Catégorie : Les imagerimes

  • L’eau de l’hiver

    L’eau de l’hiver

    L’eau du lac est immobile, frappée par un sortilège
    Par la magie de l’hiver et tous ses soldats de glace.
    Les montagnes disparaissent sous mille couches de neige ;
    La nature s’est arrêtée et je ne tiens pas en place.

    L’eau du lac est silencieuse, les ruisseaux ne chantent plus.
    Les eaux sombres monotones semblent sortir de la tombe.
    Les montagnes s’assombrissent, les sommets sont crépelus ;
    La nature est trop humide et mes souvenirs retombent.

    L’eau stagnante des chemins reflète trop de nuages
    Et mes chaussures s’embourbent dans la gadoue des chemins.
    Les montagnes font barrage comme fond de maquillage ;
    La nature est hermétique et je vis sans lendemain.

    L’eau des torrents dégringole dans le calme des rigoles,
    Les pierres ont hiberné sous les feuilles amassées.
    Les montagnes en clair-obscur découragent les cagoles ;
    La nature est endormie et mon cœur est grimacé.

    L’eau se transforme en flocon, blanchit les toits des maisons
    Dans le silence de la nuit qui se referme sereine.
    Les montagnes sont effacées attendant la floraison ;
    La nature est en hiver et mon âme est souterraine.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Folle nature, folle humanité

    Folle nature, folle humanité

    Quand je lève les yeux là devant ma fenêtre,
    J’aperçois les montagnes au fond de la vallée.
    Comme un bateau flottant sur tous les paramètres
    Qui rythment les vivants sur un triste chevalet.

    Je les vois arpenter une vie de misère,
    Transportant leurs objets achetés dans l’effort.
    Ils rentrent dans leurs maisons, foyers indivisaires,
    Et repartent encombrés de déchets d’inconfort.

    Les montagnes immobiles n’ont que faire des fourmis
    Qui grouillent dans la vallée en quête de nourriture.
    Les sommets enneigés demeurent endormis
    Tandis que les cigales meurent en déconfiture.

    Mais les nuages passent lorsque souffle le vent ;
    Parfois lâchant la pluie et de terribles orages.
    Les fourmis les maudissent, ces démons aggravant.
    Qu’ont-ils fait au Bon Dieu pour recueillir sa rage ?

    C’est ainsi ; la nature a ses règles divines ;
    Elle n’a pas à juger ses rouages intimes.
    Mais les rampants regimbent dans leur âme chauvine
    Et voudraient y graver une logique légitime.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le prisonnier du village

    Le prisonnier du village

    Prisonnier de la vie, enfermé au village,
    Coincé entre la mer et de hautes montagnes,
    Je n’entrerai jamais dans vos enfantillages
    Qui trahissent l’esprit de la Grande-Bretagne.

    J’avais démissionné d’une vie outragée
    Qui ne convenait plus aux élans de mon cœur.
    Vous m’avez capturé pour m’en décourager
    Et je vous maudirai de toute ma rancœur.

    Vous voulez m’extorquer tant de renseignements
    Que je n’aurai de cesse d’échapper à vos peurs.
    Vous m’avez oppressé de tant de saignements
    Que je vous détruirai dans un geste stoppeur.

    Malgré vos tentatives et vos tristes expériences,
    Je vous échapperai, vous n’aurez pas mon âme.
    Malgré vos fourberies en multi variance
    Et vos humiliations qui ternissent ma flamme.

    Vous n’avez de visage que des faux numéros,
    Vos maîtres sont cachés et n’ont pas d’existence !
    Je vous renverserai et serai le héros
    Qui vous gouvernera de toute ma résistance.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les fleurs d’expérience

    Les fleurs d’expérience

    J’ai trouvé ce matin quelques graines à planter
    Oubliées dans un sac pas même étiqueté.
    Sur un peu de coton pour expérimenter,
    Posé sur ma fenêtre aux carreaux piquetés.

    Puis la lune a veillé dans sa robe d’argent,
    Trois rayons de soleil timidement à l’aube
    Ont chauffé l’écuelle en faisceaux divergents,
    Troublés par les fêlures, et nourri l’épilobe.

    Quatre petites feuilles sorties au crépuscule
    Ont percé dans la nuit, avides d’aventures.
    Quatre petites phrases, là sur mon opuscule
    Ont tracé quelques lignes, là sur la devanture.

    Hier matin quatre fleurs ont souri à l’aurore ;
    J’ai planté dans un pot mon jardin insolite.
    Trois papillons timides voletaient là-dehors ;
    L’un d’eux a fait l’école avec ses acolytes.

    Je suivrai ta lignée, famille Épilobium !
    J’apprendrai tes racines et parlerai ton langage !
    La lune est ton essence, le soleil ton opium
    Qui droguent un jardinier par effet de tangage.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Des filets d’ânes

    Des filets d’ânes

    Où sont passés vos trésors, mes pauvres aventuriers,
    Vous qui étiez gorgés d’or et de précieux fruits d’argent ?
    Qu’est devenu le butin dont vos coffres roturiers
    Regorgeaient dès la marée dans le matin émergeant ?

    Tous à moitié desséchés par la morsure de la mer,
    Encore gorgés des eaux et d’écumes orageuses,
    Las, échoués sur la plage, remplis de larmes amères,
    Vos bras ne renferment plus que des pensées ravageuses.

    Mais que reste-t-il encore de vos fiers exploits marins ?
    Qu’est-elle donc devenue votre pêche miraculeuse ?
    Vous étiez les contenants, vous serez les tartarins
    Qui raconteront leur chasse à la toison fabuleuse.

    On vous a raccommodés, vous repartirez bientôt ;
    On a resserré vos liens et remplacé vos flotteurs,
    Vidé tous vos souvenirs, effacé vos mémentos,
    Vous êtes prêts à refaire l’histoire à compte d’auteur.

    Demain vous embarquerez à nouveau pour la marée.
    Demain vous amasserez de nouvelles exigences.
    Demain vous vous chargerez de fruits de mer chamarrés.
    Mais charge de connaissances ne fait pas l’intelligence.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fille qui passait

    La fille qui passait

    Je me souviens encore de la fille qui passait
    Tandis que je rêvais à d’autres aventures.
    Je rentrais à l’école, timide et j’angoissais ;
    Elle, ses pas résonnaient dans mes déconfitures.

    Je me souviens toujours de la fille en vacances
    Tandis que mes parents m’emportaient vers les plages.
    Je suivais nostalgique, taisant mon éloquence ;
    Elle, ses rires remplissaient mes tristes découplages.

    Je me souviens parfois de la fille entourée
    De tant de prétendants fors mon épée rouillée.
    Les joutes interminables et mon cœur qui courrait
    Frapper à tous les vents aux portes verrouillées.

    Je me souviens un peu de celle aux cheveux roux,
    Comme une femme enfant qui trompait ma boussole.
    J’avais souvent failli la suivre avec courroux
    Comme si je devais quitter ma camisole.

    Je ne me souviens plus de la fille filante
    Qui traversait le ciel comme fait la comète.
    Un beau jour, moi aussi, j’ai eu l’âme volante
    Et j’ai quitté la terre pour une autre planète.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La corne d’abondance aux poires – 2

    La corne d'abondance aux poires - 2

    Prince de l’abondance et de la bonne chère,
    Tu as su nous flatter dignement dans nos palais ;
    Tu nous as grand-ouvert toutes les portes cochères
    Qui nous mènent à ta table et les mets népalais.

    Ton restaurant respire cette douce harmonie
    Que tu as ramenée par les vents de l’orient ;
    Là où la mer est noire au fond de l’Arménie
    En compagnie des tiens, riants et souriants.

    Tu es le magicien des aliments augustes ;
    Toutes tes inventions clament ton savoir-faire ;
    Tu es le virtuose et ton regard est juste ;
    Tu n’as d’autre désir que de nous satisfaire.

