Catégorie : 2023

  • La sirène novice

    Point besoin d’être née sirène pour être promue au statut
    De la compagnie des princesses et futures reines des mers.
    Or pour accéder à l’arène et être élève de l’institut,
    Il suffit d’immerger ses fesses et développer ses pieds palmaires.

    Ainsi la fille devient novice et vit en totale immersion
    Dans un séminaire aquatique où elle restera cloîtrée.
    Nourrie aux saintes écrevisses, elle subira la conversion
    De ses jambes problématiques en une queue idolâtrée.

    On lui apprendra à chanter et amplifier son organe
    Pour une chasse consacrée à son régime bienséant
    Par des formules enchantées enseignées par la fée Morgane
    Dont les connaissances sacrées priment dans tous les océans.

    Illustration de Mark Ryden

  • Une sirène pas comme les autres

    Fi des queues en colimaçon pleines d’arêtes et de nageoires ;
    Vivent les queues en tentacules pour mieux étreindre ses victimes !
    La mer, c’est bon pour les poissons ; idem les mares et pataugeoires !
    Refusons tous ces ridicules clichés sur notre vie intime !

    Elle a pris un appartement avec vue sur les vallées suisses ;
    Elle y reçoit peu de matelots car elle leur préfère les bergers.
    Mais elle y cajole ses amants entre ses si nombreuses cuisses
    Que plus d’un de ces rigolos redemandent à s’y héberger.

    Elle y consent et les invite à partager tous ses repas
    Et garnit ainsi son frigo de gigots, épaules et cuisseaux.
    Tout un petit monde gravite, chimères plus ou moins sympas,
    Avec lesquelles, tout de go, elle partage les meilleurs morceaux.

    Tableau de Nicoletta Ceccoli sur https://ilmondodimaryantony.blogspot.com/2013/08/gli-incubi-celesti-di-nicoletta-ceccoli.html

  • L’ami Ricoré

    Mon vieil ami, le pique-assiette, qui s’invitait tous les matins
    Contre mon gré au déjeuner, a fini par prendre racine.
    Aujourd’hui j’en fait la cueillette que je mélange avec du thym
    Pour clôturer notre dîner par une douce médecine.

    Il venait toujours en retard et inventait mille prétextes
    Pour justifier l’importance et nous vanter sa marchandise.
    Hâbleur, fanfaron et vantard, sortant un mot de son contexte,
    Il renversait les circonstances pour les adapter à sa guise.

    L’arbre qui cache la forêt, c’est un peu lui en quelque sorte ;
    On ne parlait plus que de lui d’un bout à l’autre des réseaux.
    Maintenant l’ami Ricoré qui pousse à deux pas de ma porte,
    Me réveille quand le soleil luit par le chœur de tous ses oiseaux.

    Illustration de Lisa Aisato sur https://salg.aisato.no/butikk/digitaltrykk

  • Fils de l’homme pour ma pomme !

    La pomme est contre toute envie l’arbre qui cache la forêt ;
    Elle occulte tous les désirs et les passions les plus succinctes.
    Toute l’essence de la vie s’épuise jusqu’à s’évaporer
    En interdisant tout plaisir au nom d’une censure sainte.

    Est-ce le péché originel qui limite mes prétentions
    Comme une entrave à des pensées que j’aurais osé m’infliger
    Ou bien l’enfer obsessionnel pavé des meilleures intentions
    Afin d’éviter d’offenser ce qu’un Dieu aurait exigé ?

    Cette limite obsessionnelle finit par occulter ma vue
    Et ne montre que du péché par son traitre et fourbe contrôle.
    Fi de ces lois conventionnelles où tout a déjà été prévu
    Pour me brider et m’empêcher d’échapper à leurs jeux de rôles !

    Tableau de René Magritte

  • Enfin seuls !

    Finis déguisements idiots, fausse barbe et fausse bedaine !
    Adieu, vieux traîneau obsolète, rennes de bois, maintes clochettes !
    Bonjour les bienfaits primordiaux de trois-cent-dix jours de fredaine
    À galoper sur la sellette à la croupe de ma bichette !

    Le Père Noël n’existe plus pour les onze mois de l’année
    Et je redeviens Petit Prince, je vous le dis en vérité.
    Si ma visite vous a plu en passant par la cheminée,
    Souffrez que maintenant j’en pince pour des vacances bien méritées !

    Pour vos prochains bons de commande, envoyez en poste restante
    Vos désirs pour l’année prochaine adressés à Marie Licorne.
    Car ma chérie, à ma demande, sera ma précieuse assistante
    Pour dépouiller à la douzaine tous vos courriers d’un coup de corne.

    Illustration de Lisa Aisato sur https://www.aisato.no/andre-illustrasjoner

  • L’école des voyeurs

    Pour appâter l’œil des voyeurs que j’élève dans mon atelier,
    Je dois leur fournir des modèles, principalement des femmes nues.
    Auprès des meilleurs pourvoyeurs de la fine fleur des bordeliers,
    J’obtiens les meilleures donzelles dodues, callipyges et charnues.

    « Petits, petits, les apprentis ! Ouvrez grand vos yeux impudiques !
    Goûtez ces formes appétissantes, buvez dans la courbe du tendre ! »
    La nourriture est garantie naturelle et biologique,
    Conciliante et obéissante envers ce que l’on peut attendre.

    Vous cherchez un travail facile ? Bien rémunéré, sans fatigue ?
    Il n’y a rien d’illégitime à montrer votre plasticité !
    Nourrir l’œil n’est pas difficile envers celui qui investigue ;
    Exposez vos parties intimes et vous serez plébiscitées !

