Catégorie : 2020

  • Quickly Strip-Tease

    D’abord elle arrive sur scène entièrement nue mais en chaussures
    Qu’elle commence sensuellement à enlever l’une après l’autre.
    Ni ridicule ni obscène mais acceptée par la censure
    Car tout est fait élégamment et très amicalement vôtre.

    Après elle déclame un poème juste assise, décontractée.
    Raimbaud, Verlaine ou Beaudelaire toujours selon son bon plaisir.
    On dit qu’elle est un peu bohème, que son strip-tease est compacté
    Mais elle ne manque pas d’air en s’exhibant comme à loisir.

    Puis à la fin, elle se lève, on l’applaudit, elle remercie
    Montrant comment sa mère l’a faite nonobstant le moindre accessoire.
    De quelle école fut-elle l’élève ? Ça n’a jamais été éclairci
    Mais elle en a atteint le faîte d’ailleurs j’y retourne ce soir.

    Tableaux de Jonas Kunickas.

  • Le film de ma vie

    Pour mon dernier déménagement – celui prévu en fin de vie –
    Je vais devoir rembobiner mes films courts et longs métrages,
    Mes tableaux dans l’encadrement, jeter ceux qui n’ont pas servi
    Et, au moment inopiné, assumer de Dieu l’arbitrage.

    J’aurai la honte de ma vie devant les moments ridicules
    Où tous les Anges poufferont là où Dieu aura rigolé.
    Quand je verrai Satan ravi de dérouler la pellicule,
    Tous mes esprits s’étoufferont sur un destin troufignolé.

    Finalement je serai admis avec ma place au Paradis ;
    J’aurai droit à la plus haute branche pour bâtir ma nouvelle vie.
    Je croyais mon sort compromis mais j’aurai la chance, pardi,
    De m’en payer une bonne tranche, moi, le poète inassouvi !

    Tableaux de Julie Heffernan.

  • La détente

    Elle préfère se reposer en dégustant quelques grenades
    Le corps presqu’entièrement nu excepté un bas fantaisie.
    Comme on pourrait le supposer, un thé vert ou une limonade
    Et un parfum plus soutenu de patchouli et d’ambroisie.

    Si le soir, elle se détend en se laissant choir en arrière,
    Les cheveux pendus vers le sol selon l’antique médecine,
    Elle aime ça, elle prétend exécuter une prière
    La tête comme une boussole orientée vers ses racines.

    Qui sait si après le coronavirus on ne nous obligera pas non seulement à porter le masque mais à couvrir toutes les parties du corps exposées ? J’ai l’impression d’assister à l’islamisation de la tenue de l’homme et la femme moderne du vingt-et-unième siècle !
    Peut-être devrons-nous pratiquer des fêtes clandestines et privées pour nous retrouver ensemble illégalement et à poil ?
    Après tout, nous assistons bien à une sorte de basculement des pôles sociaux et moraux…

    Tableaux de Natalia Leonova.

  • L’œil de l’Utah

    La Terre entrouvre ses oreilles dans ses cavernes qui résonnent
    Et ouvre un œil sur les montagnes et les campagnes jusqu’à la mer.
    Ses échos n’ont pas leurs pareilles à parler quand elle raisonne
    Et son regard nous accompagne avec tout l’amour d’une mère.

    Les grandes plaines d’Amérique ont longtemps veillé ses enfants
    Par leurs yeux colorés d’azur de l’Utah au Colorado
    Qui voient les rêves chimériques des premiers pionniers triomphants
    S’étendre au fur et à mesure sur la route de l’Eldorado.

    Et si la Terre nous voyait ; et si la Terre nous écoutait ; et si la Terre nous humait ; et si la Terre nous goûtait ; et si la Terre nous touchait ?
    Ah ! Au temps pour moi, c’est exactement ce qu’elle fait si j’en croit mon petit doigt.
    Du coup, je trouve cela plus rassurant car j’entends souvent : « Si Dieu existait, il n’y aurait pas de guerre, il n’y aurait pas de misère, il n’y aurait pas toutes ces horreurs ! ».
    Donc si je remplace « Dieu » par la « Terre », ça met un terme au problème de son existence ou non et la question devient : « Est-ce que la Terre a envie de voir continuer notre espèce ? »
    Hum ! Mais ce n’est là qu’une supposition hasardeuse, bien entendu…

    Photos de Zach Cooley et Paige Tingey.

  • Tisseuses de mondes

    Au début, elles n’étaient que cinq à tisser les mondes antiques ;
    Ainsi filait la vie des dieux qui régentaient la Terre entière.
    Afin que l’amour s’en convainque et scelle un monde romantique,
    À sept, elles ont tissé les cieux et un univers sans frontière.

    Et chaque année un nouveau nœud vient compléter leur écheveau
    Qui confère un nouveau pouvoir à celui qui s’y apparente.
    Le réseau devient lumineux et déjà le prochain niveau
    S’esquisse afin de se mouvoir vers d’autres expériences aspirantes.

    Il y a celles et ceux qui tissent le monde de bonnes intentions mais, comme l’enfer en est pavé, le monde obtenu se révèle assez chaotique.
    Prenons l’exemple du Black Friday ; tous les magasins « non essentiels » sont fermés mais tous les sites de vente par correspondance multiplient les annonces pour casser les prix. Amazon règne en maître sur les livres. Les marchés de Noël sont annulés.
    Je ne sais pas de quoi sera tissée la vie de chacun de nous en 2021 mais la qualité et l’abondance ne seront pas au rendez-vous.

    Tableaux de Jeanie Tomanek.

  • Les feux des forêts

    Paradoxalement novembre étincelle de feux dorés
    Et prépare les décorations de Noël sur tous les sapins.
    Ainsi les troncs se teintent d’ambre profondément dans la forêt
    Avec la collaboration des farfadets et des lutins.

    J’en ai vu qui portaient des glands et d’autres chargés de pignons
    Aidés par quelques écureuils qui en grignotaient la moitié.
    Et sous les rayons aveuglants du soleil sur les champignons,
    Les fées hissaient avec des treuils des boules en bois de noisetier.

    En automne, non seulement les couleurs sont belles mais les éclairages aussi.
    Entre un soleil interminablement très bas dans le ciel et des crépuscules qui tirent la lumière comme un élastique, plus une touche de brouillard, la Nature se fait photographe en jouant avec les teintes dégradées, les ombres satinées et la profondeur.
    Avec le calme des forêts comme dans une église, la voûte des arbres comme cathédrale et les feuillages comme vitraux, je redeviens prophète de la plus belle des religions.
    Ah non, j’ai déjà dit que j’étais antireligieux… alors de la plus belle spiritualité.

