Catégorie : Autres œuvres

  • Mon petit village de rêve

    Mon petit village de rêve

    J’y étais cette nuit, dans mon petit village,
    Tout coloré de rêves et de songes aussi.
    La frontière de verre qui scelle l’emballage
    Volera en éclats avec mon couteau-scie !

    Mais la belle peinture ne sera plus pareille.
    J’y aurai ma demeure et j’y aurai ma belle.
    Faut-il donc que je tremble quand je tendrai l’oreille,
    Si les langues s’emmêlent dans ma Tour de Babel ?

    Quand je dirai « je t’aime », ma langue dans sa bouche,
    Entendra-t-elle mon cœur ou juste son interprète ?
    Et pour faire l’amour, sera-t-elle farouche,
    S’il faut recommencer quand les lapsus s’y prêtent ?

    J’irai par les chemins en lui tenant la main,
    Je parcourrai les champs en jouant avec elle.
    Je m’enracinerai après mûr examen
    Et toutes mes blessures n’auront plus de séquelles.

    Accrochez mon tableau près de la cheminée,
    Vous m’entendrez le soir jouer de la guitare.
    Et si vous regardez les rues illuminées
    Vous m’y verrez chanter avec tous les nuitards.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Orage sur la mer

    Orage sur la mer

    Apercevez-vous au loin, ces nuages lourds et noirs
    Qui descendent sur la mer pour la noyer de leur encre ?
    Eh bien ces nues sont un leurre, austère comme la forêt noire,
    Pour effrayer les pêcheurs et leur faire trembler leur ancre.

    Ce sont des vaisseaux de guerres d’extra-terrestres égarés,
    Perdus dans notre univers, en quête de brigandage.
    Ces nuages sont des villes, citadelles bigarrées,
    Qui descendent pour la bataille, le pillage et l’abordage.

    Que Saint-Marc me vienne en aide pour nettoyer ces chimères !
    Que la croix de Saint-André vienne barrer le chemin !
    Que les feux de la Saint-Jean viennent embraser l’outremer !
    Que la foi de Saint-Thomas agisse en un tournemain.

    Que tous les anges d’Éole viennent repousser l’essor !
    Que les chariots d’Hermès crachent leurs feux protecteurs !
    Et j’en appelle à Vulcain pour nous forger un ressort
    Pour renvoyer chez Pluton ces perfides prospecteurs !

    Les éléments de la Terre ont répondu à l’appel.
    Regardez-les décamper la traîne basse en arrière !
    Quelle que soit la tempête j’aurai toujours ma Chapelle
    Comme un très saint lieu de culte pour y planter ma bannière !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le papillon de verre

    Le papillon de verre

    Papillon de vitrail comme nef de lumière,
    Tes ailes sont des images qui me montrent le monde.
    Les couleurs étourdissent ma vision coutumière
    Qui m’exposait la terre et ses ruines immondes.

    Le ciel est si profond dans ton aile antérieure
    Que je m’y vois plonger toutes ailes aux vents !
    Je me perds dans ces nues et ma voix intérieure
    Me murmure tout bas d’atterrir sous l’auvent.

    Les joyaux de tes eaux sont des pierres précieuses
    Comme une femme d’eau accouchant dans la glace,
    Qui donne son enfant dans la vapeur radieuse
    De la trace d’amour qui va et se déplace.

    Si la terre est nourrie de tous nos souvenirs,
    Si la terre est mémoire de toutes nos racines,
    J’aperçois dans ton aile ce qui va advenir
    Des peuples libérés de la fièvre assassine.

    Mais le feu de l’amour restera le plus rare !
    Il est cette étincelle qui déclenche la foudre !
    C’est le feu créateur transmutant le curare
    De la mort et la haine pour en faire sa poudre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Drôle d’oiseau !

    Drôle d’oiseau !

    Les deux mains dans les poches et la tête relevée,
    Il s’en va l’air blasé et le regard de glace.
    Il est bien snobinard, un peu parachevé,
    Portant la queue de pie, l’habit de haute classe.

    Mais tout est comédie, ce n’est que tromperie !
    Même si son cousin à le rang d’empereur !
    S’il ne vole pas haut ce n’est pas de l’esprit,
    Mais c’est qu’il est profond et même un peu pleureur.

    Selon qu’il est manchot ou bien un grand pingouin,
    Son palace diffère, sa position aussi.
    L’un règne sur le sud et parle baragouin
    L’un règne sur les ours avec diplomatie.

    J’en ai connu, jadis, un prénommé Alfred
    Compagnon de fortune de deux adolescents.
    Il parcourait le monde, proposant son entraide
    En toutes circonstances, même convalescent.

    Parfois au cinéma, dans le rôle du méchant,
    Parfois définissant de drôles de loustics.
    Il a prêté son nom un peu à contrechamp,
    Même les maringouins l’apparentent au moustique !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Papillon Arc-en-ciel

    Papillon Arc-en-ciel

    Ô Papillon Arc-en-Ciel ! Entends, entends ma prière !
    Si tous mes imageriens ne sont pas alexandrins,
    Ils en demeurent ma force et ma protection guerrière
    Pour préserver hors de l’eau mon esprit salamandrin !

    Je sais que la société recouvre toutes les peurs
    Et les maintient dans la peine, la panique et la douleur.
    Pour extirper du marasme cette compagnie en pleurs,
    Il faudra que je distille bien des vers et des couleurs.

    Ô recouvre de ton aile et envoie-nous ta lumière
    Pour guider dans les ténèbres ceux qui ont besoin de toi !
    J’ai tant besoin de ton aide pour sortir de la poussière
    Tous nos espoirs obscurcis par tant de feux discourtois !

    Alors couvre mes épaules de tes ailes d’émeraude !
    Alors couronne ma tête de tes antennes vermeilles !
    Porte-moi sur la montagne, au-dessus des loups qui rodent !
    Présente-moi le soleil et le pays des merveilles !

    Mais bientôt tes battements d’aile agitent mon cœur,
    Tes couleurs ont infusé dans mon sang et dans mon corps.
    Ton arc-en-ciel m’illumine comme un halo protecteur
    Et l’écho de ta présence résonne encore et encore !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Suites de tiroirs

    Suites de tiroirs

    Soudain, la forêt frémit, le vent se charge de perles.
    De toutes petites gouttes qui font trembler les pétales.
    Quelque part l’orage gronde, une animation déferle
    Et tous mes petits amis prennent un peu peur et détalent.

    « Au secours ! Chacun pour soi ! » C’est la dure loi de la jungle.
    Quand la panique fait rage, la sagesse est démunie.
    Petit Renard où donc es-tu dans la panique qui cingle ?
    Gros Chatchat, ta lâcheté restera-t-elle impunie ?

    Et j’entends siffler les bombes qui passent entre le feuillage,
    La mitraille qui martèle sans pitié le microcosme.
    Un compagnon de fortune pour s’opposer au mouillage
    Serait bienvenu et même, j’en appelle au macrocosme !

    Tonitruant à l’encontre de tous ces faux météores
    Qui agressent sans pitié mes amis de la forêt,
    Tous les chênes et les grands arbres répondent au confiteor
    Que j’adresse à l’univers en criant comme un goret.

    Et je vois sous les branchages tous mes amis réunis,
    Tremblant de toutes leurs pattes et se soutenant l’un l’autre.
    Faiblesse devient courage, solidarité unie,
    C’est une fraternité ; cette expérience est la nôtre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Du fond de mes tiroirs

    Du fond de mes tiroirs

    C’est en rangeant mes tiroirs que j’ai retrouvé mes rêves.
    Tous mes vieux rêves d’enfants qui sommeillaient en silence.
    Je les ai tous reconnus, d’une reconnaissance brève,
    Ils n’avaient pas pris de ride sortant de leur somnolence.

    « Petit Renard » fut le premier à me sauter dans les bras.
    « Gros Chatchat » a ronronné et s’est mis dans mon giron.
    Tandis que je caressais l’un et l’autre à tour de bras,
    « Petite Souris » a émergé du fond de son potiron.

    Elle a grimpé dans ma manche en jouant les casse-cous
    Pour tenter de s’échapper du Gros Chatchat un peu fou.
    Petit Renard a reniflé, observant les contrecoups
    Que faisaient ses deux compères en risquant les garde-fous.