    La corne d’abondance que tu mets sur la table
    Est remplie de ton cœur et de tout son amour ;
    Chaque plat a son nom plus ou moins acceptable
    Mais ça nous fait rêver toujours avec humour.

    Les fruits de ton travail exhalent des fragrances
    Agréables à nos sens et à notre appétence ;
    Les soirées au resto sont comme des vacances
    Et nous y reviendrons en toutes circonstances.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’ange des croisées

    L’ange des croisées

    Ange des infinis, sentinelle éternelle,
    Tu gardes le portail du passage des vies ;
    Fidèle à la croisée communicationnelle,
    Ce carrefour sacré, ce divin pont-levis.

    Tu surveilles la voie privée de l’inconscience ;
    Cette route assombrie perdue dans la poussière ;
    Conjointement tu veilles l’allée de la conscience ;
    Ce chemin lumineux noyé dans la lumière.

    Parfois tu déverrouilles les portes de nos âmes ;
    Tu nous permets de revenir à la maison
    Pour un enseignement qui devient le sésame
    Qui nous donne l’accès à une autre raison.

    La nuit quand tu allumes la lampe du sommeil,
    Tu nous fais lâcher prise à la réalité
    Et tu dégages alors l’écluse du soleil
    Qui répand dans nos corps ta prodigalité.

    Quand nous serons devant l’ultime croisement,
    Que nous devrons quitter la terre de nos parents,
    C’est toi qui guideras nos pas courtoisement
    Jusqu’à ce que notre être devienne transparent.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’ange magnanime

    L’ange magnanime

    Ange de compassion et de miséricorde,
    Tu relies nos destins tout au long de nos vies ;
    Tu gardes les trésors sans aucune discorde ;
    Tu conduis notre rôle et en fais le suivi.

    Tu nous souffles à l’oreille ce que nous devons dire,
    Tu nous insuffles en rêve nos plus belles visions ;
    Tu es notre conseil sans jamais contredire
    Ce que nous érigeons avec imprévision.

    Tu prépares la route, tu déblaies les obstacles,
    Tu nous préviens sitôt que sonne le danger ;
    Et quand nous trébuchons dans un triste spectacle,
    Tu calmes nos douleurs et nous donnes à manger.

    Quand nous nous égarons, ta voix se fait plus forte ;
    Elle résonne en notre être émergeant du néant,
    D’un timbre n’admettant rien d’autre qui importe
    Pour notre évolution, chasser le fainéant.

    Et petit à petit tu nous lâches la main ;
    Nous étions apprentis, tu nous as fait experts ;
    Tu nous as diplômés après mûr examen ;
    Tu nous as élevés au rang de notre Père.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La main solitaire

    La main solitaire

    Petite main, comme un appel
    D’un voyageur en solitaire.
    Petite main, comme un rappel
    D’un voyage autour de la Terre.

    Tu t’accroches fort à mon doigt
    Comme l’oiseau sur une branche.
    Tu t’agrippes fort comme il se doit
    D’un cœur vaillant, d’une âme franche.

    Petite main quand tu m’appelles
    Je te protège comme un cador,
    Petite main qui me rappelle
    Lorsque j’étais conquistador.

    Aujourd’hui c’est moi qui te tiens,
    Qui te nourris, qui te maintiens.
    Demain c’est toi qui me soutiens,
    Qui me réchauffe et m’entretiens.

    Petite main, je te perçois
    Animée par un souffle d’ange.
    Petite main, je te reçois,
    Je t’offre mon cœur en échange.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le Bouddha nostalgique

    Le Bouddha nostalgique

    Bouddha, tu ne sembles pas commode !
    Bouddha, tu parais nostalgique !
    Bouddha, tu es d’un autre mode !
    Bouddha, tu n’as rien de magique !

    Je sais par où tu es passé ;
    Jadis, je t’ai accompagné.
    Je sais par où tu fus blessé ;
    Jadis, je t’ai un peu soigné.

    Bouddha, toi et moi, il y a longtemps ;
    C’était il y a un autre temps.
    Bouddha, nous étions mécontents
    Quand nous avions des contretemps.

    Je crois qu’on s’est perdu de vue
    Entre un départ et un retour.
    Je crois, je ne m’en souviens plus ;
    J’ai trop d’années au compte-tours.

    Bouddha, c’est moi qui ai oublié !
    Bouddha, c’est moi qui n’écoute pas !
    Bouddha, retourne mon sablier !
    Bouddha, partage mon repas.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cheval de cirque

    Le cheval de cirque

    L’air ridicule et boute-en-train,
    Bougeant son cul avec entrain,
    Contrairement à son cousin,
    Jamais n’a été argousin.

    Loin de la guerre et des conquêtes,
    Fuyant les règles et l’étiquette,
    Il s’en fut cheval saltimbanque
    Loin des soucis des comptes en banque.

    Vous le verrez souvent jongler
    Les soirs d’hiver, malgré l’onglée,
    Perché comme une libellule
    Sur un fil tel un funambule.

    Il n’est pas mathématicien,
    Mais avec l’oncle Félicien,
    Il sait compter jusqu’à six cents,
    Frappant le sol en hennissant.

    Il est bien connu des angliches
    Avec son poulain, sa pouliche.
    Il a juste un petit défaut :
    Quand il calcule, souvent c’est faux.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cerf aux abois

    Le cerf aux abois

    Il n’a pas reçu la flèche qui devait frapper son flanc.
    C’est un saint homme, un ermite, qui a fait un bouclier
    En posant sa main légère mais d’un amour si gonflant
    Que le chasseur n’a pu faire que son trophée oublier.

    C’était près de la fontaine, au bout du chemin de terre,
    Bien au-delà de la ville, là où marchent les bergers.
    Parmi les champs de lavande des riches propriétaires
    Et les jardins potagers, les vignes et les vergers.

    Elle a traversé sa main, la flèche de la violence ;
    Elle a marqué du destin une ligne sur sa paume ;
    Elle a signé d’un arrêt, sans aucune ambivalence
    La grâce de l’animal accroupi parmi les pommes.

    L’ermite a donné son nom et ses armes à la ville.
    L’anachorète oublié est maintenant renommé.
    La légende est établie sur le blason de Saint-Gilles
    Mais la biche a remplacé le cerf ainsi dénommé.

    Je suis né dans ce pays pas très loin de la fontaine
    Et souvent les soirs d’été j’allais suivre les étoiles
    Qui m’emmenaient vers les lieux dont j’étais le capitaine
    Qui défendait le vieux cerf et le fixait sur la toile.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cheval mathématique

    Le cheval mathématique

    Il part des ordonnées et parcourt les abscisses,
    Il saute les affixes et plonge dans les abysses.
    Il trotte avec emphase en suivant l’hyperbole
    De sa course au soleil, céleste parabole.

    Tantôt cheval de Troie, il sait se mettre en quatre
    Et promener les saints assis sur son coccyx.
    On l’appelle Pégase, l’ami de Cléopâtre,
    Pythagore l’a monté en dictant ses praxis.

    Il galope souvent suivant l’hypoténuse
    Dans les champs en triangles presqu’équilatéraux.
    Quand il tourne en rond, ne croyez pas qu’il s’amuse,
    Il fait la quadrature des coins collatéraux.

    Quand il court sur la plage à la marée montante,
    C’est pour en mesurer la vitesse du flux.
    Quand il nage en sueur en marée descendante,
    C’est pour en calculer la puissance en reflux.

    C’est le bel étalon qui garantit votre or.
    C’est le beau géniteur qui fait le pédigrée.
    Le poulain de l’école se lève dès l’aurore
    Pour démontrer son art et s’auto-dénigrer.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le guerrier chinois

    Le guerrier chinois

    Il est bien arrogant, la main sur son épée,
    Comme un dieu belliqueux, agacé, courroucé.
    À son front de melon aux cheveux écépés,
    Il a gravé sa mort sur son âme détroussée.