    Le soleil de novembre très bas reste très longtemps dans le ciel et offre des jeux de lumière dans ma forêt d’Eschenberg.

  • Les souches d’Eschenberg

    Dans notre forêt d’Eschenberg, les souches officient de maisons
    Pour les farfadets champignons ou les lutins de toutes races
    Qui gravent au pied en tant qu’exergue leurs devises comme une oraison
    Parmi les glands et les pignons qui pavent le sol des terrasses.

    « Joli Bolet et Feux Follets », « Chauds Lapins et Chiens de Faïence »
    Tels sont les titres des maximes qui résonnent aux coins des cités.
    Certaines tentent d’affoler l’intrus montrant trop de vaillance
    Mais d’autres sont sublimissimes et invitent à les visiter.

    Je suis plutôt antireligieux (ce qui n’empêche pas l’idée de Dieu).
    Cependant lorsque je marche dans la forêt, j’ai toujours une impression de pénétrer dans la cathédrale de la Nature avec les vitraux que le Soleil dessine à travers le feuillage. Avec les fées-fleurs, les champignons-lutins et les anges-animaux, la crèche est complète.
    Dommage que l’homme ait inventé un Dieu guerrier, jaloux et punitif !
    Moi, je continue de pratiquer le culte de la nature sans chasse ni pêche ni tradition.

    Jolies souches décorées par la nature ou les promeneurs dans ma forêt d’Eschenberg.

  • Au pas de la Lune

    Lorsque la lune se renouvelle et se réfugie dans la nuit,
    Les étoiles se mettent à danser au grand bal des constellations.
    Puis, lorsque son pas se révèle et que sin premier croissant luit,
    Une lune pâle vient cadencer l’ouverture de l’orchestration.

    Lorsque la lune s’épanouit et resplendit dans sa lumière,
    Les étoiles viennent défiler aux ordres de leur supérieure.
    Même le soleil évanouit semble connaître une première
    Éruption qui va s’effiler en queues de comètes ultérieures.

    Puisque nous sommes lundi, honneur au jour de la Lune qui est gibbeuse et croissante à 62%. Il faudra attendre lundi prochain pour la pleine lune ce qui me donne une semaine pour trouver de belles images.
    Sinon, Google m’apprend que le 23 novembre symbolise « le mois de l’économie sociale et solidaire » et vu la crise économique due au confinement, aux fermetures, aux restrictions et à l’impossibilité pour plusieurs millions de personnes à travailler pour gagner leurs vies, ce lundi 23 novembre me semble assez significatif.

    Tableaux de Jeanie Tomanek.

  • Comme on s’unit, on s’attache

    Quand on s’unit et qu’on s’attache, en motifs unis ou à taches,
    Peu nous importe la couleur, la fusion se fait sans douleur.
    L’amour nous met en appétit, on s’aime et on fait des petits
    Qui ont tous une part de nous, unis de taches jusqu’aux genoux.

    Avec ce charme qui nous habille, tous les dimanches en famille,
    Nous allons danser au soleil ou sous la lune tout pareil
    En montrant nos belles tenues – même si au fond on vit tout nu –
    Tous les goûts sont dans la nature et dans notre progéniture.

    Et si les vagues d’émigration et d’immigration étaient une tentative de la nature pour transformer l’homo-sapiens en une nouvelle race plus adaptée ?
    On dit toujours que les métis et les bâtards sont les plus beaux et les plus forts.
    Peut-être que le mélange des gènes nous améliorera et rendra le côté « pragmatique » de l’homme plus enclin à évoluer avec raison plutôt que saccager à tout prix sa planète.
    D’ailleurs, moi qui suis d’origine méditerranéenne, je suis de sang français, italien et certainement maure ou même asiatique paraît-il…

    Tableaux de Jozef Wilkon.

  • L’intrigue

    Aux échecs, éternel absent qui subit plus qu’il ne comprend,
    Le roi, celui qui est au centre, est mené par le bout du nez.
    La reine noire, à son accent russe ou anglais, on s’y méprend,
    Abrite un enfant dans son ventre qui n’est pas de l’infortuné.

    C’est le roi blanc évidemment qui joue le rôle de l’amant,
    Qui trompe sa reine légitime pour la souveraine ennemie.
    Ainsi ils s’aiment avidement ; bientôt papa, bientôt maman
    Jusqu’au moment le plus ultime où tous les coups seront permis.

    Quant à la « pauvre reine blanche » perdue dans son corps de souffrance,
    Elle fulmine, elle est en rage, n’oublie pas plus qu’elle ne pardonne.
    Alors elle crée une avalanche de petits conflits à outrance
    Jusqu’à déclencher un orage puis, dans la folie, s’abandonne.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Aux couleurs de l’âme

    Andy Warhol serait ravi de voir son œuvre prospérer
    Avec ces femmes maquillées par leurs émotions artistiques.
    Troubles aux couleurs de la vie, émois et amours espérés,
    Dévoilés et déshabillés d’une mise à nu fantastique.

    Imaginez la vie entière qui se répandrait au visage
    Par les larmes douces-amères des ébranlements refoulés.
    Sentez sur la peau la matière comme fleurit un paysage
    Selon la saison éphémère d’art sans cesse renouvelé.

    Chaque femme aurait ses couleurs et, à chaque couleur, son âme
    Trahirait ses secrets intimes d’une petite voix fluette.
    Chaque bonheur, chaque douleur brillerait comme une oriflamme
    Mais cette sensation ultime appartient déjà aux poètes.

    Photos de Lindsay Adler.

  • La clef du cœur

    Un cœur fermé à double tour réclame une clef ajustée
    Qui écoutera ses problèmes et tout ce qu’il a mal compris,
    Qui épousera les contours son corps avec chasteté
    Et qui résoudra les dilemmes entre son âme et son esprit.

    Une clef du cœur correspond à toute serrure complexe ;
    Le tout est de savoir tourner sept fois sa clef dans le bon sens.
    Mais si nous nous préoccupons à solutionner par le sexe,
    Nous ne pourrons plus contourner l’amour et le plaisir des sens.

    Un coup de cœur, ça fait toujours plaisir et même plusieurs fois par jour.
    Une belle image, un bon livre, une bonne BD, un bon film, un bon texte, une bonne musique, un bon plat, un bon vin, un bel échange, un beau câlin … la liste est tellement longue que nos cinq sens ne pourront peut-être pas les connaître tous mais si chacun ouvre et communique son petit musée personnel, que d’éclats de coups de cœur à partager !

