Catégorie : Autres œuvres

  • Faisons déconfiture !

    Faisons déconfiture !

    Pour une composition de bonne déconfiture,
    Je vous ai préparé les fruits les plus pourris,
    De ma plume émoussée de grossière écriture,
    Avec des mauvais vers et des chauves-souris.

    Commencez par un fût qui aurait fait long-feu,
    Déposez-y les fruits un peu écrabouillés ;
    Puis en guise de sucre, mettez des boutefeux
    Et attisez le tout pour tout carambouiller.

    Lorsque ça épaissit, jetez-y une enclume.
    Si elle ne flotte pas, rajoutez du gros sel.
    Si ça ne mousse pas, rajoutez quelques plumes
    Puis versez le gruau dans une grosse faisselle.

    Laissez bien refroidir pendant deux ou trois nuits
    Dans un endroit humide qui sent le renfermé.
    La nuit de pleine lune, attendez-donc minuit,
    Prenez un grand couvercle, agitez, refermez.

    Plusieurs mois ont passé, invitez vos amis !
    Vos meilleurs ennemis, vos maîtresses éconduites…
    Nappez-en quelques toasts avec du salami
    Et Dieu vous octroiera une peine réduite.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Nature de morte saison

    Nature de morte saison

    Pour renouveler un peu ma nature singulière,
    Je me suis un peu amusé, sans arrière-pensée amère,
    À répartir dans ces pots, sans règle particulière,
    Le contenu de mon âme comme le faisait ma mère.

    Dans la bouteille d’eau-de-vie, une trace de sagesse
    Pour décanter mes ennuis et distiller mes envies.
    En laissant le temps œuvrer, en comptant sur sa largesse,
    J’obtiendrai un élixir à absorber à l’envi.

    Dans le broc, j’ai mis à plat, toutes mes insouciances,
    Mes maladresses et mes fautes pour mieux les clarifier.
    Vraiment, je ne sais pas trop si ça mérite la patience
    D’échanger mes eaux souillées en bon vin qualifié.

    Mais gageons que quelques fruits seront pleins de vitamines
    Et hausseront le tableau de ces liquides étranges.
    Une poire pour la soif, pour éviter la famine,
    Une pomme empoisonnée faute d’avoir une orange.

    Mais le temps n’a pas donné les résultats que j’espère.
    Ma nature est restée morte sans révéler de miracle.
    Alors j’ai changé de ton pour une vie plus prospère
    Et j’ai écrit ce poème pour lever tous les obstacles.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Combien de Pots ?

    Combien de Pots ?

    Combien de ces pots bleus et d’expériences grises
    Devrais-je accumuler dans mon grenier secret ?
    Combien de contenants et leçons bien apprises
    Devrais-je colorer de mes rêves indiscrets ?

    Hier encore j’ai rangé mes souvenirs intimes,
    Espérant à coup sûr embrasser mon destin !
    Je les ai recouverts d’une poussière infime
    Et ils ont regagné mes oublis clandestins.

    Les pots de mes chagrins ne sentent pas la rose
    Mais un renfermé sourd à mes aspirations.
    Et toute l’expérience est devenue morose
    À force de tourner sans commisération.

    Il est temps de briser tous ces pots imbéciles
    Que l’orgueil me conserve à l’abri du respect.
    Il est temps de jeter l’expérience inutile
    Qui nourrit mes greniers vides et circonspects.

    Je les ai balancés dans le champ du potier,
    Abandonnant aux vents mes intentions stériles.
    Et je vais parcourant les plages aux cocotiers
    Me nourrir de la vie et d’amours puériles.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Sortie des songes

    Sortie des songes

    Belle à peine ingénue émergeant de mes songes ;
    Hier encore sirène, aujourd’hui faite femme.
    Comme un arbre au printemps chargé de faux mensonges,
    Portant ses fruits de vie fors que mon cœur affame.

    Deux yeux pour m’observer, deux yeux pour me nourrir,
    Une bouche à sourire, une bouche à plaisir.
    Sauras-tu contenter mon cœur prêt à mourir ?
    Sauras-tu me séduire au-delà du désir ?

    Si souvent j’ai rêvé de ton visage tendre !
    Tu courrais avec moi accrochée à mon bras.
    Si souvent j’ai prêté une oreille à t’entendre
    Rire de mon malheur quand mon âme sombra !

    Mais tu as su plonger dans mes troubles abysses,
    Me prendre par la main lorsque je me noyais
    Et puis me ramener sur la rive propice
    Pour pleurer avec moi quand je m’apitoyais.

    Sans prononcer un mot et sans faire un seul geste,
    Tu as su exprimer une chanson d’amour.
    Juste avec ta poitrine, tes hanches et tout le reste,
    Tu as su ranimer une flamme d’humour.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Geronimo à l’appel

    Geronimo à l’appel

    Dès que le soleil se lève, il répond à son appel,
    Debout sur le pied de guerre et la main sur le clavier.
    Si Géronimo est prêt à jouer sur son Apple,
    C’est que l’ennemi est là et doit mordre le gravier.

    Écoutez ces cris de guerre qui montent dès le matin
    Pour galvaniser les hommes qui attendent leur café.
    Il faut bien nourrir ses troupes sans faire de baratin
    Pour donner de l’assurance d’un cœur ferme et sans gaffer.

    Parfois sonne la retraite qui nous promet une trêve
    Et le grand chef se retire auprès de son chocolat.
    Mais il ne mange pas trop ; il doit préserver ses rêves
    De ces cadeaux qu’il espère auprès de Saint-Nicolas.

    Des jours entiers il s’enferme ; c’est pour son recueillement
    En verrouillant bien sa porte scellant son isolement.
    Il a quand même veillé à faire, précieusement,
    Provision de ses Kinder Riegel bénévolement.

    Mais qui sera sa princesse, mais qui sera son Orphée
    Qui troquera son esprit contre un vrai cœur qui soupire ?
    Saura-t-elle l’enlacer auprès des bras de Morphée
    Pour vaincre cet imbécile et numérique vampire ?

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mes lettres-nature-mortes

    Mes lettres-nature-mortes

    Toutes ces invitations, que sont mes natures mortes,
    Voient l’appel à partager au-delà de la peinture.
    Voyez ce cadre parfait qui scelle comme une porte
    Le message recelé dans l’ultime fermeture.

    Tous mes récipients renferment mon nectar le plus intime.
    Oserez-vous y goûter ? Risquerez-vous d’accepter ?
    Mon breuvage est un poison qui vous fera ma victime,
    Mais aussi un antidote qu’il faudra intercepter.

    On prétend que mes images sont de parfaites inepties,
    Que leur créateur est fou ou frappé d’ignominie.
    Mais laissez-moi vous montrer qu’elles sont une asepsie
    Contre un mal que l’on vous fait croquer en catimini.

    Beaucoup d’autre ont refusé de rejoindre mes agapes.
    Ils m’accusent de malice et de vivre dans mes rêves.
    Souffrez que ces collations ne sont pas des chausse-trapes,
    Mais reflètent mes intuitions que je recueille sans trêve.

    Mes pensées contre nature ne resteront pas lettre morte ;
    Si elles sont décalées, c’est de l’homéopathie.
    Juste assez pour provoquer un réflexe en quelque sorte
    Pour réveiller votre aura, élever votre empathie.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le faucheur

    Le faucheur

    Il vous tranchera la vie au plus près de vos racines,
    Brandissant sa grande faux comme un sceptre d’agronome.
    Il vous scindera le cœur avec sa lame assassine
    De la précision glacée du funeste métronome.

