Catégorie : 2021

  • Les quatre saisons

    Tandis que je rêve au printemps, la Terre s’habille de fleurs,
    De pissenlits, de marguerites, myosotis et pâquerettes.
    Adieu jours au froid éreintant peuplés de larmes et de pleurs
    Bonjour la douceur émérite des dahlias en collerette.

    Tandis que je rêve à l’été, la Terre s’habille de fruits ;
    Pommes d’amour au goût sucré s’invitent à faire bombance.
    Hier, la nature a haleté à se réveiller à grands bruits
    Mais aujourd’hui s’est consacrée à nous nourrir en abondance.

    Tandis que je rêve à l’automne, la Terre s’habille de rouille ;
    Tapisseries aux feuilles d’or, forêts dorées et arbres d’ambre.
    Dans cette douceur monotone valsent potirons et citrouilles
    Qui entrent par le corridor de septembre, octobre et novembre.

    Tandis que je rêve à l’hiver, la Terre s’habille de blanc ;
    Premières gelées matinales, chutes de neige sur le parvis.
    Ainsi le cycle de l’univers refroidit la Terre en tremblant
    Comme une horloge machinale qui règle les lois de la vie.

    Tableaux de Lisa Aisato sur https://www.aisato.no

  • Ô mon beau taureau !

    Que revienne le temps du taureau avec travail en abondance,
    Bien ancrés, les deux pieds sur Terre et les mains tournées vers le ciel !
    De l’air frais dans les pectoraux et si possible, en redondance,
    Tout nos besoins alimentaires pour des plaisirs non essentiels !

    Photo de Jean-Paul Nouvel

  • La vieille tour a grandi

    La vieille tour d’ivoire, tout arrosée des pleurs
    De la dame captive, se remit à pousser.
    Et la Terre sut boire et produire des fleurs
    Qu’on dit admiratives de charme éclaboussées.

    Puis le vilain dragon muta et s’allongea
    Et d’un dur caractère, devint fou à lier.
    Un prince d’Aragon que cela arrangea
    Grimpa sa salutaire queue comme un escalier.

    La belle avait grossi avec tout le château
    Et ne pouvait passer les portes et les fenêtres.
    Le prince, assez concis, reprenant du gâteau,
    Lui dit, l’air compassé, ne pas la reconnaître.

    Tableau d’Anna Berezovskaya

  • Pour la chaleur d’une midinette

    Au cœur du froid et de l’hiver, les antipodes vivent en été
    Alors je creuse la planète à travers le manteau terrestre
    Et j’en appelle à l’univers de me permettre de capter
    La chaleur d’une midinette durant au moins tout un trimestre.

    L’hiver avait bien commencé avec fêtes et décorations
    Mais voici le mois de janvier et la froidure de février.
    Tandis que l’été romancé est parti en dérogation
    Vers les antipodes enviés par ceux de l’hiver décrié.

    Tableau d’Anna Ewa Miarczynska

  • La poissonnière du vendredi

    Pure héritière des sirènes, ambassadrice des poissons,
    Elle a su devenir leur reine et favoriser leur moisson.
    Elle est aussi un peu cruelle à sacrifier les meilleurs
    Pour les revendre dans les ruelles des villages d’ici et d’ailleurs.

    Voilà, je range le sapin ; voici, je démonte la crèche ;
    La paysanne et ses lapins puis, la poissonnière et sa pêche.
    Tous les santons vont dans leur boîte hiberner durant trois saisons
    Jusqu’à la période adéquate où ils rejoindront ma maison.

    Tableau de Hanna Silivonchyk

  • Big-Bang

    Soudain la mort frappe à la porte de notre civilisation
    Et tous les pays qui s’ignorent s’unir dans le confinement.
    Covid, que le diable t’emporte, fruit de la mondialisation !
    Tu n’es qu’un leurre qui déshonore nos élus unanimement.

    Et sous des chiffres détournés, tu fais croire à l’épidémie
    D’une mortalité pareille aux grippes déjà exprimées
    Au moyen de lois contournées de soi-disantes pandémies.
    Entends monter à tes oreilles la révolte des opprimés !