    Maryam Motamedi Masoudieh devant le tableau « L’artiste et son école » de Franz Nolken

  • L’amour en bateau

    Quand Valentin mène en bateau sa Valentine au fil de l’eau,
    Il ne voit qu’elle évidemment et passe ses jours à l’attendre.
    Pour elle, il bâtit des châteaux, la moindre balade à vélo
    Devient voyage d’agrément sur l’infinie route du tendre.

    Mais le rêve qu’il se construit est-il celui de sa chérie
    Ou est-ce un décor de théâtre où il lui joue la comédie ?
    N’aura-t-il pas que l’usufruit de l’objectif qu’il renchérit
    Avec ses pensées opiniâtres à moins qu’elle n’y remédie ?

    En amour, on ne compte pas. On verra bien au fil du temps
    Si l’image s’est estompée dans le grand fleuve de la vie.
    L’amour aux multiples appâts flétrit ou dure-t-il longtemps ?
    Si vous pouvez me détromper, communiquez-moi votre avis.

    Illustrations de Tran Nguyen

  • Raton-chasseur

    L’exclusivité de l’amour n’est pas donnée qu’à Cupidon
    Et au quatorze février certains font flèche de tout bois.
    Notamment le raton glamour à qui d’ailleurs nous validons
    Le titre du manouvrier qui met les femelles aux abois.

    Raton-laveur devient chasseur quand la nécessité fait loi
    Pour éviter le temps perdu à conter fleurette aux ratonnes.
    Pas besoin de vibromasseur ! Qu’y-a-t-il de meilleur aloi
    Qu’une flèche d’amour éperdu plantée dans un cœur qui détone ?

    Illustration de Lily Seika Jones sur https://insomniac-arrest.tumblr.com/post/705913673751920640/thecollectibles-art-by-lily-seika-jones

  • Le piège de la Saint-Valentin

    Ainsi Vénus se promenait les bras croisés derrière le dos,
    Entièrement nue et sans complexe, les seins libres à s’enorgueillir.
    Personne ne se méprenait sur l’état de sa libido
    Car elle présentait son sexe comme une fleur à recueillir.

    Devant cette offre intéressante, quelques cupidons attirés
    D’abord se laissèrent surprendre, puis opinèrent toutefois.
    Mais cette Vénus oppressante mue par un désir inspiré
    Exigea de se faire prendre par tous ses amants à la fois.

    Évidemment, c’était un piège car la Vénus était plombée
    Par des escrocs, après enquête, qui vantaient leurs médicaments.
    Ils eurent beau faire des bains de siège, ils finirent tous par succomber
    À une crise de la quéquette qui enfla précipitamment.

    Je vous en prie, tous, prenez garde la nuit de la Saint-Valentin ;
    Si vous croisez Vénus à poil, gardez la queue et le sang froid !
    Bien sûr, c’est vous que ça regarde mais vous serez ces galantins
    Dont tiendra les cordons du poêle votre poète avec effroi.

    Sculpture d’Ernst Seger

  • L’eau de l’oubli

    Lorsque j’ai bu l’O de l’oubli, comme l’O d’un ensemble vide,
    Son visage avait disparu avec ses yeux, sa bouche en cœur.
    La fille n’a pas fait un pli, à corps perdu, l’esprit avide
    De se faire happer par la rue pour y diluer toute rancœur.

    Je crois que ses yeux m’ont souri et que sa bouche m’a avalé
    Comme une amante religieuse qui m’aurait fait perdre la tête.
    Volte face comme la houri de mon paradis dévalé
    Dans la maladie contagieuse et fatale d’une amourette.

    Et je regarde le gyrophare pulser sur son corps ambulant
    Qui emporte dans ses paquets ma mémoire et mes souvenirs.
    La mort rapide et sans fanfare m’a piqué en m’inoculant
    L’amnésie non contre-attaquée que je n’avais pas vu venir.

    Tableau d’André Kohn

  • Paris par la fenêtre

    Je n’ai vu de Paris que l’interface sombre
    D’un écran cathodique d’une vie noire et blanche.
    Puis de fausses couleurs sont nées de la pénombre
    Pour projeter son cœur sur l’écran des dimanches.

    Je l’ai connue plus tard quand elle m’a fait la cour ;
    Paris était la femme et moi son mâle errant.
    Mais le charme épuisé des arrogants discours
    Ne m’a point retenu, j’étais trop différent.

    Je la vois aujourd’hui, cette ville lumière,
    Vieille cité qui sait encore séduire autant.
    Qui verrait à présent sa vérité première
    Saurait que l’éternelle dame résiste au temps.

    Sa séduction rayonne mais j’y suis hermétique
    J’ai fui les grandes villes à l’air empoisonné.
    Les hasards m’ont conduit sur les terres helvétiques
    Et Paris sous son globe m’apparaît cloisonnée.

    Tableau de Marc Chagall

  • Au fil du courrier du cœur

    Quand tu te trouves au bord du gouffre, accroche-toi au téléphone
    Et compose le numéro de l’assistance aux cœurs perdus.
    Que tu te plaignes ou que tu souffres, tu pourras rejoindre la faune
    De ceux qui se voulaient héros et meurent anonymes, éperdus.

    Sans doute avec de la patience – un proverbe chinois le dit –
    Tu y verras passer le corps de tes ennemis oubliés.
    Sinon attire leur confiance, nourris-toi de leurs tragédies
    Et tu pourras toujours encor en parler et les publier.