    Mais c’est pour vous détacher de ces liens qui vous enserrent ;
    C’est pour mieux vous délivrer de ce que vous n’avez su faire.
    Lorsque l’heure est arrivée, il se fait votre émissaire
    Pour vous permettre d’oser de changer votre atmosphère.

    Je l’ai entendue siffler plusieurs fois dans cette vie,
    Tranchant chaque fois la part qui m’entrainait vers le bas.
    La blessure est douloureuse, difficile est le devis
    Lorsqu’il faut prendre commande et continuer le combat.

    Regardez-le aiguiser le fil ténu de sa lame
    Car il n’est pas immoral et ne cherche pas le mal.
    Il est juste l’instrument du plus profond de votre âme
    Qui décide quand il faut un jour préparer ses malles.

    C’est le passeur de votre âme, il faut bien le reconnaître
    Et le tranchant de sa lame est parfois bien nécessaire.
    Il faut mourir à la vie afin de pouvoir renaître
    Pour préparer le retour du prochain anniversaire.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les cendres de décembre

    Les cendres de décembre

    Au solstice de l’hiver quand tout se pare de glace
    Et que les cristaux fleurissent comme des étoiles au vent,
    Je monte à la citadelle retrouver dans son palace
    Ma reine sur sa terrasse, préoccupée sous l’auvent.

    C’est une tâche difficile qu’être reine des amours
    Pendant le temps des frimas et des journées raccourcies.
    Heureusement qu’il y a les nuits bien plus courtes que les jours
    Qui permettent d’abriter les idylles endurcies.

    Les volutes de tendresse parées de mille couleurs
    Enchantent mon cœur de braise et le préservent du froid.
    Les spirales de caresses éliminent les douleurs
    Et complimentent mon corps qui abandonne ses effrois.

    Toutes ces gerbes ardentes, dans des coïts prolongés,
    Me réchauffent le sérum qui coule dans mes artères.
    Toutes les étreintes vives entre nos corps allongés
    Me prolongent l’énergie dont je suis héréditaire.

    C’est la saison des amours mortes pour ceux qui hibernent,
    Mais c’est celle qui consume mon cœur et mon corps de feu.
    Je suis le Phénix de l’hiver, j’allume les drapeaux en berne
    Et j’entretiens votre flamme pour la saison des adieux.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Fleurs de novembre

    Fleurs de novembre

    C’est à l’aube des jours tristes qu’il faut sortir de l’impasse
    Avant que les afflictions n’envahissent mon pays.
    C’est aux portes de l’hiver, avant que mon cœur trépasse
    Que je vais cueillir mes fleurs dans les champs de l’abbaye.

    Je commence par l’Aurore, cette fleur du Canada
    Qui pousse à longue distance et me met le cœur en transe.
    Puis je butine Carmen, celle qui me répond « nada ! »
    Quand je demande son prix en faisant des remontrances.

    Sous le soleil de midi, j’aime cueillir Dalila
    Et la baiser dans le foin avec le vent pour témoin.
    Mais c’est notamment Fabienne que je couche dans les Lilas
    Retroussant sa robe blanche, sans culotte néanmoins.

    Plus tard dans l’après-midi, j’effeuille la marguerite
    Avec la jolie Sophie en lui ôtant ses habits.
    Lorsque le soleil s’abaisse, rasant les toits des guérites,
    Je lui broute le minou tartiné de wasabi.

    Sous la cape de la nuit noire, je dépose enfin ma gerbe
    De toutes ces fleurs des champs devant un feu de cheminée.
    Quand leur peau est bien dorée, comme le dit le proverbe,
    Je leur fais mon plein d’amour, aux sexuelles graminées.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les journées d’octobre

    Les journées d’octobre

    Pendant les journées d’octobre dans une lumière obscure,
    Quand le soleil importune les collines en gris-amer,
    Lorsque les brumes alourdissent les colonnes de mercure,
    Je sens l’amour qui s’étire dans le bleu-gris de la mer.

    Au moment de l’équinoxe, j’aime à parodier les noces
    En organisant des bals costumés particuliers.
    Toutes les femmes sont nues, juste un châle en mérinos
    Qui caresse leurs épaules par un charme singulier.

    Elles arborent un masque, ces Vénus incognito,
    Qui dérobe leurs visages aux prunelles indiscrètes.
    Laissant pour seule parure leurs plus gracieux capitaux ;
    Des seins en forme de poire, lumignons pour amourettes.

    Affiché comme un trophée entre des splendides cuisses
    Trône le symbole intime de leur temple de l’amour.
    Et lorsqu’elles vous dépassent, pas un silence ne bruisse,
    Dandinant leur croupe altière qu’on ne voit pas tous les jours.

    Souffrez que je vous délaisse juste un instant, s’il vous plait,
    Pour inviter à la danse la reine de ces beautés.
    Sur une couche confortable, avec mes plus beaux couplets,
    Je crée la danse du sexe que j’appelle le « cul-botté ».

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La vierge de septembre

    La vierge de septembre

    Il dit oui, il dit non, il ronronne au giron,
    Manifestant souvent ses airs d’indépendance.
    Il se plait à régner sur tous les environs,
    Il est maître à penser lorsque sa souris danse.

    Elle, c’est presque pareil et c’est tout le contraire !
    Caressant son matou couché sur son minou,
    Elle répète ses caresses sans jamais s’y soustraire
    Au chaton de son cœur, son petit coquinou.

    Si la chatte échaudée craint l’eau réfrigérée,
    Il vaut mieux pour le chat qu’elle soit en chaleur !
    Il faut être mouillée mais sans exagérer
    Sinon les saints sont durs et nous font un malheur !

    Le soir elle se met nue devant la cheminée,
    Le matou sur son ventre mordillant l’abricot ;
    Elle jouit dans l’extase de l’habile minet
    Fors la belle nubile lui court sur l’haricot.

    Mais le brave chaton aura sa récompense :
    Une chatte odorante agréable à lécher.
    La nymphomane aura comme unique dépense
    De nourrir de câlins l’animal alléché.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cul assis entre deux chaises

    Le cul assis entre deux chaises

    Suspendue dans l’instant d’un temps mort hermétique,
    Elle fuit un passé qui ne lui convient pas.
    Réfugiée dans l’absence d’avenir hypothétique,
    Elle reste en balance et saute les repas.

    Elle n’a que regrets d’une vie chimérique
    Et accuse la vie de n’avoir rien compris.
    Elle cherche les raisons les plus ésotériques
    Qui ouvriront la voie qu’elle cherche sans tromperie.

    Si vous l’avez croisée elle a dû vous apprendre
    Où chercher la clarté et comment la trouver.
    Si elle vous a parlé vous avez su comprendre
    Qu’elle ne fait que quérir de vous être approuvée.

    J’ai partagé sa vie pour le temps d’un voyage,
    Toujours à fureter et chercher les phénix.
    Mais quand elle revient elle fait son nettoyage
    Et dilue les images qui tachent son cœur d’onyx.

    Toujours à préjuger et critiquer les actes,
    Toujours prête à étendre ses meilleures théories,
    Elle reste immobile dans la posture exacte
    Pour la reconnaissance d’être mise au pilori.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le goût de l’août

    Le goût de l’août

    À la saison des amours, lorsque les cigales chantent
    Et les grillons du foyer assourdissent le silence,
    Ce regard en clair-obscur, témoin d’un cœur qui déchante
    Attend, espère et soupire tous ses désirs en balance.