    Tableaux de Paul Picka

  • L’infiniment amour

    Il ne leur manque ni la parole, ni ce qui fait le propre de l’homme
    Car ils s’expriment par l’amour plutôt que par l’intelligence.
    Chez eux, l’action est bénévole ; ils n’ont point besoin de diplôme
    Pour se nourrir au jour le jour et répondre à leurs exigences.

    Ils craignent l’homme spontanément puis, se laissent apprivoiser
    Car ils aiment bien partager et leur chaleur et leurs caresses.
    Ils les suivent fidèlement au risque de s’embourgeoiser
    À surveiller le potager et défendre la forteresse.

    Tableaux de Hanna Silivonchyk

  • La pierre d’attente

    Enterrés dans l’obscurité, douchés par la marée montante,
    Le regard vide et passionnel meurt sous d’invisibles paupières.
    Ils ont choisi l’éternité pour personnifier l’attente
    De l’amour inconditionnel imprimé dans leurs cœurs de pierre.

    Pauvres léviathans du passé aux faits maintes fois publiés,
    Vous faisiez partie des géants qui faisaient trembler les mortels.
    Aujourd’hui statues compassées sur leurs légendes oubliées,
    Vos corps retournés au néant sont redevenus immortels.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • J’en pince pour l’amour

    Selon les lois de l’attraction et le principe d’Archimède,
    Deux corps, plongés dans un amour et dans sa force d’attirance,
    Subiront une contraction qui agira comme un remède
    Entre une gaine de velours et une forte protubérance.

    Il existe une arithmétique qui additionne les valeurs
    Féminines et masculines et qui en multiplie les sens.
    L’amour est aux mathématiques la loi qui donne sa chaleur
    Comme un vecteur d’adrénaline d’une exponentielle puissance.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Alchimies

    Alchimie du soir au solstice quand la nuit domine le jour
    Et que les ténèbres sont reines au cœur des bois et des forêts.
    Le lumignon dans l’interstice meurt dans l’instant aveugle et sourd
    Où seule une lune sereine apparaît d’un halo doré.

    Alchimie du premier matin où le jour domine la nuit
    Et que la lumière rayonne sous l’aune d’un soleil royal.
    Dès l’instant de l’aurore atteint, son feu persiste jusqu’à minuit
    Avec la lune qui carillonne son chant d’amour matrimonial.

    Tableaux de Annie Hamman

  • Formatage et déformatage

    Toutes mes leçons bien apprises m’ont enseigné à m’exprimer
    Comme Guillaume Apollinaire, Victor Hugo ou Mallarmé.
    Mais quant à moi, pas de surprise, mon esprit se trouve déprimé
    Par ce fondement doctrinaire et, contre lequel, bien mal armé.

    Rapportant tout à la maison, je reproduis ma propre école
    Où sept et trois pourraient faire onze ou bien n’importe quoi sauf dix.
    Mon cœur ignore la raison pour s’extraire du protocole
    Qui me condamne comme un bonze à croire tout ce qu’on me dit.

    Tableaux de Felice Casorati

  • Je ne m’en sortirai pas vivant !

    Au jeu du chat et la souris, je suis plutôt souris que chat ;
    Je suis naïf et innocent qui ne pense jamais à mal.
    La société m’a tant nourri à force de prêchi-prêcha
    Que j’en suis tout agonissant et craintif comme un animal.

    Quand les chats m’ont laissé tomber dans un grand récipient le lait,
    J’ai voulu me laisser couler tant la mort me semblait un leurre.
    Mais loin de vouloir succomber, je me débâtis sans délai
    Et après un temps écoulé je parvins à sortir du beurre.



