Catégorie : 2022

  • Le cerf blanc morose

    Au pays des biches moroses, les cerfs sont blancs évidemment
    Mais quand celles-ci sont aux abois, ceux-là ne les entendent pas.
    On leur peint les sabots en rose afin que les sourdingues amants
    Leur fassent des signes avec les bois et puissent devenir papas.

    Il faudrait bien trouver la cause à une telle absurdité ;
    Les éleveurs perdent patience et tout le cheptel diminue.
    Qu’est-ce qui provoque leur psychose et entraîne leur surdité ?
    Sans doute qu’ils ont pris conscience de leur friande déconvenue…

    Tableaux de Daria Petrilli

  • La clef du cœur

    Lorsque vient le temps des secrets, la pudeur devient primordiale
    Et le cœur, sur sa défensive, exige la fidélité.
    Seul, un petit oiseau s’agrée des communications cordiales
    Par son allure inoffensive et sa célèbre intégrité.

    Bien sûr ! C’est l’oiseau messager, qui distribue les confidences
    Selon si la clef qui s’agréée correspond à l’expéditeur.
    Si les petits flirts passagers cherchent encore leurs correspondances,
    Ils ont beau faire de simagrées, ils ne seront point créditeurs.

    À chaque amour, chaque alliance, une combinaison éprouvée
    Dont seul l’amant et seule l’amante peuvent s’affranchir comme un tampon.
    Hélas il y a des défaillances et il aurait été prouvé
    Que des fausses clefs infamantes circuleraient sous les jupons.

    Tableau de Daria Petrilli

  • Le fol amour à Paris

    Décidément la Tour Phallique attire encore les amoureux
    Du mois de mars au Champ-de-Mars jusqu’aux confins automne-hiver.
    Le feu au cul des basiliques laisse Cupidon langoureux
    Décochant ses flèches éparses en les lorgnant d’un œil sévère.

    Après tout la Dame de Fer peut s’imposer en chaperon
    Puisqu’elle veille sur Paris et tous les couples illégitimes
    Qui vraiment n’ont pas à s’en faire car Elle bénit ces fanfarons
    Qui viennent tromper les maris et les épouses légitimes.

    Remercions Monsieur Eiffel d’avoir posé ce baromètre
    Qui note le temps des amours et les passions dans les chaumières.
    Car il suffit d’une étincelle pour faire monter le thermomètre
    Des coups de foudre au petit jour sur Paris, la ville lumière.

    Tableaux d’Andrei Protsouk

  • Aquatic love – 3

    Depuis les lacs verts de Bavière jusqu’enfin le Lac de Constance,
    Nous suivrons la route du tendre en naviguant sur ses cours d’eau.
    Nous remonterons les rivières jusqu’à leurs sources en circonstance
    Pour faire fondre sans attendre l’éclat de notre libido.

    La Suisse, côté allemand, nous y boirons dans ton calice
    Les eaux-de-vie alémaniques vives comme tes cuisses fraîches.
    Nous irons dans le Lac Léman nager lorsque le soir pâlissent
    Les chaînes de montagnes titaniques qui l’abreuvent de torrents revêches.

    En descendant par l’Italie, du Piémont à la Vénétie,
    Nous prendrons les lacs romantiques aux coups de foudre surannés.
    Et quand sonnera l’hallali de nos douces péripéties,
    Nous vivrons d’amours authentiques dans la mer Méditerranée.

    Illustrations de Lorenzo Mattotti

  • Le patient Zorro

    Savez-vous porter le masque à la mode de chez nous ?
    On le porte sur la bouche, bien remonté sur le nez.
    Mais ne soyez pas fantasques et ne portez pas un loup
    Qui vous donnerait l’air farouche parmi les gens confinés.

    Mais en cas de pénurie, quand nous manquerons de tout,
    Vous pourrez voler aux riches leurs biens et tout leur argent.
    Vous vengerez l’incurie du gouvernement ripoux
    En rendant tous les bakchiches à toutes les petites gens.

    Tableaux de Daria Petrilli

  • Le magasin des suicides

    Venez goûter dans nos boutiques la joie d’ôter l’envie de vivre ;
    À consommer ou à offrir mais à déguster lentement.
    Cercueils cirés à l’encaustique, cordes à pendu qui vous délivrent
    De votre angoisse de mourir pour vivre plus rapidement.

    Apportez à vos belles-mères un flacon de bouillon d’onze heures,
    La cigarette du condamné et l’ultime verre de rhum.
    Le temps d’aimer si éphémère permet la mort dont la valeur
    N’attend point le nombre d’années pour faire souffrir son bonhomme.

    Photo de Paul Kurucz

  • Mosaïques – 2

    Rien ne se perd rien ne se crée, tout se transforme à volonté !
    La matière sait recombiner ses atomes et son énergie.
    Quant à la question consacrée au salut de l’âme escompté,
    Dieu nous a tous embobinés dans l’espace-temps en synergie.

    Je suis noyé en mosaïques dans tous les humains de la Terre
    Je suis vous et vous êtes moi dans une création d’illusions.
    Et l’incarnation prosaïque dont je ne suis que locataire
    Sonne le bail en fin de mois sans garantir de conclusion.

    Nous voulons tous la même chose ; vivre et survivre après la mort
    Et nous voudrions que de flot d’âmes ait une raison d’exister.
    Sans doute la métamorphose ne laissera aucun remords…
    En attendant, Messieurs, Mesdames, vivez, mourrez sans insister !

    …mourrez dans la perplexité !
    …mourrez devant l’adversité !

    Tableaux de Natalia Shatrova

  • Mosaïques – 1

    Dans le désordre naturel de l’expression de l’existence,
    La beauté apparait au cœur de ce qui cache le mystère.
    J’y cherche l’ordre surnaturel d’un Dieu ou bien de sa présence
    Comme si j’étais chroniqueur de la vérité de la Terre.

    Tout ce qui s’emboite en accord avec les lois de l’esthétique
    Semble avoir été désiré par quelque artiste fantastique.
    J’aspire à trouver le raccord afin d’en percer l’authentique
    Secret des dieux pour soutirer tout l’enseignement scolastique.

    Une fois que tout est en ordre, rien ne va plus, tout est faussé !
    Je n’ai fait que mettre des noms sans rien comprendre à leur essence.
    Tant pis si je dois en démordre car ma quête, loin d’être exaucée,
    M’aura entrouvert un chaînon pour éveiller ma connaissance.

    Tableaux de Natalia Shatrova