    Une alchimie de couleurs qui noie tous ses sentiments
    Dilue toutes les nuances qui peuvent altérer son âme.
    Sous les coups et les douleurs, ces morsures de piment,
    Qui mijotent dans le cœur et entretiennent sa flamme.

    La femme en pleine lumière révèle un cœur qui s’enflamme.
    Elle se dore sous le soleil et fait feux de tous ses charmes.
    Elle se gorge, elle accumule et si elle suscite le blâme,
    Elle l’évacue la nuit dans ses rires et dans ses larmes.

    Elle a besoin de soleil, c’est son aliment unique
    Pour en nourrir ses enfants fruits de ses amours triviales.
    Un feu ronfle dans son cœur comme un poêle magnifique
    Et réchauffe le foyer de sa maison familiale.

    Ne lui jetez pas la pierre de discorde réfractaire.
    Ne jugez pas ses envies, son orgueil et sa bohème.
    Elle distille les maux et les soucis de la Terre
    Dans le creuset de son cœur et les transforme en poèmes.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Roméo et Juillette nus

    Roméo et Juillette nus

    Nu dans mes pensées infimes, nu dans mes désirs ultimes,
    Je ne porte pas de masque ni la défroque des moines.
    Nu dans mes gestes usuels, nu jusqu’à mon âme intime,
    Je m’évade de la masse en me chamarrant la couenne.

    Je saurai vous mettre à l’aise sans souci et sans complexe ;
    Je ne porte aucune arme, c’est là que réside le charme.
    Laissez-moi donc vous séduire par la valeur de mon sexe ;
    Allongez-vous sur mes vers et ne versez pas de larme.

    Pendant que je vous déshabille, fermez les yeux en confiance.
    En ôtant votre corsage, respirez bien en détente.
    Tandis que glisse la jupe, ouvrez la bouche sans méfiance.
    Quand j’enlèverai la culotte, souffrez qu’un geste me tente.

    Après avoir fait l’amour plusieurs fois dans la journée,
    Quand je vous aurai séduite et convertie à mes rites,
    Vous prêcherez ma parole, nue durant votre tournée,
    Tout en montrant votre corps et ses appâts émérites.

    Je vous écrirai mes vers, le phallus dans votre bouche ;
    Je vous chanterai mes rimes en vous caressant les seins ;
    Vous m’inspirerez souvent pénétrée sur votre couche ;
    Vous brûlerez mes vaisseaux en créant de beaux desseins.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les chaleurs de juin

    Les chaleurs de juin

    Surgissant de ses rêves oints de pensées obscures,
    Éclairée par un cœur ténébreux, ombrageux,
    Ses yeux ne sont que masques voilant la sinécure
    D’une vie clairsemée aux amants outrageux.

    Si son cœur se perçoit faiblement sur ses lèvres,
    C’est qu’il a des secrets qu’il voudrait murmurer.
    Quand sa bouche s’entrouvre sur un sourire mièvre
    C’est qu’il pleure sa peine d’habiter emmuré.

    Moi qui l’ai rencontrée, j’ai vu sa carapace ;
    Mais la triste coquille était fine à percer.
    Sous ses austères traits, elle était dans l’impasse ;
    Alors qu’il suffisait pourtant de la bercer.

    Pour allumer la flamme d’une femme morose,
    Il suffit de frotter ses seins étincelants.
    Comme pierre-silex qui fait bouton de rose
    Et embrase le feu du creuset ruisselant.

    De ce visage obscur, j’ai tiré la lumière
    De son sexe maussade, j’ai perçu le plaisir.
    Mais je n’y suis pour rien ; c’était sous la poussière
    Qu’il suffisait d’ôter laissant l’amour saisir.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les quais de mai

    Les quais de mai

    C’est au 20, rue du quai que ma mémoire sombre
    Dans les plis des ruelles profondes qui s’enracinent
    Aux souvenirs intimes tapis dans la pénombre
    Qu’on extrait par lambeaux d’une peine assassine.

    Les amours du passé deviennent immobiles,
    Durcies par la résine du temps qui cristallise.
    Ni mortes, ni vivantes, sans raison, sans mobile
    Qui était le cœur fort qui portait les valises.

    Tous les plaisirs d’amour se jettent dans la mer
    Comme la pluie qui tombe sur la terre trop sèche.
    Ils n’ont rien abreuvé de leurs sources amères
    Et retournent intacts tous les fruits de leur pêche.

    Les amours emmurées sont les plus difficiles,
    Ils n’ont aucun écho et sont nature morte.
    Les albums de photos redeviennent fossiles
    Quand ils sont immergés au midi de la porte.

    Si les amours d’antan se perdent dans l’oubli,
    C’est que le temps se pose, dépose et redépose
    Des couches d’illusions plus ou moins anoblies
    Qui font fleurir l’amour d’humus de ménopause.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • D’avril et d’eau morte

    D’avril et d’eau morte

    Elle a caché son amant dans le placard de ses rêves,
    Esquissant une beauté comme d’une contenance.
    Elle est divisée en deux d’une querelle sans trêve,
    Entre amante et soupirante ou femme par alternance.

    L’amant furtif joue le jeu d’un butineur de fleurettes.
    C’est un jardinier heureux qui va où le vent le porte.
    L’amante est sur le qui-vive, d’éternelles amourettes
    Consommées sur le tapis, n’importe où en quelque sorte.

    Si elle essaie d’échapper à l’emprise masculine,
    Le lascar va menacer de changer de crèmerie.
    Si elle essaie d’attirer toute son adrénaline,
    C’est lui qui baisse le feu, d’hypocrite mômerie.

    Elle se plie à ses jeux, s’humilie comme une bête,
    Offrant tous ses orifices à son plaisir égoïste.
    Lui, pour la récompenser, lui parlera des courbettes
    Que fait sa femme au foyer comme tout bon altruiste.

    S’il l’emmène en vacances, c’est pour faire bonne mesure
    Lorsqu’il part en séminaire ou devant sa clientèle.
    Il s’en sert comme jouet, et cela sans démesure
    Mais pour pouvoir le quitter, faudra faire dans la dentelle !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vénus et Mars en bateau

    Vénus et Mars en bateau

    Maman, les petits bateaux qui naviguent par deux,
    Ne sont-ils faits que de bois ou sont-ils amoureux ?
    Et quand ils se rapprochent d’un air galvaudeux,
    Est-ce pour accoucher d’un amour langoureux ?

    J’en ai vu, ce matin, deux petites chaloupes,
    À peine accastillées dans leurs premières voiles.
    Je les imaginais venant de Guadeloupe
    Débordant de soleil aux poussières d’étoiles.

    Ils se sont échappés loin de leur bateau-mère,
    Louvoyant les récifs et les côtes amères.
    Puis, dans le lagon bleu, ténébreux, outremer,
    Ils se sont embrassés bercés par leurs chimères.

    Je vous l’avoue, maman, les bateaux ont un sexe !
    Mars avait un grand mât, que dis-je, un braquemât !
    Vénus avait la poupe légèrement circonflexe
    Et le mât dans la poupe a grimpé l’audimat !

    Pipe en bois ou brouette, levrette ou missionnaire,
    Ils ont fait de tout bois chaque pose amoureuse.
    Ça grinçait par moment, c’est extraordinaire !
    J’ai appris que la mer était avant coureuse.

