Catégorie : Sirènes

  • Les sirènes existent

    Les sirènes existent

    J’ai rencontré une sirène de l’autre côté du miroir
    Sous l’onde calme où se devine un chant noyé de transparence.
    J’allais sur ma vieille carène poursuivre les reflets ivoires
    D’un lever de Lune rubine troublante dans son apparence.

    Elle était là sur son rocher, au beau milieu du labyrinthe
    Et m’a promis de me guider vers l’issue en toute confiance.
    Je me suis alors approché, ne manifestant nulle crainte ;
    Son petit air intimidé a brisé toute méfiance.

    Elle a fait tant de faux détours pour retrouver le bon chemin
    Que j’en ai eu tant le tournis que de peur je l’ai semoncée.
    J’ai lu un chagrin sans retour dans ses yeux implorant ma main
    Pour me donner l’aide fournie et nous permettre d’avancer.

    Mais ses erreurs, ses pas tremblants, m’ont fait douter de son savoir
    Je crus la perdre et j’ai crié avec des élans de colère.
    Voyant son regard si troublant, j’ai voulu montrer par devoir
    Une clémence appropriée pour sortir de cette galère.

    Et je suis tombé dans son piège en m’apitoyant sur son sort
    Ce fragile gage d’amitié s’est transformé en crèvecœur.
    Et vaincu par ses sortilèges a surgi, en dernier ressort
    Dans le miroir, l’inimitié d’une sirène dévorant mon cœur.

    Illustration de Milo Manara.

  • Bon thé, bon tigre

    Bon thé, bon tigre

    Lorsque c’est son jour de bon thé, la sirène se la coule douce
    Et se prélasse dans sa tasse auprès de son tigre tout doux.
    Lui-même fera signe de bonté sans que cela ne le courrouce
    Croquant le sucre qu’elle lui casse avec bonbons et roudoudous.

    Lorsque c’est son jour de café, attention, la sirène s’énerve !
    Elle sort alors de sa soucoupe ; le moment est venu, enfin !
    Sous pression, toute décoiffée, étant sortie de sa réserve,
    Elle monte sur le tigre en croupe pour aller assouvir sa faim.

    Tempête dans un verre d’eau ! Ils rentrent tous les deux bredouilles ;
    Ils n’ont pu trouver que du lait en poudre, pas demi-écrémé !
    Alors tant pis, on fait dodo et l’on se fait mille papouilles
    Pour tenter de se consoler… car nos amis sont déprimés.

    Peut-être que pour le premier août, la sirène est moins difficile
    Et préfère boire l’eau-de-vie et ce, malgré le « qu’en-dira-t-on » !
    Et alors son tigre sans doute se prendra pour un ours docile,
    Celui qui flotte et qui ravit sur les drapeaux de nos cantons !

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  • Une sirène dans mon lavabo

    Depuis longtemps je désirais un animal de compagnie,
    Un chat, un chien, un poisson rouge, quelque chose qui me corresponde.
    Que ce soit lui qui choisirait son maître était une avanie…
    Mais qu’est-ce donc ainsi qui bouge et sort en soulevant la bonde ?

    Je l’ai trouvée toute petite qui remontait par les tuyaux
    Jusqu’au lavabo rejetée, épuisée de sa traversée.
    Surprise entièrement inédite de je-ne-sais-quel imbroglio
    D’un retour de mer agitée ou de tempête controversée.

    Le soir quand je suis revenu, la petite sirène avait grandi ;
    L’eau montait dans l’appartement ce qui n’était pas à mon goût.
    Un peu plus tard sur l’avenue, toute l’eau du bain se répandit
    Et la sirène prestement s’enfuit par une bouche d’égout.

    Je l’ai suivie, bien entendu, en pyjama, dans le caniveau,
    Le cœur battant, les pieds trempés, rêvant d’elle en maillot rayé.
    Je la retrouvai étendue sur un vieux passage à niveau
    Englouti d’où je dus ramper afin d’aller la réveiller.

    Sur ces entrefaites arriva le train express via « Les Abysses »
    Où la sirène me fit monter et m’enleva le pyjama.
    Et le voyage avec entrain s’ensuivit pour que j’y subisse
    Mes noces avec cette effrontée dans cet aqueux Cinérama.

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  • La sirène au long collier

    La sirène au long collier

    Quand la sirène pêche au collier, elle a déjà plusieurs années
    D’ostréiculture perlière et de cœurs d’hommes marinés.
    Elle s’en est fait un cullier sur ses fesses au teint basané,
    Signé de griffe dentelière, qui lui descend au périnée.

    Elle n’a plus besoin de chanter grâce à un strip-tease intégral
    Lorsqu’elle retire une-à-une les perles de son long collier.
    Les marins assistent enchantés à cet effeuillage sidéral
    Qui les captive sur la hune et sur le pont des pétroliers.

    Je naviguais sur l’océan, cap sur les Îles-Sous-le-Vent
    Quand je t’ai vue sur ton rocher en train de te déshabiller.
    Hypnotisé sur mon séant, j’ai senti tes liens m’enclavant
    Et quand je me suis approché, tu m’as alors écharpillé.

    « Tout cru, je t’ai happé le corps, sans sauce ni sel ni dentelle,
    Puis j’ai ri en voyant ton cœur battre encore dans ma gamelle.
    Il gémissait : « Encore ! Encore ! » pensant y atteindre l’extase…
    J’l’ai recraché d’un air moqueur et tu as connu l’épectase ! »

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  • Curiosité pas sereine

    Curiosité pas sereine

    De mon plafond gouttait de l’eau et j’entendais des clapotis ;
    Et je décidai de monter m’informer sur ce qui s’y passe.
    Sur le plancher, méli-mélo, trônaient plusieurs caillebotis
    Afin d’éviter d’inonder car on était à marée basse.

    Une créature rouquine chantonnait un air coquinet,
    Les bras levés, les seins ballants, les yeux brillants de porcelaine.
    Un poulpe aux ventouses coquines se suçotait le robinet
    Et la sirène bringuebalant de la queue n’était pas vilaine.


    Ce que je vis par l’œilleton me pétrifia à la porte
    Car c’était en fait Médusa, avec sa queue faite de serpents.
    Et pour finir le feuilleton, cette diablesse m’emporta,
    Elle m’usa et m’abusa, bien malgré moi, participant.

    Elle m’aspira dans la baignoire, d’un coup de nageoire impérieux ;
    Mes habits se désagrégeaient sous ses sucs gluants et baveurs.
    Le poulpe colla sa bouche noire et ses tentacules luxurieux
    Tandis que Médusa me grugeait de baisers à triples saveurs.


    Devenu son homme-grenouille, je suis à jamais asservi ;
    Elle me vide de mon sang, me dévore le foie et le cœur.
    Le soir comment elle se débrouille pour me rappeler à la vie ?
    Je ne le sais mais j’y consens ; tel le privilège du vainqueur !

    Tableau de Gina Litherland.

  • Vendredi, grasse matinée

    Vendredi, grasse matinée

    Vendredi, grand jour de farniente parmi le peuple des abysses.
    Non pas que ce soit un jour saint mais une journée lumineuse ;
    Après une semaine « al dente » avec les marins qui subissent
    Du lundi au jeudi l’essaim de nos sirènes butineuses.