    Comme un leurre émérite, une illusion subtile,
    Son visage crispé n’est qu’un masque de guerre.
    Sa main sur le pommeau vive comme un reptile
    Menace l’ennemi qu’il a connu naguère.

    L’autre main nous dit « non », il n’y a pas de méprise.
    Il garde les secrets debout devant la porte.
    Au péril de sa vie, la bravade est comprise
    Et s’il meurt au combat que le diable l’emporte.

    Pauvre polichinelle au devoir ridicule !
    Personne ne lui a dit que la guerre est finie.
    Il hante les couloirs de l’aube au crépuscule,
    Fidèle à sa fonction telle qu’elle est définie.

    Gardien intemporel, sentinelle éternelle,
    Tu n’as point de repos ni ne baisse ton glaive.
    Qui saura t’avertir, de façon solennelle,
    Que tu peux t’en aller sans attendre la relève ?

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les trois anges du nouvel an

    Les trois anges du nouvel an

    C’est l’ange de l’amour qui sonne la relève :
    « Debout ! Debout les cœurs ! Soyez prêts à aimer !
    Car, pour recommencer et que la pâte lève,
    Il faut mettre du sien et l’amour essaimer ! »

    Et l’ange de l’hygiène clame fort sur les plaines :
    « Sortez de vos cocons, aérez vos esprits !
    Allez à la rencontre des fraternités pleines !
    Commencez aujourd’hui et vous serez surpris ! »

    Si l’ange de l’abondance fait sonner sa trompette
    C’est pour mieux vous montrer la bonne destinée :
    « Voyez votre fortune sans esprit de compète
    Et l’année sera vôtre, heureuse et satinée. »

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le guitariste de ma jeunesse

    Le guitariste de ma jeunesse

    Prince des musiciens et de la gaudriole,
    Tu as su nous charmer de tes refrains coquins,
    Tandis que j’avais l’âge de faire des cabrioles
    Et ne comprenais pas tous tes couplets faquins.

    Souvent je comprenais des phrases différentes,
    J’inventais des mots neufs quand c’était nécessaire ;
    Ça ne voulait rien dire et l’idée apparente
    S’éloignait du sujet comme la main du faussaire.

    Mais petit à petit, j’ai appris à ton rythme
    Des mots qui apportaient à mon vocabulaire
    Des vers en hyperboles, des rimes logarithmes,
    Un algèbre de lettres à mon abécédaire.

    Parfois j’entends un autre sens à tes paroles
    Et les mots se mélangent et les sons se raccordent
    Comme une orchestration d’éclats de casseroles
    Qui donne un nouvel arc qui s’ajoute à tes cordes.

    Je reconnais l’écho qui se glisse en coulisses,
    Qui apporte la vie dans le son des accords
    Et l’amour dans le chant qui se fait son complice
    Et qui touche mon cœur et l’âme en raccord.

    Lorsque tu es parti tu m’as légué tes rimes ;
    Un gorille enthousiaste pour les jours difficiles ;
    Un supplique émouvant pour les jours de déprime ;
    Une chanson grivoise pour les filles faciles.

    Tu m’as montré la voie, tu m’as laissé l’esquisse.
    La chenille n’est rien qu’un futur papillon
    Et le bourgeon attend que sa fleur s’épanouisse ;
    Puis le poète est né comme un frêle oisillon.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Nouvelles vagues

    Nouvelles vagues

    Avez-vous senti passer cette vague de chagrin ?
    Comme un épais chagrin bleu chargé de lourdes ténèbres ?
    Annonçant la fin du monde et ses exécrables grains
    Prédisant la solitude et ses afflictions funèbres ?

    Il m’a rongé trop de nuits, des nuits toujours sans sommeil ;
    Il m’a si écartelé que mon corps en est gravé.
    J’ai vu passer les saisons, j’ai vu les jours sans soleil ;
    J’y ai perdu la raison en vertiges aggravés.

    C’est la vague bleue qui passe, qui balaie toute l’audace ;
    C’est un tsunami de peine qui emporte l’inutile.
    Et ces constructions humaines ne sont plus que des carcasses,
    Des échos de vanités et de réflexions futiles.

    Mais la vague n’a pas d’âme et sa sagesse est bien folle ;
    Elle n’a de compte à rendre ni de raison à fournir.
    Peut-être que si les hommes arrêtaient leurs fariboles
    Et cessaient d’ancrer leurs lois, ils cesseraient d’agonir.

    J’ai laissé tout s’envoler dans le déluge de glace ;
    Je n’ai voulu retenir ni passé ni expérience ;
    Je me suis retrouvé nu, laissé sans aucune classe ;
    Prêt à accueillir l’écho de la divine invariance.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La porte des mémoires oubliées

    La porte des mémoires oubliées

    Je parcours le labyrinthe de mes rêves et mes mémoires.
    Parfois une porte s’ouvre sur un chemin qui s’enfonce ;
    Le passage est assez clair mais au fond les enfumoirs
    Assombrissent le dédale de ces rues qui se défoncent.

    Venez, tenez-moi la main, empruntons cette ruelle !
    Au début les souvenirs peignent les façades en clair,
    Mais, au fur et à mesure, la facture devient cruelle
    Et la mémoire se perd à la vitesse de l’éclair.

    Quelquefois le chemin croise celui d’un autre souvenir ;
    Quand on remonte l’enfance bien avant l’adolescence ;
    Les émotions familiales s’entrecroisent à devenir
    Une toile hypnotique aux multiples arborescences.

    Souvent dans ces perspectives surgit une ou deux personnes ;
    Personnages de valeurs ou pantins de mes défauts.
    Ni l’un ni l’autre n’est dupe d’être l’âme polissonne
    Qui me guide dans la vie et m’entraîne à l’échafaud.

    Dans l’arène de ma tête, mille portes sont ouvertes ;
    Elles s’ouvrent sur des voies qui changent de dimensions.
    Je m’y perds et m’y retrouve comme sur la piste verte
    Qui me relie au divin et crée toutes mes intentions.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les ruelles floues

    Les ruelles floues

    Les ruelles se perdent dans la fin de l’année,
    Les ruelles se tordent dans une éternité,
    Les ruelles s’effacent dans cet instantané,
    Les ruelles me mentent dans ma paternité.

    La maison familiale a perdu son attrait ;
    Les rires se sont tus dans un silence vague.
    Les larmes ont lavé les souvenirs abstraits ;
    Les parents se dispersent et les enfants divaguent.

    Le café des amis ne chante plus le soir ;
    On ne sait que réchauffer toujours la même soupe.
    Les marginaux d’antan se disent à peine bonsoir
    Et la jeunesse est vieille et s’englue dans les groupes.

    Mon village s’en va et perd de sa substance ;
    Tous les murs se lézardent et puis tombent en ruines.
    Déjà je n’en vois plus la moindre consistance
    Et les toits des maisons laissent passer la bruine.

    Mais je connais la fée qui pourrait transformer
    La grisaille en couleur et le flou en solide.
    Puisse-t-elle m’aimer à savoir performer
    Un village de vie agréable et valide !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fille de Lune

    La fille de Lune

    La fille de Lune est à sa fenêtre ;
    Juste un petit signe avant de disparaître ;
    Rien ne la retient, rien ne peut paraître ;
    Ni la capturer ni même la soumettre.

    La fille de Lune est un peu coquine
    Dans sa robe légère toute en popeline.
    On lui voit ses seins sous la moleskine ;
    Elle le fait exprès dans l’indiscipline.

    La fille de Lune est une arnaqueuse ;
    Elle sème l’amour à la remorqueuse.
    Avec ses amants, elle est très moqueuse ;
    Avec ses amours, elle est escroqueuse.