    Puis j’ai entendu le cri de la bibiche qui brame
    Pour appeler son petit faon qui gambadait comme un diable.
    C’est là que sortant du bois du tiroir aux hologrammes,
    Grand cerf secoua ses bois de manière irrémédiable.

    Il m’a laissé le monter pour courir à l’aventure,
    Me cramponnant à ses bois en criant à perdre haleine !
    Nous avons escaladé les montagnes sans fioriture
    Puis, quand la nuit est tombée, ils m’ont couvert de leur laine.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le bouquet sublimé

    Le bouquet sublimé

    Au départ, tout simplement, j’avais cueilli quelques fleurs
    Et les avais déposées dans un vase à ma fenêtre.
    L’automne était avancé avec un froid persifleur
    Qui me givrait les carreaux et me glaçait mon bien-être.

    Serait-ce une réaction ou une bénédiction ?
    Toujours est-il que mes fleurs se sont alors sublimées !
    Les feuilles et les pétales ont bravé l’interdiction,
    Se sont muées en vapeurs et se sont décomprimées !

    D’abord toute la fenêtre fut noyée dans les couleurs.
    Puis, le cadre a débordé, remplissant toute la pièce.
    Moi, je m’étais endormi, assommé par mes douleurs,
    Perdu dans l’attrape-rêve, chassant la fière hardiesse.

    Toutes ces volutes teintes virevoltent au plafond.
    Les feuilles sont des nuages et les fleurs deviennent anges.
    Les petites boules rouges sont des étoiles sans fond ;
    Les jolies clochettes blanches tintinnabulent en échange.

    Depuis ce jour, je l’arrose ; il a quitté ma maison.
    Il est resté confiné, un moment dans mon jardin.
    Puis il a gagné le ciel, je n’en connais pas la raison
    Mais les couchers de soleil sont devenus bavardins.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’attrape-rêve

    L’attrape-rêve

    Avec quelques fils de fées, j’ai construit mon appareil.
    Je l’ai tendu comme un piège sous les branches du grand chêne.
    J’ai déposé des clochettes et de la salsepareille ;
    Quelques perles de rosée comme une fragile chaîne.

    Puis je me suis allongé sous l’ombre des grands feuillages ;
    Une symphonie d’oiseaux pour me jouer la berceuse.
    Rapidement, j’ai plongé dans le sinueux sillage
    De la barque du rêveur qui semblait être chanceuse.

    Un visage un peu mutin, tout étonné et fantasque,
    S’est penché un peu curieux et désireux de me plaire.
    Moi, j’étais tout endormi mais j’ai senti la bourrasque
    Qui agitait ses cheveux, dispersant quelques exemplaires.

    J’aperçus un lapin blanc qui courrait tenant son cœur
    Dans ses deux mains en disant « je t’aimerai pour toujours !  ».
    Puis il est vite rentré dans sa boîte à contrecœur ;
    Il est monté vers le ciel, le soleil en contrejour.

    Quand je me suis réveillé, mes rêves étaient capturés.
    Sur les mailles accrocheuses, il y avait ton visage.
    Un petit lapin candide semblait villégiaturer
    Et des objets féériques décoraient le paysage.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fée des sphères

    La fée des sphères

    Quelques soient tous ces mystères projetés sur l’hémisphère,
    Faut-il vraiment tout comprendre et expliquer les secrets ?
    Faut-il jouer au créateur, jusqu’à s’auto-satisfaire,
    Pour jouir de l’univers et tout repeindre en concret ?

    Peu me chaut tous ces problèmes, ces univers occultés,
    Ces mécaniques quantiques ou ces énergies sacrées !
    Et toutes ces médecines qui ne font que m’ausculter,
    M’essayer comme un cobaye et sans doute me massacrer.

    Tapie derrière les coulisses, elle doit bien se moquer.
    Celle qui jongle avec le monde avec ses bulles et ses sphères.
    Je la connais et je l’ai entendue somniloquer
    Le dimanche quand elle dort pour détendre l’atmosphère.

    Elle fait tourner le monde en constituant ses bulles.
    Son secret est d’éviter de comprendre le chaos.
    Tous ceux qui ont essayé d’en saisir le préambule,
    Se sont perdus dans l’oubli, dans les chocs et les cahots.

    C’est une route sans fin que de tenter de connaître.
    On diffracte les valeurs, on s’éloigne du sujet.
    Sachons saisir la beauté, éveiller son âme et naître
    En reconnaissant sa mère et l’aimer sans la juger.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Port-Souillé

    Port-Souillé

    Éclaboussés de couleurs comme vagues de tendresse,
    Tout barbouillés d’arcs-en-ciel comme des feux de détresse,
    Mes bateaux flambent de tons irisés comme l’aurore,
    Sur leurs mâts les oriflammes portent les couleurs d’Andorre.

    Moi, mes larmes ont coulé sur le port de la madrague,
    Mes chagrins ont dérivé et ont fait grossir les vagues,
    Ça fait trop longtemps déjà que je suis rivé au sol
    Et que cet immobilisme a altéré ma boussole.

    J’avais brisé mon navire sur les récifs des calanques,
    Puis on m’avait enfermé, enchaîné dans une planque.
    Depuis tout s’est arrêté, à l’horloge de mon être,
    Et puis tout a déliré ; j’ai vu mon âme renaître.

    Tout mon sang, toutes mes larmes se sont mélangés ensemble,
    Parfois le soleil couchant a reflété l’eau qui tremble,
    Parfois le soleil levant l’a inondée de lumière ;
    Elle scintille la nuit, comme pour une avant-première.

    Alors j’ai lâché les eaux, alors j’ai ouvert le port,
    Toutes ces belles couleurs accompagnant mon transport.
    Alors j’ai appareillé, alors j’ai mis de l’action,
    Avec mes mille couleurs comme une arme d’effraction.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Ces si jolies fleurs de printemps !

    Ces si jolies fleurs de printemps !

    Des petites fleurs de rien du tout qu’elle m’avait prédestinées.
    Comme un petit dessin d’enfant rempli de sa naïveté.
    Je l’avais trouvé ridicule et posé sur ma cheminée,
    Je n’avais pas osé le jeter, peut-être par lasciveté.

    Tous les jours je le regardais me demandant pourquoi garder
    Cette œuvre que je croyais ratée mais que je ne pouvais cacher.
    Nuit après nuit, je l’ai veillé, jour après jour, j’ai regardé,
    Y cherchant une inspiration, de quoi pouvoir m’amouracher.

    Et j’ai fini par lâcher prise, j’ai abandonné mes efforts.
    Je lui ai dit « refais ta vie, je te libère, libère-moi ! »
    Après je suis allé dormir cherchant un peu de réconfort
    Parmi les rêves et les fées, les bouquetins et les chamois.

    Elles ont quitté leur support tout doucement sans faire de bruit
    Et se sont glissées dans mon lit sur ma peau nue, intimement.
    C’est une petite fleur bleue qui m’a fait goûter de son fruit,
    C’est une goutte de rosée qui m’a ému ultimement.

    Alors je les ai embrassées en les caressant doucement,
    Elles m’ont même fait jouir comme de l’amour d’une femme.
    Le lendemain, plus de tableau, de petites fleurs aucunement,
    Mais à leur place, dans mon lit, une dame a ravi mon âme.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Au-revoir, papillon !

    Au-revoir, papillon !

    Mes amis vous me manquerez mais je dois faire mes valises.
    Ici l’automne est arrivé et le froid gèle mes racines.
    Je vais partir pour mes quartiers où l’hiver n’a pas de balise,
    Ni même le droit de cité ; je ne fuis pas, je me vaccine.

    Ne pleurez pas, petits enfants, je reviendrai pour le printemps !
    Ne tremblez pas, petits et grands, je suis toujours dans votre cœur !
    Ce n’est qu’une petite pause, un silence pas trop éreintant,
    Une parenthèse de saison, n’ayez ni crainte ni rancœur.

    Là-bas dans le pays des glaces, il est un palais de chaleur,
    Entouré de hautes montagnes et de barbares bafouilleurs.
    Mais en son cœur est une reine, riche d’amour et de valeurs
    Qui me fera passer l’hiver dans son palace gribouilleur.