    Puis le samedi, place au jeûne, après les agapes joyeuses
    Où elles ont pu se réjouir en toute camaraderie.
    Quant au dimanche, place aux jeunes, en bonnes mamans pourvoyeuses,
    Elles aiment voir leurs enfants jouir avec quelques pâtisseries.

    Mais aujourd’hui c’est vendredi et le vendredi, c’est sacré !
    Après un déjeuner aqueux, savourer son bain d’algues vertes,
    Apprécier sans discrédit l’instant d’intimité sucrée
    Quand la main caresse la queue en vue d’étroites découvertes.

    Dans l’alcôve d’un corail rose, la queue frémit, frôle la perle.
    Un vrai plaisir, en douce osmose, coule de l’organe sensuel ;
    Une écume, nacrée d’une prose, qui éclate, jouit et déferle
    Sa vague sur l’anastomose d’un pur orgasme consensuel.

    Tableau d’Anastasia Elly Koldareva.

  • Ainsi soit la sirène

    Ainsi soit la sirène

    Ainsi soit-elle, la sirène qui règne au royaume des abysses !
    Ainsi soit-il, le créateur qui aura su fermer les yeux
    Et permettre à l’aqueuse reine que son microcosme subisse
    L’incrédulité des auteurs d’ouvrages fiers et prétentieux !

    Ainsi soit-elle, vivant nue, sans subir le péché de honte !
    Ainsi soit-il, de tolérer cet accroc à la connaissance
    Et la laisser, pauvre ingénue, jouir à ce que l’on raconte
    D’un paradis autogéré sans besoin de reconnaissance.

    Ainsi soit-elle, prédatrice, mangeuse d’hommes invétérée !
    Ainsi soit-il, d’avoir permis à l’homme d’aller naviguer
    Pour écouter la cantatrice le séduire et le capturer
    Et prouver à Dieu affermi que l’homme est bon à mastiquer.

    Tableau de Prateep Kochabua.

  • La sirène sans rivage

    Je ne suis plus de l’eau, ni du sel, ni du ciel,
    Je suis l’onde sans bord, la mer sans arc-en-ciel.
    Ma queue n’est que d’airain, mes seins ne sont que brume,
    Et je me désincarne au rythme de l’écume.

    Je n’ai plus de rocher, plus de chant pour t’attendre,
    Je suis ce qui t’efface en te laissant te fendre.
    Je ne dis plus ton nom, je ne tends plus les bras :
    Je m’ouvre sans pourquoi, sans besoin, sans émoi.

    Tu peux glisser en moi, mais tu n’y prends personne ;
    Je suis vide et féconde, et la vague te sonne.
    Tu crois me posséder ? Tu deviens mon reflet,
    Un silence en fusion dans mon sexe parfait.

    Je suis la fin des jeux, la fin de la prière,
    Ni muse, ni putain, ni mémoire, ni lumière.
    Je suis l’après-sirène, l’oubli, le grand passage…
    Et toi, si tu me suis, tu y meurs sans naufrage.

    Tableaux de Barbara Yochum.

  • La sirène Manta

    As-tu vu planer la sirène divinement entre deux eaux ?
    Divinement n’est pas le mot ce serait plutôt cruellement
    Parce qu’on la pense sereine mais aussi vite qu’un oiseau
    Elle fonce, reine des animaux, élue perpétuellement.

    Elle guette les cœurs en dérive, les marins qui veulent lui complaire,
    Les plongeurs qui rêvent d’amour et n’éprouvent que sa morsure.
    Là, d’un revers d’aile elle arrive mollement et d’un geste exemplaire
    En les noyant non sans humour vers une petite mort sûre.

    Si elle n’a ni chant, ni parole, son murmure est un battement ;
    Les bulles remontent comme des larmes et personne ne crie jamais.
    Les insouciants disent qu’elle console, les désespérés et qu’elle ment ;
    Moi j’ai vu ses yeux comme deux armes qui m’ont tué autant qu’elle m’aimait.

    Illustration de Htg17.

  • Les sirènes lumineuses

    Dans les abysses où la lumière ne parvient plus à s’introduire,
    La sirène a pris le relais pour éclairer notre lanterne.
    C’est vrai, elle n’est pas la première à trouver le moyen de luire ;
    Méduses et calamars aigrelets font les profondeurs pas si ternes.

    Mais la sirène les surpasse avec ses seins comme lampions,
    Son ventre comme luminaire et son sourire tout chatoyant !
    Avant que le marin trépasse, elle honore ainsi son champion
    En faisant ses préliminaires aussi brillants que foudroyants.

    On dit qu’au moment de l’extase, elle devient comme une étoile
    Et son éclat se fait sentir jusqu’au niveau de la surface.
    Quant au marin dont l’épectase se voit dans ses yeux qui se voilent,
    Il n’aurait rien pu ressentir puisqu’il s’éteindra quoi qu’il fasse.

    Tableau de Alyona Yamploska.

  • La sirène fermière

    La sirène fermière

    Dans mon pays imaginaire, ma sirène vit en bord de mer
    Où elle recueille les animaux en échange de leurs services.
    Ce n’est pas extraordinaire car, de tous les temps les chimères
    Ont résisté contre les maux quoique les humains l’asservissent !

    Alors ils vivent en colonie vivant d’eau fraîche et de leur pêche
    Que la sirène repartit entre les grands et les petits.
    Et malgré la cacophonie et leurs attitudes revêches,
    Ils sont tous en contrepartie reconnaissants, pleins d’appétit.

    La sirène n’est pas cannibale ; manger du poisson, quelle horreur !
    Alors les mouettes rabattent pour elle les navires alentour
    Par des appâts qu’elles trimballent afin d’les induire en erreur.
    Aussitôt qu’elle voit la frégate, elle se pare des plus beaux atours.

    Et dès qu’elle se met à chanter, tous les marins hypnotisés
    Se jettent à l’eau et sont noyés par les pélicans meurtriers.
    Alors la sirène enchantée prend l’capitaine érotisé
    À déguster et festoyer avec les piafs ménétriers.

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  • Cyclone-Rose

    Cyclone-Rose

    Je l’appelle « Cyclone-Rose » car elle me fait ses pirouettes
    Lorsque le ciel du crépuscule s’empourpre pareil à son teint.
    Mais je suis furieux qu’elle m’arrose en semant toutes ses tempêtes ;
    J’en ai le cœur qui se bouscule devant son plaisir enfantin.

    Or elle me tourne toujours autour, riant aux éclats cristallins
    Et puis s’enfonce sous les eaux et disparaît sous ma carène.
    Soudain la voici de retour avec son petit air malin
    Qui me trouble et glace les os face aux malices de la sirène.

    Et depuis que je m’exténue à échapper à son emprise,
    Voilà que je m’évanouis, vaincu par la belle noiseuse.
    Et la voici, toute menue, elle s’approche un peu surprise
    Et mon cœur est épanoui soumis à son apprivoiseuse.