    Tableaux de Shiori Matsumoto

  • La revanche du bonhomme en pain d’épice

    Révolution chez les amantes, les laïques et les religieuses !
    Les bonhommes ne perdent plus la tête pour une partie de jambes en l’air.
    À moins qu’on ne nous le démente par une pirouette prodigieuse,
    Ils sont partis à la conquête des droits dont ils sont titulaires.

    Désormais, pour la parité, ils goûtent avant d’être mangés
    La garniture dont ils enrobent les vêtements de leurs promises.
    Tandis qu’en solidarité, lorsque le tout est mélangé,
    Elle ôte et lui offre sa robe comme si elle lui était soumise.

    Après qu’il eut été mangé, croqué et sucé jusqu’à l’os,
    Il ne resta plus que la tige de ce bonhomme en pain d’épice.
    C’la dut alors la démanger, la fille, de s’enfiler gratos,
    En coupant court à tout litige, son petit bâton de réglisse.

    Tableau de Nicoletta Ceccoli sur https://vigilantcitizen.com/latestnews/disturbing-mkultra-and-child-abuse-paintings-displayed-on-billboards-in-italy

  • L’entre deux mondes

    Monde intérieur imaginaire qui me rappelle d’où je viens,
    Qui fait sonner les expériences acquises de mes vies antérieures.
    J’aime tant son imaginaire qu’à travers lui, je me souviens
    De l’écho d’une clairvoyance vers l’itinéraire ultérieur.

    Monde extérieur immatériel car j’appréhende sa matière,
    Sa dureté et ses dangers à jamais de moi différents.
    Pourtant l’organe sensoriel qui me fait vivre tout entière
    Lui est à la fois étranger et cruellement afférent.

    Je suis ce monde intermédiaire, je suis assis sur la fenêtre
    Avec la peur de basculer dans un destin irréversible.
    Comme une question subsidiaire qui me décidera à naître
    Pour une vie immaculée de mes mémoires inaccessibles.

    Illustration de Jean-Pierre Gibrat

  • L’amante religieuse en herbe

    Comme il faut bien qu’elle s’habitue,
    les bonhommes en pain d’épice
    Sont principales gâteries
    qui enchanteront sa jeunesse :
    « Je te grignote et je te tue
    à petit bout mais sans malice ;
    J’aime ta camaraderie
    et ta saveur toute en finesse ! »

    Elle chantonnait cette comptine
    en dégustant chaque bouchée
    De ses petits amis sucrés
    à la tête aromatisée.
    Petite habitude enfantine
    qui allait plus tard déboucher
    Sur une litanie consacrée
    à ses victimes traumatisées.

    Comme elle n’a pas beaucoup d’amis,
    elle prend son déjeuner au lit
    De la rivière au chocolat
    en compagnie de ses copains ;
    Pour ne pas avoir d’ennemi,
    elle va au bout de sa folie
    En grignotant sans tralala
    sa bonne bouille en massepain.

    Dans son école des Nougatines
    de l’ordre des Saintes Amantes,
    Elle apprendra l’anatomie
    et le meilleur côté des hommes :
    Leurs têtes en chocolatine
    battues dans du thé à la menthe,
    Bases de la gastronomie
    inscrite dans ses chromosomes.

    Tableaux de Nicoletta Ceccoli sur https://ilmondodimaryantony.blogspot.com/2013/08/gli-incubi-celesti-di-nicoletta-ceccoli.html ainsi que sur https://www.irancartoon.com/site/artists/nicoletta-ceccoli

  • Nourrir son imaginaire

    Nourrir son imagination exige en guise d’introduction
    Un sens aussi vrai qu’un mensonge qui grandira avec le temps.
    Le cœur d’enfant en gestation développera son addiction
    Avec des rêves et des songes qui se bousculent à contretemps.

    Bien sûr, au train où vont les choses, son appétit grandit encore,
    Devient de plus en plus exigeant et tout son cœur s’en réconforte.
    Le plaisir se métamorphose en lui transformant tout son corps
    Et son esprit intransigeant envers des émotions plus fortes.

    Au printemps, premières amours, tout son être s’épanouit
    Mais dès qu’on lui pose un lapin, l’imagination se rebiffe.
    Elle se console non sans humour sur ses désirs évanouis
    Avec un pignon de sapin pour un besoin impératif.

    Tableaux de Nicoletta Ceccoli sur https://ilmondodimaryantony.blogspot.com/2013/08/gli-incubi-celesti-di-nicoletta-ceccoli.html

  • L’échange de pouvoirs

    L’une eut le sceau, l’autre eut l’anneau et, à la fin de leur mandat,
    La gauche changea avec la droite le pouvoir contre l’opposition.
    Et l’on tomba dans le panneau car par la suite on s’amenda
    Par des élections maladroites sur de nouvelles impositions.

    Bien qu’elles soient à l’opposée, les deux sœurs en réalité
    Sont similaires et seules diffèrent leurs coiffures et leurs maquillages.
    Bien que leurs choix soient supposés être en totale rivalité,
    Elles sont pareilles et se confèrent au même goût du magouillage.

    Sœur Emmanuelle Omicron et Sœur Dégâts-de-la-Marine
    Forment un couple de même sexe, mêmes dogmes hypothétiques.
    Elles ont gagné le « prix citron » pour le talent qu’elles entérinent
    À jouer la comédie complexe du remaniement politique.

    Tableau de Mao Hamaguchi

  • Raminagrobis

    Quand sonne l’anthropophobie dans le courant de l’existence,
    Rabats-toi sur les animaux envers qui tu pourras plaider.
    Prends garde à Raminagrobis qui trouvera sa subsistance
    À se restaurer de tes maux en faisant semblant de t’aider.