    La fille de Lune est bien capricieuse ;
    Sous ses nombreux masques elle est facétieuse.
    Elle joue des tours, elle est malicieuse ;
    Elle triche un peu, elle est disgracieuse.

    La fille de Lune a failli m’avoir.
    Je l’ai trop aimée, c’est mon désespoir.
    Elle m’a menti sans même le savoir.
    Je vais la tuer, c’est mon seul espoir.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le concerto à quatre mains

    Le concerto à quatre mains

    Regardez-moi dans les mains jusque dans le blanc des ongles !
    Accrochez-vous à mes pouces, ancrés aux monts de Vénus !
    Ne quittez pas le regard au bout de mes doigts qui jonglent !
    Oubliez tous vos soucis, dégagez bien vos sinus !

    Laissez-moi vous emporter dans un tourbillon magique !
    Laissez-moi vous entraîner dans mon chœur à quatre bras !
    Laissez-moi vous envoûter dans ma danse nostalgique !
    Laissez-moi vous embrasser dans mes abracadabras !

    Vos yeux se sont refermés sur la musique des songes.
    Vos oreilles sont scellées à l’arôme de mes rêves.
    Votre bouche s’est ouverte sur le velours des mensonges.
    Votre corps est agité dans le flux des couleurs brèves.

    Je vous ouvre le chemin, laissez-moi vous satisfaire.
    Je vous ôte ces habits qui retombent en poussière.
    Je vous ouvre le passage comme un puissant somnifère.
    Le voyage est sans retour ; vous en êtes bénéficiaire.

    Vous pouvez ouvrir les yeux, vous éveiller à présent.
    Le concerto est fini mais l’initiation commence.
    Vous avez été admis à l’amour omniprésent.
    Regardez, vous êtes nus et le plaisir est immense !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mon village en hiver

    Mon village en hiver

    La photo se déforme, le rêve se transforme,
    C’est l’hiver à présent qui succède à l’automne.
    Et les maisons blanchissent en oubliant leurs formes
    Sous les couches de givres de la gelée gloutonne.

    Les toits perdent leur rouge et s’embrument au soleil
    Mais le soleil n’est plus qu’une lueur blafarde.
    Et les habitations tombent en demi-sommeil
    Offrant pour seul témoin la fumée des bouffardes.

    Tous mes arbres sont nus et tremblent de leurs branches
    Seuls les oiseaux des champs les décorent de vie.
    La forêt est d’argent dans la saison qui tranche
    Et sépare l’année comme d’un pont-levis.

    Les sapins se préparent, car ils sont à la fête.
    Pour célébrer le roi qui revient en comète.
    Mais après les galas, resteront sur leur faîte
    Et rejoindront les autres comme bois d’allumettes.

    Les maisons disparaissent nappées dans le brouillard,
    Ma vision se limite et mon temps est compté.
    Bientôt tout le village sera sur le billard
    Et il m’entraînera dans les eaux du comté.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mon petit village de rêve

    Mon petit village de rêve

    J’y étais cette nuit, dans mon petit village,
    Tout coloré de rêves et de songes aussi.
    La frontière de verre qui scelle l’emballage
    Volera en éclats avec mon couteau-scie !

    Mais la belle peinture ne sera plus pareille.
    J’y aurai ma demeure et j’y aurai ma belle.
    Faut-il donc que je tremble quand je tendrai l’oreille,
    Si les langues s’emmêlent dans ma Tour de Babel ?

    Quand je dirai « je t’aime », ma langue dans sa bouche,
    Entendra-t-elle mon cœur ou juste son interprète ?
    Et pour faire l’amour, sera-t-elle farouche,
    S’il faut recommencer quand les lapsus s’y prêtent ?

    J’irai par les chemins en lui tenant la main,
    Je parcourrai les champs en jouant avec elle.
    Je m’enracinerai après mûr examen
    Et toutes mes blessures n’auront plus de séquelles.

    Accrochez mon tableau près de la cheminée,
    Vous m’entendrez le soir jouer de la guitare.
    Et si vous regardez les rues illuminées
    Vous m’y verrez chanter avec tous les nuitards.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Orage sur la mer

    Orage sur la mer

    Apercevez-vous au loin, ces nuages lourds et noirs
    Qui descendent sur la mer pour la noyer de leur encre ?
    Eh bien ces nues sont un leurre, austère comme la forêt noire,
    Pour effrayer les pêcheurs et leur faire trembler leur ancre.

    Ce sont des vaisseaux de guerres d’extra-terrestres égarés,
    Perdus dans notre univers, en quête de brigandage.
    Ces nuages sont des villes, citadelles bigarrées,
    Qui descendent pour la bataille, le pillage et l’abordage.

    Que Saint-Marc me vienne en aide pour nettoyer ces chimères !
    Que la croix de Saint-André vienne barrer le chemin !
    Que les feux de la Saint-Jean viennent embraser l’outremer !
    Que la foi de Saint-Thomas agisse en un tournemain.

    Que tous les anges d’Éole viennent repousser l’essor !
    Que les chariots d’Hermès crachent leurs feux protecteurs !
    Et j’en appelle à Vulcain pour nous forger un ressort
    Pour renvoyer chez Pluton ces perfides prospecteurs !

    Les éléments de la Terre ont répondu à l’appel.
    Regardez-les décamper la traîne basse en arrière !
    Quelle que soit la tempête j’aurai toujours ma Chapelle
    Comme un très saint lieu de culte pour y planter ma bannière !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le papillon de verre

    Le papillon de verre

    Papillon de vitrail comme nef de lumière,
    Tes ailes sont des images qui me montrent le monde.
    Les couleurs étourdissent ma vision coutumière
    Qui m’exposait la terre et ses ruines immondes.

    Le ciel est si profond dans ton aile antérieure
    Que je m’y vois plonger toutes ailes aux vents !
    Je me perds dans ces nues et ma voix intérieure
    Me murmure tout bas d’atterrir sous l’auvent.

    Les joyaux de tes eaux sont des pierres précieuses
    Comme une femme d’eau accouchant dans la glace,
    Qui donne son enfant dans la vapeur radieuse
    De la trace d’amour qui va et se déplace.

    Si la terre est nourrie de tous nos souvenirs,
    Si la terre est mémoire de toutes nos racines,
    J’aperçois dans ton aile ce qui va advenir
    Des peuples libérés de la fièvre assassine.

    Mais le feu de l’amour restera le plus rare !
    Il est cette étincelle qui déclenche la foudre !
    C’est le feu créateur transmutant le curare
    De la mort et la haine pour en faire sa poudre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Drôle d’oiseau !

    Drôle d’oiseau !

    Les deux mains dans les poches et la tête relevée,
    Il s’en va l’air blasé et le regard de glace.
    Il est bien snobinard, un peu parachevé,
    Portant la queue de pie, l’habit de haute classe.

    Mais tout est comédie, ce n’est que tromperie !
    Même si son cousin à le rang d’empereur !
    S’il ne vole pas haut ce n’est pas de l’esprit,
    Mais c’est qu’il est profond et même un peu pleureur.

    Selon qu’il est manchot ou bien un grand pingouin,
    Son palace diffère, sa position aussi.
    L’un règne sur le sud et parle baragouin
    L’un règne sur les ours avec diplomatie.

    J’en ai connu, jadis, un prénommé Alfred
    Compagnon de fortune de deux adolescents.
    Il parcourait le monde, proposant son entraide
    En toutes circonstances, même convalescent.

    Parfois au cinéma, dans le rôle du méchant,
    Parfois définissant de drôles de loustics.
    Il a prêté son nom un peu à contrechamp,
    Même les maringouins l’apparentent au moustique !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Papillon Arc-en-ciel

    Papillon Arc-en-ciel

    Ô Papillon Arc-en-Ciel ! Entends, entends ma prière !
    Si tous mes imageriens ne sont pas alexandrins,
    Ils en demeurent ma force et ma protection guerrière
    Pour préserver hors de l’eau mon esprit salamandrin !