    Je suis né dans le bouillon des années 50 et je n’ai jamais cessé de me débattre.
    J’ai connu la France défigurée des années 70, les constructions hideuses sur le littoral des années 80, les grands travaux qui transformaient les quartiers des villes en enfer des années 90, les sécurités excessives qui nous ont pourri la vie des années 2000, les grandes migrations des années 2010, les pandémies des années 2020…
    Et je me débats, et tu te débats, il ou elle se débat et nous nous débattons tandis qu’on nous met des bâtons dans les roues.
    Je ne sais pas si j’ai transformé ma vie en beurre mais dans mon petit village où rien ne se passe – à part les promeneurs à pied, à cheval et en voiture qui passent à ma fenêtre – je suis aujourd’hui un peu en dehors de tout cela. Même si ça n’arrange rien pour le monde qui continue à se débattre.
    Ainsi va et ainsi bat la vie…

    Tableaux de Alexander Maskaev sur https://000cosm.livejournal.com/761992.html

  • Du levant au couchant

    Selon la couleur du matin, la Terre montre ses humeurs ;
    En robe blanche de satin, d’arbre aux senteurs du parfumeur.
    S’il a gelé, elle paraît triste ; s’il a neigé, elle s’endimanche ;
    S’il fait beau, d’un ciel naturiste et s’il pleut, ses ruisseaux s’épanchent.

    Selon la teinte au crépuscule, la Terre prépare l’avenir
    Et les nuages se bousculent selon l’échéance à tenir.
    Ciel rouge et soleil mordoré pour déblayer tous ses malheurs,
    Ciel bleu et lune phosphorée pour nous redorer nos valeurs.

    Tableaux d’Annie Hamman

  • Rouge d’amour

    Si l’amour est une couleur, ce sera un rouge baiser ;
    Avec une ivresse des sens que boira mon cœur en douceur,
    Avec un soupçon de douleur pour pimenter et embraser
    Mon esprit en effervescence en vue de trouver l’âme-sœur.

    Si je devais mourir d’amour, alors ma couleur dominante
    Prendrait la teinte du désir diluée d’une eau de bien-être.
    Rouge comme le premier jour où, d’une fièvre contaminante,
    Mon cœur a battu de plaisir envers mon propre enfant à naître.

    Tableaux d’Anna Baibakova

  • Calice de lune

    Au dernier quartier de la lune, elle extrait le jus du croissant
    Qui a poussé durant sept nuits et a mûri durant sept autres.
    Si la révolte est opportune, elle obtiendra en le pressant
    Un vin qui aurait réjoui, dit-on, Jésus et ses apôtres.

    Mis dans un calice argenté en forme de croissant de lune,
    Son arôme se développe durant toute une année lunaire.
    Il devient un vin charpenté, un vin qui coûte une fortune ;
    Des superstitions interlopes disent un vin extraordinaire.

    Mais qui donc est à l’origine de cette étrange préparation ?
    Certains prétendent qu’Andromède apparaîtrait à chaque fois
    Et même qu’une fée androgyne en aurait fait la narration ;
    Quoiqu’il en soit, c’est un remède qui guérit ceux qui ont la foi.

    Tableaux de Matteo Arfanotti sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2011/12/matteo-arfanotti-1974-italy.html

  • Danses africaines

    Jamais femmes n’ont été sculptées aussi finement pour la danse
    Par un squelette approprié et des muscles en parfait accord.
    Elles n’ont aucune difficulté à entretenir la cadence,
    Durant des heures à tortiller l’harmonie du cœur et du corps.

    Les boubous aux jolis motifs pour exprimer les traditions ;
    Les dashikis très colorés qui volent au vent comme tuniques ;
    Les pagnes et les jolis soutifs, merveilleuses apparitions ;
    Les kangas vifs et mordorés dessinant leur maxime unique.

    Elles expriment leurs émotions et le corps entier participe
    À dépenser une énergie infiniment développée.
    Elles ne souffrent ni commotion, ni stress, ni autre stéréotype,
    Les africaines en synergie aux rituelles mélopées.

    Tableaux de Hennie Niemann Jnr

  • Fous êtes-vous ?

    Je sais que je ne suis pas fou parce que je sais que j’en suis un
    Tandis que les fous véritables croient justement qu’ils n’en sont pas.
    Ce paradoxe, voyez-vous, montre qu’il est inopportun
    De demander à nos notables de faire leurs mea culpa.



