de l’eau.

    Et saute, saute et tournevire ; et tourne, tourne et virevolte,
    Inépuisable, infatigable, la sirène serait suicidaire
    Car elle meurt si aucun navire ne change, d’un cap désinvolte,
    Sa destinée irréfragable pour une fin plus légendaire.

    Tableau de Colin Ju sur https://www.artworkcanvas.com/blogs/simple-painting-ideas/easy-cute-painting-ideas-for-kids-small-easy-cartoon-painting-ideas .

  • La sirène coquette

    À l’instar des hommes et des femmes, chacun sa personnalité
    Et les sirènes également développent leurs caractères ;
    Particularités infâmes et marques de banalités
    Ou tendances idéalement portées côté vestimentaire.

    Ainsi la sirène coquette, pas carnassière pour un sou,
    Attirera le matelot afin de lui piquer ses fringues.
    D’abord chaussettes et soquettes, puis les vêtements du dessous,
    Chemise, pantalon et calot, tout ce qui la rend un peu dingue.

    Tandis que le marin détale, tout nu, hagard et sans flâner,
    La sirène coquette court se réfugier dans son réduit.
    Avec des fibres végétales et ses échantillons glanés,
    Elle se présentera au concours des plus belles femmes d’aujourd’hui.

    « Mais pourquoi reste-t-elle nue ? » Me direz-vous à juste titre !
    C’est qu’elle a horreur de porter ses créations amateuristes.
    Chez les sirènes, c’est bien connu, l’esprit n’a pas voix au chapitre
    Et la coquette doit supporter d’être de surcroît naturiste.

    Tableau de Maria Dimova sur https://m.joyreactor.cc/tag/Maria%20Dimova/all .

  • À l’école des sirènes

    Je me suis écrit une lettre du temps où j’étais jeune thon
    Et que je fréquentais l’école des alevins en fin d’études.
    J’y avais décrit mon mal-être, mes déboires avec Jeanneton,
    Durant mes années piscicoles où je souffrais de solitude.

    J’avais coutume de boire un ver au bar des poissons noctambules,
    Une bande de mérous de secours assis sur un banc de sardines.
    L’une d’elles avait de beaux yeux verts et nous aimions coincer la bulle
    Tous les deux en suivant les cours de la sirène Géraldine.

    Géraldine m’a appris à lire et à écrire entre les lignes
    Et j’ai dédié à Jeanneton un poème pas piqué des vers.
    Mais elle n’y a vu que du délire et de façon pas très maligne
    M’a demandé de changer de ton car elle n’aimait pas les pervers.

    Illustration de Ren Wicks.

  • La sirène au galop

    Une image contenant peinture, art, cheval, croquis

Description générée automatiquement

    Le vendredi, tous les centaures au feu de camp sont rassemblés ;
    On y invite les sirènes mais ce n’est pas pour les manger.
    Sur le rivage, ils sont pléthore à accourir à l’assemblée
    Auprès de leur roi et leur reine qui les protègent des dangers.

    Les sirènes montent en amazone qui sied à leur anatomie ;
    Elles ont du mal sur la terre ferme à se déplacer autrement.
    Ainsi, elles parcourent les zones divisées en dichotomie
    Entre le palais et les fermes pour parer aux encombrements.

    Centaures et sirènes en binôme forment la police montée
    Qui traque les humains capables d’aller là où il ne faut pas.
    Mais sitôt qu’ils trouvent un bonhomme de bonne ou mauvaise volonté,
    Ils convient alors le coupable à s’impliquer dans leur repas.

    Tableau de Rafal Olbinski.

  • Défi à l’amour

    Une image contenant peinture, dessin, croquis, poisson

Description générée automatiquement

    Vous souvenez-vous d’un poisson épris d’un oiseau, amoureux
    Qui s’aimaient d’un amour si tendre mais ne savaient comment s’y prendre ?
    Eh bien leurs cœurs ont fait moisson de tous leurs désirs langoureux
    Et chacun de faire sans attendre le maximum pour se comprendre.

    Notre poisson-volant sans ailes s’est doté d’une grande voile
    Et s’est affranchi de la mer pour aller tâter du terrain.
    Il s’est élevé avec zèle, a pris le chemin des étoiles
    Et goûté les courants amers des vents chargés d’embruns marin.

    Notre oiseau qui n’était pas sot, s’est fabriqué un sous-marin
    Et a pris la voie des abysses pour chercher sa bonne fortune.
    Il s’est élancé à l’assaut des mondes sacrés souverains
    Des autochtones qui subissent la loi du trident de Neptune.