    Je sais que la société recouvre toutes les peurs
    Et les maintient dans la peine, la panique et la douleur.
    Pour extirper du marasme cette compagnie en pleurs,
    Il faudra que je distille bien des vers et des couleurs.

    Ô recouvre de ton aile et envoie-nous ta lumière
    Pour guider dans les ténèbres ceux qui ont besoin de toi !
    J’ai tant besoin de ton aide pour sortir de la poussière
    Tous nos espoirs obscurcis par tant de feux discourtois !

    Alors couvre mes épaules de tes ailes d’émeraude !
    Alors couronne ma tête de tes antennes vermeilles !
    Porte-moi sur la montagne, au-dessus des loups qui rodent !
    Présente-moi le soleil et le pays des merveilles !

    Mais bientôt tes battements d’aile agitent mon cœur,
    Tes couleurs ont infusé dans mon sang et dans mon corps.
    Ton arc-en-ciel m’illumine comme un halo protecteur
    Et l’écho de ta présence résonne encore et encore !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Suites de tiroirs

    Suites de tiroirs

    Soudain, la forêt frémit, le vent se charge de perles.
    De toutes petites gouttes qui font trembler les pétales.
    Quelque part l’orage gronde, une animation déferle
    Et tous mes petits amis prennent un peu peur et détalent.

    « Au secours ! Chacun pour soi ! » C’est la dure loi de la jungle.
    Quand la panique fait rage, la sagesse est démunie.
    Petit Renard où donc es-tu dans la panique qui cingle ?
    Gros Chatchat, ta lâcheté restera-t-elle impunie ?

    Et j’entends siffler les bombes qui passent entre le feuillage,
    La mitraille qui martèle sans pitié le microcosme.
    Un compagnon de fortune pour s’opposer au mouillage
    Serait bienvenu et même, j’en appelle au macrocosme !

    Tonitruant à l’encontre de tous ces faux météores
    Qui agressent sans pitié mes amis de la forêt,
    Tous les chênes et les grands arbres répondent au confiteor
    Que j’adresse à l’univers en criant comme un goret.

    Et je vois sous les branchages tous mes amis réunis,
    Tremblant de toutes leurs pattes et se soutenant l’un l’autre.
    Faiblesse devient courage, solidarité unie,
    C’est une fraternité ; cette expérience est la nôtre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Du fond de mes tiroirs

    Du fond de mes tiroirs

    C’est en rangeant mes tiroirs que j’ai retrouvé mes rêves.
    Tous mes vieux rêves d’enfants qui sommeillaient en silence.
    Je les ai tous reconnus, d’une reconnaissance brève,
    Ils n’avaient pas pris de ride sortant de leur somnolence.

    « Petit Renard » fut le premier à me sauter dans les bras.
    « Gros Chatchat » a ronronné et s’est mis dans mon giron.
    Tandis que je caressais l’un et l’autre à tour de bras,
    « Petite Souris » a émergé du fond de son potiron.

    Elle a grimpé dans ma manche en jouant les casse-cous
    Pour tenter de s’échapper du Gros Chatchat un peu fou.
    Petit Renard a reniflé, observant les contrecoups
    Que faisaient ses deux compères en risquant les garde-fous.

    Puis j’ai entendu le cri de la bibiche qui brame
    Pour appeler son petit faon qui gambadait comme un diable.
    C’est là que sortant du bois du tiroir aux hologrammes,
    Grand cerf secoua ses bois de manière irrémédiable.

    Il m’a laissé le monter pour courir à l’aventure,
    Me cramponnant à ses bois en criant à perdre haleine !
    Nous avons escaladé les montagnes sans fioriture
    Puis, quand la nuit est tombée, ils m’ont couvert de leur laine.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le bouquet sublimé

    Le bouquet sublimé

    Au départ, tout simplement, j’avais cueilli quelques fleurs
    Et les avais déposées dans un vase à ma fenêtre.
    L’automne était avancé avec un froid persifleur
    Qui me givrait les carreaux et me glaçait mon bien-être.

    Serait-ce une réaction ou une bénédiction ?
    Toujours est-il que mes fleurs se sont alors sublimées !
    Les feuilles et les pétales ont bravé l’interdiction,
    Se sont muées en vapeurs et se sont décomprimées !

    D’abord toute la fenêtre fut noyée dans les couleurs.
    Puis, le cadre a débordé, remplissant toute la pièce.
    Moi, je m’étais endormi, assommé par mes douleurs,
    Perdu dans l’attrape-rêve, chassant la fière hardiesse.

    Toutes ces volutes teintes virevoltent au plafond.
    Les feuilles sont des nuages et les fleurs deviennent anges.
    Les petites boules rouges sont des étoiles sans fond ;
    Les jolies clochettes blanches tintinnabulent en échange.

    Depuis ce jour, je l’arrose ; il a quitté ma maison.
    Il est resté confiné, un moment dans mon jardin.
    Puis il a gagné le ciel, je n’en connais pas la raison
    Mais les couchers de soleil sont devenus bavardins.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’attrape-rêve

    L’attrape-rêve

    Avec quelques fils de fées, j’ai construit mon appareil.
    Je l’ai tendu comme un piège sous les branches du grand chêne.
    J’ai déposé des clochettes et de la salsepareille ;
    Quelques perles de rosée comme une fragile chaîne.

    Puis je me suis allongé sous l’ombre des grands feuillages ;
    Une symphonie d’oiseaux pour me jouer la berceuse.
    Rapidement, j’ai plongé dans le sinueux sillage
    De la barque du rêveur qui semblait être chanceuse.

    Un visage un peu mutin, tout étonné et fantasque,
    S’est penché un peu curieux et désireux de me plaire.
    Moi, j’étais tout endormi mais j’ai senti la bourrasque
    Qui agitait ses cheveux, dispersant quelques exemplaires.

    J’aperçus un lapin blanc qui courrait tenant son cœur
    Dans ses deux mains en disant « je t’aimerai pour toujours !  ».
    Puis il est vite rentré dans sa boîte à contrecœur ;
    Il est monté vers le ciel, le soleil en contrejour.

    Quand je me suis réveillé, mes rêves étaient capturés.
    Sur les mailles accrocheuses, il y avait ton visage.
    Un petit lapin candide semblait villégiaturer
    Et des objets féériques décoraient le paysage.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fée des sphères

    La fée des sphères

    Quelques soient tous ces mystères projetés sur l’hémisphère,
    Faut-il vraiment tout comprendre et expliquer les secrets ?
    Faut-il jouer au créateur, jusqu’à s’auto-satisfaire,
    Pour jouir de l’univers et tout repeindre en concret ?

    Peu me chaut tous ces problèmes, ces univers occultés,
    Ces mécaniques quantiques ou ces énergies sacrées !
    Et toutes ces médecines qui ne font que m’ausculter,
    M’essayer comme un cobaye et sans doute me massacrer.

    Tapie derrière les coulisses, elle doit bien se moquer.
    Celle qui jongle avec le monde avec ses bulles et ses sphères.
    Je la connais et je l’ai entendue somniloquer
    Le dimanche quand elle dort pour détendre l’atmosphère.

    Elle fait tourner le monde en constituant ses bulles.
    Son secret est d’éviter de comprendre le chaos.
    Tous ceux qui ont essayé d’en saisir le préambule,
    Se sont perdus dans l’oubli, dans les chocs et les cahots.

    C’est une route sans fin que de tenter de connaître.
    On diffracte les valeurs, on s’éloigne du sujet.
    Sachons saisir la beauté, éveiller son âme et naître
    En reconnaissant sa mère et l’aimer sans la juger.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Port-Souillé

    Port-Souillé

    Éclaboussés de couleurs comme vagues de tendresse,
    Tout barbouillés d’arcs-en-ciel comme des feux de détresse,
    Mes bateaux flambent de tons irisés comme l’aurore,
    Sur leurs mâts les oriflammes portent les couleurs d’Andorre.