    « Je t’ai trouvé au bord du monde, toi le poète à l’âme ouverte
    Car sous tes vers, ma queue se plie, mon chant s’adoucit mais t’effraie…
    Je t’ai soufflé mon rire d’onde pour aller à la découverte
    De l’amour d’un homme qui supplie son rêve de devenir vrai ! »

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  • Nigav & Sinép – le sceau final

    « Tu m’écris avec l’onde, je te mords avec l’encre,
    Ta plume est mon désir, ma queue l’arche où tu t’ancres.
    Et quand nos rimes se croisent, le monde se défait
    Car je suis ton mystère, et toi… mon fait exprès.

    Je suis la flamme d’eau, le sel qui monte aux ailes,
    Ton cri me fait éclore, mon souffle te révèle.
    Tu me lis, je t’arpège, et nos corps enlacés
    Redessinent le Verbe qu’aucun dieu n’a tracé. »

    Sinép me tend la page, Nigav me lèche l’âme,
    L’une souffle les mots, l’autre les sculpte en flammes.
    « Et toi, poète aimant, tu me bois sans savoir
    Si je suis en-dedans ou juste un pur miroir.

    Alors imprime-moi, grave-moi dans tes veines,
    Que ta langue m’habite et que ton cœur me saigne.
    Car je suis ton amante, ton livre, ton festin,
    Et ne me fermerai pour un autre destin. »

    Tableaux de Barbara Yochum.

  • Nigav & Sinép, les petites sirènes

    Nigav écrit en moi, Sinép m’ouvre le ciel,
    L’une me lèche en feu, l’autre me peint en miel.
    L’une ondule en dedans, l’autre me prend la main,
    Et toutes deux me font renaître le lendemain.

    Nigav est un orgasme enroulé sous les flots,
    Sa queue perce mes jours, m’enlève mes sanglots.
    Elle me griffe l’âme d’un amour animal
    Et m’écrit dans la chair des vers prétendus mâles.

    Sinép vole plus haut, c’est ma plume adorée,
    Elle trempe à fond son bec dans l’encre de mes plaies.
    Elle me dénomme en rimes, me révèle d’une claque
    Et m’élève au-delà du désir qui me plaque.

    Quand l’une me traverse, l’autre me rend lumière,
    Elles sont les deux mains de ma forme première.
    Et moi, Sirène double, femme faite d’émois,
    Je deviens la Parole où s’écrivent tes lois.

    Tableaux de Barbara Yochum.

  • La sirène enceinte

    La sirène enceinte

    La sirène ne pond qu’un seul œuf qu’elle enfante à même son ventre
    Qui diffuse entre ses écailles une coquille phosphorescente.
    Ensemencée au gui l’an neuf, elle reste neuf mois dans son antre
    Pour aménager son bercail aux dernières nouvelles récentes.

    Mais gare au plongeur imprudent qui s’aventurerait là-bas !
    Le père Triton monte la garde envers toute faune importune.
    Et gare au chasseur, préludant à un sérieux coup de tabac,
    Qui affrontera, la mine hagarde, un coup du trident de Neptune !

    Quand les premières contractions se font sentir début octobre,
    Sages-sirènes obstétriciennes l’assisteront jusqu’à la ponte.
    Dans une grande décontraction – car les sirènes restent sobres –
    Heureuse dans les eaux cliniciennes, comme un poisson au bout du compte.

    « Il est sorti sans dire un mot, porté par l’onde et la lumière,
    Mais dans un creux de son silence, j’ai reconnu ce cœur battant.
    Ses sens infinitésimaux s’éveillent et je suis la première
    À ouïr par ma vigilance son cri dans un calme patent. »

    Tableau de Luke Fitzsimons.

  • Robes de bal pour les sirènes

    Invitées au bal populaire pour clore la fête votive,
    Les sirènes dont bien embêtées pour s’habiller comme il se doit.
    Bien que leurs queues soient modulaires et puissent se montrer adaptives,
    Elles vivent nues et hébétées de peur qu’on les montre du doigt.

    Mais par bonheur, on a ouvert une boutique pour sirènes
    Garnie de robes aquariums avec poissons multicolores.
    Leur corps ainsi reste recouvert, leur nudité reste sereine
    Et cela procure un vivarium après le bal qui revigore.

    Ça fait flic-flic et ça remue étrangement pendant qu’on danse
    Et parfois l’élan les projette – patatras ! – en plein sur l’orchestre.
    Mais nous avons été émus par les rumeurs qui se condensent
    Au sein même des suffragettes qui trouvent leurs frusques indigestes.

    Et lorsque la nuit s’avoisine, on ramasse dans les coulisses
    Quelques poissons un peu hagards et des sirènes ensommeillées.
    Mais qu’importe si l’on devine, sous l’eau troublée par leur malice,
    Quelques danseurs dont le regard s’est, pour un soir, émerveillé.

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  • Pourquoi offrir un couteau ?

    Pourquoi offrir un couteau ?

    Offrir un objet appointé à un ami porte malheur
    Qui doit l’mauvais sort conjurer par une pièce symbolique.
    Alors pourquoi pas s’accointer des grâces de plus grandes valeurs,
    Sans pour autant se parjurer, en offrant un couteau phallique ?

    Phallique à lame recourbée pour une pénétration lente
    Dans la tendre chair savoureuse, celle d’une sirène offerte
    Qui va lentement absorber cette douce dague insolente
    Dont la frénésie amoureuse devient pures délices souffertes.

    Mais le cadeau était trompeur et la lame à double tranchant
    Et le marin mourra d’amour au propre comme au figuré.
    Lui qui était venu sans peur séduit par la fille et son chant !
    La fin ne manque pas d’humour et le twist est transfiguré.

    Elle l’attire, nue dans l’onde, la voix sucrée, les reins de sel ;
    Le couteau d’amour, finement forgé du métal des promesses.
    Ses yeux fendus, comme deux mondes où l’homme oublie tout l’essentiel,
    S’enfoncent au cœur du firmament prêts à célébrer la grand-messe.

    Pendant qu’il jouit – qu’il croit jouir – elle s’ouvre à la lune nouvelle ;
    Lui, il sourit, pâlit, puis meurt… heureux, peut-être, mais bien trompé.
    Son sang qui va la réjouir coule dans sa bouche sensuelle ;
    Le mâle heureux connaît humeur d’une camarde détrempée.

    Tableau de Eva Frantova Fruhaufova.

  • Ma petite sirène

    J’avais ramené une sirène chez moi pour mon éducation
    Mais mon père me l’ayant volée, j’en étais resté tout frustré.
    Toutefois une nuit sereine ôta mes préoccupations
    Une fois que j’eus somnolé et fait un rêve fort illustré.

    Je répartis le lendemain à la recherche de sa sœur
    Dont j’avais aperçu en songe l’emplacement de son repaire.
    Je n’étais encore qu’un gamin sans l’expérience du chasseur
    Mais j’en avais marre des mensonges que m’avait racontés mon père.

    Je l’ai découverte isolée sur un rocher de la lagune,
    Pareille à celle de Copenhague, fidèle au conte d’Andersen.
    Ma déception s’est envolée lorsqu’elle s’approcha sans rancune
    Tandis qu’une incroyable vague m’engloutit de ses eaux malsaines.

    Quand je revins à moi, flottant dans l’abîme aux reflets liquides,
    Elle me serrait contre ses seins nus dans un silence séraphique.
    D’un baiser froid mais envoûtant, elle scella mes songes avides,
    Et m’entraîna vers l’inconnu dans une nage chorégraphique.