    Tableaux de Vladimir Kush.

  • Les présages

    Tous ceux qui, au siècle dernier, ont tenté de voir l’avenir
    Auraient dû être contaminés par les virus en gestation,
    Être effrayés par les charniers qui ont tôt fait de survenir
    Et voir les peuples disséminés par les vagues d’émigration.

    Eh non, personne n’a su prévoir tous ces fourbis et ces machins,
    Ni éviter la pollution … à part prédire la faim du monde.
    Voici pourquoi tous nos espoirs de survivre au siècle prochain
    Sont le fruit d’une évolution vers une fin nauséabonde.

    D’après une information lue sur « Un nouveau paradigme », Facebook censurerait tout message qui contesterait la campagne vaccinatrice ; c’est donc pourquoi je ne dirai rien à ce sujet bien que je n’en pense pas moins… si tant est qu’on ait toujours la liberté de penser, droit qui sera sans doute bientôt aboli.
    Donc si vous voulez contester, faites-le mais ne le dites pas.
    Ça me rappelle le film « Apocalypse now » où les vietnamiens coupaient le bras aux enfants vaccinés par les américains…

    http:www.2012un-nouveau-paradigme.com202011nouvelle-censure-facebook-va-interdire-tout-message-anti-vaccins.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

    Tableaux de Jake Baddeley.

  • Ainsi va la vie !

    Qu’elle est jolie la tendre enfance qui ne connaît que l’innocence
    Jusqu’au jour où l’enfant choisit entre l’action ou la défense.
    Car tout se joue à chaque instance de sa personne mise en présence
    De la plus grande courtoisie ou la réponse à une offense.

    Nous nous faisons damer le pion par des coups à devenir fou
    De la vie qui nous joue des tours avec des pièges cavaliers ;
    Parfois on tombe sur un lion que la moralité bafoue,
    Parfois l’amour vaut le détour et l’on remonte l’escalier.

    Dans ce grand jeu d’échecs qui est l’Europe avec ses pièces maîtresses (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas etc.) et les pauvres pions que nous sommes, je me demande quelle est la règle du jeu ? Et surtout à quoi sert le conseil européen ?
    Face au coronavirus, chaque pays fait n’importe quoi, comme il veut et sans la moindre cohésion avec les autres états membres.
    Il me semble que l’Europe aurait dû spontanément organiser la partie sinon… échec et mat ?

    Tableaux de Hanna Silivonchyk.

  • Petite musique de confinement

    Ouverture
    Pour m’exprimer, une ouverture est nécessaire sur mon mur ;
    Ensuite, je me hisse au plus haut pour épater la galerie.
    Après, si jamais d’aventure je suis perçu comme un murmure,
    J’exécuterai « le grand assaut » en sonnant la cavalerie.

    Final
    Si l’on ne m’entend toujours pas, je vous jouerai « Satisfaction » ;
    Dans l’accord que vous attendez puisque vous êtes enfermés.
    Je vous ferai du Frank Zappa au temps des « Mothers of Invention »
    Interprété les yeux bandés pour jouer à guichets fermés.

    Ce n’est plus le peuple qui gronde mais l’orchestre qui réagit !
    Puisque vous êtes confinés, ouvrez bien en grand vos fenêtres ;
    Faites une musique enchantée ou endiablée si vous voulez ;
    Et chantez fort votre détresse de ne plus vivre l’allégresse.

    Tableaux de Jake Baddeley.

  • L’animal sur l’épaule

    Je porte la fidélité comme un chien noir sur mon épaule,
    Tu portes ta féminité comme un chat roux sur ton épaule,
    Il porte son espièglerie comme un renard sur son épaule,
    Elle porte sa lucidité comme un grand lynx sur son épaule.

    À chaque trait de caractère, je m’associe un animal
    Comme on transporte par devers-soi un vieux compagnon de fortune.
    Le mien, ce n’est pas un mystère, ressemble au bien, ressemble au mal
    Selon si ce que je reçois me satisfait ou m’importune.

    Dans la trilogie « Les Royaumes du Nord » de Philip Pullman, les humains étaient accompagnés d’un « daemon », une sorte de petit animal qui extériorisait leurs caractères.
    J’aimais bien cette idée et je verrais bien des loups noirs ou gris accompagner nos hommes politiques, des requins accompagner les financiers, des chiens pour les chasseurs – mais ça, c’est déjà fait – , des chats pour les pêcheurs et des animaux fabuleux pour les artistes… je prendrais bien une licorne.

    Tableaux de Mary Alayne Thomas.

  • Les nouveaux oracles

    Aujourd’hui, les nouveaux oracles qu’incarne la télévision
    Nous font rêver à la fortune et l’illusion technologique.
    L’argent accomplit des miracles que l’on entasse en prévision
    Du couac des bourses inopportunes et ses crises psychologiques.

    Depuis que je l’ai débranchée et l’ai reléguée à la cave,
    Ma vie a repris sa couleur qui n’est pas celle de l’argent.
    Mais je ne suis plus retranché dans une planète d’esclaves
    Dont je subissais la douleur des médias se la partageant.

    Je suis a priori mal placé pour parler de la télévision puisque je l’ai reléguée à la cave depuis les dernières élections européennes pendant lesquelles les informations diffusées étaient fausses, les discours politiques menteurs et les journalistes traîtres à leur étique.
    Pour ainsi dire, depuis l’institution du quinquennat, le président et ses députés élus pour cinq ans possèdent les clefs de la république et le pouvoir total puisque l’opposition n’existe plus et qu’il n’y a plus aucun contre-pouvoir.
    Alors les oracles et les médias varient ? Bien fol qui s’y fie !

    Tableaux de Jake Baddeley.

  • La pie lunatique

    La pie voleuse écrit la nuit ses vols les plus rocambolesques
    Que, le jour, elle déchiquète pour ne pas se faire repérer.
    Dès passée l’heure de minuit quelques souris sherlockholmesques
    Tentent de mettre une étiquette sur les lambeaux récupérés.

    Elle aurait pris à Léonard son faux sourire à la Joconde ;
    Elle aurait fauché à Pierrot sa plume, hélas fort émoussée ;
    Elle aurait volé au renard un fromage à l’odeur immonde ;
    Elle aurait chipé à Perrault les miettes du Petit Poucet.

