Catégorie : Les imagerimes

  • L’amante papillonne

    L’amante papillonne

    Papillon du soir, bonsoir !
    Papillon de nuit, espoir !
    Papillon de jour, bonjour !
    Papillon d’amour, toujours !

    J’aime m’accrocher à ton dos
    Et m’agripper à tes ailes,
    Virevolter quelques rondeaux,
    Cramponné à tes mamelles.

    Papillon de lune, dis-moi…
    Papillon d’étoile, crois-tu…
    Papillon soleil, crois-moi…
    Papillon je t’aime, sais-tu ?

    Ouvre bien grand tes antennes,
    Déploie bien grand tes deux ailes,
    Ouvre ton cœur de fontaine,
    Je t’aimerai avec zèle.

    Papillon de l’air, écoute ;
    Papillon de l’eau, regarde ;
    Papillon de terre, tu goûtes ;
    Papillon de feu, me garde !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’oiseau printanier

    L’oiseau printanier

    Ô joli diapason de la nature intime,
    Toi qui a le secret de tirer du sommeil
    La partie de la Terre qui repose en victime
    Sous le rideau d’hiver d’une neige vermeil.

    Depuis combien de nuits, luttes-tu avant l’aube,
    De peur qu’une patrouille te surprenne en délit ?
    J’entends ta douce aubade qui me charme les lobes
    Et résonne l’accord juste au périhélie.

    Que tous nos compagnons recouvrent le sentier !
    Tous ces petits cœurs chauds au matin de leur vie.
    Que ces milliers de pattes reprennent leurs chantiers
    Pour continuer encore leur mission de survie !

    Que croyez-vous qu’il guette avant le point du jour ?
    Une damoiselle oiseau et sa flamme à aimer ?
    Ce petit prêtre en plumes veille sur le séjour
    De l’étoile du matin dans l’azur essaimé !

    C’est au cœur de l’hiver, dans le froid absolu,
    Qu’il naît d’une raison qui nous échappe encore.
    Mais nous savons, qu’au cœur du mal, est résolu
    Cet amour qui extrait, du vide, ses avant-corps.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Cœur de comète

    Cœur de comète

    Aussi profond que mon âme qui m’accompagne inconsciente,
    Aussi loin que mes racines qui s’enfoncent à l’infini,
    Aussi ancien que mes rêves d’une passion alliciante,
    Aussi aimant que la vie de l’univers transfini.

    Cette comète d’amour n’a jamais été créée ;
    Bien antérieure au passé et postérieure au futur.
    Elle marque l’origine, la nature procréée,
    Elle trace la portée jusqu’à l’ultime suture.

    C’est la loi de l’attraction qui s’exerce à travers elle,
    Celle qui unit l’amour depuis la cinquième essence ;
    Jusqu’au sixième palier que nous sommes avec zèle
    Et vers ce septième ciel dont rêve notre conscience.

    Création délibérée d’une volonté divine,
    Ou mécanique céleste, ou mécanique quantique ?
    Elle a des milliers de noms et des milliers d’origine,
    Mais elle est universelle et sonne comme un cantique !

    Cet écho de permission qui résonne dans l’espace
    Accorde à ceux qui l’entendent la course d’évolution.
    Sentez-vous sa vibration dedans votre carapace ?
    C’est le geste du pardon, le cœur de révolution.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Infusion de cœurs

    Infusion de cœurs

    Un remède de bonne femme mais qui serait efficace ?
    La barre peut paraître bien haute à tous ces sots misogynes,
    Mais j’aspire à témoigner comme intime dédicace
    Que seul l’amour d’une femme guérit les maux androgynes.

    Comme un Saint-Graal féminin, une coupe aphrodisiaque
    Qui dégagerait des bulles légères en forme de cœur.
    De ce verre de nectar, au parfum paradisiaque,
    J’aime sentir sur mes lèvres papilloter la liqueur.

    Prenez le trois fois par jour, buvez le trois fois par nuit,
    Jusqu’à ce que son effet, vous donne envie de voler !
    Vous en prendrez quelques gouttes dans votre bain de minuit
    Jusqu’à ce que les étoiles vous incitent à convoler !

    J’en ai senti les fragrances jusqu’au soleil de midi,
    Des arômes hermétiques dans leur flacon bien fermé.
    Mais l’essence de l’amour peut faire cas d’apatridie ;
    Elle traverse les frontières et n’est jamais enfermée.