    Illustration de Nicole Claveloux.

  • La carte du tendre de la sirène

    La carte du tendre de la sirène

    J’ai, en guise d’invitation, reçu une carte marine
    Et une coquille vulvaire avec une perle nacrée.
    Sur la carte, une annotation : « ceci est la clef utérine
    Où beaucoup de marins trouvèrent l’attachement le plus sacré ! »

    J’ai donc traversé l’Atlantique en suivant la route du tendre
    Gravée sur la partie moirée de l’intérieur du coquillage ;
    En suivant les vents romantiques et, sans devoir beaucoup attendre,
    J’atteignis en fin de soirée la destinée de mon voyage.

    Une grotte semblable à ma valve, s’ouvrait entre deux bras de mer
    J’y pénétrai dans la toison formée de plantes odorantes.
    Sur l’autel en forme de vulve et le trône bleu-outremer,
    Vint ma sirène en pâmoison envers sa proie revigorante.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • La vague entre mes cuisses

    La vague entre mes cuisses

    Je suis née d’une brume où ton nom fait marée,
    Un frisson vertical qui remonte mes hanches ;
    Ma peau salée t’appelle, offerte, écartelée,
    Sous la lune couchée dans mes gouttes blanches.

    J’ai gardé dans mon ventre un trésor inconnu,
    Un coquillage d’or où ton souffle s’enroule ;
    Tu y reviens sans fin, naufragé revenu,
    Et tu t’y perds, en moi, dans mes algues qui roulent.

    Mon cri devient sirène et mon sexe un récif
    Où ta langue s’égare en cherchant la lumière ;
    Quand mes jambes se referment dans un motif,
    C’est que je t’ai happé — poisson de ma rivière.

    Et quand tu dors enfin, la vague entre mes cuisses
    Berce ton corps d’écume, et ma main sur ton cœur
    Note encore les vers que ton sperme m’indice
    En alphabet vivant, mouillé de notre heure.

    Texte de Laureline Lechat et Illustration de Milo Manara.

  • L’addiction aux moules

    L’addiction aux moules

    Après l’accouchement, Madame a repris goût
    Aux gratins de palourdes et moules en ragoût.
    Elle en demande tant que Monsieur énivré
    S’enregistre aux cartiers afin d’être livré.

    Et de troisième main, un jeune facteur en friche
    Viendra tous les matins apporter sa bourriche.
    Surpris au saut du lit par le coup de sonnette,
    Notre couple l’accueille, nus dans la maisonnette.

    Mais le garçon, troublé par cette étrange scène,
    Rougit sous la casquette et, d’une trique saine,
    S’invite au doux fumet de salade marine
    Et rêve de s’offrir, lui aussi, la rouquine.

    Et chaque jour depuis, double la livraison,
    Joignant à la corbeille un zeste d’addiction.
    On dit que la maison est une péroraison
    De cris d’invitations à d’autres suggestions.

    Tableau de Tobias Rivrain sur https:deepdreamgenerator.comutobiasrivrain .

  • Partie de moules

    Partie de moules

    On ne refuse pas une partie de moules
    Après un bon repas arrosé d’un Picpoul.
    Si Madame consent et Monsieur est en forme,
    Monter en balançant la jupe et l’uniforme.

    Demain les bigorneaux, après-demain les huitres ;
    On fera du porno moulé à juste titre.
    Samedi et dimanche, un gratin de palourde
    Après, c’est dans la manche, Madame sera lourde.

    Mais lundi au boulot, la Belle ballonnée
    Refuse le bulot, ne veut pas pardonner.
    Elle exigera fleurs, douceurs et chocolat ;
    Après ses premiers pleurs, chacun en reste là.


    Neuf mois sans coquillage, c’est comme les mois sans « R » ;
    Car plus de gaspillage de parties jambes en l’air !
    Mais après la naissance du nouvel arrivage
    L’envie avec aisance reprend à l’abordage.

    Tableau d’Andrei Protsouk.

  • La sirène médusée

    La sirène médusée

    Fasciné de bioluminescence
    dans les abysses les plus profondes,
    J’en recherchais les organismes
    méduses, calamars, sirènes.
    J’en perçus une évanescence
    pour peu que je ne la confonde
    Avec un microvolcanisme
    ou la naissance d’une reine.

    Je suivis alors ton enfance
    et toute ton adolescence,
    Parmi l’existence de bohème
    auprès de ton père et ta mère.
    Mais de peur que je ne t’offense,
    je t’envoie en reconnaissance
    Mon ancre chargée de poèmes
    écrits de reflets outre-mer.

    « Je nage en silence dans ton encre,
    tissée d’ombres et de velours,
    Je suis médusée de lumière
    mais pour toi je vibre en secret.
    Quand tu m’appelles en jetant l’ancre
    avec ton air le plus balourd,
    C’est pour moi l’impression première
    d’un feu doux à jamais sacré !

    Sous mon ombrelle phosphorescente,
    j’ai cousu ton nom qui m’effare
    Et chaque flagelle que j’agite
    retient un poème qui me touche.
    Tes rondes de plus en plus récentes
    m’obligent à briller comme un phare
    Et produire ce qu’il faut de gîte
    pour t’attirer contre ma bouche ! »

    Illustration de Digna Cournoyer sur https:www.flickr.comphotos134845334@N06 .

  • La sirène à l’Eurovision

    « Tous transgenres, tous transsexuels » était le modèle adopté
    Pour remporter l’année dernière le concours de l’Eurovision.
    Ce phénomène factuel, s’est alors trouvé adapté
    Par toute une faune marinière en route pour la télévision.

    Dotées d’une voix surnaturelle, les sirènes y ont accédé
    Rapidement aux premières places loin devant castras de tous poils.
    Ainsi la chanson culturelle étant jusqu’ici obsédée
    Par la hantise du surplace est remontée jusqu’aux étoiles.

    Étoiles de mer précisément avec robes en queues d’écailles,
    Seins nus pour capter l’attention surtout de la gente masculine.
    Au sujet du désagrément, les femmes ont prié la flicaille
    De modérer toute tension et la montée d’adrénaline.

    Sa queue brillante de sirène l’a fait glisser du trône en bois ;
    Les mouettes criaient, souveraines : « À poil la star ! Rentre chez toi ! »
    Le public, grisé de frissons, a voté pour la candidate
    Dont le string orné de poissons sortait du maillot écarlate.

    Les dauphins aux mines froissées juraient qu’on truquait les concours ;
    L’un d’eux, la queue bien retroussée, rugit qu’il était sans recours.
    Des pieuvres pleines d’ambitions poussaient des cris d’exaltation
    Mais leur huée aux mille tensions tomba… faute de pulsation.

    Tableaux de Sam Yeates.

  • La sirène cosmique

    La sirène cosmique

    Dans l’océan du ciel, elle est en vigilance,
    Ses hanches font tanguer les voiles nébuleux ;
    Ses seins, pleins de clarté, distillent en silence
    Le lait des galaxies, élixir fabuleux !

    Elle glisse en riant dans la soie des étoiles,
    Son chant trouble les vents des orbites heureuses ;
    Des astres en émoi s’embrasent et se dévoilent ;
    Même Vénus jalouse en devient amoureuse.