    Je referai teinter mes ailes, pleines de cœurs et de lumières !
    Je referai tinter mes ailes, pleines de sons et d’harmonie !
    Je ferai briller mes antennes, j’ôterai toute leur poussière !
    Je ferai chanter mes antennes dans une tendre symphonie !

    Pour me parler, il y a des anges qui feront passer les messages.
    Tous les cailloux sur les sentiers sont des porte-au-loin enchantés.
    Je reviendrai accompagné de quelque fée, plus ou moins sage,
    Si elle sait m’apprivoiser et si, un fils, m’a enfanté.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Venise à peu presque

    Venise à peu presque

    Ma Venise est en ébauche, tu me l’as juste esquissée.
    Mon rêve va prendre forme à chaque coup de crayon.
    C’est au fur et à mesure que tu conçois, toi qui sait,
    Cet intime paradis où Dieu envoie ses rayons.

    Quand les eaux seront en place, alors toutes les gondoles
    Mèneront les amoureux dans des chambres tamisées.
    Quand les ponts seront bâtis, on verra des farandoles
    Former une chaîne immense et les enfants s’amuser.

    Après viendront les couleurs qui enchanteront les murs.
    Parfois des nuances douces, parfois des nuances vives.
    On ouvrira les volets sur de belles amours mûres.
    On tirera les rideaux sur des tables et leurs convives.

    Moi, j’allumerai les lanternes sur les places romantiques
    Où les amants enlacés se feront mille promesses.
    Je lancerai des reflets par des ricochets antiques
    En faisant de belles rimes pour égayer les kermesses.

    Je veux entendre jouir tous les hommes et toutes les femmes !
    Je veux sentir les parfums des coquettes et des coquines !
    Je veux voir les amoureux s’embrasser de toute leur âme !
    Je veux goûter les baisers des fantasques arlequines !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le pélican bouffon

    Le pélican bouffon

    Il n’est pas paradisier et c’est un bon point pour lui !
    Avec ses pattes de canard et son bec à provisions,
    On dirait une ménagère blottie sous son parapluie
    Et dodelinant des hanches en faisant ses commissions.

    C’est un oiseau porte-plume, d’un caractère bien trempé.
    Sa peau lisse est bien ancrée sous un plumage opalin.
    Un oiseau un peu bouffon qui vous force à vous cramper ;
    Il n’est pas très à la mode, il n’a pas l’air très malin.

    Peste soit du créateur, d’avoir pu l’imaginer !
    Peste soit de l’architecte, d’avoir pu le dessiner !
    Peste soit de l’ouvrier, d’avoir bien pu l’usiner !
    Peste soit du barbouilleur, d’avoir pu l’enluminer !

    Pour rajouter une couche sur ce beau papier couché,
    Je trempe mon pélican dans l’encrier de mes songes.
    Inutile de sauver cet oiseau mal embouché,
    Inutile d’enfoncer ni de faire un pieux mensonge.

    Mais voilà ! Il est créé ! Il va bien falloir l’aimer !
    Surtout pas de tolérance, ce n’est bon que pour les fourbes ;
    Mais permettre et accepter de le laisser s’essaimer
    Et l’autoriser à vivre avec ses pics et ses courbes.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les contenants ridicules

    Les contenants ridicules

    Ma peintre m’a fait une farce
    Avec cette croûte un peu ratée.
    Peut-être qu’elle a bu, la garce
    Tout le contenu tafiaté.

    Pourquoi deux bouteilles un peu minces
    Et un cruchon un peu potelé ?
    Pourquoi ces couleurs de cagoince
    Et ce fond un peu bottelé ?

    Peut-être est-elle fatiguée
    C’est sûrement une satire
    Entre deux maigres prodigués
    Et une grosse tirelire.

    Voilà ce que c’est que blesser
    Le cœur d’une peintre fantasque !
    Elle se met à oppresser
    Les emballages et les flasques.

    Mais le poète a plus d’un tour
    Dans son sac à malices à rimes.
    Mais il sait trouver alentour
    Comment créer les pousse-au-crime !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les objets d’humilité

    Les objets d’humilité

    Je n’avais pas de plateau, mais j’ai pris un moule à tarte.
    Je n’avais pas de joli pot, mais j’ai pris ce pot-à-eau.
    Je n’avais pas de belles roses, pas de menu à la carte,
    J’ai cueilli quelques tulipes sur la colline, là-haut.

    Mais je n’ai pas critiqué, je n’ai rien bouleversé.
    Ce moule à tarte un peu frustre fut un plateau merveilleux !
    Ce petit pichet timide, avec mes larmes versées,
    S’est révélé le plus beau de mes rêves sommeilleux !

    À force de me servir de tous tes objets magiques
    Qu’on aurait laissé pour compte en dédaignant leur présence,
    Je leur ai donné mon cœur et mon âme analogique.
    Je les ai tous réveillés, sans mépris ni médisance.

    Mon pauvre petit bouquet s’est retrouvé à l’honneur.
    Un symbole positif, une création surprise.
    Et tous ces petits objets qui tombaient en déshonneur
    Ont gagné tous leurs galons dans cette noble entreprise.

    Toi qui m’as ouvert ta porte, je saurai y reconnaître
    Tous tes merveilleux sujets et les remettre à leur place.
    Celle où leur cœur brillera et où l’on verra renaître
    Le vilain petit canard et le Phénix de leurs glaces.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le migrateur

    Le migrateur

    Il ne le sait pas encore mais il va quitter son aire.
    C’est un oiseau migrateur, c’est un oiseau du passage.
    Il va laisser derrière lui ce qui fut son ordinaire,
    Tous ses souvenirs d’enfance et tous ses apprentissages.

    Il va voler de ses ailes et prendre grand son envol.
    Il va derrière l’horizon, au-delà de ses rêves.
    Si vous le voyez passer, merci d’être bénévole
    Et l’aider dans sa lancée car il va voler sans trêve.

    Sa boussole n’est pas sûre car son cœur bat la breloque.
    Pensez ! C’est la première fois qu’il vit sa vie d’oisillon.
    Il n’a pas perdu le nord mais saoulé par la berloque
    Qui lui donne le vertige et sonne le carillon.

    Il va retrouver sa belle, tout là-haut dans son nid d’aigle.
    Là où la pluie et le vent se déchaînent sans limite.
    Au pays de la lumière où son petit cœur espiègle
    Va se révéler vaillant dans ses amours dynamite.

    Ne cherchez pas à comprendre, pourquoi s’envole l’oiseau.
    Il est tombé de son nid, il a rompu ses attaches.
    Très bientôt tel le Phénix, il va renaître du roseau
    Qui s’est brisé et grillé mais qui s’accorde à sa tâche.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mes bateaux de la lanterne

    Mes bateaux de la lanterne

    Mes bateaux de la lanterne, où la lune s’est accrochée,
    Emmanchée en haut du mât pour illuminer la nuit,
    Avec des bateaux complices, ils vont bientôt approcher
    Les ténèbres à l’horizon comme un soleil de minuit.

    Bateau-lune ou bateau-phare, ils ont de multiples noms.
    Mes bateaux de la lanterne, aux mâts tout illuminés
    Et qui arborent la Lune comme un précieux gonfanon
    Pour guider les nefs perdues dans les tempêtes embruinées.

    Un jour mon père a sorti son bateau resté à quai.
    Il est parti loin derrière l’horizon de l’océan.
    Il ne reviendra jamais, il a rejoint le banquet
    Des anges qui l’ont reçu comme un naufragé céans.

    Puis ma mère a affrété une barque bien discrète.
    Partie comme pour le marché mais a croisé la tempête.
    Son bateau s’est fracassé sur les terribles arêtes
    Des récifs de compassion, sans tambour et sans trompette.

    Moi, mon bateau est petit ; pas de voile, juste deux rimes.
    Sur mon mât sobre et ténu, j’ai attaché une étoile.
    Souvent je pars dans la nuit, dans la noirceur de déprime
    Et je troue l’obscurité d’un fin éclat sur la toile.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Sainte Nitouche épanouie

    Sainte Nitouche épanouie

    Cette fille avait un secret pour ne pas se faire draguer.
    Elle restait froide et hermétique derrière sa forteresse ultime.
    Des habits stricts un peu austères et pas question d’aller trâguer
    Dans des lieux privés ou public pour des engagements intimes.