    Cet élixir de jouvence aux mille cœurs effervescents
    Est le reflet de mon âme, comme un double inconscient.
    J’en ai appris la recette d’un hymen interressant
    Qui m’a transformé l’esprit jusqu’au profond subconscient.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le puits des amours

    Le puits des amours

    Dans ce puits, j’ai semé une pluie de présents ;
    Quelques pièces d’argent pour un peu de confort
    Qui s’entassent au fond depuis que j’ai treize ans
    Et quelques pièces d’or pour plus de réconfort.

    Quand mon cœur était pris pour une jolie fille,
    J’y jetais mes pensées et mes rêves d’amour.
    Si la vie me privait de ses jolies pupilles,
    J’y versais mes sanglots noyés de désamours.

    Deux fois, il est sorti une étoile filante
    Qui m’a douché le corps et émerveillé l’âme.
    Deux enfants sont sortis, une nuit jubilante,
    Pour, un peu de bonheur, alimenter ma flamme.

    Un jour je suis tombé au fond de ses entrailles
    Et de mes os brisés j’ai entendu la voix.
    Une sorte d’écho qui perçait les murailles
    Comme à l’âme un fanal et au corps un pavois.

    J’y reviens tous les jours interroger l’oracle ;
    Je n’entends plus sa voix si ce n’est sa présence.
    Mais la confiance est grande et je crois au miracle
    D’un présent éveillé comme intime plaisance.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vers les plus hautes branches

    Vers les plus hautes branches

    Cette pompe à chaleur bat le cœur de la sève,
    Un capillaire astral braqué sur le soleil.
    Inexorablement, il porte tous mes rêves
    Pour les réaliser au sortir du sommeil.

    Ils sont là, tous mes vœux, tous mes espoirs intimes ;
    Je les ai semés hier dans le profond respect
    En priant l’univers de toute mon estime
    Pour purifier mon âme envers tout irrespect.

    Sentez le sol trembler de l’énergie divine,
    De la Terre qui lève ses arbustes flambeaux !
    De la Terre au Soleil, les ruisseaux des ravines
    Transportent le courant par ses moindres lambeaux.

    Ce soir j’irai prier sous les plus hautes branches
    Ces prêtres végétaux qui parlent aux étoiles.
    J’arroserai mon arbre des pensées les plus franches
    Qui coulent de mes os aux tréfonds de la moelle.

    Suis-je frère de sang ou bien frère de sève ?
    C’est toujours l’eau du ciel qui draine la matière.
    Cet ascenseur divin constamment me relève,
    Il protège mon bras comme une cubitière.

    Cubitière : Partie de l’armure à plates qui protège le coude (garde-bras).

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Goûter à l’audace

    Goûter à l’audace

    Quelques bouteilles de liqueur, un paysage à ma fenêtre
    Et je voyage dans un train qui me transporte vers l’orient.
    Quelques verres et l’ennui me saoule, pour un petit bonheur à naître
    Dans une rencontre impromptue, un visage me souriant.

    Une bousculade fortuite, je me retrouve dans les bras
    De cette passagère en fuite à la poursuite de son cœur.
    Quelques paroles échangées, un sésame « abracadabra »
    Et je l’invite pour m’éviter de demeurer soliloqueur.

    De cette table inanimée nous avons fait notre terrain.
    Terrain de jeux pour commencer, pour un peu nous apprivoiser.
    Puis, comme sur un échiquier, disposant nos couverts d’airain,
    Nous avons posé nos valeurs sans toutefois en pavoiser.

    Quelques formules d’ouverture pour nous orienter sur les cartes,
    Je mets mes maux entre mes mots, elle met ses peurs contre son cœur.
    De découverte en découverte, nous nous dévoilons nos pancartes,
    Mes maux deviennent du bonheur, ses peurs disparaissent en chœur.

    L’aurais-je laissée s’échapper sans oser demander sa main ?
    Je n’aurais pas un seul instant regretté d’accomplir le geste.
    Je l’ai rattrapée sur les quais, suivant son odeur de jasmin
    Et puis je l’ai accompagnée pour cette vie et pour le reste.

    Et depuis lors, sur notre table, toutes nos bouteilles témoignent,
    Tous nos verres au garde-à-vous célèbrent ensemble notre audace
    D’avoir osé croire au bonheur, de l’avoir pris à pleine poigne
    Et de marcher sur le chemin de l’euphorie plein les godasses.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cygne blanc

    Le cygne blanc

    Ma caravelle n’a qu’un mât, tout en voilure de plumes ;
    Un fier vaisseau amiral, en recherche d’aventure,
    Accomplissant au printemps, pour un peu plus de volume,
    Cygne blanc ou cygne noir, sa quête de progéniture.

    Ce cou en moitié de cœur sur un corps tout en panache
    Ne demande qu’à s’assembler pour dessiner sur les ondes
    Le symbole de l’amour mais sans l’ombre d’un ganache
    Que renverrait le miroir aveugle comme une sonde.