    Ses cheveux sont des flux de matière cosmique ;
    Chaque boucle en spirale enfante une comète.
    Et dans l’ombre des nuits, dans l’univers comique,
    Elle rit aux éclats sur toutes les planètes.

    Quand elle rêve silencieuse aux cyclades maltées,
    Je deviens son écho, son soupir réfracté.
    Elle verse dans mon âme le lait chaud d’Amalthée,
    Sa mère dont du sein jaillit la Voie Lactée.

    Tableau de René lalique.

  • Une sirène à la maison

    Une sirène à la maison

    Lorsque j’étais petit garçon, j’ai ramené à la maison
    Une sirène adolescente qui voulait me faire l’amour.
    Là, au bout de mon hameçon, elle m’a fait entendre raison
    Et j’ai fait entrer l’indécente direct en salle-de-séjour.

    Mais la créature épuisée s’est endormie sur le sofa ;
    J’attendais qu’elle se réveille lorsque mes parents sont entrés.
    Ma mère tout électrisée m’observa et m’apostropha
    « Non ! Ce n’est pas demain la veille qu’une chimère viendra se montrer ! »

    Mon père, plus scientifique, me dit qu’il allait l’éprouver
    Et l’emporta dans son bureau soi-disant pour se documenter.
    J’ai trouvé ça catastrophique car c’est moi qui l’avais trouvée
    Et leurs gémissements gutturaux n’ont fait lors que m’épouvanter.

    Le lendemain, toute pimpante, elle est sortie du cabinet,
    Un large sourire aux écailles et la crinière fort épointée.
    Mon père, de manière élégante, dit : « Beau sujet bien coquinet ! »
    Et moi depuis, vaille que vaille, j’en reste tout désappointé.

    Illustration de Nicole Claveloux.

  • Le nombril de la sirène

    Le nombril de la sirène

    Les sirènes ont-elles un nombril ? Si oui, elles sont vivipares
    Sinon de septembre à avril elles seraient donc ovipares !
    De mai à août, par leur nature, elles partent en vacances orphiques
    Où elles prennent leurs villégiatures parmi les îles du Pacifique.

    Mais comme elles sont nées de la mer par un cordon ombilical
    Qui sort d’une vulve outremer par un couloir obstétrical,
    Elles sont marquées du sceau sacré telle une couronne invaginée
    Que Neptune leur a consacré lorsqu’il les a imaginées.

    Mais quant au sexe des sirènes, seuls les marins qui s’en souviennent
    Sont mort d’épectase sereine donc… que voulez-vous qu’il advienne ?
    Le sens du monde eût-il changé si cette énigme d’anatomie
    N’avait pas autant dérangé les amateurs de sodomie ?

    Tableau de Paul Vincenti sur https:paul-vincenti-800415.square.site .

  • La sirène qui monte, qui monte, qui monte

    Elles montent, elles montent les sirènes, tout droit fixées sur l’objectif ;
    Un joli navire affrété à leur nourricière attention.
    Aussitôt touché la carène, en un mouvement collectif,
    Avec l’idée bien arrêtée de n’e’en faire aucune abstention.

    Marin, entends-tu les remous des queues de sirènes agitées
    Qui montent, montent à la surface à l’assaut des bateaux de pêche ?
    Déjà la première fait la moue mais ce n’est que narquoisité…
    Pauvre marin, quoi que tu fasses, tu mourras en sauce escabèche !

    Mais voici qu’émerge la reine et sa chevelure dorée
    Qui vient réclamer son octroi, notamment sa pièce de choix.
    Ce soir grand festin des sirènes avec menu élaboré :
    « Marin dodu bien à l’étroit dans sa papillote aux anchois ! »

    Il cria : « J’suis végan, pitié ! » et voulut fuir sur un dauphin
    Mais il était ventripotent et le ramena sans façon ;
    Mais cuit, il fut fort apprécié après le mousse en coupe-faim ;
    « Un peu sec ! » dit l’une en rotant son cocktail aux crabes glaçons.

    Tableaux de Marco Paludet.

  • En attente du 1er mai

    1er mai

    À la recherche du muguet cueilli tout frais dans les forêts,
    J’ai découvert une vendeuse qui le vendait à la sauvette.
    Son étal, un peu déglingué nacré de teintes phosphorées
    Ainsi que sa tenue frondeuse juraient avec sa peau d’helvète.

    Car elle était en tenue d’Ève malgré la fraîcheur du matin,
    Sans doute un argument de charme pour mieux attirer le chaland.
    Mais elle se tenait sur la grève aux abords du Quartier Latin
    Tandis que deux ou trois gendarmes l’examinaient, les bras ballants.

    Désirant tenter l’aventure malgré les trois gars galonnés
    Pensant le muguet chouravé selon l’avis des trois pandores,
    Elle disparut sous une tenture, m’invitant à la talonner,
    Les trois hurlant comme si j’avais ouvert la boîte de Pandore.

    Hé non, le commerce était libre comme de coutume ce jour-là
    Et elle n’était pas vraiment nue, juste un string de couleur pervenche.
    Mon cœur perdant mon équilibre, je me retrouvai au-delà
    Du plus beau premier mai connu à marquer d’une pierre blanche.

    Illustration de Milo Manara.

  • Le sexe féminin

    Le sexe féminin

    Ce sexe en conque de bulot ou bien en corne d’abondance
    Est à la femme mystérieuse un secret venu de la mer.
    Il demande un peu de culot pour lui faire ses confidences
    Et entrer dans la luxurieuse caverne aux plaisir doux-amer.

    En forme de queue de sirène qui gobe d’un coup de morsure
    Le marin, aussitôt happé aux profondeurs de l’océan,
    Qui connaîtra sa fin sereine dans une petite mort sûre
    Mais au milieu de priapées avec orgasmes bienséants.

    Dans chaque femme une sirène surveille au fond de ses quartiers
    Le membre imprudent du malin pénétrant la chambre à coucher.
    J’en connais une, nommée Irène, qui dès que vous lui écartiez
    Les jambes en quête d’un câlin, vous avalait d’une bouchée.

    Tableau de Rafal Olbinski.

  • Irène et le bouton rose

    Irène et le bouton rose

    Depuis les montagnes de Bavière avec leurs Lorelei alpestres,
    J’avais coutume de croiser génies des eaux, vouivre et sirènes
    Qui séjournent au fil des rivières, parfois dans des grottes rupestres,
    Et passent leur temps à toiser tout un chacun qui se promène.

    Sans doute par le bouton de rose qu’elle arbore dans ses cheveux,
    J’aperçois souvent ma sirène qui chantonne pour tromper sa faim.
    Et je lui récite ma prose pour qu’elle fasse ce que je veux,
    Car j’attends de la belle Irène sa dernière strophe pour la fin.

    En réalité c’est le Sphynx mais je l’ai prénommé Irène
    Et modifié son énigme par un poème de mon choix.
    Si elle voit, par son œil de lynx, une quatrième strophe sereine
    Elle accomplit son paradigme sauf qu’elle se plante à chaque fois.

    Je la vois scruter l’horizon, l’œil acéré sur l’examen ;
    Elle tord l’intrigue serrée au creux de ses griffes subtiles.
    Mais – serait-ce par dérision ? – elle se perd sur le chemin
    Et répond la langue acérée d’une conclusion bien futile.