    La pie voleuse nous a volé tout ce que nous avions de plus précieux :
    La liberté est enfermée dans une cage dorée de confinement.
    La vérité est polluée par les mêmes personnes du gouvernement qui affirment un jour ce qu’ils infirment un autre jour.
    La santé devient une monnaie d’échange et d’asservissement.
    Même l’argent risque de disparaître en tant qu’espèces qui ont trop sonné et trébuché.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Histoires à dormir d’hibou

    Quand j’écris lors de mes nuits blanches à l’encre des rêves nocturnes,
    L’aurore en efface les traces et le soleil couvre l’oubli.
    Alors j’appelle sur sa branche le maître hibou taciturne
    Qui me sort de sa paperasse un souvenir que je publie.

    Parfois je veille et me rendors, parfois je rêve, parfois je songe ;
    Je peins des tableaux de poèmes, j’écris des vers à contrecœur.
    J’ouvre la boîte de Pandore qui ne contient que des mensonges
    Sous l’œil du Grand-Duc de Bohème, mon plus fidèle chroniqueur

    Les histoires à dormir d’hibou, j’en lis tous les jours dans les journaux et les médias. Particulièrement depuis la catastrophe épidémique ; pas de confinement mais si peut-être, pas de Noël sauf l’été prochain, fermeture des restos mais pas les MacDo, télétravail pour tout le monde non mais presque, vaccin pas obligatoire mais nécessaire, camps d’isolement pour les réfractaires à la mise à l’écart, etc. … et l’ordre nouveau dans le désordre complet.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Le penthouse vert

    Dans son penthouse sur les toits qu’elle avait transformé en serre,
    Elle ne vivait que pour ses plantes et l’atmosphère à la Prévert.
    L’air affairé, toujours courtois, lorsqu’elle se servait un verre
    Qu’elle buvait toute tremblante en me lorgnant d’un œil sévère.

    Perchée sur bottes compensées, elle n’aimait pas l’œil débonnaire
    Que je jetais sur ses boutures qui me paraissaient ordinaires.
    Mais elle retenait ses pensées et trouvait extraordinaire
    Que je dévaste ses cultures de manière réactionnaire.

    Je lui servais de factotum – une sorte de preux chevalier –
    Car elle ne levait pas le pied pour redescendre l’escalier.
    Moi, le chat noir, son majordome, j’étais son plus précieux allié
    Qui veillait en bon équipier, les yeux rivés sur son palier.

    Illustrations de Renn Qin sur https:www.behance.netcamus019 .

  • Du côté de Shéhérazade

    Pour nous surprendre, Shéhérazade s’est cachée dans l’appartement
    Comme fait le chat du Sultan lorsqu’il pourchasse les souris.
    Quelle subtile improvisade réserve-t-elle à son amant,
    Celui qui joue cet insultant jeu du pacha et sa houri ?

    La voici donc, l’irrésistible conteuse de charme et de suspense
    Qui étire la curiosité jusqu’à l’ultime dénouement !
    Par quelle intrigue indescriptible avec un voleur ou un prince
    Troquera-t-elle l’ingéniosité contre son profond dévouement ?

    Ciel ! Il faut attendre demain pour la suite de son histoire ;
    Un stratagème évidemment inoculé comme un virus.
    Prenant son courage à deux mains, elle, la favorite notoire,
    Aura gagné finalement à préserver son utérus.

    Tableaux de Léon Samoilovitch Bakst.

  • Jardinière de légumes

    Plus grosses seront les légumes qui nous font cuire au court-bouillon
    Et plus la fin des haricots aura goût au sang de navet.
    Ajoutez un zeste d’agrume à l’amertume des couillons
    Et vous verrez ces bourricots, autant que se peut, en saliver.

    Vive la soupe à la grimace, rajoutez deux ou trois tomates
    Et tant pis pour les restaurants qui fermeront leurs devantures !
    Vive la bêtise de masse et tous les robots automates
    Que l’on dirige en instaurant un mauvais bouillon d’inculture.

    Dès la naissance, pareil à l’âne, on m’agite une carotte devant moi :
    D’abord les promesses d’être sage pour mériter les cadeaux du Père Noël ;
    Ensuite les promesses de bien travailler en classe pour réussir dans la vie ;
    Après les promesses d’emploi, d’augmentation, de promotion et de retraite.
    Et en amour ? Se marie-t-on pour la promesse de fonder une belle famille ?
    Et en religion ? Faut-il accepter Jésus et tout le tralala pour mériter le paradis ?
    Ma vie n’est qu’une salade de carottes.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Salade de fruits

    Tout ça, c’est bien fait pour ma pomme, on m’a trop pris pour une poire !
    J’ai travaillé pour des radis et j’ai turbiné pour des prunes.
    Tout était prévisible en somme entre espoirs et mes désespoirs ;
    Je ne crois plus au Paradis et me console avec ma brune.

    L’état distribue trop d’amendes et nous presse comme des citrons ;
    Il ne nous lâche pas la grappe à boire le calice jusqu’à la lie.
    Cependant quoiqu’on lui demande, qu’on soit ouvrier ou patron,
    On n’obtient que la force de frappe des flics qui sonnent l’hallali.

    Sommes-nous pris pour des poires ou de simples pions dans un jeu ?
    Selon les statistiques, nous sommes parfois pauvres, riches, vieux, jeunes. Selon les organismes, nous sommes des contribuables, des patients, des usagers. Selon les marchés, des actionnaires, des participants, des clients.
    Moi, j’ai trouvé le truc ; je ne suis ni grand ni petit, ni gros ni maigre, ni très jeune ni très vieux, ni beau ni laid… bref le parfait inconnu anonyme qui passe inaperçu. Seule ombre au tableau, du coup je deviens entièrement transparent au serveur lorsque je lui réclame l’addition.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Les jeux de la vie

    Tout ne serait que jeu de dupes et les cartes sont biseautées ;
    L’avenir qui nous est promis était déjà tout programmé.
    Tandis qu’on ne se préoccupe que de futiles nouveautés,
    Nos lendemains sont compromis par nos rois autoproclamés.

    L’argent ne fait pas le bonheur de ceux qui n’ont pas les moyens
    De recruter leurs lieutenants qui maîtrisent tous les enjeux.
    Et pour avoir l’insigne honneur d’être un auguste citoyen,
    Il faut connaître les tenants et les aboutissants du jeu.

    Suis-je un tirage au sort du jeu de la vie ?
    Même si j’étais le descendant d’Adam et Ève, je ne pense pas pour autant être juif car mes parents d’obédience catholique m’ont fait baptiser chrétien bien que ça m’ennuie un peu ; en effet, j’aime bien Jésus pour ses miracles – surtout celui du vin -, ses prophéties et ses paraboles mais j’ai du mal à croire qu’il soit « Dieu et fils de Dieu » … ou alors moi-aussi.
    Je ne pense pas être noble non plus ; en effet, je ne me souviens pas d’un ancêtre qui serait parti aux croisades et c’est bien dommage car je me serais appelé Raymond de Saint-Gilles, vu que je suis né dans ce trou perdu.
    Finalement, le plus terrible serait d’être né con sans le savoir… mais qui sait ?