    Vous dirais-je, maman, ce qui fit mon tourment ?
    Ce n’est pas de connaître enfin la libido
    De ces petits bateaux à l’appétit gourmand,
    Mais de n’avoir pas su être aussi rapido !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Janvier primevère

    Janvier primevère

    Lorsque pleurent les marasmes dans les hivers de l’histoire,
    Dans la grisaille des villes, je recherche la lumière.
    J’ouvre mon cœur aux fantasmes, les plus éjaculatoires,
    Qui ébranlent les murailles et tous ces murs de poussières.

    Entre les pierres des murs, j’ai trouvé cette rosette ;
    Je lui ai sucé le cœur, l’ai arrosé de mon sperme.
    Tout en l’entendant gémir, j’ai mordillé sa noisette
    Enfouie en profondeur des ourlets de l’épiderme.

    C’est alors qu’elle a poussé et ses soupirs et ses branches
    Pour recueillir dans le vent la réponse à ses caprices.
    J’ai continué patiemment, avec sexualité franche,
    Quarante jours, quarante nuits, la culture séductrice.

    Elle en a mouillé les draps recouvrant les fondations
    Des murs odieux qui enferment ma liberté de vision.
    En versant l’eau au verso allant à l’inondation
    Jusqu’à péter les murets et les portails des prisons.

    En unissant les boutons de toutes ces roses à foison ;
    En reliant les mamelons de ces fleurs, juste nubiles ;
    En éjaculant sans cesse dans les plis de leur toison ;
    J’ai recouvré le printemps et retrouvé ma Sybille.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Baiser-février

    Baiser-février

    Pour mieux te caresser, j’ôterai ta culotte,
    Caresserai le fruit guidé par le désir.
    Et quand tu jouiras, j’entendrai la hulotte
    Répondre à nos amours par son cri de plaisir.

    Je poserai mes lèvres sur tes lèvres humides
    En glissant doucement mon organe fiévreux.
    Je tèterai goulûment, à ta bouche timide,
    Ta langue gémissante à l’arôme amoureux.

    Je soutiendrai ta tête comme un petit bébé
    Que je prendrais au bras pour lui donner le sein.
    Répétant sur ta nuque des massages adoubés
    Qui te feront chanter au son du clavecin.

    Pour tes seins arrondis, je n’ai cesse d’acter
    D’en pincer le bout rond de chaque mamelon.
    Et d’aspirer du doigt le liquide lacté
    Qui nourrira l’amour de miel et de melon.

    D’abord juste à l’entrée du temple d’agrément,
    J’en baiserai les lèvres cachant le clitoris.
    Et puis profondément j’hisserai mon gréement
    Et déploierai les voiles sur la mère orifice.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les flèches immobiles

    Les flèches immobiles

    Flèches augustes et fières, taillées de précision,
    Vous indiquez midi dans le temps suspendu.
    Le présent est figé comme d’une incision
    Dans l’univers réel aux cordes des pendus.

    Ces horloges insidieuses me semblent trop parfaites
    Et leurs clochers ne savent rien faire que donner l’heure ;
    Aux quatre coins du monde, leurs images surfaites
    Paraissent briller d’or mais ne sont que des leurres.

    Mais si la perfection est montrée au pendule,
    Nul ne la trouvera, ni midi à sa porte.
    Dans la tour de Babel, les langues incrédules
    Sont brouillées à jamais et le chaos l’emporte.

    Les cloches régulières veulent rythmer la vie
    Que les saisons n’ont su imposer dans ce monde.
    Les carillons d’antan, répétés à l’envi,
    Ne sont que des chimères et des repères immondes.

    Mais la vie elle-même n’est pas une mécanique.
    Elle est faite d’amour et respire la confiance.
    Ce monde trop parfait ne transmet que panique
    Et la mort endormie en fait son alliance.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La bulle du silence

    La bulle du silence

    Pavillon isolé mais riche de lumières,
    Mon petit atelier, ma bulle souveraine
    Plantée dans les couleurs diluées des poussières
    Transcrites dans le vent par le chant des sirènes.

    Mais c’est surtout la nuit lorsque le temps s’arrête
    Que mon corps devient corde et que mon cœur résonne.
    Il vibre par le chant des femmes en queue d’arête
    Qui m’ensorcelle l’âme et l’esprit déraisonne.

    Je me mets à bouger comme une marionnette,
    Animée par des fils conduits par des sorcières.
    Je fais fuir les épouses et les maris honnêtes
    Qui me croient l’esprit sot et l’âme souricière.

    Mais c’est là que j’écris mes rimes aujourd’hui
    Quand j’écoute le vent qui murmure à l’oreille.
    Les fumées alentour vous montrent où me conduit
    Le doux chant du zéphyr à nul autre pareil.

    On me dit égoïste chargé d’ingratitude,
    Mais si j’ai fuis le monde c’est pour mieux le comprendre
    Dans la nature alpine et dans ma solitude ;
    Et mon cœur est en paix d’avoir à vous l’apprendre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Kirovakan, je me souviens

    Kirovakan, je me souviens

    Je me souviens à présent, après ces années de fuite,
    De ma jeunesse perdue sur les bords du lac Sevan
    Quand je courais l’aventure et les filles à ma poursuite
    Dans les ruelles étroites de ma chère Kirovakan.

    J’ai parcouru des régions, j’ai traversé des frontières ;
    Dans une main, ma valise ; dans l’autre main, ma promise.
    J’ai emmené mes enfants pour une ville côtière
    Sur la Méditerranée avec juste une chemise.

    Le soir entre chien et loup, je vais arpenter la grève
    Et je lève mon regard fixé sur la Bonne-Mère.
    Le soleil saigne la mer sous le vent soufflant sans trêve
    Et dessine dans le ciel le visage de ma mère.

    Et je la vois accouchant dans un murmure de silence
    Tandis que je vagabonde de son sein vers l’autre monde.
    Et quand s’ouvre le passage comme une sourde violence,
    J’abandonne mon caveau, loin des souvenirs immondes.

    Je renais sur cette Terre, accueilli par des caresses ;
    Je renais dans cette ville avec mes sœurs et mes frères.
    Pour remercier mon Dieu de l’amour et la tendresse
    Je vous offre ma cuisine et mon cœur pour vous distraire.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Morte saison

    Morte saison

    Aujourd’hui tout est gris, je n’ai pas de couleurs.
    La nature est en deuil et le temps est en pleurs.
    Le tonnerre a brisé à grands coups de canons
    Le silence de peine sur tous les cabanons.

    Le brouillard me dilue les lumières perdues,
    Étouffant sous son aile en pesant son étoffe.
    La froidure m’engourdit après m’avoir mordu
    Et je sens son venin dans mes vers et mes strophes.

    Dans mon bunker d’hiver j’entends sourdre le vent
    Qui s’allie à la neige effaçant toute trace.
    Comme ce pugilat entre les morts-vivants
    Et les derniers fidèles sous la gelée vorace.

    Même le temps trahit le soleil invisible ;
    Il raccourcit les jours et allonge les nuits.
    La frange de lumière devient presque illisible
    Et les ombres accordent le baiser de minuit.

    Mais les étoiles brillent et continuent leur course
    À travers le zodiaque au-delà des nuages.
    Sous la monotonie du manque de ressource,
    Je brûle mes chimères au cœur d’écobuage.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les portes invisibles

    Les portes invisibles

    Regardons au-delà de nos peurs et nos peines.
    N’embourbons pas nos yeux dans l’humus pourrissant.
    Les arbres ne sont pas des serrures ou des pennes,
    Mais peuvent nous ouvrir vers des lieux nourrissants.