    Beaucoup de chats de circonstance font mine de patte de velours
    Mais donneront un coup de griffe si tu leur manques d’attention.
    Quand ils te promettent assistance, ils recherchent un ami balourd
    Qui nourrira ces escogriffes de leur entière soumission.

    Sans doute l’État fait de même en nous promettant protection
    Pour vivre aux frais de la princesse et de notre naïveté.
    Ils disent régler nos problèmes tout en faisant la collection
    De nos biens et de nos richesses taxées pour leur oisiveté.

    Tableau de Mark Ryden

  • Sauver le dernier poisson

    Il n’a pas l’air dans son assiette, le p’tit poisson du vendredi
    Péché, lavé et congelé directement au chalutier !
    Adieu écailles en paillettes, bonjour pané du mercredi,
    Filets carrés et morcelés, darnes découpées sans pitié !

    Faut-il sauver le dernier poisson ? Interdire sa consommation ?
    Mettre à l’index la bouillabaisse, les fruits de mer et l’aïoli ?
    Maquereau qui trouble la boisson du loup de mer en privation,
    Es-tu en hausse ou à la baisse chez ton mareyeur aboli ?

    Illustration d’Enki Bilal

  • La sirène et son fils

    L’évènement est assez rare mais il se produit toutefois
    Quand les marins se mettent en quatre à satisfaire la sirène.
    Car celle-ci n’est pas avare en brochettes de cœurs et de foies,
    Plats aphrodisiaques à débattre mais stimulants en œstrogènes.

    Si bien que quelques mois plus tard, tout le ferment de leur laitance
    Donne naissance à un triton, moitié humain moitié poisson.
    Un fils qui saura sans retard démontrer toute sa prestance
    Avec sa voix de baryton qui monte depuis son caleçon.

    Tableaux de Malene Reynolds Laugesen

  • Trop au lit

    L’est trop au lit pour être honnête, ma voisine du dernier étage
    Dont j’entends branler le sommier et couiner les ressorts rouillés.
    Elle pousse aussi la chansonnette pour pimenter le ballotage
    Lorsque l’amant est coutumier par sept fois de la dérouiller.

    Quand je la croise dans l’ascenseur, qu’elle me dit ses « bonjour chéri »,
    Je lui réponds timidement sans oser saisir l’occasion.
    Bien que je sois libre-penseur et au jeu d’l’amour aguerri,
    J’ai peur qu’elle crie avidement mon nom à travers les cloisons.

    J’ai honte mais je dois vous le dire, j’y suis monté vendredi soir
    Car elle m’a demandé de l’aide pour monter son lit IKEA.
    Comme vous auriez pu le prédire, hélas, je n’ai pas pu surseoir
    À l’essayer ; aussi je plaide coupable au crime indélicat.

    Tableau de Charles J. Dwyer sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2011/10/charles-j-dwyer-1961-wisconsin.html?m=1

  • La tête et les jambes

    Sans les jambes, une relation renonce à un terrain d’entente
    Où se chasser à pas de loup et se louper à pas chassés.
    Seule la tête en corrélation avec l’âme contre toute attente
    Doit tracer sa route cheloue vers l’autre autant embarrassé.

    Avec les jambes, le courant passe librement de la tête au pied ;
    Transit par les voies génitales et changement au cœur vaillant.
    Le voyage occupe tout l’espace et vous propose, comme il vous sied,
    Des liaisons sentimentales ou rapports intimes et saillants.

    Illustrations de Pascal Campion sur https://positivr.fr/pascal-campion-dessins-couple/?amp

  • La porte de l’imaginaire

    Verrouillée par la loi des sciences et par ses prêtres cartésiens,
    La porte de l’imaginaire seule aux yeux du cœur se révèle.
    Elle ouvre la voie de l’inconscience, remonte d’un puits artésien
    Depuis sa source originaire que l’inspiration renouvelle.

    La mienne est toujours entrouverte, je la franchis sans le savoir ;
    J’y vis de nouvelles expériences et d’opportunes destinées.
    À quoi me servent ces découvertes ? Je les accomplis par devoir
    Car j’y retrouve la clairvoyance que j’avais avant d’être né.

    Il en existe des milliers inaccessibles à contrecœur
    Dans la nature qui délivre sa beauté sous le firmament.
    Mais les cas les plus familiers de ces ouvertures du cœur
    Sont dans les images et les livres où je retourne fréquemment.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Les murs ont des oreilles

    J’entends sourdre à travers les plinthes toutes vos peines et vos plaintes ;
    J’entends sourdre à travers les murs vos confidences et vos murmures.
    Je suis votre fée indiscrète, gardiennes des pensées secrètes
    Que je recueille tous les jours que vous souffrez en ce séjour.

    J’ai tout noté dans mon carnet depuis que vous êtes incarné
    Des premiers mots depuis l’enfance jusqu’au dernier pour ma défense
    Car votre avocat je serai et votre grâce plaiderai
    Lorsque Dieu fera le décompte de votre âme laissée-pour-compte.

    Tableaux de Danny Galieote sur https://www.maxwellalexandergallery.com/danny-galieote-1

  • Jeter un œil de chat

    J’ai l’œil de chat prêt à bondir pour capturer l’instantané ;
    De mon cœur jaillit l’émotion avide de sa nourriture.
    Une occasion pour rebondir au cours de la nouvelle année
    Et découvrir en promotion des jours remplis de fioritures.