    Je l’ai croisée dans l’ascenseur, un jour où je m’étais perdu
    Dans sa tour d’ivoire rigide en cherchant trois ou quatre rimes,
    Les yeux baissés, effarouchée, le regard absent, éperdu,
    Toi, j’ai pensé, un peu moqueur, « où caches-tu tes pousses-au-crime ? »

    Je l’ai suivie discrètement jusqu’à la porte la plus haute.
    Quand elle m’a vu elle a bien vite tenté de refermer sa porte.
    C’était trop tard, j’avais déjà, avec ma belle voix de hulotte
    Commencé à décrire un peu mes vers sur quelques feuilles mortes.

    Je lui ai parlé de ses seins, tantôt du droit, tantôt du gauche.
    Je les ai nommés par amour « Ô Tétinou », « Ô Tétinette » !
    Je lui ai parlé des vallées et des montagnes en ébauche
    Qui se profilaient dans les creux et les rondeurs de la minette.

    Tandis qu’elle fermait les yeux, je lui dégrafais sa brassière
    Et j’effleurais tout doucement le bout dodu de ses tétons.
    Quand je lui eus hypnotisé sa jolie poitrine nourricière,
    Je laissai mes mains déraper et débouclai son pantalon.

    Ôtant bien vite la culotte de la donzelle un peu pâlotte,
    J’embrassai sans hésitation avec douceur ses replis doux.
    Il a fallu que je l’emporte directement dans sa roulotte ;
    Ses jambes ne la portaient plus, on aurait dit des scoubidous.

    Croyez-moi si vous le voulez mais l’ingénue s’est réveillée !
    En souvenir du décoinçage, elle ne porte plus sa culotte.
    Juste une jupe pour laisser sur ses fesses l’air la balayer
    Et me saluer en soulevant sa jupe d’une main tremblote.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La forteresse au cul coincé

    La forteresse au cul coincé

    Un peu timidement, un peu trop sagement,
    La demoiselle n’ose abandonner sa pose.
    Cache-t-elle un amant ou un arrangement ?
    Si ce n’est pas grand-chose, pourquoi être ainsi close ?

    Manque-t-elle d’audace les pieds nus sans godasses ?
    Cherche-t-elle la raison pour quitter sa maison ?
    La petit blondasse me semble un peu fadasse
    Sans une inclinaison pour la défloraison.

    Est-ce à moi de briser sa coquille irisée ?
    Pourra-t-elle casser l’enveloppe angoissée
    Qui l’enferme, épuisée, dans l’abandon grisé,
    Soumise et rabaissée, dans sa vie opiacée ?

    Cette sainte nitouche a l’amour sur la bouche
    Mais elle n’ose pas se jeter dans ses bras !
    Elle reste sur la touche sans risquer l’escarmouche.
    Pas de premier faux pas, pas d’abracadabra !

    Vénus, secoue-moi donc cette fille d’amidon !
    Fais-lui sentir tes charmes, fais du bien à son âme !
    Aide-moi, Cupidon, à secouer l’édredon !
    Sonnez bien fort l’alarme et lâchez les gendarmes !

    Préparez un calice bien rempli de malice !
    Donnez à cette gourde des mamelles bien lourdes !
    Remplissez de délices son cul jusqu’au calice !
    Plus jamais la balourde à l’amour sera sourde !

    Pénétrez l’intérieur de ce cœur de malheur,
    Remontez le réseau nerveux jusqu’au cerveau,
    Montrez à l’extérieur ses infimes douleurs,
    À grands coups de ciseaux, libérez cet oiseau !

    Si je vous racontais la suite au pied levé,
    Ce serait bien dommage et un manque d’hommage.
    Tentez d’imaginer, tentez de soulever,
    Quel divin allumage fit voler son plumage !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’ange endormi

    L’ange endormi

    Ô mon bel ange endormi, qu’as-tu rêvé cette nuit ?
    Un grand ciel bleu sans étoile ? Une explosion dans l’espace ?
    As-tu vu naître les hommes ? As-tu vu naître l’ennui
    Qui les endort en silence, coincés dans leur carapace ?

    Tu as les ailes roussies, ton auréole est voilée,
    Tes seins sont bien fatigués d’avoir livré tout leur lait.
    Ton sexe ruisselle de feu comme une flamme étoilée,
    Ton ventre est encore rond ; il a servi de palais.

    Tu as enfanté un œuf, fécondé par un esprit,
    Engendré par les étoiles et couvé par une humaine.
    Demain tes ailes tomberont, mais sans l’ombre d’un mépris,
    Ton auréole chutera tout au long de la semaine.

    Juste avant que tu t’éveilles, laisse-moi tenir ta main,
    Toucher une dernière fois l’envergure de tes ailes,
    Embrasser ton auréole pour un dernier examen,
    Embrasser tes aréoles, ton ventre de demoiselle.

    Mais voilà que tes yeux tremblent et que tes lèvres frémissent.
    Toutes tes plumes s’envolent dans un vol de canaris.
    Je vois ton ventre qui bouge pour annoncer les prémices
    De l’enfant qui va paraître et de sa mère Marie.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le deuil bleu de l’automne

    Le deuil bleu de l’automne

    Temps de deuil au sang bleu me fait pleurer les yeux ;
    La nature n’est plus qu’un tableau daltonien.
    Où est passé l’Azur, cet ange facétieux
    Qui colorait mes rêves parfois si plutoniens ?

    Je ne vous parle pas d’une couleur passée
    Mais d’une amie qui marque les souvenirs du cœur.
    Parmi les soirs d’étés dans des tons compassés
    Lorsqu’elle allait coucher avec l’astre moqueur.

    Je n’entends plus le temps, je n’entends plus le vent.
    Le vacarme muet des feuilles mortes est creux.
    Les oiseaux sont en deuil et chantent à contrevent
    Des liturgies d’adieux au souvenir chancreux.

    Je n’aurai pas de rimes, je n’aurai pas de mots
    Pour vous dire combien ce bleu m’était précieux !
    C’était plus qu’un amant, c’était mon cœur jumeau ;
    Je ne puis que pleurer, le cœur sur les essieux.

    Adieu sel de la vie, adieu bleu de mes yeux !
    Ce monde n’est plus le mien et je vais m’enfermer
    Durant tout mon hiver, je serai disgracieux,
    En veillant sur ses cendres jusqu’à les transformer !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les naufrageurs de l’espoir

    Les naufrageurs de l’espoir

    L’œil embrasé de Neptune me semble un peu taciturne.
    Il ressemble à un soleil qui prétend nous réchauffer.
    Mais si on s’approche un peu de l’obscurité nocturne,
    Ce ne sont que des démons en train de philosopher.

    Tous ceux qui cherchent l’espoir de se montrer au soleil
    Doivent payer leur tribut à cet archange déchu
    Qui leur a fait miroiter mille millions de merveilles,
    À condition de payer à leur bassinet pêchu !

    Ce sont de vrais parasites qui survivent de l’espoir
    De tous ceux qu’ils font rêver en promettant le succès,
    Qui après avoir craché tombent dans le désespoir
    De n’avoir ni retombées, ni ouverture, ni accès.

    Parfois ils font des tournées, soi-disant près du public…
    On se retrouve coincé entre les fruits et légumes
    Au sein des supermarchés à faire, comme une supplique,
    Des cadeaux aux ménagères dans un climat d’amertume.

    Quand vous voyez s’élever ces sémaphores abusés
    Laisser-les s’époumoner, laissez-les à leur sommeil.
    Éloignez-vous du halo des promesses désabusées
    Et croyez en votre cœur, c’est votre intime conseil.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Nature floue

    Nature floue

    Cette nature floue est mon environnement.
    J’y vis dans un brouillard de verbes et de mots
    Qui troublent ma vision et, quotidiennement,
    Je chemine à tâtons, j’y vais pianissimo.

    Cette entrave à mes pas, peut-être, trop protectrice,
    Ralentit mes élans et calme mes ardeurs.
    Mon cerveau est l’éponge d’une âme directrice
    Qui noie mes émotions d’un médium retardeur.