    Moi, mes larmes ont coulé sur le port de la madrague,
    Mes chagrins ont dérivé et ont fait grossir les vagues,
    Ça fait trop longtemps déjà que je suis rivé au sol
    Et que cet immobilisme a altéré ma boussole.

    J’avais brisé mon navire sur les récifs des calanques,
    Puis on m’avait enfermé, enchaîné dans une planque.
    Depuis tout s’est arrêté, à l’horloge de mon être,
    Et puis tout a déliré ; j’ai vu mon âme renaître.

    Tout mon sang, toutes mes larmes se sont mélangés ensemble,
    Parfois le soleil couchant a reflété l’eau qui tremble,
    Parfois le soleil levant l’a inondée de lumière ;
    Elle scintille la nuit, comme pour une avant-première.

    Alors j’ai lâché les eaux, alors j’ai ouvert le port,
    Toutes ces belles couleurs accompagnant mon transport.
    Alors j’ai appareillé, alors j’ai mis de l’action,
    Avec mes mille couleurs comme une arme d’effraction.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Ces si jolies fleurs de printemps !

    Ces si jolies fleurs de printemps !

    Des petites fleurs de rien du tout qu’elle m’avait prédestinées.
    Comme un petit dessin d’enfant rempli de sa naïveté.
    Je l’avais trouvé ridicule et posé sur ma cheminée,
    Je n’avais pas osé le jeter, peut-être par lasciveté.

    Tous les jours je le regardais me demandant pourquoi garder
    Cette œuvre que je croyais ratée mais que je ne pouvais cacher.
    Nuit après nuit, je l’ai veillé, jour après jour, j’ai regardé,
    Y cherchant une inspiration, de quoi pouvoir m’amouracher.

    Et j’ai fini par lâcher prise, j’ai abandonné mes efforts.
    Je lui ai dit « refais ta vie, je te libère, libère-moi ! »
    Après je suis allé dormir cherchant un peu de réconfort
    Parmi les rêves et les fées, les bouquetins et les chamois.

    Elles ont quitté leur support tout doucement sans faire de bruit
    Et se sont glissées dans mon lit sur ma peau nue, intimement.
    C’est une petite fleur bleue qui m’a fait goûter de son fruit,
    C’est une goutte de rosée qui m’a ému ultimement.

    Alors je les ai embrassées en les caressant doucement,
    Elles m’ont même fait jouir comme de l’amour d’une femme.
    Le lendemain, plus de tableau, de petites fleurs aucunement,
    Mais à leur place, dans mon lit, une dame a ravi mon âme.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Au-revoir, papillon !

    Au-revoir, papillon !

    Mes amis vous me manquerez mais je dois faire mes valises.
    Ici l’automne est arrivé et le froid gèle mes racines.
    Je vais partir pour mes quartiers où l’hiver n’a pas de balise,
    Ni même le droit de cité ; je ne fuis pas, je me vaccine.

    Ne pleurez pas, petits enfants, je reviendrai pour le printemps !
    Ne tremblez pas, petits et grands, je suis toujours dans votre cœur !
    Ce n’est qu’une petite pause, un silence pas trop éreintant,
    Une parenthèse de saison, n’ayez ni crainte ni rancœur.

    Là-bas dans le pays des glaces, il est un palais de chaleur,
    Entouré de hautes montagnes et de barbares bafouilleurs.
    Mais en son cœur est une reine, riche d’amour et de valeurs
    Qui me fera passer l’hiver dans son palace gribouilleur.

    Je referai teinter mes ailes, pleines de cœurs et de lumières !
    Je referai tinter mes ailes, pleines de sons et d’harmonie !
    Je ferai briller mes antennes, j’ôterai toute leur poussière !
    Je ferai chanter mes antennes dans une tendre symphonie !

    Pour me parler, il y a des anges qui feront passer les messages.
    Tous les cailloux sur les sentiers sont des porte-au-loin enchantés.
    Je reviendrai accompagné de quelque fée, plus ou moins sage,
    Si elle sait m’apprivoiser et si, un fils, m’a enfanté.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Venise à peu presque

    Venise à peu presque

    Ma Venise est en ébauche, tu me l’as juste esquissée.
    Mon rêve va prendre forme à chaque coup de crayon.
    C’est au fur et à mesure que tu conçois, toi qui sait,
    Cet intime paradis où Dieu envoie ses rayons.

    Quand les eaux seront en place, alors toutes les gondoles
    Mèneront les amoureux dans des chambres tamisées.
    Quand les ponts seront bâtis, on verra des farandoles
    Former une chaîne immense et les enfants s’amuser.

    Après viendront les couleurs qui enchanteront les murs.
    Parfois des nuances douces, parfois des nuances vives.
    On ouvrira les volets sur de belles amours mûres.
    On tirera les rideaux sur des tables et leurs convives.

    Moi, j’allumerai les lanternes sur les places romantiques
    Où les amants enlacés se feront mille promesses.
    Je lancerai des reflets par des ricochets antiques
    En faisant de belles rimes pour égayer les kermesses.

    Je veux entendre jouir tous les hommes et toutes les femmes !
    Je veux sentir les parfums des coquettes et des coquines !
    Je veux voir les amoureux s’embrasser de toute leur âme !
    Je veux goûter les baisers des fantasques arlequines !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le pélican bouffon

    Le pélican bouffon

    Il n’est pas paradisier et c’est un bon point pour lui !
    Avec ses pattes de canard et son bec à provisions,
    On dirait une ménagère blottie sous son parapluie
    Et dodelinant des hanches en faisant ses commissions.

    C’est un oiseau porte-plume, d’un caractère bien trempé.
    Sa peau lisse est bien ancrée sous un plumage opalin.
    Un oiseau un peu bouffon qui vous force à vous cramper ;
    Il n’est pas très à la mode, il n’a pas l’air très malin.

    Peste soit du créateur, d’avoir pu l’imaginer !
    Peste soit de l’architecte, d’avoir pu le dessiner !
    Peste soit de l’ouvrier, d’avoir bien pu l’usiner !
    Peste soit du barbouilleur, d’avoir pu l’enluminer !

    Pour rajouter une couche sur ce beau papier couché,
    Je trempe mon pélican dans l’encrier de mes songes.
    Inutile de sauver cet oiseau mal embouché,
    Inutile d’enfoncer ni de faire un pieux mensonge.

    Mais voilà ! Il est créé ! Il va bien falloir l’aimer !
    Surtout pas de tolérance, ce n’est bon que pour les fourbes ;
    Mais permettre et accepter de le laisser s’essaimer
    Et l’autoriser à vivre avec ses pics et ses courbes.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les contenants ridicules

    Les contenants ridicules

    Ma peintre m’a fait une farce
    Avec cette croûte un peu ratée.
    Peut-être qu’elle a bu, la garce
    Tout le contenu tafiaté.

    Pourquoi deux bouteilles un peu minces
    Et un cruchon un peu potelé ?
    Pourquoi ces couleurs de cagoince
    Et ce fond un peu bottelé ?

    Peut-être est-elle fatiguée
    C’est sûrement une satire
    Entre deux maigres prodigués
    Et une grosse tirelire.

    Voilà ce que c’est que blesser
    Le cœur d’une peintre fantasque !
    Elle se met à oppresser
    Les emballages et les flasques.

    Mais le poète a plus d’un tour
    Dans son sac à malices à rimes.
    Mais il sait trouver alentour
    Comment créer les pousse-au-crime !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les objets d’humilité

    Les objets d’humilité

    Je n’avais pas de plateau, mais j’ai pris un moule à tarte.
    Je n’avais pas de joli pot, mais j’ai pris ce pot-à-eau.
    Je n’avais pas de belles roses, pas de menu à la carte,
    J’ai cueilli quelques tulipes sur la colline, là-haut.