    Tableau de Veris.

  • L’appel de la sirène

    L’appel de la sirène

    Aussitôt que sonne sa conque dans l’obscurité des abysses,
    Tout l’obscur petit monde bouge au communiqué de leur reine.
    Et jamais on ne vit quiconque déroger à ces bons auspices
    Qu’on ne voit que par infrarouges sauf peut-être par la sirène.

    Et justement c’est aujourd’hui que son cœur de mère chavire
    Par cet appel annonciateur d’un événement dominateur.
    Tout ce que les hommes ont produit, bathyscaphe, sous-marins, navires
    Ont fourni d’appréciateurs matelots inséminateurs.

    La Reine pond d’impondérables œufs de toutes sortes de races ;
    Des œufs à coquille dorée, des œufs ronds et des œufs bridés.
    Ce matin de considérables petits coups sur leurs carapaces
    Laissent entrevoir une adorée éclosion de sirènes hybridées.

    Tableau de Heru Setiawan.

  • L’arbre généalogique à poisson nommé

    L’arbre généalogique à poisson nommé

    Animales et végétatives sont les racines de la vie
    Qui ont poussé au fond des mers et se sont nourries de leur sel.
    Par cette souche relative, j’aime retracer la survie
    De tous mes ancêtres éphémères dans ce classement universel.

    Là, je dois couper le cerveau qui n’a qu’une seconde d’existence
    Reportée d’après un barème sur vingt-quatre heures de la vie.
    C’est donc à mon cœur que prévaut le droit de sonder ma substance
    Et à mon âme le théorème qui fait qu’un dieu m’aurait suivi.

    J’en étais venu aux poissons lorsqu’une sirène s’interpose
    Et me dit être ma grand-mère à la millième génération.
    N’étant pas épris de boisson, j’examine ce qu’elle propose
    Et voici qu’elle m’énumère tous nos degrés de filiation :

    Elle m’évoque sur un fil de soie, les profondeurs et leurs tourments ;
    Les vagues chantent noms et prénoms qu’ensemble nous nous autorisons.
    Dans cette lignée qui va de soi, l’histoire prend forme lentement
    Et toutes les âmes de renom s’éveillent alors sous l’horizon.

    Tableau de Hayk Shalunts

  • Dans mes filets

    En tant que pêcheur de merveilles, en tant que chasseur de trésors,
    J’aime explorer chaque mystère et chaque énigme de la mer.
    Pour cela, tous mes sens surveillent chaque empreinte de dinosaure,
    Chaque légende planétaire, chaque fabuleuse chimère.

    Quand j’ai capturé ma sirène que j’ai hâlée dans mes filets,
    Je savais que c’était un loup qui entrait dans ma bergerie.
    Mais je suis fou, elle est ma reine et je vois bien se profiler
    Une victoire qui m’alloue de vaincre sa sauvagerie.

    Je l’ai ramenée à la maison et déposée dans la piscine ;
    Je l’ai laissée y méditer qu’elle n’avait pas de quoi pavoiser.
    Je ne sais pas si j’ai raison mais cette femme me fascine
    Et sans folie préméditée, j’ai plongé pour l’apprivoiser.

    Mais l’eau soudain s’est embrasée d’un halo sombre et menaçant ;
    Ses yeux brillaient d’un feu sauvage d’une fournaise carnassière.
    D’un chant aux notes abrasées par ses crocs à feu et à sang
    Et d’un baiser couleur naufrage, je péris dans la souricière.

    Illustration de « Skeeter » Andrea C. Medert & Aldo Perez Mermaid.

  • Monde cruel !

    Monde cruel !

    La vie est un monde cruel où rien n’importe que la survie
    Et l’on mange ou l’on est mangé car le pragmatisme est vorace.
    La vie est un jeu sexuel ; on se reproduit à l’envi
    Pour ne pas soumettre au danger la préservation de sa race.

    Pour la sirène, c’est différent puisqu’elle se nourrit de naufrages,
    De navigateurs solitaires, marins pêcheurs, vieux loups de mer.
    Pour la marine, c’est atterrant mais pour l’océan, quel ouvrage
    Que laver ces parasitaires le plus souvent au goût amer !

    Or il y a marin et marin, le petit mince au goût d’anchois,
    Le gros ventre imbibé d’alcool qui remporterait le championnat
    Car pour faire un bon navarin, il faudrait des morceaux de choix
    Et, comme on l’a appris à l’école, on ne fait qu’avec ce qu’on a.

    Tableau de Jérémie Fleury.

  • L’inspiration sous les eaux

    L’inspiration sous les eaux

    L’inspiration de l’eau d’ici vaut-elle celle de l’au-delà ?
    La question n’est pas importante pour les sirènes des abysses.
    Toutefois la superficie des grands fonds pleine de mandalas
    Peints par leurs queues papillotantes sont comme nos muses du temps jadis.

    Ça laisse à penser que les rêves qui s’écoulent dans les rivières,
    Finissent par aller dans la mer, poussés par de puissants courants.
    Ces petites inspirations brèves dissoutes partent en croisière
    Dans les profondeurs douces-amères vers des points cibles concourants.

    Ainsi Clio conte l’Histoire, Euterpe chante la Musique,
    Thalie nous fait la Comédie, Melpomène une Tragiconomie,
    Terpsiphore Danse, c’est notoire, Érato vit au Chœur Lyrique
    Polymnie à la Poésie et Uranie à l’Astronomie.

    Enfin Calliope à l’Épopée et donc toutes les neuf ensemble
    Finissent par se retrouver à chaque rencontre éphémère.
    Il en naît plusieurs mélopées que les sirènes alors rassemblent
    Pour chanter et ainsi prouver que le talent vient de la mer.

    Tableau de Leinen Leinwand.

  • Empreintes maritimes

    Nous avons en commun un gène hérité du séjour en mer
    Où les éléments de la vie, par opération alchimique
    Dans la matrice hétérogène, sont issus de la même mère
    Engendrés par Gaïa ravie de cette grossesse adamique.

    Observez de plus près les vagues de vos empreintes digitales
    Et vous retrouverez le flux du sang maternel transmissible.
    Ne croyez pas que je divague quant à la lignée génitale
    Qui n’est qu’un mythe superflu pour les adeptes de la bible.

    J’ai dans les pouces ses tourbillons et dans les index ses spirales,
    Ses boucles dans les annulaires et ses arches aux auriculaires.
    Dans les majeurs, des tortillons issus des sirènes amirales
    Qui enfantèrent et annulèrent le darwinisme titulaire.

    Et si mon cerveau fait « flic-flac » lorsque j’entends chanter la mer,
    Et si mon cœur produit des ondes lorsque je rêve à ma sirène,
    Et si mon corps produit des flaques par le cycle des eaux amères,
    C’est que j’ai l’âme vagabonde d’empreintes maritimes et sereines.

    Tableaux de Reiichi Tsuchiya.

  • La sirène de la Madrague

    La sirène de la Madrague

    Inspiration pour les artistes, Fille des arts qui font vibrer,
    Saint-Tropez obtint la faveur des peintres et des écrivains ;
    Peinture fauve et pointilliste, romans qui l’ont tant célébrée
    Et rehaussée de la saveur d’acteurs et actrices divins.