    Laissons-les s’écarter et montrer notre route.
    Laissons-les nous montrer qu’il n’y a pas de frontière.
    S’ils relient le soleil à la terre, sans doute,
    Ils seront les passeurs vers une autre matière.

    Quand nous sommes en forêt cernés par leur présence,
    Nous savons qu’ils ne sont ni gardiens ni limites.
    Ce ne sont que des portes exemptes de malfaisance
    Qui permettent d’oser de partir en ermite.

    Pour moi, ils ont ouvert le passage du choix ;
    Dévoilant l’horizon caché sous la barrière.
    Inexorablement, jusqu’à ce que je choie
    Dans une initiation pour une autre carrière.

    Il n’y a d’illusion que pour les non-voyants ;
    Ceux qui s’arrêtent au mur, écrasés sous leurs charges.
    Mais il faut invoquer son ange prévoyant,
    Courir vers le bateau qui nous emmène au large.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Ce balancier troublant

    Ce balancier troublant

    Ce bateau solitaire coincé sur la planète,
    Entre des eaux timides et des vents courroucés,
    Semble avoir lâché l’ancre et rompu sa chaînette ;
    La coque entre deux ondes et le mât débroussé.

    Est-ce l’évolution qui dirige sa barre ?
    Est-ce un dieu tout puissant qui tient son gouvernail ?
    Je ne vois sur le pont qu’un homme un peu barbare
    Dans les bras d’une femme en couple de tenailles.

    Ils recherchent une terre, ils recherchent le feu.
    C’est le sel de la vie, l’énergie capillaire.
    Dans l’équilibre hostile d’un subtil couvre-feu,
    Menacés des abysses et des plus lourds que l’air.

    Cette odieuse balance qui oscille en silence
    Entre quatre éléments unis, hétérogènes,
    Va comme une machine que bat avec violence
    L’humanité perdue pour préserver ses gènes.

    L’homme n’est que de l’eau dans un bocal en verre.
    Il retourne à la terre, ses pieds sont ses racines.
    Son esprit brasse l’air qui souffle son calvaire.
    Son cœur n’est que du feu que son âme calcine.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Méprisante Aphrodite

    Méprisante Aphrodite

    Qui te rend si hardie de montrer tes appâts,
    Toi, à peine nubile et déjà débauchée ?
    Où donc est ta pudeur apprise chez papa,
    Quand tu cachais tes seins, juste à peine ébauchés ?

    Les deux mains sur les hanches et le sexe en valeur,
    Le regard éperdu, juste un poil apeuré,
    Tu as l’air résignée, pas trop femme en chaleur,
    Les seins un peu figés, le pubis effleuré.

    Qui est ce que tu méprises ? Est-ce toi, est-ce moi ?
    Est-ce de la pitié que je vois dans tes yeux
    Qui te trouble la bouche et trahit ton émoi,
    Mais permet toutefois cet esprit audacieux ?

    Quand tu m’as fait l’amour tu étais partie ailleurs ;
    Ton corps mis au grand jour mais ton cœur dans la nuit
    Dans les pensées secrètes et l’orgueil chamailleur
    D’une fille hautaine et perdue dans l’ennui.

    À cet air méprisant d’un juge accusateur,
    Je sais bien que je n’aurai jamais plus d’autre accès
    Quand j’aurai fuis ton lit démoralisateur
    Loin d’un cœur rabat-joie sans manque et sans excès.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’eau de l’hiver

    L’eau de l’hiver

    L’eau du lac est immobile, frappée par un sortilège
    Par la magie de l’hiver et tous ses soldats de glace.
    Les montagnes disparaissent sous mille couches de neige ;
    La nature s’est arrêtée et je ne tiens pas en place.

    L’eau du lac est silencieuse, les ruisseaux ne chantent plus.
    Les eaux sombres monotones semblent sortir de la tombe.
    Les montagnes s’assombrissent, les sommets sont crépelus ;
    La nature est trop humide et mes souvenirs retombent.

    L’eau stagnante des chemins reflète trop de nuages
    Et mes chaussures s’embourbent dans la gadoue des chemins.
    Les montagnes font barrage comme fond de maquillage ;
    La nature est hermétique et je vis sans lendemain.

    L’eau des torrents dégringole dans le calme des rigoles,
    Les pierres ont hiberné sous les feuilles amassées.
    Les montagnes en clair-obscur découragent les cagoles ;
    La nature est endormie et mon cœur est grimacé.

    L’eau se transforme en flocon, blanchit les toits des maisons
    Dans le silence de la nuit qui se referme sereine.
    Les montagnes sont effacées attendant la floraison ;
    La nature est en hiver et mon âme est souterraine.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Folle nature, folle humanité

    Folle nature, folle humanité

    Quand je lève les yeux là devant ma fenêtre,
    J’aperçois les montagnes au fond de la vallée.
    Comme un bateau flottant sur tous les paramètres
    Qui rythment les vivants sur un triste chevalet.

    Je les vois arpenter une vie de misère,
    Transportant leurs objets achetés dans l’effort.
    Ils rentrent dans leurs maisons, foyers indivisaires,
    Et repartent encombrés de déchets d’inconfort.

    Les montagnes immobiles n’ont que faire des fourmis
    Qui grouillent dans la vallée en quête de nourriture.
    Les sommets enneigés demeurent endormis
    Tandis que les cigales meurent en déconfiture.

    Mais les nuages passent lorsque souffle le vent ;
    Parfois lâchant la pluie et de terribles orages.
    Les fourmis les maudissent, ces démons aggravant.
    Qu’ont-ils fait au Bon Dieu pour recueillir sa rage ?

    C’est ainsi ; la nature a ses règles divines ;
    Elle n’a pas à juger ses rouages intimes.
    Mais les rampants regimbent dans leur âme chauvine
    Et voudraient y graver une logique légitime.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le prisonnier du village

    Le prisonnier du village

    Prisonnier de la vie, enfermé au village,
    Coincé entre la mer et de hautes montagnes,
    Je n’entrerai jamais dans vos enfantillages
    Qui trahissent l’esprit de la Grande-Bretagne.

    J’avais démissionné d’une vie outragée
    Qui ne convenait plus aux élans de mon cœur.
    Vous m’avez capturé pour m’en décourager
    Et je vous maudirai de toute ma rancœur.

    Vous voulez m’extorquer tant de renseignements
    Que je n’aurai de cesse d’échapper à vos peurs.
    Vous m’avez oppressé de tant de saignements
    Que je vous détruirai dans un geste stoppeur.

    Malgré vos tentatives et vos tristes expériences,
    Je vous échapperai, vous n’aurez pas mon âme.
    Malgré vos fourberies en multi variance
    Et vos humiliations qui ternissent ma flamme.

    Vous n’avez de visage que des faux numéros,
    Vos maîtres sont cachés et n’ont pas d’existence !
    Je vous renverserai et serai le héros
    Qui vous gouvernera de toute ma résistance.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les fleurs d’expérience

    Les fleurs d’expérience

    J’ai trouvé ce matin quelques graines à planter
    Oubliées dans un sac pas même étiqueté.
    Sur un peu de coton pour expérimenter,
    Posé sur ma fenêtre aux carreaux piquetés.

    Puis la lune a veillé dans sa robe d’argent,
    Trois rayons de soleil timidement à l’aube
    Ont chauffé l’écuelle en faisceaux divergents,
    Troublés par les fêlures, et nourri l’épilobe.