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Les belles moustaches

    En ce temps-là, le poil aux pattes et les moustaches en guidon,
    Ils s’entassaient dans les tranchées pour sauver leur mère patrie.
    Ils ont tous finis psychopathes, gueules cassées à l’abandon
    Et handicapés retranchés au foyer ou en psychiatrie.

    Cent ans après, plus de moustaches ; les barbes les ont remplacées ;
    Autres poilus, autres obédiences ; mais où sont les héros d’antan ?
    Si nos souvenirs nous rattachent aux soldats dans leurs trous glacés,
    Accordons-leur un temps d’audience, nous, leurs descendants repentants.

    Oubliées ces belles moustaches qui apportait une touche coquine, une bouche amusante et piquante, presqu’un air intelligent. Aujourd’hui l’homme a repris du poil de la bête et arbore une barbe hirsute qui pourrait évoquer une lointaine époque révolue…
    Personnellement la moustache ne me va pas, tant pis ; la barbe non plus, tant mieux.
    J’aime bien les porteurs de moustaches car ils me rappellent mon père, Albert Einstein, Georges Brassens, Jean Ferrat, Louis Blériot, Salvador Dali, Sir Arthur Conan Doyle et même les Dupondt…

    Tableaux de Juliette Belmonte.

  • La voix de la mère

    Si j’entends la voix des sirènes, c’est que je suis né dans la mer,
    Dans le jeu de l’évolution des origines de la vie.
    Cette Terre incarne ma reine et tous ses océans, ma mère
    Avec ses eaux en dilution parmi mon cœur et ses envies.

    Et malheureusement en nombre tous ses enfants ont abusé
    De sa nourriture abondante et de son eau de vie sacrée.
    Tout disparaît dans la pénombre d’une pollution infusée
    Par une humanité perdante de l’avoir ainsi massacrée.

    Quand une mère s’éteint, son cordon ombilical nous relie toujours à notre humanité parente et défunte et je m’imagine l’arbre de vie avec toutes ses branches féminines butinées par les propres fruits de ses propres fleurs.
    J’avais peu de relations avec ma mère qui n’était pas très démonstrative car sa propre mère était décédée à sa naissance. Pourtant quelques jours avant sa mort, j’avais reconstruit des liens très forts comme si c’était en prévision de ma préparation à cette connexion éternelle.

    Photos de Christophe Renoux.

  • À cheval sur quels principes ?

    Être à cheval sur mes principes, tout ça, c’est bien beau mais lesquels ?
    Tout ce que je croyais acquis croule sans justificatif.
    L’absolutisme s’émancipe et je découvre les séquelles
    Des débordements prérequis par le pouvoir exécutif.

    J’ai beau me tenir à carreau et louvoyer entre les gênes,
    Trop de gens se laissent embarquer dans une indicible oppression.
    L’astrologie et les tarots me semblent bien plus homogènes
    Qu’une pandémie démarquée par des chiffres en rétrogression.

    Entre les guerres mondiales du vingtième siècle puis, les guerres économiques, les guerres saintes et aujourd’hui la guerre épidémiologique, pas besoin de longs discours pour s’apercevoir que les expériences et les bonnes résolutions n’ont pas servi à grand-chose et qu’il ne faut pas se voiler la face mais admettre que le monde entier joue à un Monopoly gigantesque où il ne restera qu’un seul vainqueur – si toutefois il en reste un.

    Tableaux de Jake Baddeley.

  • La dérègle du jeu

    Les chemins de l’imaginaire libèrent des inhibitions
    Permettant de vaincre ses peurs et de chasser tous ses démons.
    Ce qui semble extraordinaire devient alors invitation
    À voyager à toute vapeur parmi les vallées et les monts.

    Quand le pion a suivi les règles et parvient à destination,
    Il est promu fier cavalier, évêque, tour ou même reine.
    Il s’envole alors comme l’aigle et parvient avec obstination
    Et l’aide de ses alliés à sortir le taureau de l’arène.

    Aujourd’hui, cela fait exactement onze ans que je suis tombé de quinze mètres dans les calanques à Marseille et que je suis entré dans un nouveau monde extraordinaire par la petite porte de la souffrance ; le prix du passage était cher à payer.
    Et me voici dans mon nouvel univers, nouveau pays, nouvelle langue – toujours pas maîtrisée -, nouvelle femme – toujours pas martyrisée- et nouveau destin. Comme quoi, les chemins imprévisibles de l’imaginaire font vraiment changer de dimension.

    Tableaux de Hanna Silivonchyk.

  • L’autre Patte-en-rond

    Or, Patte-en-rond avait un frère qui vivait dans l’autre maison
    Mais était resté timoré envers le peuple des rongeurs.
    Car si l’un et l’autre bâfrèrent les souriceaux en fumaison,
    Désormais l’autre l’a ignoré et en demeure tout songeur.

    Patte-en-velours, car c’est son nom, ne s’intéresse qu’aux fleurettes
    Dont il s’empiffre goulûment aussitôt qu’elles sont en bouquet.
    Nul besoin de fleurs de renom, il aime bien les pâquerettes
    Et toutes les plantes à tégument qui lui font les meilleurs banquets.

    Il laisse toujours la dernière, on ne sait pas, c’est un mystère.
    Peut-être pour se rappeler l’odeur de son dernier festin.
    Il attend, de cette manière, que les graines héréditaires
    Germent et viennent renouveler les fleurs pour un autre destin.

    Tableaux de Galina Y. Chuvilyaeva.

  • Les canards bleus, rouges et verts

    Prendre son bain est salutaire avec ses canards en plastique ;
    Pourtant les plaisirs solitaires ne semblent pas si romantiques !
    Elle s’est éprise d’un canard, bleu comme le bleu de ses yeux,
    Et depuis elle prend son panard et lui, cancane à qui mieux mieux.

    Après une année de bonheur, son canard bleu s’est fait la malle ;
    Elle a pris pour se consoler sa rougissante progéniture.
    Si ces canards lui font l’honneur d’une jouissance animale
    Ensemble ils iront convoler d’amours rubis et d’aventures.