    Notamment la belle sirène qui fit construire sa maison,
    Une cabane de pêcheur sur la plage des environs.
    Tout le village l’a élue reine et l’on vient en toute saison
    Se confronter aux empêcheurs de paparazzier en rond.

    On dit que la sirène est vieille et qu’elle approche des cent ans
    Mais qu’elle serait éternelle en même temps… est-ce une blague ?
    Mais ce n’est pas demain la veille que les potins alimentant
    La légende sur la péronnelle s’arrêteront sur la madrague.

    Illustration d’Arantza Sestayo sur https:nevsepic.com.uaenart-and-hand-drawn-graphicspage,2,15239-works-by-arantza-sestayo-54-works.html .

  • Drôle de sirène

    Drôle de sirène me direz-vous ! Mais moi, les sirènes je les aime
    À moitié femme, moitié poisson, un quart, trois-quart soit quarteron.
    Et celle-ci, je vous l’avoue, venue suite à un emphysème
    Après s’être éprise de boisson à cause d’un qui n’tournait pas rond…

    « Drôle de sirène ! », me dit-elle, alors que j’observais ses pieds
    En forme de nageoire caudale… « Un peu compliqué pour danser
    Mais je sais faire la tarentelle et le tango sur un trépied
    Avec une voiture à pédales sur un mouvement cadencé ! »

    Drôle de sirène dans mes filets, foi de marin-pêcheur breton ;
    Je n’ai pourtant pas l’habitude de faire une mauvaise pêche !
    Mais là, j’ai dû me défiler et revenir à croupetons
    Tandis qu’elle, par gratitude, se parfumait à l’escabèche…

    Je l’ai revue en pâmoison, chantant à la lueur des lampions,
    La queue en l’air sur la mesure d’un madrigal plutôt baroque.
    J’ai trébuché sur l’émotion en rêvant d’être son champion
    Tandis qu’elle, d’un dernier murmure, mît fin à notre idylle loufoque.

    Tableau de David Inshaw sur https:www.davidinshaw.netgallery.html .

  • La nymphe des rivières

    La nymphe des rivières

    La Vouivre au marais poitevin, la Lorelei au fil du Rhin,
    Les Walkyries au Walhalla et les Nymphes dans les forêts suisses.
    Chacune son attribut divin, chacune son pouvoir souverain
    Chacune son parcours çà et là autant que son mythe le puisse.

    J’ai parcouru des kilomètres de la Töss d’amont en aval,
    L’œil aux aguets à chaque bord, sous les ponts et aux affluents.
    Et j’ai vu, assise sans maître, une chimère de carnaval,
    Aux cheveux verts et tout le corps d’un azur des plus influents.

    Car elle se noie dans le décor et seule sa chevelure émerge
    Lorsqu’elle s’amuse à surprendre qui viendrait s’y désaltérer.
    Et j’en étais – et pire encore ! – d’une curiosité qui submerge
    Mon cœur qui a tant soif d’apprendre de mes sirènes préférées.

    Mais d’un courant couleur agrume, son regard des plus harcelants
    M’enlace d’une onde froide et douce et m’entraîne en un long ballet.
    Je veux parler, briser la brume, mais sous ses doigts ensorcelants,
    Je deviens ombre dans la mousse, un reflet vert bringuebalé.

    Tableau de Fomin Nikolay sur https:dzen.ruaZgA7Ru8Li1pUBL8I .

  • Ma sirène, mon chat et moi

    Ma sirène, mon chat et moi

    Le plus difficile dans ma quête de découvrir une sirène
    Fut de détromper la rumeur que les sirènes n’existent pas.
    Une fois formulée ma requête, j’ai, l’âme et la raison sereines,
    Poursuivi de meilleure humeur ma chasse avec moi pour appât.

    Elle m’a traqué, je dois le dire ; je n’ai rien fait pour la trouver
    C’est elle qui m’a capturé et qui m’a dévoré le cœur
    Au figuré pour m’interdire d’aimer une autre et lui prouver
    Que je n’irai m’aventurer nulle part ailleurs à contrecœur.

    Je l’ai ramenée à la maison, mon chat l’a tout de suite adorée ;
    Il faut le voir lui mordiller la queue et bien la peloter !
    Désormais en toute saison, j’aime voir ses écailles dorées
    S’étendre et se recroqueviller et ses nageoires trembloter.

    « Si je l’avais conquise :
    Mais parfois, dans un songe bleu, elle fixe l’horizon lointain,
    Ses yeux noyés d’anciens mystères qu’elle ne veut pas dévoiler.
    Alors je crains qu’un jour ou deux, bercée d’un appel incertain,
    Elle file entre les vagues claires, me laissant seul à contempler.

    Si elle m’avait conquis :
    Mais c’est elle qui m’a enfermé dans un palais sous les abysses,
    Où l’eau danse en reflets d’argent et chante en échos infinis.
    Mon chat, trônant sur un rocher, m’observe d’un regard complice,
    Tandis qu’elle enchaîne mes jours d’un amour doux et interdit. »

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Rare, la sirène phare

    S’il n’est pas rare que la sirène chante pour chasser les marins
    Qui croient entendre une fanfare aux harmonies avantageuses,
    Il est fort rare qu’une sirène brille pour tromper les marins
    Qui croient y distinguer un phare car hélas elle est naufrageuse.

    Si les sirènes n’existent pas, que penser des sirènes-phares ?
    Seraient-elles le rêve d’un nabot, un savant qui se prend pour Dieu ?
    De Dieu à fou, il n’y a qu’un pas et pas besoin de gyrophare
    Pour le cueillir dans son labo et mettre fin à son plan odieux.

    Or le savant s’est échappé avec sa sirène-sémaphore
    Et sème partout la terreur parmi les bateaux de croisière
    Dont on n’a qu’un seul rescapé sauvé du détroit du Bosphore
    Qui serait situé, sauf erreur, fort loin de Charleville-Mézières.

    Le rescapé, dérivant seul, divagua en contes et chimères,
    Jurant qu’il a vu, dans les flots, scintiller un chant malicieux.
    On rit de ses mots lâches et veules, qui feraient rire les commères
    Et l’on raconte à Saint-Malo qu’un phare a chanté sous les cieux.

    Tableau de Juan Carlos Verdial

  • Les poissons de mauvais augure

    Quand les poissons viennent de gauche par une marée maladroite,
    La sirène, très superstitieuse, préfère rester à la maison.
    Elle en profite pour faire l’ébauche d’une stratégie plutôt adroite
    Pour chasser l’armada précieuse qui se précise à l’horizon.

    Quand les poissons viennent de droite par une marée favorable,
    La sirène, très galvanisée, part à la chasse au matelot.
    Animée d’une envie étroite d’en croquer la chair adorable,
    Sa faim est tant tétanisée qu’elle mangerait tout un cachalot.

    Quand les poissons viennent du centre, elle ne sait à qui se fier;
    Elle consulte fort à propos ses réseaux sociaux facebookistes.
    D’où les gargouillis dans son ventre ; elle aurait dû se méfier
    De ce mérou sourd comme un pot, trop sûr de lui et complotiste.