    Mais je n’ai pas critiqué, je n’ai rien bouleversé.
    Ce moule à tarte un peu frustre fut un plateau merveilleux !
    Ce petit pichet timide, avec mes larmes versées,
    S’est révélé le plus beau de mes rêves sommeilleux !

    À force de me servir de tous tes objets magiques
    Qu’on aurait laissé pour compte en dédaignant leur présence,
    Je leur ai donné mon cœur et mon âme analogique.
    Je les ai tous réveillés, sans mépris ni médisance.

    Mon pauvre petit bouquet s’est retrouvé à l’honneur.
    Un symbole positif, une création surprise.
    Et tous ces petits objets qui tombaient en déshonneur
    Ont gagné tous leurs galons dans cette noble entreprise.

    Toi qui m’as ouvert ta porte, je saurai y reconnaître
    Tous tes merveilleux sujets et les remettre à leur place.
    Celle où leur cœur brillera et où l’on verra renaître
    Le vilain petit canard et le Phénix de leurs glaces.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le migrateur

    Le migrateur

    Il ne le sait pas encore mais il va quitter son aire.
    C’est un oiseau migrateur, c’est un oiseau du passage.
    Il va laisser derrière lui ce qui fut son ordinaire,
    Tous ses souvenirs d’enfance et tous ses apprentissages.

    Il va voler de ses ailes et prendre grand son envol.
    Il va derrière l’horizon, au-delà de ses rêves.
    Si vous le voyez passer, merci d’être bénévole
    Et l’aider dans sa lancée car il va voler sans trêve.

    Sa boussole n’est pas sûre car son cœur bat la breloque.
    Pensez ! C’est la première fois qu’il vit sa vie d’oisillon.
    Il n’a pas perdu le nord mais saoulé par la berloque
    Qui lui donne le vertige et sonne le carillon.

    Il va retrouver sa belle, tout là-haut dans son nid d’aigle.
    Là où la pluie et le vent se déchaînent sans limite.
    Au pays de la lumière où son petit cœur espiègle
    Va se révéler vaillant dans ses amours dynamite.

    Ne cherchez pas à comprendre, pourquoi s’envole l’oiseau.
    Il est tombé de son nid, il a rompu ses attaches.
    Très bientôt tel le Phénix, il va renaître du roseau
    Qui s’est brisé et grillé mais qui s’accorde à sa tâche.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mes bateaux de la lanterne

    Mes bateaux de la lanterne

    Mes bateaux de la lanterne, où la lune s’est accrochée,
    Emmanchée en haut du mât pour illuminer la nuit,
    Avec des bateaux complices, ils vont bientôt approcher
    Les ténèbres à l’horizon comme un soleil de minuit.

    Bateau-lune ou bateau-phare, ils ont de multiples noms.
    Mes bateaux de la lanterne, aux mâts tout illuminés
    Et qui arborent la Lune comme un précieux gonfanon
    Pour guider les nefs perdues dans les tempêtes embruinées.

    Un jour mon père a sorti son bateau resté à quai.
    Il est parti loin derrière l’horizon de l’océan.
    Il ne reviendra jamais, il a rejoint le banquet
    Des anges qui l’ont reçu comme un naufragé céans.

    Puis ma mère a affrété une barque bien discrète.
    Partie comme pour le marché mais a croisé la tempête.
    Son bateau s’est fracassé sur les terribles arêtes
    Des récifs de compassion, sans tambour et sans trompette.

    Moi, mon bateau est petit ; pas de voile, juste deux rimes.
    Sur mon mât sobre et ténu, j’ai attaché une étoile.
    Souvent je pars dans la nuit, dans la noirceur de déprime
    Et je troue l’obscurité d’un fin éclat sur la toile.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Sainte Nitouche épanouie

    Sainte Nitouche épanouie

    Cette fille avait un secret pour ne pas se faire draguer.
    Elle restait froide et hermétique derrière sa forteresse ultime.
    Des habits stricts un peu austères et pas question d’aller trâguer
    Dans des lieux privés ou public pour des engagements intimes.

    Je l’ai croisée dans l’ascenseur, un jour où je m’étais perdu
    Dans sa tour d’ivoire rigide en cherchant trois ou quatre rimes,
    Les yeux baissés, effarouchée, le regard absent, éperdu,
    Toi, j’ai pensé, un peu moqueur, « où caches-tu tes pousses-au-crime ? »

    Je l’ai suivie discrètement jusqu’à la porte la plus haute.
    Quand elle m’a vu elle a bien vite tenté de refermer sa porte.
    C’était trop tard, j’avais déjà, avec ma belle voix de hulotte
    Commencé à décrire un peu mes vers sur quelques feuilles mortes.

    Je lui ai parlé de ses seins, tantôt du droit, tantôt du gauche.
    Je les ai nommés par amour « Ô Tétinou », « Ô Tétinette » !
    Je lui ai parlé des vallées et des montagnes en ébauche
    Qui se profilaient dans les creux et les rondeurs de la minette.

    Tandis qu’elle fermait les yeux, je lui dégrafais sa brassière
    Et j’effleurais tout doucement le bout dodu de ses tétons.
    Quand je lui eus hypnotisé sa jolie poitrine nourricière,
    Je laissai mes mains déraper et débouclai son pantalon.

    Ôtant bien vite la culotte de la donzelle un peu pâlotte,
    J’embrassai sans hésitation avec douceur ses replis doux.
    Il a fallu que je l’emporte directement dans sa roulotte ;
    Ses jambes ne la portaient plus, on aurait dit des scoubidous.

    Croyez-moi si vous le voulez mais l’ingénue s’est réveillée !
    En souvenir du décoinçage, elle ne porte plus sa culotte.
    Juste une jupe pour laisser sur ses fesses l’air la balayer
    Et me saluer en soulevant sa jupe d’une main tremblote.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La forteresse au cul coincé

    La forteresse au cul coincé

    Un peu timidement, un peu trop sagement,
    La demoiselle n’ose abandonner sa pose.
    Cache-t-elle un amant ou un arrangement ?
    Si ce n’est pas grand-chose, pourquoi être ainsi close ?

    Manque-t-elle d’audace les pieds nus sans godasses ?
    Cherche-t-elle la raison pour quitter sa maison ?
    La petit blondasse me semble un peu fadasse
    Sans une inclinaison pour la défloraison.

    Est-ce à moi de briser sa coquille irisée ?
    Pourra-t-elle casser l’enveloppe angoissée
    Qui l’enferme, épuisée, dans l’abandon grisé,
    Soumise et rabaissée, dans sa vie opiacée ?

    Cette sainte nitouche a l’amour sur la bouche
    Mais elle n’ose pas se jeter dans ses bras !
    Elle reste sur la touche sans risquer l’escarmouche.
    Pas de premier faux pas, pas d’abracadabra !

    Vénus, secoue-moi donc cette fille d’amidon !
    Fais-lui sentir tes charmes, fais du bien à son âme !
    Aide-moi, Cupidon, à secouer l’édredon !
    Sonnez bien fort l’alarme et lâchez les gendarmes !

    Préparez un calice bien rempli de malice !
    Donnez à cette gourde des mamelles bien lourdes !
    Remplissez de délices son cul jusqu’au calice !
    Plus jamais la balourde à l’amour sera sourde !

    Pénétrez l’intérieur de ce cœur de malheur,
    Remontez le réseau nerveux jusqu’au cerveau,
    Montrez à l’extérieur ses infimes douleurs,
    À grands coups de ciseaux, libérez cet oiseau !