    La bouteille est fondue, elle est contre nature.
    Sa frontière n’est plus qu’un leurre d’illusion.
    Tout comme cette pomme qui me paraissait mûre
    Mais qui, en la mordant, n’était que confusion.

    Mais là où tout parait, limites et contraintes,
    J’ai aperçu des anges, amis imaginaires.
    Ils ont su me guider parmi les labyrinthes
    Sans me lâcher la main, étonnants partenaires !

    La grappe de ma vie est ainsi vaporeuse :
    Chaque grain isolé se fond au voisinage.
    Mais elle m’a apporté une flamme amoureuse
    Qui m’a désenchaîné des maudits engrenages.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mon vieux jardin secret

    Mon vieux jardin secret

    Ce jardin multicolore, échappé de mes pensées,
    C’est mon vieux jardin secret peuplé de tous mes souhaits.
    Tous les elfes des forêts, dans des orbes compensés,
    Se cachent avec les fées dans cet étrange jouet.

    J’aime ces couleurs fanées comme une tapisserie
    De vieux roses et blancs cassés dans un camaïeu de gris.
    Quelques touches délavées dans une blanchisserie,
    Quelques touches de pastels sur des couches rabougries.

    Mais il y a de la lumière qui jaillit de mon bouquet !
    Laissez vos yeux reposer et regarder au-delà.
    Vous verrez bientôt surgir quelques jeunes paltoquets,
    Tout un petit peuple allant échanger ceci, cela.

    Les fleurs font un beau bouquet lorsqu’elles sont très jolies !
    Les roses sont à marier lorsqu’elles sont appareillées.
    Regardez dans chaque fleur, s’il y a mélancolie,
    Recherchez son âme-fleur, laissez-les s’ensoleiller.

    Ce bouquet de nostalgie n’a pas perdu son éclat !
    Chaque fois que je le vois, j’en ressens la même joie
    Que lorsque j’étais l’enfant qui contemplait ces aplats
    Et voyait un monde en fête avec tous ses villageois.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vénus à la feuille d’automne

    Vénus à la feuille d’automne

    La première est naturelle, comme Vénus qui s’endort.
    Elle s’est juste assoupie pour échapper aux soucis.
    Elle est sereine et discrète, berceuse pour la mandore
    Dont elle pince, invisible, les quatre cordes adoucies.

    La deuxième est plus inquiète et ses gestes sont agacés.
    Son bras se fait protecteur et sa tête cherche l’ombre.
    Ce n’est plus dans le sommeil qu’elle cherche à s’effacer,
    Mais dans la fuite crispée vers l’abîme de la pénombre.

    La troisième s’est figée, fondue dans l’incertitude.
    Elle s’est statufiée à force de tergiverser.
    Assise sur la fenêtre en quête de sa quiétude,
    Son mouvement suspendu fuit les secondes versées.

    Ô Vénus, non, n’essaie pas d’inventer une seconde
    Un endroit où échapper à faire ce que tu dois.
    Peu importe que sera, et pour toi et pour le monde,
    Le résultat de ton choix car ce qui compte, c’est toi !

    Faire un choix, ce n’est pas fuir, abandonner ou trahir,
    C’est simplement s’impliquer, c’est confier son essence
    Pour faire une expérience, sans se laisser envahir.
    Mais il y a toujours le choix de partir dans l’autre sens.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les masques d’incompatibilité

    Les masques d’incompatibilité

    Jolis masques, toujours là, pour les rires et les larmes.
    L’un le regard entraînant, l’autre un regard perturbé.
    Moi, je navigue en eaux troubles, sous vos pavillons d’alarme
    Et je vais à la rencontre des chimères embourbées.

    Ô femmes aux deux visages, vous m’avez bien dérangé !
    Vous m’obligez à entendre le bonheur et le malheur
    Comme leurres indissociables d’un sentiment étranger.
    Vous ne savez pas choisir entre un froid et la chaleur.

    Tantôt la femme rêve à l’homme qu’elle aurait bien voulu être
    Et rejette de toutes ses forces ce corps dont elle est l’esclave.
    Tantôt la femme revêt ses appâts pour apparaître
    La plus belle des soumises dans l’intimité enclave.

    Femme qui rit, femme qui pleure, laisse tomber ces beaux masques !
    Ils te dérobent ton âme et te trompent sur ta nature.
    Jette-les, là, sur la route, montre-toi hors de ton casque,
    Ce n’est rien qu’un formatage bien plus pesant qu’une armure !

    Je sais bien que tu hésites entre masculin et féminin,
    Entre regret et astreinte, entre envie et désir.
    Mais c’est dans cet équilibre que tu trouveras enfin
    L’expression la plus exacte et ton cœur s’en ressaisir.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vénus décoiffée

    Vénus décoiffée

    Souvent Vénus se fait femme pour s’incarner en humaine.
    Elle connait la souffrance et subit l’humiliation.
    N’y voyez ni perversion, ni futile phénomène !
    Si Vénus revêt la chair, c’est pour la conciliation.

    Si Demeter est guerrière, Vénus s’arme de ses charmes.
    Sa force est dans sa faiblesse, sa faiblesse est dans sa force.
    Ô Vénus tu as su faire, par tes rires et par tes larmes,
    Attendrir tes ennemis et enlever leur écorce.

    L’amour est une bataille qui ne connait pas de loi.
    Le vainqueur n’a rien gagné, le vaincu n’a rien perdu.
    La dualité, sans doute, est une œuvre à contremploi
    Qui s’établit dans l’entente en partageant les vertus.

    Aimer sans comprendre l’autre, c’est voué à un échec.
    Aimer et comprendre l’autre, c’est le début du succès.
    Aimer sans voir l’intérieur, c’est secouer le milkshake.
    Aimer et voir l’intérieur, c’est s’ouvrir tous les accès.

    Vénus, vous êtes, Madame, ce principe féminin
    Que j’aime de toute mon âme dans mon être masculin.
    Apprenez-moi à vous peindre, à vous écrire des vers,
    Je saurai gagner votre âme, Vous serez mon univers.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mille Marseilles

    Mille Marseilles

    Dans leurs couleurs de pastels, blanches et azur alternées,
    Les ruelles jouent de l’ombre et de rayons contrastés,
    Puis se baignent de reflets des vaguelettes internées
    Dans l’Hôtel-Dieu du Vieux-Port dans un Mistral dévasté.

    De rues chaudes et de rues froides aux quartiers dépareillés,
    Des montées et des descentes comme des vagues mouvantes,
    Le paysage est planté dans la baie ensommeillée,
    Surveillé par la Bonne-Mère toujours fière et bienveillante.

    C’est la ville bleue d’azur, accordée au bruit de l’onde.
    Maisons aux façades blanches qui explosent dans l’écume.
    Ici les bleus sont légions et ils observent le monde
    Qui apporte ses couleurs que délave l’amertume.

    Ce creuset d’humanité aux milles sangs mélangés ;
    Les étrangers provisoires, les voyageurs de passage ;
    Certains y prennent racine, d’autres s’y sont arrangés,
    Leur cœur resté au pays, leur corps en affranchissage.

    Mille voix dans les ruelles, mille yeux sont à l’affût.
    Mille oreilles vous écoutent, mille mains pour vous nourrir.
    C’est la ville aux mille bras, la ville aux mille raffuts.
    C’est la ville aux mille vies ; il faut la voir, puis mourir.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’Ordre Bouddha

    L’Ordre Bouddha

    D’abord, Bouddha, c’est l’incompétence inconsciente ;
    Au tout début, il ne sait pas qu’il ne sait pas.
    Après, Bouddha, c’est l’incompétence consciente ;
    Après, ses yeux s’ouvrent et sait qu’il ne sait pas.

    Ensuite, Bouddha, c’est la compétence consciente ;
    Ensuite, ses oreilles s’ouvrent et là, il sait qu’il sait.
    Enfin, Bouddha, c’est la compétence inconsciente ;
    Enfin, il sait et tout arrive à ses souhaits.

    Des yeux très différents balancent sa vision.
    Le droit pour ses pensées, le gauche pour ses actions.
    Des oreilles différentes pour sa bonne audition.
    La droite pour entendre, la gauche pour l’attraction.

    Son nez est de travers, un précieux balancier.
    La bouche est déformée pour mieux apprécier.
    Le front est arrondi d’esprit quintessencié.
    Le menton accordé à l’écho nourricier.