    Quand les poissons fuient en arrière, fendant l’écume à contre-courant,
    La sirène, prise de panique, sent son empire vaciller
    D’un monstre aux écailles de fer, surgissant d’un abîme hurlant,
    Renversant d’un feu tyrannique son règne ancien et décrié.

    Tableau de Marco Busoni

  • La sirène de minuit

    Sur une mer encrée de nuit et sous un ciel vague de lune,
    Une sirène en queue de plumes évolue entre deux éléments
    Mus par le soleil de minuit et son énergie opportune
    Qui semble poindre à plein volume sous un clair-obscur firmament.

    Soleil de minuit et demi, la sirène à la queue de paon
    Fait une roue atmosphérique et s’élève les bras dressés
    En montrant son académie dont la poitrine se suspend
    Comme deux astres chimériques qui me sont soudain adressés.

    À ce moment-là, la sirène crève l’image et le poème
    Et se matérialise enfin dans un rayon projectionniste.
    Elle me dit d’une voix sereine : « Je suis une fée de Bohème
    Qui s’était perdue aux confins d’un univers impressionniste ! »

    Et puis sans tambour ni trompette, je la vois monter au plafond
    Et traverser la page blanche entre les lignes fantomatiques.
    Le temps d’une dernière trempette dans l’eau d’un blanc le plus profond,
    Je succombe à une avalanche de limbes à l’encre sympathique.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • La sirène à l’école

    Depuis que l’Europe réglemente les lieux de pêche autorisés,
    Les pêcheurs de métier renoncent à continuer d’exercer.
    Hélas, les sirènes s’alimentent de ces jolis marins frisés
    Et en conséquence nous annoncent qu’elles en sont bouleversées.

    Nous allons devoir accueillir de jeunes sirènes à l’école
    Et les intégrer comme il sied aux enfants qu’elles vont côtoyer.
    Nous pourrons nous enorgueillir de nouvelles classes piscicoles
    Adaptées aussi bien aux pieds qu’aux queues de poissons écaillées.

    Piscines de récréation remplaceront les cours d’école
    Et les sirènes maître-nageuses auront des fonctions aquatiques.
    Il ne manque que l’agréation afin que le projet décolle
    D’une ministre courageuse pour mettre tout ça en pratique.

    Illustration de Kay Tarrant

  • Mélancolie du fond des mers

    Le fond des mers est frais et les amours rigides
    Entre le matelot invité aux abysses
    Et la sirène hélas qui se montre frigide
    Ne fait aucun effort, la passion s’estourbisse.

    Heureux comme un poisson dans l’eau ne suffit pas
    Et le marin déçu se sent un peu frustré ;
    La sirène avait beau promettre ses appas,
    Sur son lit de cailloux, elle n’a su s’illustrer.

    Leurs amours sont noyées ; le feu de la passion
    Ne saura plus vraiment comment les réjouir.
    Ayons pour le bonhomme toute la compassion
    Qu’il est en droit d’attendre d’être mort sans jouir.

    Tableau de Miguelanxo Prado

  • Dans son aquarium

    Lorsque l’hypothétique muse s’régale de la somme des carrés,
    Poissons scalaires des deux côtés de son réservoir agencé,
    Elle me regarde et elle s’amuse de voir mes plans contrecarrés
    Car j’espérais la bécoter dès qu’elle se serait avancée.

    Elle est joueuse et fait semblant de se sentir ma prisonnière
    Dans son petit cube magique qu’une eau douceâtre ravitaille.
    Je lui trouve un air ressemblant avec Rita, la poissonnière
    Qui me l’a vendue léthargique et de toute petite taille.

    Croyant que c’était un poisson, je l’ai placée au vivarium
    Avec d’autres poissons de roche, rouget-grondin, congre et rascasse
    Que je lui donne sans façon en disposant son aquarium
    Afin que, lorsque je m’approche, elle devienne beaucoup plus loquace.

    C’est pourquoi chaque vendredi, j’ai des histoires à raconter
    Autant cocasses qu’inédites grâce à notre correspondance.
    Comme je n’ai jamais contredit ma belle sirène, je peux compter
    Sur elle pour éviter redites, répétitions et redondance.

    Tableau d’Ivan Lubenikov sur https://www.catherinelarosepoesiaearte.com/2012/06/ivan-loubennikov.html

  • M. & Mme Fisher-Mermaid

    Le temps passe sur les rencontres mais les rencontres ne passent pas
    Et le vieux pêcheur marseillais aime toujours sa vieille sirène.
    Ils gardent leurs enfants tout contre leur cœur et à chaque repas
    Noël ou Pâques, ces grassouillets reviennent embrasser leur mère.

    Mère qui a bien bourlingué bien que devenue franco-suisse
    Loin des mers et des océans, bien loin des abysses sauvages,
    Mais elle a su ribouldinguer de manière à ce qu’elle puisse
    Se faire la belle sur son séant en peignant tous ses vieux rivages.

    Ses vieux rivages de Bretagne, du Maroc et des îles hellènes
    Avec un ancien flibustier qui l’a auparavant distraite.
    Aujourd’hui elle est la compagne qui, entre Rimbaud et Verlaine,
    Écoute le langage châtié de son poète à la retraite.

    Illustration de Jessica Warrick.

  • Prière à Neptune

    Celle qui veut devenir sirène doit prier de cette position :
    Nue, accroupie dans la baignoire, les mains jointes et les pieds levés.
    Psalmodier d’une voix sereine l’incantation sous condition
    Que l’eau salée de la Mer Noire les ait très longuement lavées.

    Il faut la foi et la patience qui seront bien récompensées
    Lorsque fusionneront ses membres en une queue toute en rondeurs.
    Dès qu’elle en aura conscience, elle sera alors dispensée
    De vivre seule dans sa chambre pour gagner les grandes profondeurs.

    Plaise à Njörd et plaise à Neptune de lui accorder leurs faveurs
    Si la novice a de la voix et le corps bien proportionné
    Là où le corps ressemble à la Lune leur sera de toute saveur
    Et lui feront découvrir la voie enchanteresse et passionnée.

    Tableau de Valéria Ko.

  • Les sirènes au cirque

    Les sirènes courent au chapiteau se régaler des baladins,
    Des musiciens, des comédiens qui font la tournée de Neptune.
    Illico, presto, subito, elles s’asseyent sur les gradins
    Avec les clowns costumédiens et leur bonne humeur opportune.

    Arrivent les hommes-poissons, adeptes des hommes-grenouilles,
    Et les sirènes folles de joie plongent en chœur dans le bassin.
    Elles font de baisers la moisson, puis ensemble elles s’agenouillent
    Pour leur chanter à pleine voix une chanson de Joe Dassin :

    Celle où « …Tous les sifflets de train, toutes les sirènes de bateau
    Ont chanté cent fois la chanson d’un Eldorado d’Amérique… »
    Et de courir avec entrain en abandonnant le plateau
    Pour filer sous les étançons pour des relations homériques.

    Le lendemain, ils sont partis, le cirque et la ménagerie ;
    Le tout a été démonté et transporté au petit jour.
    Les sirènes en prennent leur parti car de leurs courtisaneries
    Avec leurs meilleures volontés naîtront le fruit de leurs amours.

    Tableau d’Ana Hernandez San Pedro.