    Quatre petites feuilles sorties au crépuscule
    Ont percé dans la nuit, avides d’aventures.
    Quatre petites phrases, là sur mon opuscule
    Ont tracé quelques lignes, là sur la devanture.

    Hier matin quatre fleurs ont souri à l’aurore ;
    J’ai planté dans un pot mon jardin insolite.
    Trois papillons timides voletaient là-dehors ;
    L’un d’eux a fait l’école avec ses acolytes.

    Je suivrai ta lignée, famille Épilobium !
    J’apprendrai tes racines et parlerai ton langage !
    La lune est ton essence, le soleil ton opium
    Qui droguent un jardinier par effet de tangage.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Des filets d’ânes

    Des filets d’ânes

    Où sont passés vos trésors, mes pauvres aventuriers,
    Vous qui étiez gorgés d’or et de précieux fruits d’argent ?
    Qu’est devenu le butin dont vos coffres roturiers
    Regorgeaient dès la marée dans le matin émergeant ?

    Tous à moitié desséchés par la morsure de la mer,
    Encore gorgés des eaux et d’écumes orageuses,
    Las, échoués sur la plage, remplis de larmes amères,
    Vos bras ne renferment plus que des pensées ravageuses.

    Mais que reste-t-il encore de vos fiers exploits marins ?
    Qu’est-elle donc devenue votre pêche miraculeuse ?
    Vous étiez les contenants, vous serez les tartarins
    Qui raconteront leur chasse à la toison fabuleuse.

    On vous a raccommodés, vous repartirez bientôt ;
    On a resserré vos liens et remplacé vos flotteurs,
    Vidé tous vos souvenirs, effacé vos mémentos,
    Vous êtes prêts à refaire l’histoire à compte d’auteur.

    Demain vous embarquerez à nouveau pour la marée.
    Demain vous amasserez de nouvelles exigences.
    Demain vous vous chargerez de fruits de mer chamarrés.
    Mais charge de connaissances ne fait pas l’intelligence.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fille qui passait

    La fille qui passait

    Je me souviens encore de la fille qui passait
    Tandis que je rêvais à d’autres aventures.
    Je rentrais à l’école, timide et j’angoissais ;
    Elle, ses pas résonnaient dans mes déconfitures.

    Je me souviens toujours de la fille en vacances
    Tandis que mes parents m’emportaient vers les plages.
    Je suivais nostalgique, taisant mon éloquence ;
    Elle, ses rires remplissaient mes tristes découplages.

    Je me souviens parfois de la fille entourée
    De tant de prétendants fors mon épée rouillée.
    Les joutes interminables et mon cœur qui courrait
    Frapper à tous les vents aux portes verrouillées.

    Je me souviens un peu de celle aux cheveux roux,
    Comme une femme enfant qui trompait ma boussole.
    J’avais souvent failli la suivre avec courroux
    Comme si je devais quitter ma camisole.

    Je ne me souviens plus de la fille filante
    Qui traversait le ciel comme fait la comète.
    Un beau jour, moi aussi, j’ai eu l’âme volante
    Et j’ai quitté la terre pour une autre planète.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La corne d’abondance aux poires – 2

    La corne d'abondance aux poires - 2

    Prince de l’abondance et de la bonne chère,
    Tu as su nous flatter dignement dans nos palais ;
    Tu nous as grand-ouvert toutes les portes cochères
    Qui nous mènent à ta table et les mets népalais.

    Ton restaurant respire cette douce harmonie
    Que tu as ramenée par les vents de l’orient ;
    Là où la mer est noire au fond de l’Arménie
    En compagnie des tiens, riants et souriants.

    Tu es le magicien des aliments augustes ;
    Toutes tes inventions clament ton savoir-faire ;
    Tu es le virtuose et ton regard est juste ;
    Tu n’as d’autre désir que de nous satisfaire.

    La corne d’abondance que tu mets sur la table
    Est remplie de ton cœur et de tout son amour ;
    Chaque plat a son nom plus ou moins acceptable
    Mais ça nous fait rêver toujours avec humour.

    Les fruits de ton travail exhalent des fragrances
    Agréables à nos sens et à notre appétence ;
    Les soirées au resto sont comme des vacances
    Et nous y reviendrons en toutes circonstances.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’ange des croisées

    L’ange des croisées

    Ange des infinis, sentinelle éternelle,
    Tu gardes le portail du passage des vies ;
    Fidèle à la croisée communicationnelle,
    Ce carrefour sacré, ce divin pont-levis.

    Tu surveilles la voie privée de l’inconscience ;
    Cette route assombrie perdue dans la poussière ;
    Conjointement tu veilles l’allée de la conscience ;
    Ce chemin lumineux noyé dans la lumière.

    Parfois tu déverrouilles les portes de nos âmes ;
    Tu nous permets de revenir à la maison
    Pour un enseignement qui devient le sésame
    Qui nous donne l’accès à une autre raison.

    La nuit quand tu allumes la lampe du sommeil,
    Tu nous fais lâcher prise à la réalité
    Et tu dégages alors l’écluse du soleil
    Qui répand dans nos corps ta prodigalité.

    Quand nous serons devant l’ultime croisement,
    Que nous devrons quitter la terre de nos parents,
    C’est toi qui guideras nos pas courtoisement
    Jusqu’à ce que notre être devienne transparent.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’ange magnanime

    L’ange magnanime

    Ange de compassion et de miséricorde,
    Tu relies nos destins tout au long de nos vies ;
    Tu gardes les trésors sans aucune discorde ;
    Tu conduis notre rôle et en fais le suivi.

    Tu nous souffles à l’oreille ce que nous devons dire,
    Tu nous insuffles en rêve nos plus belles visions ;
    Tu es notre conseil sans jamais contredire
    Ce que nous érigeons avec imprévision.

    Tu prépares la route, tu déblaies les obstacles,
    Tu nous préviens sitôt que sonne le danger ;
    Et quand nous trébuchons dans un triste spectacle,
    Tu calmes nos douleurs et nous donnes à manger.

    Quand nous nous égarons, ta voix se fait plus forte ;
    Elle résonne en notre être émergeant du néant,
    D’un timbre n’admettant rien d’autre qui importe
    Pour notre évolution, chasser le fainéant.

    Et petit à petit tu nous lâches la main ;
    Nous étions apprentis, tu nous as fait experts ;
    Tu nous as diplômés après mûr examen ;
    Tu nous as élevés au rang de notre Père.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La main solitaire

    La main solitaire

    Petite main, comme un appel
    D’un voyageur en solitaire.
    Petite main, comme un rappel
    D’un voyage autour de la Terre.

    Tu t’accroches fort à mon doigt
    Comme l’oiseau sur une branche.
    Tu t’agrippes fort comme il se doit
    D’un cœur vaillant, d’une âme franche.

    Petite main quand tu m’appelles
    Je te protège comme un cador,
    Petite main qui me rappelle
    Lorsque j’étais conquistador.

    Aujourd’hui c’est moi qui te tiens,
    Qui te nourris, qui te maintiens.
    Demain c’est toi qui me soutiens,
    Qui me réchauffe et m’entretiens.

    Petite main, je te perçois
    Animée par un souffle d’ange.
    Petite main, je te reçois,
    Je t’offre mon cœur en échange.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le Bouddha nostalgique

    Le Bouddha nostalgique

    Bouddha, tu ne sembles pas commode !
    Bouddha, tu parais nostalgique !
    Bouddha, tu es d’un autre mode !
    Bouddha, tu n’as rien de magique !