    Il m’est déjà arrivé de devenir fou quand j’étais à l’hôpital et que j’avais contracté le staphylocoque doré lors de mes opérations de fracture du bassin.
    La nuit la fièvre me provoquait des crises de folies et je faisais des rêves mégalomanes au cours desquels je me croyais le maître du monde et je me débattais contre les infirmières, persuadé qu’elles étaient folles et me voulaient du mal et que j’étais le seul à conserver toute ma raison.
    Au matin, je me retrouvais tout honteux avec la peur que cela recommence les prochaines nuits.
    La véritable peur, c’était que je ne me rendais pas du tout compte de mon état durant ces crises et surtout que je ne le sentais pas du tout venir.
    La seule chose dont je me souvienne, c’est cette sensation euphorique, de penser être le seul à avoir toute sa raison et que les autres étaient fous.
    J’en conclus que, tant que je doute, tant que je m’interroge et tant que je me demande si ce n’est pas moi qui suis fou… c’est que tout va bien !

    Tableaux d’Anne-Marie Cutolo

  • Sous la constellation du taureau

    La nuit, les enfants du taureau se rassemblent autour de leur père
    Pour répandre une pluie d’étoiles sur la mer en ondulations.
    Et les villages littoraux voient leurs habitants qui prospèrent
    Grâce au matin qui leur dévoile les fruits de la constellation.

    Le croiriez-vous ? Des tourbillons en vagues douces s’amoncellent
    Par les rues qui mènent au rivage comme par capillarité.
    Et tous ces petits tortillons parlent aux cœurs des jouvencelles
    En leur promettant l’arrivage d’enfants en régularité.

    Tableau d’Anastasia Stolbova

  • Sur la constellation du taureau

    Pour approcher la belle Europe, Zeus choisit la métamorphose
    En magnifique taureau blanc pour l’aimer à rebrousse-poil.
    Aussitôt leurs amours galopent, ils s’apprivoisent, ils font la chose
    Et donneront, détail troublant, la vie à plein d’enfants d’étoiles.

    Ceux-ci reviendront chaque nuit pour former la constellation
    Fidèle à l’image du père dont la laitance perce l’espace.
    Ils scintillent autour de minuit pour bénir les fécondations
    Des jeunes filles qui espèrent que, dans leurs ventres, un ange passe.

    Tableau de Vladimir Karnachev sur http://peupledepapier.blogspot.com/2012/07/vladimir-karnachev.html

  • Vent de couleurs

    J’ai besoin d’un vent de couleurs, agent d’une hygiène fantasque,
    Pour nettoyer tous les étages de ma résidence intérieure.
    Et la poussière des douleurs est emportée dans la bourrasque
    Qui laisse, après le toilettage, accès aux terrasses supérieures.

    Le temps est un mal nécessaire pour souffler l’accumulation
    Des contrariétés qui encombrent tout l’espace de ma maison.
    Le blues n’est plus un adversaire lorsqu’il permet la mutation
    Des bouleversements en nombre vers un esprit en floraison.



    Autant en emporte le vent comme le film de la vie qui emporte les civilisations dans une tempête de crises, de ruines et d’effondrements.
    Dire que c’est un mal nécessaire paraît cruel, sans cœur et impitoyable comme un Dieu incompris qui jouerait avec les hommes mais que dire d’autre ?
    Force est de constater que les civilisations évoluent à travers les cataclysmes qu’elles subissent ; c’est sans pitié, sans rappel, c’est l’évolution.
    Alors confiance et ténacité et laissons autant le vent emporter toutes nos vanités et restons accrochés à l’essentiel qui s’en dégage… oui mais… lequel ?

    Tableaux d’Anna Ewa Miarczynska

  • À la tempérance de mon égérie

    Mon égérie chauffe mon âme lorsque mon cœur est en hiver
    Dans un froid de morosité qui gèle sa veine poétique.
    Alors elle me transmet sa flamme, elle enhardit mon univers
    Dans la chaude luminosité d’inspiration poïétique.