    Bouddha, les yeux fermés, tournés vers ses désirs.
    Bouddha, les yeux ouverts, pour accomplir ses ordres.
    Bouddha à l’intérieur, pour rêver ses plaisirs.
    Bouddha à l’extérieur, pour l’amour du désordre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’attente rallongée

    L’attente rallongée

    Allongée impassible, l’esprit, la tête ailleurs.
    Alanguie immobile et le cœur dans les rêves.
    Elle attend le moment qui sera son bailleur.
    Elle s’étend dans l’instant dans sa petite trêve.

    Elle a vidé sa tête dans le flot des pensées,
    Elle a puisé son cœur dans les eaux de Léthé.
    Aurait-elle oublié dans son âme offensée ?
    Aurait-elle laissé encore passer l’été ?

    Mais voici qu’Il arrive, du sang sur les mains.
    Le guerrier a livré sa dernière bataille.
    Il a tué celui qui barrait le chemin
    Et l’avait enfermée sous de hautes murailles.

    « Près de moi allongée, comme dans un miroir,
    Nous sommes différents, peut-être pas pourtant !
    On se regarde absent, les sens dans leur tiroir
    Imbécile confusion sans être trop important.

    Te laisserais-je ailleurs, toi que j’ai tant croisée ?
    Te laisserais-je absente, toi que j’ai tant aimée ?
    Te laisserais-je obscure, toi non apprivoisée ?
    Te laisserais-je sans moi, toi que j’ai essaimée ? »

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Hirondelle Tire-d’aile

    Hirondelle Tire-d’aile

    À tire-d’aile l’hirondelle livre l’été aux vents mauvais.
    Les sanglots longs bien monotones seront bien vite un souvenir.
    Fini le temps des bagatelles, on rentre sous le ciel de Beauvais
    Et on s’enlise dans l’automne pour ne plus jamais revenir.

    Où sont la vie et nos amours ? Étaient-ils tous aussi futiles
    Qu’il suffit de rentrer chez soi pour trahir ses rêves d’enfants ?
    Avant que se lève le jour j’ai entendu le coq versatile
    Saluer l’aurore trois fois et s’en aller ébouriffant.

    Oiseau de mort, oiseau de vie ? Je ne sais pas pour qui tu penches.
    Signe de deuil, signe de joie ? Je ne sais plus où bat ton cœur.
    Es-tu une horloge asservie, juste un coucou, une pervenche,
    Qui ne fait que marquer la loi et cumuler notre rancœur ?

    Ils ont tous repris leurs travaux les mêmes peines, les mêmes maux.
    Comme si après s’être réveillés ils reprenaient leur vie morose.
    Comme si, sortis du caveau, ils rentraient bien vite au tombeau.
    Pour eux, la vie émerveillée, ne vit que la vie d’une rose.

    Laissons l’horloge de la nature marquer le temps, marquer la mort.
    Laissons mourir notre présent peu nous importe jusqu’à demain.
    Demain est d’une autre peinture, laissons courir les matamores.
    Vivons l’éveil omniprésent vivons l’instant sur le chemin.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Lapinou

    Lapinou

    Tu m’étais apparu au tournant de ma course
    Pour aider les enfants au corps handicapé.
    Moi, sans rien en échange, je t’ai donné ma bourse ;
    Toi, ému par le geste, ton amour m’a happé.

    Tu as pris ta maison et l’as placée devant ;
    Juste là, devant moi, pour mieux m’accompagner.
    Et depuis ce jour-là, par tous les contrevents,
    Nous avons voyagé ensemble sans s’éloigner.

    Tu étais la conscience qui calmait mes voyages ;
    Aux passages périlleux, tu tremblais tout ton corps.
    Dans les pires virages, tu faisais l’aiguillage
    Qui me remettait vite sur les rails de l’accord.

    Puis un jour j’ai chuté et tu fus en vacances.
    À mon retour tu as veillé sur mon chevet.
    Dès lors c’est dans mes rêves que tu as eu la chance
    De me montrer l’ÉCHO et le parachever.

    Un jour je t’ai donné à la femme que j’aime.
    Non pas un abandon mais un lien consistant
    Qui unira nos cœurs d’un subtil stratagème,
    Liant nos destinées d’un amour résistant.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le Roi-Hibou

    Le Roi-Hibou

    Juste après l’équinoxe, le hibou est ravi.
    Quand les nuits se rallongent, son domaine s’étend.
    La nature se recouvre d’un obscur préavis
    Pour offrir aux nocturnes un terrain compétent.

    Ils sont tous à la fête, les chouettes et les grands ducs
    Pour célébrer le culte des oiseaux de la nuit.
    Du haut de son grand chêne, survolant l’aqueduc,
    Le hibou récupère son royaume de minuit.

    Ses grands yeux d’oiseau-phare guideront les nomades
    Et tous ceux qui auront besoin d’être éclairés.
    Sa majesté de l’ombre sonnera la chamade ;
    Elle est gardien de nuit ; ainsi, vous lui plairez.

    Entendez-vous le son de ses hululements ?
    C’est pour vous inviter le soir à ses banquets !
    « Hou Hou, où êtes-vous ? » dit amicalement
    Votre ami le hibou ; vous lui avez tant manqué !

    Quelle belle saison quand arrive l’automne !
    Quand les feuilles s’envolent et la nature s’endort !
    Et tandis qu’on entasse aux greniers autochtones,
    Le Roi-Hibou referme la boîte de Pandore.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Bye-bye Amarilla

    Bye-bye Amarilla

    C’est sa dernière apparition, gardez-la bien dans vos mémoires !
    Elle nous tire sa révérence, se transforme en rêve accouché.
    Mais il faut mourir au présent, il faut bien fermer les armoires,
    Mettre les souvenirs sous clef, laisser le soleil se coucher.

    Dernier coup d’œil, dernier regard, dernier reflet, dernière larme
    Blessent mon cœur d’une rancœur qui envahit tout mon espace.
    Baisers volés, baisers donnés, l’amour profond sonne l’alarme
    Et mon corps tremble comme la feuille qui virevolte au vent qui passe.

    Premières pluies déjà commencées, nuages lourds, nuages noirs !
    Courants polaires en renfort ont écrasé la résistance.
    Les thermomètres changent de camp, les baromètres au laminoir !
    Je me sens tout abandonné, le cœur trahi, le corps en transe.

    Ce n’est pas une guerre perdue, juste une bataille, n’en parlons plus !
    Elle va fuir loin dans le sud, lancer un appel empoignant :
    « Peuples du nord, n’ayons pas peur, ayons confiance, il a bien plu !
    Sur tous les fronts dans tous les cœurs, je serai là accompagnant ! »

    J’ai rêvé d’elle, juste vêtue de quelques rayons de soleil.
    Illuminée de mille feux, elle était nue, le corps cendré.
    Me croirez-vous si elle m’a vue ? Assurément, c’était pareil
    À l’écho de mille soleils quand elle m’a dit « je reviendrai ! »

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vénus en Jaune

    Vénus en Jaune

    Ma Vénus a rajauni après nos millions d’étreintes.
    Sur sa peau parcheminée, je lui écris mes poèmes.
    À ses mains aux doigts frisés, je fais de belles empreintes
    Et son sourire illumine tous nos beaux jours de bohème.

    Elle aime jouer du phallus qu’elle brandit comme un plumeau
    Avant de peindre l’amour brossé à même la bouche.
    Moi, j’ai besoin d’encrier pour y tremper ma plume au
    Plus profond ou juste au bord pour atténuer la touche.

    Vénus adore se pencher en montrant bien haut son cul.
    Elle adore les surprises surtout quand elle est éprise.
    Moi, j’en appelle au génie, pour en être convaincu,
    Car les meilleures positions doivent être bien apprises.

    Imaginez la bagnole : une belle américaine !
    Mettez-vous à l’intérieur, ressentez-en la puissance !
    Effleurez juste un bouton pour sentir vibrer la chaîne
    Du piston à mille temps du moteur magnificence !