    Elle en a vu des bleus, des rouges, et puis de toutes les couleurs ;
    Tout ce qui vit, tout ce qui bouge, tous palmipèdes de malheur.
    Le dernier en date, un colvert, lui a brisé son cœur ouvert
    Elle, d’un seul coup de revolver, a rompu et s’est mise au vert.

    Tableaux de Jahar Dasgupta.

  • Des livres et moi

    Quand j’entendis le mot « culture », il rimait avec « revolver »
    Tant la pensée individuelle faisait peur à nos dictateurs.
    Aujourd’hui la même dictature ferme à visage découvert
    La moisson intellectuelle des libraires et des éditeurs.

    Alors entrons en résistance par des librairies clandestines
    Et les rats de bibliothèque seront compagnons du devoir.
    Livrons en toutes circonstances ce levain qui nous prédestine
    À suivre de manière intrinsèque notre propre conception du pouvoir.

    Aujourd’hui on ferme les librairies classifiées « non indispensable » car la culture et l’information pendant le confinement sont nuisibles à la santé. Du coup, il reste Amazon et les sites de vente de livres sur internet qui peuvent vendre librement et sans payer le moindre impôt.
    Quant à moi, je suis passé au numérique depuis 10 ans – ce qui m’a permis de déménager quelques 30.000 livres et BDs plus facilement en Suisse – en plus de mes abonnements Applebooks, Kindle et Izneo… eh oui, j’ai trahi le livre-papier mais j’en conserve encore deux bibliothèques pleines.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • L’envol de la liberté

    Ma liberté s’est envolée ; on a volé ma liberté !
    J’avais tellement l’habitude de la savoir hors des limites
    Que j’ai le cœur bien désolé de voir mes espoirs déserter
    La fausse illusion de quiétude qui, aujourd’hui, n’est plus qu’un mythe.

    Désormais on place la guerre prioritaire sur l’amour ;
    Désormais on nous fait survivre à genoux plutôt que debout.
    Cette liberté qui naguère s’est édifiée au fil des jours
    N’est plus et ce qui va s’ensuivre ne me laisse aux lèvres que dégoût.

    La liberté, relative à l’esprit, est plus une sensation qu’une réalité puisqu’elle se heurte à beaucoup de frontières, politiques, sociales, religieuses et aujourd’hui thérapeutiques.
    La liberté physique est encore plus stricte ; un accident, une maladie ou une infirmité réduisent son espace, les améliorations sont rares et inversement proportionnelles au temps.
    La liberté financière permet d’aller aussi loin que ce qu’on a gagné durant toute une vie de labeur et les occasions d’en profiter réduites sauf exception.

    Tableaux de Jake Baddeley.

  • Les fruits de ma licorne

    Dans ma licorne, tout est bon pour la nourriture de l’âme ;
    Les fruits de l’imagination produisent un vin millésimé.
    Mais il faut l’esprit vagabond, le cœur ouvert comme une femme
    Et le corps de résignation d’un homme neuf et sublimé.

    Or, l’habit ne fait pas le moine ; la corne n’est pas suffisante
    Pour pénétrer dans les mystères par une approche marginale.
    Qu’il est précieux, le patrimoine à l’hérédité divinisante
    Qui forme un cœur dépositaire des quatre vertus cardinales !

    Difficile de faire des choix dans le monde d’aujourd’hui. La pandémie du coronavirus, info ou intox ? L’ordre nouveau, complot ou simple peur du loup ? Et le trou d’ozone, a-t-il vraiment disparu ? Et les chemtrails qui répandent des microparticules dans l’atmosphère ?
    Quelle que soit sa décision, faut-il s’y accrocher ou écouter l’antithèse et s’y laisser séduire ? Peut-être la réponse réside-t-elle dans la capacité à se poser des questions continuellement ?

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Les trésors de ma licorne

    Par le secret de la licorne et de la grande pyramide,
    Tout ce qui paraît chimérique ouvre une porte sur l’autre monde.
    Le monde austère des capricornes et du cancer, ce grand timide,
    Avec les lions d’Amérique et de la vierge vagabonde.

    Mais la licorne est télépathe, elle perçoit tout comme un devin,
    Comme un scorpion muni d’antennes qui fait des rappels de piqûre.
    Les pieds sur Terre à quatre pattes, elle coule d’un ruisseau divin
    Qui alimente ma fontaine d’une eau aux reflets d’Épicure.

    Pourquoi ce besoin de recourir à la magie ? Les chrétiens ont besoin de se raccrocher aux miracles, à la résurrection et au paradis ; les scientifiques ne jurent que par le monde merveilleux de la physique quantique ; d’autres ne rêvent que d’elfes, de fées et de sorcières et même le monde capitaliste croit à la magie de l’argent avec les millions du lotos, les palaces et le grand pouvoir de la jet-set. Moi, j’aime bien rêver à ma licorne.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Les trésors de mon hibou

    Toutes les histoires à tiroirs renferment de précieux trésors
    Que je savoure car mon cœur carbure à l’imagination
    Qui lui renvoie comme un miroir ses émotions qui le dévorent
    Mais lui distillent la liqueur qui l’ouvre à la divination.

    Là, j’ai le tiroir aux légendes ; ici, le tiroir aux bonheurs ;
    Plus haut, le tiroir aux projets bâclés ; plus bas, le tiroir aux fantasmes.
    Avec un bouquet de lavandes, j’entretiens le tiroir du cœur
    Et dans celui qui ferme à clef, j’y enferme tous mes sarcasmes.

    En ces périodes de confinement, place à la seule richesse intérieure.
    Avant tout, pour le plaisir des yeux, des oreilles, de la bouche et du cœur, il faut une bonne histoire ; un bon texte pour une bonne chanson, un bon scénario pour un bon film, un bon tableau pour un joli poème. Donc beaucoup d’imagination et beaucoup de sources d’inspiration sinon ça devient une bouillie répétitive et stéréotypée. Cela étant, le talent revient à organiser et orchestrer les tiroirs de sa mémoire.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • Mes boîtes à hiboux

    Au jour des morts, revient le chouette souvenir des chers disparus
    Dans les tiroirs de ma mémoire des moments de fraternité.
    Certains ne sont que silhouettes au bout du chemin parcouru
    Et d’autres ont signé le grimoire, mon livre d’or d’éternité.

    Des grandes boîtes en bois chêne aux petites boîtes racornies,
    J’ai conservé les bons moments et donné la clef au hibou
    Car cet oiseau nocturne enchaîne au fil de mes nuits d’insomnies
    Le film tiré des romans de leurs vies mises bout à bout.