    Mon égérie a le sang froid et sait résister aux violences
    Qui agitent la Terre entière dans un abîme de pessimisme
    Mais reste hermétique à l’effroi et garde une humeur d’indolence
    En établissant des frontières pour préserver mon optimisme.



    La poïétique est l’étude des processus de création que se doit de maîtriser toute égérie digne de ce nom.

    Tableaux de Annie Hamman

  • Aux couleurs de mon égérie

    Mon égérie caméléonne aux couleurs de l’inspiration
    Selon si son cœur bat d’amour de sa bouche aux rouges baisers.
    Elle ressemble à Perséphone dont la douce respiration
    Vous souffle sa passion à rebours juste parce que vous lui plaisez.

    Mon égérie métamorphose quand je me mets à lui écrire
    Tout ce qu’elle m’a insufflé au cours de mes rêves et mes songes.
    Alors elle devient toute chose, ses yeux se teintent de sourires
    Mais ils se mettent à persifler si je lui raconte un mensonge.

    Tableaux de Annie Hamman

  • Histoires de fric

    Personne ne paie pour être aimé parce que l’amour n’a pas de prix ;
    L’homme court de plus en plus vite parce que le temps, c’est de l’argent ;
    Le peuple gronde mais il a tort parce que le grand silence est d’or ;
    Et moi, je vis tout simplement parce que ça vaut tout l’or du monde.

    Tableaux « Ange de l’abondance » et « Vanilla cafe » de Anna Ewa Miarczynska

  • Des espoirs de janvier

    L’espoir n’est plus qu’un lumignon que je brandis sur mon chemin
    Pour percer la brume d’opprobre qui s’abat tout autour de moi.
    J’en appelle à mes compagnons qui lutteront après-demain :
    Tenez jusqu’à la fin octobre, croisez les doigts pendant neuf mois.

    La météo nous ensorcelle par ses nuages de virus
    Dont les cycles de mutation font les tempêtes violentées.
    Les gouvernements nous harcèlent, les vaccinations font chorus
    Et toute cette agitation retourne notre volonté.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Winterthur

    Mes souvenirs de Winterthur reflètent ses belles façades
    Que les vitrines tour à tour invitaient à une embrassade.
    Là, se dissolvaient dans les rues des maisons aux mille couleurs
    Qui offraient aux passants férus l’envie d’oublier leurs douleurs.

    Si tu passes un jour par le nord en venant du lac de Constance,
    Viens à la ville qui t’honore par ses marchés de circonstance.
    La douceur d’un cappuccino sur les terrasses dispersées
    Parmi les marchés matinaux offre une invite à converser.

    Photo de couverture de « Das passiert in Winterthur »

  • La Corne d’Or

    Voilà, ce soir je rêverai au départ de la Corne d’Or
    Sortant du port de Concarneau, de La Rochelle ou Saint-Malo.
    Et, à son bord, je voguerai en compagnie d’un commodore,
    Vieux loup de mer du Landerneau, et ses plus vaillants matelots.

    À Marseille, nous jetterons l’ancre si nous avons le privilège
    Que Notre-Dame-de-la-Garde bénisse notre entrée au port ;
    La Bonne-Mère se fait un sang d’encre si je commets le sacrilège
    D’oublier d’écrire par mégarde notre rendez-vous au rapport.

    Puis, à la dernière marée, enfin, nous appareillerons
    Avant que l’aube nous réveille et fasse son apparition.
    Les souvenirs bien amarrés, nos femmes nous accueilleront
    Avec les fruits et les merveilles de la pêche à l’inspiration.

    Tableau de Paul Signac

  • Les chapeautées

    Plus de jeunes filles à chapeau qui coiffent Sainte-Catherine ;
    Les couvre-chefs sont démodés, tant pis pour les jolies coiffures.
    Plus de bibis tel un appeau qui charme la gent masculine ;
    La mode s’est incommodée de ces rétrogrades galures.

    Les belles dames du temps jadis pourraient tout autant se moquer
    Des corps cachés sous les burqas, enfouis de la tête au pied.
    Mais je crains que ne s’affadisse celles qui s’en vont soliloquer
    Au téléphone et en parkas pour s’isoler comme il leur sied.