    Je sais par où tu es passé ;
    Jadis, je t’ai accompagné.
    Je sais par où tu fus blessé ;
    Jadis, je t’ai un peu soigné.

    Bouddha, toi et moi, il y a longtemps ;
    C’était il y a un autre temps.
    Bouddha, nous étions mécontents
    Quand nous avions des contretemps.

    Je crois qu’on s’est perdu de vue
    Entre un départ et un retour.
    Je crois, je ne m’en souviens plus ;
    J’ai trop d’années au compte-tours.

    Bouddha, c’est moi qui ai oublié !
    Bouddha, c’est moi qui n’écoute pas !
    Bouddha, retourne mon sablier !
    Bouddha, partage mon repas.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cheval de cirque

    Le cheval de cirque

    L’air ridicule et boute-en-train,
    Bougeant son cul avec entrain,
    Contrairement à son cousin,
    Jamais n’a été argousin.

    Loin de la guerre et des conquêtes,
    Fuyant les règles et l’étiquette,
    Il s’en fut cheval saltimbanque
    Loin des soucis des comptes en banque.

    Vous le verrez souvent jongler
    Les soirs d’hiver, malgré l’onglée,
    Perché comme une libellule
    Sur un fil tel un funambule.

    Il n’est pas mathématicien,
    Mais avec l’oncle Félicien,
    Il sait compter jusqu’à six cents,
    Frappant le sol en hennissant.

    Il est bien connu des angliches
    Avec son poulain, sa pouliche.
    Il a juste un petit défaut :
    Quand il calcule, souvent c’est faux.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cerf aux abois

    Le cerf aux abois

    Il n’a pas reçu la flèche qui devait frapper son flanc.
    C’est un saint homme, un ermite, qui a fait un bouclier
    En posant sa main légère mais d’un amour si gonflant
    Que le chasseur n’a pu faire que son trophée oublier.

    C’était près de la fontaine, au bout du chemin de terre,
    Bien au-delà de la ville, là où marchent les bergers.
    Parmi les champs de lavande des riches propriétaires
    Et les jardins potagers, les vignes et les vergers.

    Elle a traversé sa main, la flèche de la violence ;
    Elle a marqué du destin une ligne sur sa paume ;
    Elle a signé d’un arrêt, sans aucune ambivalence
    La grâce de l’animal accroupi parmi les pommes.

    L’ermite a donné son nom et ses armes à la ville.
    L’anachorète oublié est maintenant renommé.
    La légende est établie sur le blason de Saint-Gilles
    Mais la biche a remplacé le cerf ainsi dénommé.

    Je suis né dans ce pays pas très loin de la fontaine
    Et souvent les soirs d’été j’allais suivre les étoiles
    Qui m’emmenaient vers les lieux dont j’étais le capitaine
    Qui défendait le vieux cerf et le fixait sur la toile.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cheval mathématique

    Le cheval mathématique

    Il part des ordonnées et parcourt les abscisses,
    Il saute les affixes et plonge dans les abysses.
    Il trotte avec emphase en suivant l’hyperbole
    De sa course au soleil, céleste parabole.

    Tantôt cheval de Troie, il sait se mettre en quatre
    Et promener les saints assis sur son coccyx.
    On l’appelle Pégase, l’ami de Cléopâtre,
    Pythagore l’a monté en dictant ses praxis.

    Il galope souvent suivant l’hypoténuse
    Dans les champs en triangles presqu’équilatéraux.
    Quand il tourne en rond, ne croyez pas qu’il s’amuse,
    Il fait la quadrature des coins collatéraux.

    Quand il court sur la plage à la marée montante,
    C’est pour en mesurer la vitesse du flux.
    Quand il nage en sueur en marée descendante,
    C’est pour en calculer la puissance en reflux.

    C’est le bel étalon qui garantit votre or.
    C’est le beau géniteur qui fait le pédigrée.
    Le poulain de l’école se lève dès l’aurore
    Pour démontrer son art et s’auto-dénigrer.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le guerrier chinois

    Le guerrier chinois

    Il est bien arrogant, la main sur son épée,
    Comme un dieu belliqueux, agacé, courroucé.
    À son front de melon aux cheveux écépés,
    Il a gravé sa mort sur son âme détroussée.

    Comme un leurre émérite, une illusion subtile,
    Son visage crispé n’est qu’un masque de guerre.
    Sa main sur le pommeau vive comme un reptile
    Menace l’ennemi qu’il a connu naguère.

    L’autre main nous dit « non », il n’y a pas de méprise.
    Il garde les secrets debout devant la porte.
    Au péril de sa vie, la bravade est comprise
    Et s’il meurt au combat que le diable l’emporte.

    Pauvre polichinelle au devoir ridicule !
    Personne ne lui a dit que la guerre est finie.
    Il hante les couloirs de l’aube au crépuscule,
    Fidèle à sa fonction telle qu’elle est définie.

    Gardien intemporel, sentinelle éternelle,
    Tu n’as point de repos ni ne baisse ton glaive.
    Qui saura t’avertir, de façon solennelle,
    Que tu peux t’en aller sans attendre la relève ?

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les trois anges du nouvel an

    Les trois anges du nouvel an

    C’est l’ange de l’amour qui sonne la relève :
    « Debout ! Debout les cœurs ! Soyez prêts à aimer !
    Car, pour recommencer et que la pâte lève,
    Il faut mettre du sien et l’amour essaimer ! »

    Et l’ange de l’hygiène clame fort sur les plaines :
    « Sortez de vos cocons, aérez vos esprits !
    Allez à la rencontre des fraternités pleines !
    Commencez aujourd’hui et vous serez surpris ! »

    Si l’ange de l’abondance fait sonner sa trompette
    C’est pour mieux vous montrer la bonne destinée :
    « Voyez votre fortune sans esprit de compète
    Et l’année sera vôtre, heureuse et satinée. »

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le guitariste de ma jeunesse

    Le guitariste de ma jeunesse

    Prince des musiciens et de la gaudriole,
    Tu as su nous charmer de tes refrains coquins,
    Tandis que j’avais l’âge de faire des cabrioles
    Et ne comprenais pas tous tes couplets faquins.

    Souvent je comprenais des phrases différentes,
    J’inventais des mots neufs quand c’était nécessaire ;
    Ça ne voulait rien dire et l’idée apparente
    S’éloignait du sujet comme la main du faussaire.

    Mais petit à petit, j’ai appris à ton rythme
    Des mots qui apportaient à mon vocabulaire
    Des vers en hyperboles, des rimes logarithmes,
    Un algèbre de lettres à mon abécédaire.

    Parfois j’entends un autre sens à tes paroles
    Et les mots se mélangent et les sons se raccordent
    Comme une orchestration d’éclats de casseroles
    Qui donne un nouvel arc qui s’ajoute à tes cordes.

    Je reconnais l’écho qui se glisse en coulisses,
    Qui apporte la vie dans le son des accords
    Et l’amour dans le chant qui se fait son complice
    Et qui touche mon cœur et l’âme en raccord.

    Lorsque tu es parti tu m’as légué tes rimes ;
    Un gorille enthousiaste pour les jours difficiles ;
    Un supplique émouvant pour les jours de déprime ;
    Une chanson grivoise pour les filles faciles.