    Foin des Halloweens américains, nous avons-nous aussi notre jour des morts, le 2 novembre où nous allumons une bougie en ouvrant le livre aux souvenirs qui nous relie à ceux qui sont partis. Nous y mêlons nos propres histoires afin que nos descendants continuent de perpétrer ces souvenirs comme un fil de laine filé à chaque tour du rouet de la vie.

    Tableaux d’Agnès Boulloche.

  • À la fortune du pot

    Plutôt que fêter tous les saints et Halloweens américains,
    J’ai fait la grasse matinée puisque, après tout, c’est dimanche !
    Puisque ce jour de la Toussaint coïncide au jour dominicain,
    Je m’en vais me procrastiner sans même retrousser mes manches.

    De peur que je prenne racine et devienne plante d’appartement,
    Demain je quitterai mon pot mais en forme d’échappement.
    Après-demain je me vaccine des folies du gouvernement
    En ne payant plus mes impôts tant que dure le confinement.

    Octobre avait démarré sous le signe du confinement chez nos amis canadiens, il était juste que les français y consacrent leur mois de novembre. Enfin quand je dis « juste », c’est façon de parler. Chez nous en Suisse, le gouvernement fédéral pense que les citoyens responsables sauront prendre les bonnes décisions par eux-mêmes. Mais, ne voulant prendre aucun risque, il commence à prévoir l’annulation de Noël. Si ça se trouve, il nous annulera aussi la nouvelle année pour prolonger 2020, l’année zinzin.

    Tableau de Hanna Silivonchyk.

  • Les souvenirs du scorpion

    Il pardonne mais il n’oublie pas ; tout, à jamais, reste gravé.
    Les souvenirs sont douloureux quand la mémoire est affectée.
    Sauf passer de vie à trépas, rien ne pourrait plus s’aggraver
    Qu’un rappel d’un vieil amoureux qu’il n’aurait jamais accepté.

    Tout est prétexte pour creuser profondément ses souvenirs.
    La moindre image, la moindre odeur et tout remonte à la surface.
    Tout est pesé et repesé, mieux vaut guérir que prévenir
    Car il possède un décodeur aux perpétuelles interfaces.

    Son réseau varie tout le temps, ses neurones se renouvellent,
    Ce qui paraissait impossible est naturellement résolu.
    On le croit mort mais entretemps, par un retour de manivelle,
    Le revoici, fort, impassible en quête d’un nouvel absolu.

    Tableaux de François Fressinier.

  • Triché !

    La coupe était empoisonnée, la reine de pique a triché !
    D’ailleurs elle s’est octroyée de droit de jouer avec le Roi.
    La perfidie a foisonné depuis longtemps dans le duché
    Depuis que l’évêque s’est noyé dans du vin de messe, à ce que l’on croit.

    On a retrouvé l’intrigante qui avait falsifié les cartes ;
    Elle avait noyé le poisson en rendant l’évêque foldingue.
    Cette démarche inélégante, la reine souhaite qu’on en départe ;
    Elle prendra la même boisson et on verra si elle valdingue.

    La reine épique est innocente et le venin venait d’ailleurs.
    L’évêque possédait la marotte de lorgner Neptune et Galatée.
    Du bout de sa lunette géante, comme d’un foudre ravitailleur,
    L’aurait servi à la poivrote un vin de messe frelaté.

    Tableaux de Daniel C. Chiriac.

  • Drôle de cirque

    Drôle de cirque en ce moment dans le spectacle permanent
    Qui se déroule au jour le jour d’un mauvais goût bien raffiné.
    On vit on ne sait plus comment sous le joug du gouvernement
    Qui propose encore un séjour entre quatre murs confinés.

    La nuit, j’entends les cavaliers qui galopent dans mes osselets
    Et poussent des cris de cigales qui troublent ma muse écrivaine.
    Tous ces échos festivaliers frappent mes rimes bosselées
    Qui me composent un madrigal au rythme de mes acouphènes.

    Dernier jour du mois avec des fins de confinement pour les uns et des débuts de confinement pour les autres mais rien en Suisse pour le moment.
    Drôle de cirque que ce ballet de restrictions, obligations et préventions et avec le port du masque, c’est Carnaval et Halloween toute l’année.

    Tableaux de Vito Campanella.

  • Halloween Sha là la

    Dans les nuits bleutées de l’orient, j’entends sourdre à travers les murs
    Les échos des tapis volants qui me racontent leurs histoires.
    Dans ces coloris luxuriants se mêlent éclats et murmures
    Des djinns courtois ou insolents avec défaites et victoires.

    Les mille-et-une nuits d’orient racontées par Shéhérazade, bien que marginales dans la littérature arabe, s’apparentent à nos contes de fées, de princesses, de dragons et de sorcières. Dieu sait combien de sorcières ont été poursuivies, torturées et brûlées par les chrétiens fanatiques des siècles précédents. À chaque religion, sa chasse aux sorcières. Défendre les sorcières, c’est prendre le risque d’être brûlé à son tour ; mais ne rien faire ne revient-il pas à prendre le même risque ?

    Tableaux de Layla Nowras.

  • Sacré lion !

    Quand le lion vient en automne pour se raviver les couleurs,
    Il porte son costume de rouille et sa couronne de saison.
    Mais il ne trompe plus personne ; pour atténuer ses douleurs,
    Il s’est mis au jus de citrouille qu’il siffle plus que de raison.

    Après avoir brillé tout l’été, le lion se trouverait-il dépourvu lorsque l’automne arrive ?
    Mais il n’existe pas d’intersaison en Afrique.
    Dommage, nous aurions eu un lion roux d’automne ; un lion blanc pour l’hiver ; écru au printemps et cuit en été. Et pour Halloween, demain, il aurait dévoré les enfants comme des friandises 12 ! Mais non, c’est pour rire !

    Photos d’Adrian Higgins.

  • Cartographies

    Une fois passé l’âge tendre, sa carte érotique se dessine
    Sur le visage, dans le cou, les bras, les jambes et les mains.
    Ah, laissez-moi encore entendre les microsillons sur les lignes
    Qui racontent les contrecoups des amours d’hier et de demain !

    Au corps se creusent des rides du temps qui enregistrent comme une photo les événements de la vie. Une ride, c’est un peu comme une blessure sur un champ de bataille ou un galon remporté sur une victoire. Les pattes d’oie rient comme un soleil de bonheur et les cicatrices témoignent comme un monument la bonification des marques du temps.

    Tableaux d’Emilio Pettoruti sur http:www.midcenturia.com201105emilio-pettoruti-paintings.html .