    Vénus est restée très jaune, pas besoin de garantie !
    C’est un modèle ancestral qui n’est jamais démodé :
    Stradivarius de l’amour, un spécimen pressenti
    Qui transmet l’amour à deux dans des rythmes accommodés !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mon vaisseau Chaotique

    Mon vaisseau Chaotique

    Mon vaisseau est vertical, il est fait pour l’ascension !
    Il n’a pas de marche arrière, même pas de direction.
    Il monte, c’est tout ce qu’il sait faire, tout droit et sans dissension,
    Suivant sa géodésique sans la moindre correction.

    Il était bien mal parti, une erreur de stratégie
    L’avait jeté dans le vide, dans les grandes profondeurs.
    Mais il a su remonter, sans la moindre tétraplégie,
    Après des réparations, juste cabossé aux rondeurs.

    Il a un nouveau moteur, il carbure au cœur pur !
    Un mélange d’amitiés, de partage en compassion !
    Guidé par le voyageur comme une action de trempure,
    Comme un levier d’Archimède dans une étrange passion.

    Aux rouages abîmés, la culasse déformée,
    Les trains-avant réparés par des tiges métalliques.
    Mais il a su se guérir et a su se conformer
    À sa nouvelle épopée très antimélancolique.

    Il a le don de parole et s’adresse au pilote
    Comme un vrai navigateur, par le langage du cœur !
    Si vous croisez son chemin, embarquez dans sa roulotte,
    Le voyage est incertain, mais l’objectif est vainqueur !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Ma belle endormie

    Ma belle endormie

    J’ai attendu que tu dormes pour faire ma déclaration
    Car je suis un peu timide et j’ai peur de t’offenser.
    Mais je ne suis pas un lâche ! Après ma préparation,
    Je prendrai tout mon courage parmi toutes mes pensées.

    Je sais bien ce que tu souhaites ; tu veux être ma conquête !
    Je sais aussi que tu espères que je sois ton chevalier
    Qui brave mille batailles jusqu’au terme de sa quête
    Pour t’avouer sans ambages que je suis ton cavalier !

    Une femme est un cadeau, le plus beau, le plus exquis.
    Et lorsqu’elle me dit « je t’aime », je suis alors transporté
    Vers le paradis terrestre, une extase de whisky,
    Qui m’apporte mon ivresse et qui passe à ma portée.

    Je vois bien que tu t’animes à mes paroles esquissées.
    Je vois dans tes yeux fermés que c’est ce que tu attendais.
    Et dans le creux de ta bouche, dans tes lèvres déplissées,
    J’entends le « oui » sur ta langue qui est en train de transcender.

    Mais maintenant tu t’éveilles et mon cœur bat le canon !
    Je tremble de tous mes membres et je traverse l’effroi !
    Alors je te dis « je t’aime, je veux sur mon gonfanon
    Écrire que tu es ma reine, et que moi, je suis ton roi ! »

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Bandes squirelles

    Bandes squirelles

    Échappé des forêts de ma bibliothèque,
    Cet écureuil espiègle m’a toujours enchanté.
    Je passais mes journées dans les pays toltèques
    À courir l’aventure d’envies impatientées.

    Il revenait toujours avec quatre noisettes,
    Toujours très affairé sur l’alimentation.
    Moi, je partais sans vivres et parfois en chaussettes
    Dans la jungle étouffée de mon habitation.

    J’ai dû apprendre à lire en voyant les images ;
    Puis, petit à petit, dans les bulles aussi.
    À l’époque on disait « c’est de l’enfantillage !»
    Mais j’étais très têtu et mes livres ont grossi.

    Je me souviens des jours lorsque j’étais malade
    Où ma mère m’apportait toute ma collection.
    Et je passais mes fièvres lisant à la régalade
    Les histoires où j’étais le héros de l’action.

    Lorsque vous me verrez un album à la main,
    Vous saurez que ce n’est pas gaspiller mon temps.
    Je nourris tous mes rêves d’aujourd’hui et demain
    Et je continuerai sur ce chemin montant.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Femme que j’adore encore

    Femme que j’adore encore

    La fille en rouge me trouble, suis-je moi-même aussi flou ?
    Elle me regarde d’en-haut et je suis à ses pieds !
    Je suis né sur cette terre, me croyez-vous un peu fou ?
    Vous avez raison, j’espère, car ce monde ne me sied !

    La seule valeur sur terre, celle qui me donne l’espoir,
    C’est la valeur féminine qui colore mon chemin.
    Une touche si intime que j’ai peur de recevoir
    Mais qui me rend magnanime et prépare mes lendemains.

    Femme, je vois ton regard si pesant et si intense,
    Comme si tu attendais de moi de ta propre liberté !
    Si j’ai grandi, Ô ma dame, pour atteindre l’acceptance
    C’est que tu es à mon âme le fruit de ma puberté !

    J’ai tiré toute ma flamme de mon orgueil mesuré,
    Sans jamais atteindre l’âme de ma chère Dulcinée !
    C’est comme un retour de flamme que tu m’imposes, capturé
    À l’essence de ton feu où je me suis calciné.

    Ton sexe faible précieux en sera plus radieux !
    Tu n’auras point de remord, à ton cœur je crois encore !
    Pour mieux te l’apprécier, vois, je me fais dispendieux
    De vers à peine murmurés dont je me fais ton Pandore.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’évasion bretonne

    L’évasion bretonne

    Ces voyages intemporels me nettoient en profondeur.
    Éloigné de mes racines, mon cœur se retrouve nu.
    Détaché de ma chaumine, les paysages émondeurs
    Enlèvent mes branches inutiles et je m’y sens bienvenu.

    J’aime les côtes bretonnes avec ses rocs de granite
    Et les landes désertiques avec ses vents d’occident.
    Mon cœur se gonfle des eaux de toutes ces pluies bénites,
    Mon âme prend son envol quelquefois par accident.

    C’est le son des cornemuses, des binious et des bombardes
    Qui m’a transporté au pas des costumes folkloriques.
    J’y ai vu de belles dames, des artistes et des bardes
    Dans des parades de fêtes de ce pays d’Armorique.

    La chopine et le chouchen, et tous les cidres fermiers
    Ont enchanté mes papilles dans les villages isolés
    Où ma tendre Gwendoline m’a aimé sous les cormiers
    Dans son corps armoricain à la coiffe auréolé.

    Jusqu’à la pointe du Raz, j’ai cherché l’extrémité
    De ce pays sans frontières et bien au-delà des mers.
    Les messagers de Neptune, sur les côtes illimitées,
    Me rappellent ces histoires et leurs amours éphémères.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La bourrée amoureuse

    La bourrée amoureuse

    Une bourrée à deux, juste pour commencer.
    Laisser parler le corps, comme un ambassadeur.
    On n’ose pas parler, on ne fait que danser.
    Peut-être lancer la main d’un geste baladeur…

    Chacun attend que l’autre ose enfin lui répondre,
    Chacun attend l’écho d’un cœur apprivoisé,
    Chacun attend la main, celle qui fera fondre,
    Chacun attend les cœurs qui vont s’entrecroiser.

    L’amour c’est la bataille qui demande d’oser !
    L’homme veut conquérir, la femme, être conquise.
    C’est dans le choix des armes, qu’il saura bien doser.
    C’est dans ses protections, qu’elle sera exquise.

    On s’effleure la main, on se sourit un peu,
    On regarde les yeux, on lit dans ses pensées,
    On murmure à l’oreille, on cesse d’être pompeux
    Et lentement on baisse la garde compensée.

    Puis la danse finie, on reste encore un peu,
    On va s’offrir un verre, on va laisser son cœur
    Exprimer librement les désirs sirupeux
    Et on va s’embrasser d’un plaisir forniqueur.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Madame Coucou

    Madame Coucou

    À son air courroucé, on la devine ivre
    De colère ou de rage ou de viles intentions.
    Car Madame Coucou n’a pas de savoir-vivre ;
    Elle cherche à voler une autre habitation.

    Elle pond ses ouvrages dans le foyer des autres.
    Un cadeau pensez-vous ? Vous n’y êtes pas du tout !
    Car sa création va éliminer les vôtres,
    Aussitôt l’œuf éclot, elle fait le vide partout !

    Car Madame Coucou est une concurrente !
    Elle cache ses œufs dans plusieurs autres nids.
    Vous pensez nourrir votre famille apparente
    En réalité vous nourrissez l’ennemie.