    Il reste les photographies, les bons vieux films de Pagnol
    Qui évoquent ces belles élégantes chapeautées de coiffes luxuriantes.
    Tant pis si ma chronographie date du temps des carmagnoles
    Mais cette mode extravagante, d’aller nu-tête, me désoriente.

    Tableau de Kees Van Dongen sur http://pasperdus.canalblog.com/archives/2007/10/21/6561016.html

  • Le village des petits bonheurs

    Mon petit village s’enferme hors du temps et des inquiétudes
    Aussi bien en début d’année qu’au fil des mois jusqu’en décembre.
    J’en ai pris plusieurs années ferme pour consommation de quiétude
    Dont l’addiction m’a condamné à y passer ma vie à l’ombre.

    Je suis cerné par des forêts et des collines vallonnées
    Et n’ai que le droit d’exister dans l’éternelle bonne humeur.
    L’aurore à peine dévorée, toutes mes heures sont jalonnées
    D’une direction assistée vers tout plein de petits bonheurs.

    Tableau de Hanna Silivonchyk

  • Le village des complotistes

    Mon petit village s’enferme hors du temps et des conventions
    Dès que les matines ont sonné jusqu’aux heures du crépuscule.
    Entre les maisons et les fermes, les animaux font sécession ;
    Les chiens sont même soupçonnés de comploter en groupuscules.

    Les toutous s’envoient des messages encodés dans leurs aboiements ;
    Ils communiquent avec force en déposant fientes et fèces.
    Et je détecte à leurs passages sur la neige fraîche, un chatoiement
    De petites taches jaunes en morse narrant leurs histoires de fesses.

    Tableau de Hanna Silivonchyk

  • L’amour prison

    Quand, sans peur et sans renâcler, un pauvre lapin sans papier
    Se fit faire un double des clefs de toutes les serrures du clapier,
    Une fois qu’il eut anticipé une libération sans trêve,
    Il sortit pour s’émanciper et réaliser tous ses rêves.

    Quand il rencontra sa maîtresse, une princesse dont la marotte
    Était de se natter des tresses en forme et couleur de carottes,
    Alors le lapin s’enferma entre les bras de sa gardienne
    Dont l’amour dans son cœur germa pour un chaud lapin de garenne.

    Tableaux de Hanna Silivonchyk

  • Le prince charmant apanagé

    Mais que fait le prince charmant à tant faire attendre sa princesse ?
    Prétendrait-il comme le lièvre qu’il est en droit de partir tard ?
    Quel comportement désarmant ! Mais quelle marque de bassesse !
    Qu’attend-il pour avoir la fièvre du départ, ce fils de bâtard ?

    C’est sa monture, tout s’explique, qui marche au pas de l’escargot !
    Qui dort, qui broute et se repose pareil à l’animal léger.
    Que voulez-vous ? Tout se complique dès qu’on doit mettre l’embargo
    Pour pratiquer comme s’impose un sauvetage apanagé.

    Tableaux de Hanna Silivonchyk

  • Happy funny : Trois petits mages

    D’abord Balthazar n’a rien vu ensuite, Melchior n’a rien dit
    Et Gaspard n’a rien entendu ; comme trois petits singes sages,
    Ces coquins se seraient pourvus de trois habits de comédie
    Et l’histoire aurait prétendu qu’ils auraient joué aux rois mages.

    Tableau de Yolie Güisao Sénquiz

  • Happy funny : Noël en janvier

    Melchior, Gaspard et compagnie mirent adroitement le grappin
    Sur Balthazar à Babylone dans son jardin de conifères.
    Voilà pourquoi l’épiphanie permet de garder son sapin
    Pendant l’an neuf qui s’échelonne et tous les jours qui prolifèrent.

    Illustration de Pascal Campion

  • Reine sereine, roi plein d’effroi

    Le jour où les enfants sont rois n’arrive qu’une fois par an
    Mais, après tout quelle importance puisqu’ils sont choyés tout le temps !
    Reine sereine, roi plein d’effroi trouvent grâce auprès de leurs parents
    Au vu qu’en toutes circonstances, qu’y a-t-il de plus important ?