  • La censure

    Il suffit d’un petit bout de sein pour que nous soyons censurés
    Comme si le pervers mamelon faisait déborder la pudeur.
    Je ne sais vraiment quels desseins recherchent ces gens triturés
    Mais leurs faux scrupules félons dissimulent leur propre laideur.

    Que voit vraiment celui qui censure ? Le sein ou son propre trouble face à celui-ci ?
    L’homme cache le corps de la femme sous prétexte qu’elle l’incite au péché comme si l’homme – si fragile – était incapable de résister à ses propres instincts.
    Et l’innocence de l’enfance ? Quel poids la société lui fait-elle jouer ?
    Finalement, tout est question de masque pour se protéger des faiblesses de l’humanité.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Comme une mouche au plafond

    Quand elle descend du plafond, la vérité paraît infâme ;
    Lorsqu’elle sort du puits sans fond, elle est nue tout comme une femme.
    Tout est question de point de vue et mon poème, pris à l’envers,
    Me prend un peu au dépourvu malgré ses rimes et ses vers.

    Le Nu appelle à la beauté, la Pornographie appelle au sexe. Entre le Nu et la Pornographie, il y a juste la pensée et l’intention. L’un voit de l’art, l’autre de la perversion.
    Toujours est-il que plus le temps passe et plus la censure se resserre.
    Alors le Nu ? Évolution, perversion, révolution ou dégradation ? C’est pourtant notre marque de fabrique !

    Photos de Sam Thies.

  • À l’heure du coucou

    Dès l’heure du soleil levant jusqu’à ce que l’astre se couche,
    Selon les phases qui m’incombent, la vie me paraît naturelle.
    Me lever quand souffle le vent, boire quand la pluie vient à ma bouche,
    Faire l’amour quand la nuit tombe avec une femme surnaturelle.

    Par nos cinq sens, nous percevons l’espace, la matière et ses propriétés mais pas le temps. Pas la moindre petite horloge dans le cerveau malgré le battement régulier du cœur et le souffle de la respiration ; sinon l’observation du soleil et de la lune pour compter les jours, les mois, les saisons et les années.
    Voilà la véritable différence entre les hommes et les femmes ; tandis que les hommes ont perdu leur horloge interne, les femmes l’ont conservée.
    Et moi, depuis le changement d’heure, je me lève une heure plus tôt, déjeune à onze heures et dîne à 18 heures ; mon subconscient est resté à l’heure d’été.

    Tableaux de Catrin Welz-Stein.

  • Tout ça pour ça !

    Depuis cent ans que l’ours polaire voit reculer son horizon,
    Il subit les raids temporaires de l’homme comme une trahison.
    Les changements d’heure solaire n’entraînent pas sa guérison
    Car les deux décalages horaires resserrent un peu plus sa prison.

    Mais l’ours ne se met pas en colère ; ses soucis d’alimentation
    Ne lui nourrissent ni les molaires et ni des lèvres et ni des dents.
    La controverse est corollaire des suites de l’émigration
    Et des voyages similaires qu’ont livrés les enfants d’Adam.

    L’ours polaire se fiche un peu du changement d’heure. D’abord parce que le cercle polaire entre dans la période hivernale des dix mois de nuits et ensuite, une heure de plus ou de moins ne freinera pas la fonte des glaces.
    Quant à nous qui voyons nos libertés et nos acquis fondre jour après jour par l’échauffement viral, nous ne pouvons qu’être solidaires.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • L’heure bleue

    Aurore d’été vient en avance tandis qu’Aube d’hiver recule ;
    Les filles ennemies de Saturne me titillent deux fois par an.
    Mon cœur avoue sa préférence à l’heure bleue du crépuscule
    Lorsque leurs caresses nocturnes rendent mes rêves transparents.

    Contrairement à ce que les médias ont publié en 2019, ce qui devrait changer pour le changement d’heure, ne changera plus ; la crise du coronavirus a perturbé les horloges, le leurre a troublé l’heure.
    Aujourd’hui, à la même heure, ce n’est plus la même heure qu’hier ; comme quoi, chacun voit midi à sa porte alors qu’il faut le chercher à quatorze heures.
    Personnellement, je préfère de loin l’heure d’hiver qui est plus en accord avec le soleil.

    Tableaux de Aïtch sur https:www.behance.netgallery9699283The-Blue-Period .

  • Les femmenotes

    Lorsque j’entends siffler le vent et claquer sa cape de brume,
    Je sais, perchées sur un rocher, où se dressent les femmenotes ;
    Au crépuscule ou au levant, selon l’ocre du ciel d’agrumes,
    Là où nul ne peut s’approcher, elles composent en kichenottes.

    Il paraît que dans la savane ; oubliée par un écossais,
    Un lion jouait de la cornemuse avec un doigté fabuleux.
    Une femmenote en caravane un jour l’a sorti du fossé
    Pour composer avec sa muse son concerto pour violon bleu.

    Souvent dans les châteaux hantés, les femmenotes accompagnent
    Les voix des fantômes égarés au cœur resté à Varsovie.
    Professionnelles et patentées, elles enchantent les campagnes
    Par leurs symphonies bigarrées au chœur des revenants ravis.

    Prestidigitatrice de charme et à la partition musquée,
    La dernière des femmenotes possède plus d’un tour dans son sac.
    Elle vous fera tirer des larmes tellement l’émotion brusquée
    Vous saisira jusqu’à la glotte par d’anciennes chansons cosaques.

    Tableaux de Michael Cheval.

  • Les femmelettres

    Elles vendaient des omelettes supposées guérir tous les maux
    Et s’appelaient « Les femmelettres » tout simplement, sans jeu de mots.
    À l’encre d’œufs de cygnes blancs qui aussi fournissaient leurs plumes,
    Elles écrivaient des contes troublants répartis en plusieurs volumes.

    Les femmelettres naissent en automne pendant la récolte des feuilles
    Par une parthénogenèse de millefeuilles mis en abyme.
    Ça reste au début monotone mais assez vite, passé le seuil
    De la surprise, elles se complaisent en secrets issus des abîmes.

    Les histoires à dormir debout que nous écrivent les femmelettres
    Résultent de préparations colorées du plus bel effet.
    La nuit, elles élèvent des loups, vêtues de chaperons champêtres,
    Pour de nocturnes narrations qui font les beaux contes de fées.

    Entre l’école parisienne et les écoles anglo-saxonnes,
    Les femmelettres ont préféré l’école des ponts-et-chaussées.
    Par suite d’une grand-mère autrichienne qui, vraie fille ou fausse garçonne,
    Composait sur l’Île de Ré ses chansons d’une voix de fausset.

    Tableaux de Michael Cheval.