    Patte en avant prête à saisir l’opportunité du moment ;
    L’esprit éternellement en quête d’heures exceptionnelles à vivre
    Pour unir plaisir et désir et écrire ensemble le roman
    D’une vie riche de conquêtes que seule mon âme délivre.

    Photo d’Alexander Sviridov

  • Le miroir infidèle

    Mon miroir inverse mes lettres d’une manière assez spéciale ;
    Si les extrêmes restent en place, tout le milieu est renversé.
    En principe il faudrait remettre de l’ordre entre les initiales
    Mais en fait, le cerveau reclasse tout sans jamais tergiverser.

    Sleon le rfleft de mon mrrior, l’odrre n’a annucue ipmrotncae.
    Sueels la pmeirère et la drenèire lteetrs rtnseet à la bnnoe pclae.
    Mias je puex tujoruos lrie snas porblmèe car mon creaveu hmauin
    N’emxanie pas cquahe ltetre elle-mmêe mias le mot cmome un tuot.

    Or mon miroir ayant compris que je détournais le problème,
    Se mit à inverser les heures et les minutes et les secondes.
    Les reflets de ce malappris mettaient le temps en plein dilemme,
    Espérant que mon cœur se leurre et mon esprit se dévergonde.

    l’envers à mots ses lire à habitué vite suis me je Mais
    .contribue y cerveau le car m’adapte je fois chaque à Et
    pervers assez ordre nouvel un institué s’est il Depuis
    .début au fin la mettre à inapte montre me je souvent Car

    Tableau de Cynthia Sheppard et photo de Hugh Kretschmer

  • Le rouge endormi

    Avant que ne poigne l’aurore sur mes souvenirs endormis,
    Je sauve la couleur des rêves qui drapent le corps de ma muse
    Malgré l’amnésie carnivore pratiquant la lobotomie
    De la dernière image brève issue de mes pensées confuses.

    L’image aux couleurs infrarouges et aux nuances ultraviolettes
    Qui ne laissent sur la rétine aucune trace de son passage.
    Excepté cette femme en rouge et sa fragile silhouette
    Comme déesse gréco-latine qui complète mon apprentissage.

    En effet, la nuit l’inconscient qui n’a pas été formaté
    Projette des figures impossibles issues d’un monde immatériel
    Qui alimente mon subconscient par-delà la conformité
    Qui m’entrave d’une impassible inertie psychosensorielle.

    Tableau de Sergio Martínez Cifuentes

  • La belle automne

    La belle automne, comme une femme, est la plus tendre des saisons ;
    La belle automne plaît à mon âme, plaît à mon cœur dans ma maison.
    Elle parait toute embrumée quand vient le temps des amours mortes
    Balayer mes rêves enrhumés de passions que le diable emporte.

    La belle automne m’a offert la petite mort nécessaire ;
    La belle automne n’a pas souffert, elle n’est rien qu’un ange émissaire
    Qui m’ensommeille et me réveille pour un voyage merveilleux
    Et puis qui m’ouvre et m’émerveille lorsque je la vois dans tes yeux.

    Illustrations d’Ana Miralles sur https://bdheroines.blogspot.com/p/par-jean-dufaux-dessinatrice-ana.html?spref=pi&m=1&fbclid=IwAR2ww3i4r8HorpFfKD1tVdFXP4msYZxdMTnQOodAd_umF5lzsUY2f4yW2Jg

  • La porte intérieure

    Nouvelle Lune de l’année, la porte reste verrouillée
    Suite à on ne sait quel dilemme qui l’avait maintenue bouclée.
    Elle semble vraiment condamnée – d’ailleurs ses gonds sont tous rouillés –
    Pourtant ce n’est plus un problème car on a égaré la clef.

    Mais cette nuit de pleine Lune, six jeunes filles en robe blanche
    Ont accompli le rituel de l’ouverture de la porte.
    Sans autre procédure aucune, on entendit craquer les planches
    Selon le sens spirituel que le chant consacré comporte.

    Une fois la porte entrouverte, les jeunes vierges sont entrées
    Dans le mystère et le silence de la foret du bois-des-chênes.
    Puis la clairière s’est recouverte de ronces tellement concentrées
    Qu’on en a omis l’existence et ce, jusqu’à l’année prochaine.

    Illustration d’Olga Baumert

  • L’amour verdurera

    Partout l’amour verdurera dans la nature déflorée
    Quand le printemps réveillera campagnes, vallées et forêts !
    Partout la vie bourgeonnera et fera jouir les fleurettes
    Que la pluie badigeonnera d’eau fraîche sur les collerettes.

    Revivront d’amours végétales les nouveaux rameaux érectiles
    Qui exposeront leurs pétales autour de leurs pistils fertiles.
    Et mûriront les fruits bénis par d’indispensables abeilles,
    Petites fées dont le génie nous remplit de vie les corbeilles.

    Tableau d’Igor Morski sur https://www.espritsciencemetaphysiques.com/illustrations-controverse-dun-artiste-polonais-revelent-cote-noir-de-societe-moderne.html

  • Ma vie en couleurs

    Je vis en vert la nuit, le jour, entre le cœur et la raison ;
    Quant au blues et aux bleus de l’âme, je les mets en périphérie.
    Qu’il est utopique, le séjour d’un poète resté à la maison
    Qui écrit sur le cœur des femmes dans les bras de son égérie !

    L’égérie voit la vie en rose car, après tout, c’est là son rôle
    Et reste jaune très longtemps dans une jeunesse éternelle.
    Elle a sauvé mon cœur morose – je vous en donne ma parole –
    Qui vit un retour de printemps de ses amourettes charnelles.