    Mon roi arriva le premier et attendit deux ans sa reine ;
    Un peu jaloux à sa naissance tellement elle était jolie.
    Dans leur royaume coutumier, ils vécurent une vie sereine
    Et puis, après l’adolescence, réalisèrent mille folies.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • En suivant l’étoile

    Roi, astronome et capricorne, pionnier qui découvrit l’étoile ;
    Roi, magnanime et sagittaire, qui poursuivit son rayon d’or ;
    Tous deux, chevauchant leurs licornes, navigant en bateaux à voiles,
    Rencontrèrent un roi solitaire, aventurier, conquistador.

    Ils réunirent leurs richesses, de l’or, de l’encens, de la myrrhe
    Et revêtirent leurs parures afin d’exprimer leurs hommages
    À l’enfant empreint de sagesse, l’enfant que ses parents admirent,
    Jusqu’à ce qu’enfin apparurent solennellement les rois mages.

    Tableaux de Jan Pashley

  • La danseuse au dandelion

    La ballerine commençait à peine quelques entrechats,
    Quand quelques plumes s’envolèrent de son tutu en dandelion.
    Et plus sa taille balançait, plus son habit se détacha
    Jusqu’à ce que dégringolèrent les jupons et le cotillon.

    Ce petit incident technique fut habilement compensé
    Par la ballerine exaltée qui continua le strip-tease.
    Entièrement nue et volcanique, son style fut récompensé
    Autant qu’elle sût exploiter le contrechamp de sa sottise.



    Je ne me le dirai jamais suffisamment ; j’apprends davantage de mes erreurs que de mes succès (ce doit être la raison pour laquelle j’en commets autant !).
    Alors pourquoi ne pas anticiper ?
    Mes erreurs ne seraient alors plus une faute mais une faille, une rupture entre ce que je désire et ce que j’obtiens.
    Un peu comme l’image que je me fais du monde extérieur projetée dans mon petit univers intérieur qui, justement, n’est qu’une image et donc qui n’est qu’une illusion.
    La véritable erreur, c’est de prendre cette illusion pour la réalité.

    Photos de Rob Howarth et Johan Swanepoel

  • La pincette à courir

    Te souviens-tu quand nous partions de bon matin faire la course
    Contre la montre, contre la vie, à contrecœur, à contresens ?
    Te souviens-tu quand nous sortions sous la Petite et la Grande Ourse
    Qui observaient sur le parvis notre éternelle effervescence ?

    Aujourd’hui, je compte le temps, je pèse présent et passé
    Pour comparer les regrets lourds qui montent au cours de mes nuits blanches.
    Je ne suis plus représentant de ceux qui veulent se dépasser
    Mais je ne suis plus si balourd à courir avant l’avalanche.



    Je me souviens du temps où je courrais toute la journée à la recherche des secondes perdues que j’aurais pu ressemer pour demain.
    Je maudissais ces jours fériés, ces jours de neige, ces jours bloqués où ma folle course se retrouvait bloquée dans une impatience insoutenable.
    Aujourd’hui pensionnaire préretraité, confiné dans une vie entre parenthèses où je me sens comme inutile, je revois toutes ces courses qui m’ont marqué au point de remonter insidieusement à la surface de mes nuits blanches.
    Et je fais la comparaison entre temps perdu et temps restant, entre temps gaspillé et temps retrouvé, entre l’illusion de changer mes décisions passées pour de meilleurs choix qui ne changeront sans doute rien.

    Tableaux de Hanna Silivonchyk

  • Avant que les pensées fleurissent

    Au moment de passer l’hiver les muses entrent en hibernation
    Attendant en hypothermie le prochain retour du printemps.
    Tous les potins, les faits divers deviennent sources d’inspiration
    Car nos égéries endormies ne peuvent inspirer à plein temps.

    Quand vient le temps du renouveau, les muses renaissent en pensées
    Qui s’épanouissent en boutons, en fleurs et fruits de la passion.
    Elle, pour me remettre à niveau, quand tout son art est dépensé,
    Ma muse compte les moutons et se plonge en hibernation.