    Tu m’as montré la voie, tu m’as laissé l’esquisse.
    La chenille n’est rien qu’un futur papillon
    Et le bourgeon attend que sa fleur s’épanouisse ;
    Puis le poète est né comme un frêle oisillon.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Nouvelles vagues

    Nouvelles vagues

    Avez-vous senti passer cette vague de chagrin ?
    Comme un épais chagrin bleu chargé de lourdes ténèbres ?
    Annonçant la fin du monde et ses exécrables grains
    Prédisant la solitude et ses afflictions funèbres ?

    Il m’a rongé trop de nuits, des nuits toujours sans sommeil ;
    Il m’a si écartelé que mon corps en est gravé.
    J’ai vu passer les saisons, j’ai vu les jours sans soleil ;
    J’y ai perdu la raison en vertiges aggravés.

    C’est la vague bleue qui passe, qui balaie toute l’audace ;
    C’est un tsunami de peine qui emporte l’inutile.
    Et ces constructions humaines ne sont plus que des carcasses,
    Des échos de vanités et de réflexions futiles.

    Mais la vague n’a pas d’âme et sa sagesse est bien folle ;
    Elle n’a de compte à rendre ni de raison à fournir.
    Peut-être que si les hommes arrêtaient leurs fariboles
    Et cessaient d’ancrer leurs lois, ils cesseraient d’agonir.

    J’ai laissé tout s’envoler dans le déluge de glace ;
    Je n’ai voulu retenir ni passé ni expérience ;
    Je me suis retrouvé nu, laissé sans aucune classe ;
    Prêt à accueillir l’écho de la divine invariance.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La porte des mémoires oubliées

    La porte des mémoires oubliées

    Je parcours le labyrinthe de mes rêves et mes mémoires.
    Parfois une porte s’ouvre sur un chemin qui s’enfonce ;
    Le passage est assez clair mais au fond les enfumoirs
    Assombrissent le dédale de ces rues qui se défoncent.

    Venez, tenez-moi la main, empruntons cette ruelle !
    Au début les souvenirs peignent les façades en clair,
    Mais, au fur et à mesure, la facture devient cruelle
    Et la mémoire se perd à la vitesse de l’éclair.

    Quelquefois le chemin croise celui d’un autre souvenir ;
    Quand on remonte l’enfance bien avant l’adolescence ;
    Les émotions familiales s’entrecroisent à devenir
    Une toile hypnotique aux multiples arborescences.

    Souvent dans ces perspectives surgit une ou deux personnes ;
    Personnages de valeurs ou pantins de mes défauts.
    Ni l’un ni l’autre n’est dupe d’être l’âme polissonne
    Qui me guide dans la vie et m’entraîne à l’échafaud.

    Dans l’arène de ma tête, mille portes sont ouvertes ;
    Elles s’ouvrent sur des voies qui changent de dimensions.
    Je m’y perds et m’y retrouve comme sur la piste verte
    Qui me relie au divin et crée toutes mes intentions.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les ruelles floues

    Les ruelles floues

    Les ruelles se perdent dans la fin de l’année,
    Les ruelles se tordent dans une éternité,
    Les ruelles s’effacent dans cet instantané,
    Les ruelles me mentent dans ma paternité.

    La maison familiale a perdu son attrait ;
    Les rires se sont tus dans un silence vague.
    Les larmes ont lavé les souvenirs abstraits ;
    Les parents se dispersent et les enfants divaguent.

    Le café des amis ne chante plus le soir ;
    On ne sait que réchauffer toujours la même soupe.
    Les marginaux d’antan se disent à peine bonsoir
    Et la jeunesse est vieille et s’englue dans les groupes.

    Mon village s’en va et perd de sa substance ;
    Tous les murs se lézardent et puis tombent en ruines.
    Déjà je n’en vois plus la moindre consistance
    Et les toits des maisons laissent passer la bruine.

    Mais je connais la fée qui pourrait transformer
    La grisaille en couleur et le flou en solide.
    Puisse-t-elle m’aimer à savoir performer
    Un village de vie agréable et valide !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fille de Lune

    La fille de Lune

    La fille de Lune est à sa fenêtre ;
    Juste un petit signe avant de disparaître ;
    Rien ne la retient, rien ne peut paraître ;
    Ni la capturer ni même la soumettre.

    La fille de Lune est un peu coquine
    Dans sa robe légère toute en popeline.
    On lui voit ses seins sous la moleskine ;
    Elle le fait exprès dans l’indiscipline.

    La fille de Lune est une arnaqueuse ;
    Elle sème l’amour à la remorqueuse.
    Avec ses amants, elle est très moqueuse ;
    Avec ses amours, elle est escroqueuse.

    La fille de Lune est bien capricieuse ;
    Sous ses nombreux masques elle est facétieuse.
    Elle joue des tours, elle est malicieuse ;
    Elle triche un peu, elle est disgracieuse.

    La fille de Lune a failli m’avoir.
    Je l’ai trop aimée, c’est mon désespoir.
    Elle m’a menti sans même le savoir.
    Je vais la tuer, c’est mon seul espoir.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le concerto à quatre mains

    Le concerto à quatre mains

    Regardez-moi dans les mains jusque dans le blanc des ongles !
    Accrochez-vous à mes pouces, ancrés aux monts de Vénus !
    Ne quittez pas le regard au bout de mes doigts qui jonglent !
    Oubliez tous vos soucis, dégagez bien vos sinus !

    Laissez-moi vous emporter dans un tourbillon magique !
    Laissez-moi vous entraîner dans mon chœur à quatre bras !
    Laissez-moi vous envoûter dans ma danse nostalgique !
    Laissez-moi vous embrasser dans mes abracadabras !

    Vos yeux se sont refermés sur la musique des songes.
    Vos oreilles sont scellées à l’arôme de mes rêves.
    Votre bouche s’est ouverte sur le velours des mensonges.
    Votre corps est agité dans le flux des couleurs brèves.

    Je vous ouvre le chemin, laissez-moi vous satisfaire.
    Je vous ôte ces habits qui retombent en poussière.
    Je vous ouvre le passage comme un puissant somnifère.
    Le voyage est sans retour ; vous en êtes bénéficiaire.

    Vous pouvez ouvrir les yeux, vous éveiller à présent.
    Le concerto est fini mais l’initiation commence.
    Vous avez été admis à l’amour omniprésent.
    Regardez, vous êtes nus et le plaisir est immense !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mon village en hiver

    Mon village en hiver

    La photo se déforme, le rêve se transforme,
    C’est l’hiver à présent qui succède à l’automne.
    Et les maisons blanchissent en oubliant leurs formes
    Sous les couches de givres de la gelée gloutonne.

    Les toits perdent leur rouge et s’embrument au soleil
    Mais le soleil n’est plus qu’une lueur blafarde.
    Et les habitations tombent en demi-sommeil
    Offrant pour seul témoin la fumée des bouffardes.

    Tous mes arbres sont nus et tremblent de leurs branches
    Seuls les oiseaux des champs les décorent de vie.
    La forêt est d’argent dans la saison qui tranche
    Et sépare l’année comme d’un pont-levis.

    Les sapins se préparent, car ils sont à la fête.
    Pour célébrer le roi qui revient en comète.
    Mais après les galas, resteront sur leur faîte
    Et rejoindront les autres comme bois d’allumettes.

    Les maisons disparaissent nappées dans le brouillard,
    Ma vision se limite et mon temps est compté.
    Bientôt tout le village sera sur le billard
    Et il m’entraînera dans les eaux du comté.

    Tableau de Fabienne Barbier