    Le soir, ma femme devient violette, comme la couleur des montagnes
    Où la Chèvre de Monsieur Seguin s’enfuit en quête d’aventures.
    Je sèche mon encre obsolète dans l’encrier de ma compagne
    Pour qui j’ai l’éternel béguin au parfum de littérature.

    Photos de Julius Ise sur http://blog.julius-ise.de/colorgames

  • Le choix du Roy

    Le Roi possède tous les droits et c’est normal, il est le Roi ;
    Il est aussi de droit divin né de la cuisse de Jupiter
    Ou de n’importe quel endroit, cheville gauche ou genou droit,
    Quoi qu’il en soit, quoi qu’il advint, le Roi est Maître, pas de mystère !

    La Reine ne possède rien et c’est normal, elle est la Reine
    Mais elle règne dans son lit surtout quand le Roi n’est pas là ;
    Lorsqu’il part chasser les vauriens de ses provinces souveraines,
    Elle y accueille à la folie tous ses amants sans tralala.

    La courtisane fléchit le Roi ; c’est normal, c’est la plus jolie
    Que le Roi séduit sans retard car, des folies, il n’en a guère.
    Là, bien serrés, tout à l’étroit, Il oublie sa mélancolie
    Et lui fait deux ou trois bâtards qui, plus tard, iront à la guerre.

    Les autres cartes font les corvées ; c’est normal elles n’ont aucun titre
    Sinon leurs chiffres décarrés qui tiennent lieu de patronyme.
    Parfois les As sont réservés à faire jouer leur libre arbitre
    Lorsqu’ils s’annoncent en carré d’un consentement unanime.

    Tableaux de Jake Baddeley sur https://www.jakebaddeley.com/collection/paintings/paintings-2007

  • Ange ou démon ?

    Si Dieu existe, comment peut-il laisser son chef-d’œuvre en péril
    Et autoriser que le mal prône son côté animal,
    Optant pour la loi du plus fort qui prédomine sans effort
    Afin que le crime malicieux soit le choix le plus judicieux ?

    Ainsi nos hommes politiques nous posent autant de polémiques
    Sur le choix de leurs décisions qui causent autant de divisions
    Alors qu’ils ont été élus, non pas pour le pouvoir absolu,
    Mais pour répondre à nos problèmes et non provoquer les dilemmes.

    Ange ou démon, le président aspire à être résident
    D’une durée indéterminée sans doute pour exterminer
    Tous ceux, lucides d’accepter de se retrouver exceptés
    D’un avenir qui fait mention d’un enfer pavé d’intentions.

    Tableau de Nicoletta Ceccoli sur https://vigilantcitizen.com/latestnews/disturbing-mkultra-and-child-abuse-paintings-displayed-on-billboards-in-italy

  • Quand les chats nous remplaceront

    Vous souvenez-vous du Chat-Botté, protecteur d’un certain marquis
    De Sade ou bien de Carabas ? Peu nous importe finalement !
    Il eut une charibotée de descendance qui lui naquît
    Et qui aujourd’hui le dépasse en audace et emballement.

    D’ailleurs, ils prennent notre place sur les genoux de nos mémés,
    Sont les confidents de nos filles, consolent veuves et orphelines.
    Gageons demain qu’ils nous remplacent après nous avoir blasphémés
    Comme anciens maîtres de famille qui se profanent et se déclinent.

    Ils n’auront ni gouvernement, ni président, ni assemblée.
    Les riches vivront à Paris et les pauvres iront à Marseille.
    Ils auront le discernement de tuer et dévorer d’emblée
    Lapins, belettes et canaris qui leur demanderont conseil.

    Illustration de Nadezhda Illarionova sur https://www.artstation.com/artwork/krP1z

  • J’irai lire au fond de la mer

    J’irais bien au fond de la mer non pas écouter les sirènes
    Mais pour leur faire la lecture d’une diction marémotrice.
    Petites nouvelles éphémères, derniers potins sur rois et reines
    Ou de grands récits d’aventures selon le choix de l’auditrice.

    Des grands romans de Jules Verne, le Nautilus, l’ile mystérieuse,
    Aux grandes épopées marines, l’odyssée des explorateurs.
    Je m’produirais à la taverne de l’illustre sirène rieuse
    Si l’auditoire m’entérine ce répertoire d’orateur.

    Illustration d’Akira Kusaka sur https://akira-kusaka-illustration.tumblr.com

  • Prise la main dans la nasse

    Gaffe à la sirène voleuse qui se laisse prendre au filet
    Pour mieux sélectionner sa proie et fuir sans demander son reste !
    La sirène n’est plus cajoleuse après trois crises d’affilée
    Et préfère un banc de lamproies à un marin fort indigeste.

    D’ailleurs plus jamais elle ne chante à s’égosiller sur la mer
    Mais vous pouvez toujours l’entendre à toute heure sur les réseaux.
    Que voulez-vous ? Elle déchante car l’avenir se montre amer
    Et songe à changer sa queue tendre, puis faire feu des deux fuseaux.

    « Dès que la féminine engeance sut que le singe était puceau,
    au lieu de profiter de la chance, elle fit feu des deux fuseaux »
    Georges Brassens, Le Gorille.

    Tableau de Catrin Welz-Stein

  • Danses naturelles

    Parmi les sciences surnaturelles, la magie reste l’énergie
    Prépondérante dans les forêts pour les jeunes fées ingénues.
    Leurs habitudes culturelles les rallient toutes en synergie
    Lorsque la Lune phosphorée darde un halo d’argent ténu.