    Tableaux de Alina Fontains

  • Histoires de pommes

    Sur les chromosomes des filles, il existerait un gène d’Ève
    Dominant ou bien récessif mais qui se veut acoquinant.
    Leurs petits bassins qui vacillent et leurs tétons qui se soulèvent
    Obéissent, d’un geste excessif, à cet aspect prédominant.

    Si les seins ressemblent à des pommes, les mamelons aux pédoncules,
    C’est qu’ainsi s’exprime ce gène lorsqu’il est transmis à nos dames.
    Et lorsqu’il est transmis à l’homme, il n’y a là rien de ridicule
    Car son caractère androgène développe une pomme d’Adam.

    Voilà pour ma question loufoque, une réponse pas moins foldingue
    Sur le rapport entre les pommes et les jolies rotondités.
    Une explication équivoque issue d’un cerveau ribouldingue
    Dont les divagations, en somme, sont en pleine fécondité.

    Tableaux de Daron Mouradian

  • Prude gitane

    Furtivement à la fenêtre ou par la porte entrebâillée,
    Apparaissait une jeune fille pointant le nez à sa roulotte.
    Sa robe, il faut le reconnaître, et ses jupons embroussaillés
    Lui arrivaient à la cheville pour cacher froufrous et culottes.

    Elle vendait des colifichets quand elle était adolescente,
    Parfois sur les quais de la Seine, parfois sur les Champs-Élysées.
    Le soir venu, sans aguicher, gardant sa pudeur innocente
    Elle dormait au bois de Vincennes chez des nonnes fidélisées.

    Elle fréquentait parfois les hommes mais juste pour faire bonne chère
    Car elle refusait de coucher même au prix de quelques billets.
    Mais un jour grâce aux chromosomes d’un gars venu du Loire-et-Cher,
    Elle consentit, effarouchée, à se laisser déshabiller.

    Tableaux de Kees Van Dongen sur http://pasperdus.canalblog.com/archives/2007/10/21/6561016.html

  • Soigne le serpent, il te mordra quand même

    Dès qu’il faut sauver la planète et qu’il faut me jeter à l’eau,
    Je n’ai pas peur de me mouiller pour soutenir mon président.
    Or, une fois qu’il est aux manettes, je vois cet enfant de salaud
    Me forcer à m’agenouiller et me traiter de dissident.

    Mais si je laisse se noyer le président et ses ministres,
    J’accepte qu’une dictature remplace la démocratie.
    Après, il risque de m’envoyer pour payer les frais du sinistre
    L’impôt, la taxe et la facture du joug de sa suprématie.

    « Max l’explorateur » par Guy Bara

  • Dites-le avec des fleurs

    Pour manifester ma rancœur envers l’état totalitaire
    Qui parle la langue de bois et me traite comme du bétail,
    J’ose le langage des fleurs pour affronter les militaires
    Afin que s’exprime la voix d’un opprimé dans la piétaille.

    Une couronne mortuaire avec mes regrets éternels
    Pour enterrer ma liberté que je présumais immortelle.
    Je poserai sur son sanctuaire quelques œillets sempiternels
    Pour mes espoirs déconcertés par les magouilles et les cartels.

    « Max l’explorateur » par Guy Bara

  • Bonne année mais l’an qu’au lit – 2

    À dans un an, nos retrouvailles après une année confinée ;
    Par une mutation complète nous serons mithridatisés.
    Et nous vivrons, vaille que vaille, une humanité raffinée
    Dans une vie bien plus simplette, complètement robotisée.

    Tableau de Hanna Silivonchyk

  • Bonne année mais l’an qu’au lit – 1

    Année dernière, presque entière, tu nous as confinés au lit
    Pour nous occuper à survivre sous de nouvelles pandémies.
    Aujourd’hui, tu peux être fière car nous avons tous pris le pli
    Et sommes condamnés à vivre une année en hypothermie.

    Tableau de Hanna Silivonchyk.