    Elle se dit poète, écrivaine ou artiste,
    Elle met dans vos œuvres toute sa litanie.
    Mais sa vraie volonté est bien plus égoïste :
    Elle veut vous écarter et cherche l’avanie.

    Mais voilà, elle est faible et n’a pas le talent
    D’élever sa portée par le canal du cœur.
    C’est pourquoi j’ai pitié sans être ambivalent
    Mais je n’accepte pas les volatiles truqueurs.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Madame Gémominette

    Madame Gémominette

    Les chiens aboient, les années passent ; la vie s’enfuit, les amours passent.
    Ses traits s’affinent et ses cheveux ont raccourci, plus audacieux.
    Le regard dur de ses beaux yeux mais toujours cet éclat précieux.
    Et sa bouche, plus prononcée, est éternelle et elle embrasse !

    Son nez s’est un peu agité. Nez de sorcière ? C’est affolant !
    Nez en trompette ? Un peu musqué ? Serait un masque dissimulé…
    Il est dressé comme une antenne, il est coquin, affriolant !
    Il sait sentir, passionnément, dans sa peinture, tout flammulé !

    Œil droit si froid et si intense ! Œil droit qui parle en silence !
    Œil gauche tendre qui sait aimer ! Œil gauche qui pense avec le cœur !
    Pourquoi ses yeux sont différents ? Je ne sais quelle ambivalence
    Nourrit son âme dans cet écho si étrange et si arnaqueur !

    Sa beauté n’est pas éclatante. Juste esquissée, rien n’est transmis !
    Sa vraie beauté, c’est au-delà de son regard qu’elle est nichée.
    Ce n’est qu’un masque, évidemment ! Un simulacre d’anorgasmie !
    Mais quand l’amour est démasqué, alors on cesse de pleurnicher.

    Fille du vent et de l’écho, ton cœur est grand, ton cœur est beau !
    Si l’amour souffle dans ton corps, tu t’abandonnes sans un remord !
    Buste glacial, cristallisé saura éclater en lambeaux
    Par la caresse d’un baiser, au-delà de la petite mort.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Paris, ville lunaire

    Paris, ville lunaire

    Paris, la ville lumière, mais aussi cité lunaire.
    Quand j’observe ses quartiers, la lumière est contrôlée.
    Une étrange sensation, parmi tous ces luminaires,
    Me provoque un vrai vertige où je me sens enrôlé.

    Des quartiers de pleine lune aux ruelles animées,
    Ou lumières décroissantes où la tour touche la nuit,
    Ou lanternes en croissance du sommeil des opprimés,
    Ou quartiers « Nouvelle Lune » dans le soleil de minuit.

    Moi, je suis à Notre-Dame et tout tourne autour de moi !
    Dans ma petite île vieille, je regarde l’infini
    Dans le fleuve du Léthé que je traverse en émoi.
    Sur mon bateau immobile, mon destin se définit.

    Et les belles parisiennes fleurissent toutes au printemps.
    Les parisiens en colère se reposent en été.
    Mais quand l’automne résonne tout s’agite juste à temps
    Et l’hiver couvre de rides même les eaux du Léthé.

    Toutes ces lumières fusent, hypnotiques et décalées.
    Elles troublent ma vision et veulent me formater.
    Ce sont des fausses lanternes qui mentent et font avaler
    Un programme démoniaque pour tous les ânes bâtés.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le mystificateur

    Le mystificateur

    Maître de l’illusion, tous tes dés sont pipés !
    Tu mêles tromperie, prestidigitation !
    Un escroc de l’écho où tu t’es agrippé,
    Un ordre mystifié ; désorganisation !

    Tu crées des illusions et te trompe toi-même.
    Tu projettes sur d’autres tes mauvaises intentions.
    Ton public imposé à tes lèvres sémèmes
    Te renvoie un écho qui t’égare en tensions.

    Tu traverses aujourd’hui un chaos indécis
    Mais qui va t’obliger à la confrontation.
    Entre sécurité, rêves et ambitions,
    Il te faudra choisir l’équilibre imprécis.

    Tes mensonges vitaux vont être démasqués.
    La vérité bientôt apparaît au grand jour.
    Mais tu trouves courage à quitter ta mosquée
    Et tu apprends à vivre l’inopiné séjour.

    La route du fakir est mauvaise à ton corps !
    Ta propre peur du chaos t’a mené à tricher !
    La confiance invisible guidera tes accords ;
    Tu ressèmes de l’ordre dans ton cœur défriché.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Venus qui rêve

    Venus qui rêve

    Après l’acte sexuel, Vénus dort profondément.
    Elle rêve de peinture et de ses impressionnistes :
    Couleurs vives de Van Gogh qui brillent intensément,
    Dégradés doux de Monet jusqu’aux plus perfectionnistes !

    Et puis les images s’allument et le songe est commencé.
    Elle se prend pour un « comics », une pin ’up de papier.
    Elle part pour l’aventure dans des amours élancées.
    Elle rêve au capitaine et ses mille et un guêpiers.

    Sur les monts de ses mamelles, aux sommets des mamelons,
    Ils s’abreuvent de son lait et leurs cœurs sont enjoués.
    Puis ils pénètrent dans les grottes aux effluves de melon,
    S’arcboutant au clitoris, redeviennent des jouets.

    Dans les allées sexuelles de la vulve imaginée,
    Ils atteignent le point « G » et découvrent ses secrets.
    Puis les tremblements de terre les envoient s’invaginer
    Profondément dans l’extase dans des camaïeux de craie.

    Quand la planète fontaine ouvre son passage étroit,
    C’est l’éruption des plaisirs qui les éjacule au jour.
    Ils reprennent le chemin des étoiles et des détroits
    Et puis Vénus se réveille pour encore faire l’amour.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vénus par derrière

    Vénus par derrière

    Cinq souvenirs éternels sont gravés dans ma mémoire :
    La beauté de son regard, enregistrée par mes yeux ;
    Le murmure de ses lèvres, aux oreilles de l’armoire,
    Celle sise au fond du cœur de mes souvenirs précieux.

    J’ai toujours le goût en bouche de ses lèvres et de sa langue,
    De ses saveurs délicates sur tout son corps étendu.
    Mais le plus ancré de tous, c’est cette odeur qui me manque :
    Le parfum du sexe tendre, cet arôme défendu.

    Lors de nos préliminaires, je sentais l’enchantement !
    La moindre de mes caresses lui déclenchait le désir,
    Effleurer son mamelon provoquait gémissements,
    Toucher son petit bouton la détonait de plaisir !

    Mais ce qu’elle aimait le plus, c’était se livrer au sexe,
    Couper son flux de pensées, déconnecter son esprit.
    Alors elle baissait la tête en position circonflexe
    Et me présentait son cul, chef unique et très épris.

    Tout changeait en cet instant dès que sa bouche verticale
    Me parlait par sa fragrance qu’entendaient tous mes cinq sens.
    Pour lui donner la parole, mon pénis très amical
    La pénétrait par derrière dans le feu de son essence.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cœur migrateur

    Le cœur migrateur

    Leur cœur est attaché à plusieurs paysages ;
    Au rythme des saisons, ils changent de logis ;
    Quand la terre se réchauffe, vers le nord ils voyagent
    Et quand les jours s’affaissent, ils font sudologie.

    Leur cœur a deux racines, leur vie fait la bascule ;
    Ils ne trahissent pas ni le sud, ni le nord ;
    L’équilibre est vital pour leur biomolécules ;
    C’est l’écho de leur vie, une source sonore.

    Leur cœur est un nomade, il aime plusieurs fois ;
    À chaque battement, il s’attache à sa terre ;
    À l’autre battement, il repart toutefois
    Vers un autre foyer sans faire de mystère.

    Cruel cœur migrateur, fais-tu souffrir la terre ?
    Fais-tu pleurer la mer que tu as délaissée ?
    Fais-tu désespérer le soleil d’Angleterre ?
    Sèmes-tu le malheur là où tu es passé ?

    J’ai le cœur voyageur et j’ai plusieurs contrées
    Où la course du temps me transporte à mon port.
    Je suis fidèlement la route qui m’est montrée
    Mais je reviens toujours là où est mon support.

    Tableau de Fabienne Barbier