    À l’équinoxe, les fées dansent et au solstice, elles recommencent.
    Les pleines lunes les rassemblent ainsi que les coups de tonnerre.
    Et plus les filles sont en transe, plus revient le temps des romances
    Car amour et magie s’assemblent comme deux forces partenaires.

    Tableau de Fabio Fabbi

  • Petits moments de plénitude et de détente

    Petit moment de plénitude, de sérénité, de quiétude ;
    Le temps ne se rattrape plus, il est perdu, n’en parlons plus !
    Raccorder ses deux univers, l’un à l’endroit, l’autre à l’envers,
    L’un qui rayonne à l’intérieur, l’autre qui tire à l’extérieur.

    Un petit moment de détente, de lâcher prise en dilettante ;
    L’espace-temps est contracté et le corps tout décontracté.
    Redevenir un cœur d’étoile, tomber les masques et les voiles
    Et recommencer à zéro la vie dont on est le héros.

    Tableaux de Jorge Namerow

  • Trois petits tours et puis sans fin

    Même le monde des sorcières n’échappe pas aux servitudes
    Et plus on use de magie et plus celle-ci dégénère.
    Balai magique pour la poussière, on en prend vite l’habitude ;
    Quand on l’enfourche, il réagit en soubresauts tourbillonnaires.

    Pour entretenir son balai, toute sorcière bien éduquée
    Trois fois par jour le fait voler pour le vider de ses moutons
    Qui ne sont pas très emballés et se montrent assez offusqués
    Quand on les envoie s’envoler parmi pousses et fleurs en boutons.

    Quand le balai est électrique, la magie est chère à payer ;
    Plus l’énergie est lumineuse plus elle a de voracité.
    Et les sorcières égocentriques se mettent alors à bégayer
    Devant la note pharamineuse de la fée électricité.

    Tableau de Remedios Varo sur https://loirremediable.wordpress.com/2020/09/17/remedios-varo-alquimia-y-psicoanalisis

  • Dans le rêve d’une femme

    Dans les méandres féminins d’une rêveuse aventurière,
    Je m’étais au rêve embarqué pour un voyage fantastique.
    J’ai barré sous un vent bénin d’une intuition avant-courrière
    Vers tous ses souvenirs parqués dans des alcôves synaptiques.

    J’ai vu la rose de son cœur s’épanouir quand elle s’endort
    Et l’expression de son esprit s’enrouler autour de Morphée.
    J’ai remonté tel un vainqueur qui a conquis la toison d’or
    Jusqu’à son souffle que j’ai pris comme mon plus précieux trophée.

    Tableaux de Konstantin Razumov

  • Le 32 janvier, etc.

    Et si tendait vers l’infini la fin de ce mois de janvier
    Qui empièterait sur février, mars avril mai et caetera ?
    Qui aurait ainsi défini ce calendrier tant envié ?
    Bien sûr ! Les verseaux décriés pour leurs tripatouillages scélérats !

    L’astrologie en conséquence serait toute empapaoutée ;
    Tous les signes déborderaient et même se feraient la guerre ;
    Le Lion par son éloquence se serait alors rajouté
    Les jours chauds qu’il s’accorderait sauf le froid dont il n’en a guère.

    Les autres signes se confineraient dans cet hiver intercalaire
    Or comme les mois auraient changé, ce serait d’une complication !
    Mais tout se recombinerait après une année de galère
    Car les astres se seraient vengés en faisant leurs révolutions.

    Illustration du calendrier d’Olga Ert sur https://www.behance.net/gallery/186943/calendar

  • Blanche échauffourée

    Les bonhommes-de-neige interdits voient démarrer l’échauffourée
    Aussitôt qu’ils sont érigés comme martiale divinité.
    Sans doute l’amour reverdit à coup de batailles savourées
    De boules de neige dirigées avec beaucoup d’affinités.

    Car plus on s’aime, plus on s’explose la gueule avec témérité
    Pour mieux aller se réchauffer tous nus devant la cheminée.
    À point nommé, les cœurs implosent d’une amoureuse célérité ;
    Piston et turbine échauffées par tous les sens inséminés.

    Illustrations de Pascal Campion sur https://positivr.fr/pascal-campion-dessins-couple/?amp

  • La roue de l’infortune

    Aveugle et malicieux hasard qui me guide vers la fortune,
    Parfois ton attraction bizarre conduit mes pas vers l’infortune !
    Inexorable loi de Murphy qui finit toujours par m’avoir,
    T’es vieux démons personnifient ce fatidique super-pouvoir !

    Sans doute « la faute à pas-de-chance » m’entraîne dans son addiction
    À croire que les circonstances m’indisposent avec conviction.
    Sans doute est-ce ma lâcheté à construire mon avenir
    Qui m’aura le plus cacheté de ses plus mauvais souvenirs.

    J’ai lâché prise à la croyance envers la bonne destinée,
    Je ne crois plus à la voyance ni aux chemins prédestinés.
    La malchance devient vérité qui me permet de progresser
    Lorsque j’apprends à l’éviter et, au mieux, à la transgresser.

    Tableau de Jonas Burgert

  • Tant va la cruche à l’eau…

    J’voudrais goûter le temps qui passe comme d’éternelles vacances ;
    J’voudrais sentir le temps qu’il fait avec un soleil rayonnant ;
    Mais la météo outrepasse le beau temps avec conséquences
    Qui se conjuguent à l’imparfait chargé de vents tourbillonnants.