    Si je vous racontais la suite au pied levé,
    Ce serait bien dommage et un manque d’hommage.
    Tentez d’imaginer, tentez de soulever,
    Quel divin allumage fit voler son plumage !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’ange endormi

    L’ange endormi

    Ô mon bel ange endormi, qu’as-tu rêvé cette nuit ?
    Un grand ciel bleu sans étoile ? Une explosion dans l’espace ?
    As-tu vu naître les hommes ? As-tu vu naître l’ennui
    Qui les endort en silence, coincés dans leur carapace ?

    Tu as les ailes roussies, ton auréole est voilée,
    Tes seins sont bien fatigués d’avoir livré tout leur lait.
    Ton sexe ruisselle de feu comme une flamme étoilée,
    Ton ventre est encore rond ; il a servi de palais.

    Tu as enfanté un œuf, fécondé par un esprit,
    Engendré par les étoiles et couvé par une humaine.
    Demain tes ailes tomberont, mais sans l’ombre d’un mépris,
    Ton auréole chutera tout au long de la semaine.

    Juste avant que tu t’éveilles, laisse-moi tenir ta main,
    Toucher une dernière fois l’envergure de tes ailes,
    Embrasser ton auréole pour un dernier examen,
    Embrasser tes aréoles, ton ventre de demoiselle.

    Mais voilà que tes yeux tremblent et que tes lèvres frémissent.
    Toutes tes plumes s’envolent dans un vol de canaris.
    Je vois ton ventre qui bouge pour annoncer les prémices
    De l’enfant qui va paraître et de sa mère Marie.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le deuil bleu de l’automne

    Le deuil bleu de l’automne

    Temps de deuil au sang bleu me fait pleurer les yeux ;
    La nature n’est plus qu’un tableau daltonien.
    Où est passé l’Azur, cet ange facétieux
    Qui colorait mes rêves parfois si plutoniens ?

    Je ne vous parle pas d’une couleur passée
    Mais d’une amie qui marque les souvenirs du cœur.
    Parmi les soirs d’étés dans des tons compassés
    Lorsqu’elle allait coucher avec l’astre moqueur.

    Je n’entends plus le temps, je n’entends plus le vent.
    Le vacarme muet des feuilles mortes est creux.
    Les oiseaux sont en deuil et chantent à contrevent
    Des liturgies d’adieux au souvenir chancreux.

    Je n’aurai pas de rimes, je n’aurai pas de mots
    Pour vous dire combien ce bleu m’était précieux !
    C’était plus qu’un amant, c’était mon cœur jumeau ;
    Je ne puis que pleurer, le cœur sur les essieux.

    Adieu sel de la vie, adieu bleu de mes yeux !
    Ce monde n’est plus le mien et je vais m’enfermer
    Durant tout mon hiver, je serai disgracieux,
    En veillant sur ses cendres jusqu’à les transformer !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les naufrageurs de l’espoir

    Les naufrageurs de l’espoir

    L’œil embrasé de Neptune me semble un peu taciturne.
    Il ressemble à un soleil qui prétend nous réchauffer.
    Mais si on s’approche un peu de l’obscurité nocturne,
    Ce ne sont que des démons en train de philosopher.

    Tous ceux qui cherchent l’espoir de se montrer au soleil
    Doivent payer leur tribut à cet archange déchu
    Qui leur a fait miroiter mille millions de merveilles,
    À condition de payer à leur bassinet pêchu !

    Ce sont de vrais parasites qui survivent de l’espoir
    De tous ceux qu’ils font rêver en promettant le succès,
    Qui après avoir craché tombent dans le désespoir
    De n’avoir ni retombées, ni ouverture, ni accès.

    Parfois ils font des tournées, soi-disant près du public…
    On se retrouve coincé entre les fruits et légumes
    Au sein des supermarchés à faire, comme une supplique,
    Des cadeaux aux ménagères dans un climat d’amertume.

    Quand vous voyez s’élever ces sémaphores abusés
    Laisser-les s’époumoner, laissez-les à leur sommeil.
    Éloignez-vous du halo des promesses désabusées
    Et croyez en votre cœur, c’est votre intime conseil.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Nature floue

    Nature floue

    Cette nature floue est mon environnement.
    J’y vis dans un brouillard de verbes et de mots
    Qui troublent ma vision et, quotidiennement,
    Je chemine à tâtons, j’y vais pianissimo.

    Cette entrave à mes pas, peut-être, trop protectrice,
    Ralentit mes élans et calme mes ardeurs.
    Mon cerveau est l’éponge d’une âme directrice
    Qui noie mes émotions d’un médium retardeur.

    La bouteille est fondue, elle est contre nature.
    Sa frontière n’est plus qu’un leurre d’illusion.
    Tout comme cette pomme qui me paraissait mûre
    Mais qui, en la mordant, n’était que confusion.

    Mais là où tout parait, limites et contraintes,
    J’ai aperçu des anges, amis imaginaires.
    Ils ont su me guider parmi les labyrinthes
    Sans me lâcher la main, étonnants partenaires !

    La grappe de ma vie est ainsi vaporeuse :
    Chaque grain isolé se fond au voisinage.
    Mais elle m’a apporté une flamme amoureuse
    Qui m’a désenchaîné des maudits engrenages.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mon vieux jardin secret

    Mon vieux jardin secret

    Ce jardin multicolore, échappé de mes pensées,
    C’est mon vieux jardin secret peuplé de tous mes souhaits.
    Tous les elfes des forêts, dans des orbes compensés,
    Se cachent avec les fées dans cet étrange jouet.

    J’aime ces couleurs fanées comme une tapisserie
    De vieux roses et blancs cassés dans un camaïeu de gris.
    Quelques touches délavées dans une blanchisserie,
    Quelques touches de pastels sur des couches rabougries.

    Mais il y a de la lumière qui jaillit de mon bouquet !
    Laissez vos yeux reposer et regarder au-delà.
    Vous verrez bientôt surgir quelques jeunes paltoquets,
    Tout un petit peuple allant échanger ceci, cela.

    Les fleurs font un beau bouquet lorsqu’elles sont très jolies !
    Les roses sont à marier lorsqu’elles sont appareillées.
    Regardez dans chaque fleur, s’il y a mélancolie,
    Recherchez son âme-fleur, laissez-les s’ensoleiller.

    Ce bouquet de nostalgie n’a pas perdu son éclat !
    Chaque fois que je le vois, j’en ressens la même joie
    Que lorsque j’étais l’enfant qui contemplait ces aplats
    Et voyait un monde en fête avec tous ses villageois.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vénus à la feuille d’automne

    Vénus à la feuille d’automne

    La première est naturelle, comme Vénus qui s’endort.
    Elle s’est juste assoupie pour échapper aux soucis.
    Elle est sereine et discrète, berceuse pour la mandore
    Dont elle pince, invisible, les quatre cordes adoucies.

    La deuxième est plus inquiète et ses gestes sont agacés.
    Son bras se fait protecteur et sa tête cherche l’ombre.
    Ce n’est plus dans le sommeil qu’elle cherche à s’effacer,
    Mais dans la fuite crispée vers l’abîme de la pénombre.

    La troisième s’est figée, fondue dans l’incertitude.
    Elle s’est statufiée à force de tergiverser.
    Assise sur la fenêtre en quête de sa quiétude,
    Son mouvement suspendu fuit les secondes versées.

    Ô Vénus, non, n’essaie pas d’inventer une seconde
    Un endroit où échapper à faire ce que tu dois.
    Peu importe que sera, et pour toi et pour le monde,
    Le résultat de ton choix car ce qui compte, c’est toi !

    Faire un choix, ce n’est pas fuir, abandonner ou trahir,
    C’est simplement s’impliquer, c’est confier son essence
    Pour faire une expérience, sans se laisser envahir.
    Mais il y a toujours le choix de partir dans l’autre sens.

    Tableau de Fabienne Barbier