    Encore qu’aveugle soit l’amour le cœur sait comment faire face ;
    La voile heurta le périscope et l’ancre s’enroula autour.
    Finalement avec humour, ils s’établirent en surface
    Et l’idylle d’après l’horoscope put démarrer au quart de tour.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance.
    Source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • La veuve du scaphandrier – 2

    La veuve du scaphandrier - 2

    La veuve du scaphandrier partait quelques fois en vacances
    En emportant l’équipement, aide-mémoire indispensable.
    Et selon le calendrier, elle visitait en conséquence
    Ses pires pierres d’achoppement : les immenses plages de sable.

    À la pension « Les tamarins », elle a réservé une chambre
    Avec salle-de-bains-de-mer et sa baignoire océanique.
    Trois gouttes d’essence de romarin, un dé à coudre de gingembre
    Et voici les rêves outremer peuplés de vaisseaux tétaniques.

    Le mari revient quelquefois réincarné dans son scaphandre ;
    La veuve se donne au fantôme qui reprend goût à l’aventure.
    Leurs amours durent toutefois le temps nécessaire à pourfendre
    La femme qui savoure le symptôme de la mort en villégiature.

    Son pèlerinage achevé, elle revient à l’aquarium
    Troublée, le cœur un peu défait de se croire parti en quenouille.
    Mais le rituel parachevé lui accorde un tel impérium
    Qu’elle en reçoit comme bienfait de se sentir femme-grenouille.

    Tableau anonyme extrait de « L’art d’en bas au musée d’Orsay ».

  • La veuve du scaphandrier – 1

    La veuve du scaphandrier - 1

    Parce qu’il serait perdu en mer à la poursuite des sirènes,
    On a retrouvé son scaphandre lequel fut rendu à sa veuve
    Dont le cœur pompe un sang amer, riche en pleurs, pauvre en oxygène,
    Et qui ne cesse de se fendre suite à la douloureuse épreuve.

    Elle a construit un mausolée ; une villa toute inondée,
    Un aquarium où elle loge revêtue de l’équipement.
    Elle vit complètement isolée, laissant son cœur vagabonder,
    Et continue à faire l’éloge de son mari stoïquement.

    Dans la galerie des abysses – ainsi nommée par les sous-verres
    De mammifères aquatiques et de poissons de toutes sortes –
    Le corps, l’âme et l’esprit subissent la souffrance la plus sévère
    Au souvenir si dramatique que seul ce tombeau réconforte.

    Un matin, elle s’est dissoute, on n’a retrouvé que l’habit,
    Les palmes bleues et le scaphandre mais rien de la femme éplorée.
    Sa dévotion l’aurait absoute car un culte de cet acabit
    Plaide pour sa cause à défendre auprès de Neptune imploré.

    Tableau anonyme extrait de « L’art d’en bas au musée d’Orsay ».

  • Les amours impossibles – 2

    Des amours poisson et oiseau, il me revient une anecdote
    Envers une nymphe volante et un vilain petit canard.
    Ils se cachaient dans les roseaux car il n’y avait pas d’antidote
    À leurs passions ambivalentes contre les potins goguenards.

    Mais la sirène matrimoniale, ayant plus d’un tour dans son sac,
    Leur organisa un ballet sur le célèbre Lac des Cygnes.
    La prestation cérémoniale entre le sac et le ressac
    Du show eut tôt fait d’emballer la foule car c’était la consigne.

    Le canard devint un beau cygne et la nymphe une belle femme
    Et nul ne trouva à redire à propos des mœurs débridées.
    Leurs amours jugées hier indignes, contre nature, voire infâmes,
    Furent approuvées sans médire sur leur descendance hybridée.

    Galerie sur https:www.galerisoyut.com.trali-fatih-kucukosmanoglu-2019 .

  • Les amours impossibles – 1

    Les amours impossibles - 1

    Le petit poisson qui aimait un petit oiseau d’amour tendre
    S’est confié auprès des sirènes pour trouver une solution.
    Aujourd’hui, il peut désormais rejoindre son Piaf sans attendre
    Grâce à la conclusion sereine prônée contre rétribution.

    Il suffisait donc d’une cage juste en surface disposée
    Pour que les amants se rencontrent intimement en convolant.
    Et lorsqu’il y a déblocage nous pouvons dès lors supposer
    Que leurs amours n’auront rien contre la naissance de poissons-volants.

    N’ouvrez pas la cage aux oiseaux qui flotte sur une mer calme ;
    Les œufs en pleine gestation pourraient précocement voler.
    Postez plutôt dans les réseaux l’instant où ils sortent les palmes
    Juste avant la délectation de leur toute première envolée.

    Tableau de Mirella Santana.