    J’voudrais voir le temps se figer comme une sauce à la française ;
    J’voudrais penser à autre chose et entrevoir ma vie en rose ;
    Mais vents et pluies m’ont infligé tellement de douches écossaises
    Que ma vie se métamorphose en une aventure morose.

    J’voudrais entendre le silence et la candeur de l’existence ;
    J’voudrais tâter des jours meilleurs sans peine et à portée de main ;
    Mais mon chien avec insolence aboie pour avoir sa pitance
    Et j’ dois aller chercher ailleurs de quoi l’ nourrir jusqu’à demain.

    J’voudrais reporter à demain les désagréments d’aujourd’hui ;
    J’voudrais passer le plus de temps avec un p’tit prince charmant ;
    Mais j’ai perdu mon sac à main et la malchance se reproduit ;
    Seul mon chien se montre content quels que soient mes égarements.

    Illustrations de Duane Bryers

  • Éternelle automne

    Avant le solstice d’hiver, l’automne se matérialise
    En un corps de femme évoqué par des milliers de feuilles mortes.
    C’est une loi de l’Univers qui impose et qui réalise
    Ce phénomène provoqué par un miracle en quelque sorte.

    Sans doute par une déesse, Demeter, Diane ou Artemis
    Et les vibrations telluriques des tressaillements de la Terre
    Qui nous effectue la prouesse de révéler in extremis
    Son cœur de femme féerique telle une offrande salutaire.

    Tableau de Leonid Afremov

  • La peur bleue

    La peur bleue mène la vie dure à mon goût pour la vie en rose ;
    Elle m’aveugle obstinément pour entraver ma progression.
    Hélas, cette oppression perdure dans les moments les plus moroses
    Pour rajouter en supplément une implacable régression.

    Mais j’ai pris ma peur par la main, calmement pour la rassurer
    Et même la remercier de ses subtiles préventions.
    Je poursuis bien mieux mon chemin, le cœur léger pour m’assurer
    Que ma peur soit appréciée pour ses meilleures intentions.

    Photos de Tim Tadder

  • Danse autour du marais salant

    Te souviens-tu, esprit de sel, quand ton âme a quitté ton corps
    Pour s’enfoncer en haute mer vers les abysses ténébreuses ?
    Puis ton fantôme universel peu à peu s’est mis en accord
    Avec l’élément outremer happé par d’essences fibreuses.

    Et tu t’es matérialisée, déesse du marais salant
    Qui danse sur la fleur de sel dans sa métamorphose rose.
    Et puis tu t’es cristallisée dans des fragrances exhalant
    Ce goût divin qui ensorcelle ma soupe et tellement de choses.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Petit déjeuner au chat

    Au saut du lit je me détends, je m’étire et je me toilette,
    Puis je prépare guilleret mon petit-déjeuner sacré.
    Le rituel se répétant mais sans devenir obsolète,
    Je lui consacre tout l’intérêt des aliments salés-sucrés.

    Tasse de lait dès potron-minet, la première gorgée me sourit.
    Quelques tranches de jambon fumé pour une première mise en bouche
    Que j’ai à peine terminée que je hume sur la cuisinière
    Une omelette parfumée à l’ail des ours et des souris.

    Mais voici que mes maîtres grognent et m’envoient illico presto
    Redescendre au plancher des vaches pour je ne sais quelle raison.
    Alors tant pis, je me renfrogne et abandonne mon resto,
    Puis avec un air de bravache, je m’enfuis hors de la maison !

    Tableau de Kenne Gregoire

  • La soupe à la grimace

    Mon œil, que Marianne soit soumise à ceux qui prétendent épouser
    Ses formes courbes et ses réformes et s’adapter à ses valeurs
    Quand elle se révèle promise à un avenir piquousé
    De rappels pénibles et conformes à plusieurs années de malheur.

    J’ai un mauvais goût dans la bouche à force de m’être alléché
    Aux beaux discours des candidats qui sont devenus mes bourreaux.
    Je crains que la France n’accouche de lois qui me font trébucher
    Dans un ersatz de corrida où j’ai le rôle du taureau.

    Alors si je tire la langue, ce n’est pas par impolitesse
    Mais par fatigue accumulée à subir les mêmes erreurs
    Que l’on m’impose et me harangue à force d’indélicatesses
    Par les médias assimilés à la seule voix de la terreur.

    Tableaux d’Annica Klingspor sur https://ello.co/annicaklingspor

  • Les cœurs en carême

    Après les fêtes on récupère les cœurs demeurés solitaires ;
    On les purge et on les décrasse de toutes mauvaises pensées.
    On les récure et l’on repère les endurcis célibataires
    Afin qu’il ne reste nulle trace de vieilles douleurs expansées.

    Puis on recoud les cœurs brisés, c’est le travail du cœurdonnier
    Qui rafistole les blessures et les fractures du myocarde.
    Une fois qu’ils sont cicatrisés, on les confie aux façonniers
    Qui vont effacer les sutures et rentoiler le péricarde.

    Puis on repeint les cœurs moroses avec la couleur du bonheur
    Qui élimine les bleus de l’âme sous plusieurs couches de vernis.
    On les parfume à l’eau de rose, on les cite au tableau d’honneur
    Et on galvanise à la flamme les carapaces qui ont terni.

    Enfin les cœurs, entrés en cure, passent en thalassothérapie
    Et ne se nourrissent que d’amour durant trois ou quatre semaines.
    Après un temps de sinécure et de kinésithérapie,
    Ils sont remis au goût du jour pour vivre une expérience humaine.

    Illustrations de Heinz Geilfus