    Inutile de songer à contempler son image
    Et penser être complet comme un auto-mariage !
    Ce reflet quoiqu’inversé n’en est pas moins un mirage
    Où le Narcisse imbécile perdrait son coloriage.

    Si le reflet réfléchit, n’est-ce pas pour explorer
    Une part de son passé qui serait restée trop sombre ?
    Comme un flambeau sur le dos, aux arrières déplorés,
    Qui éclaire les manières enfouies sous les décombres.

    Mais le cygne indifférent à tout ce que je raconte
    S’en vint hautain et distant dans sa course solitaire.
    Le soir il partit danser sans demander un acompte
    Avec sa belle dulcinée et leurs échos s’agitèrent.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le printemps imaginaire

    Le printemps imaginaire

    Le retour des hirondelles sur la crête des collines,
    Les gazouillis en aubade juste avant le point du jour,
    Les paysages fleuris comme robe crinoline.
    Pas de doute c’est sa marque, je la reconnais toujours !

    Des effluves embaumés dès le soir sur les terrasses,
    Des fragrances délicates le matin à ma fenêtre,
    Des arômes qui serpentent sous ce soleil si vorace.
    Il n’y a plus d’incertitude, je sais bien la reconnaître !

    Les oiseaux volent en tandem au raz de l’eau, en surface,
    Tous ces petits animaux qui s’enfuient bras-dessus bras-dessous,
    Les cygnes traçant des cœurs de leurs longs cous qui s’enlacent.
    Je n’ai plus d’hésitation, tous mes doutes sont dissous !

    Nul ne peut l’apercevoir s’il n’oublie ses préjugés,
    Nul ne pourra la toucher s’il ne fait pas confiance,
    Nul ne pourra l’approcher de ses bras centrifugés,
    Elle vibre au diapason des humains sans défiance.

    Depuis la cour de l’école dans le creux d’un marronnier,
    Elle était l’amie fidèle qui me contait les saisons.
    Aujourd’hui quand je m’envole, elle aide le prisonnier
    À retrouver ses racines et hâter sa floraison.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’œil neuf

    L’œil neuf

    Tandis que l’œil du cœur tourne autour de l’orbite,
    L’œil de l’esprit renaît pour une autre aventure.
    Bienvenue à la vie, adieu pensées morbides !
    Bonjour jeunes couleurs aux reflets d’argenture !

    Attention ! Mon petit oiseau va s’envoler
    Pour joindre l’horizon à mon cœur en éveil.
    Tout chargé d’émotions, il a pris sa volée ;
    À tire-d’aile, il file au pays des merveilles.

    Il pleuvait ce matin, le soleil a percé.
    Tous les nuages gris se sont éparpillés.
    Les chagrins de la veille, à mon cœur transpercé,
    Se sont évaporés en nues écharpillées.

    Mes oreilles n’entendent que le chant des sirènes
    Et sont sourdes aux misères qu’apporte le monde.
    Je ne vois que les joies positives et sereines
    Qui assainissent mon cœur de ces troubles immondes.

    On dit que je suis fou, que je vis dans mes songes ;
    Que les simples d’esprit n’ont pas les pieds sur terre.
    Mais mon œil neuf sait voir vérité et mensonge ;
    Le bonheur est acquis à mon cœur libertaire.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La Joconde brunette

    La Joconde brunette

    Un sourire complice sur sa bouche pincée,
    Un reflet de malice posé sur son regard,
    La Joconde jeunette a encore évincé
    Un prétendant en herbe, ridicule et ringard.

    Pas besoin de chercher parmi le clair-obscur !
    Nulle part elle n’aura l’aspirant de son choix.
    Ni Castor, ni Pollux, les enfants Dioscures,
    N’ont eu plus de succès que le bandit manchois.

    Laissez-moi vous conter qu’un pompier intrépide,
    Voulant briser la glace, mit le feu à son cœur.
    Hélas, le feu de paille devint vite insipide
    Et le pauvre sapeur digéra sa rancœur.

    Une autre fois ce fut un gredin de Sicile
    Qui pensait l’enlever sur son île déserte.
    Mais pour le déjouer, ce ne fut pas difficile
    De l’envoyer balader d’une fable diserte.

    Moi, fort heureusement, je ne suis que son père !
    J’ai le seul privilège de ne jamais déplaire.
    Je suis le détenteur de ses rêves prospères
    Et je reste un pilier calmant pour lui complaire.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’ondine gourmande

    L’ondine gourmande

    Comme il pleuvait aujourd’hui, j’ai proposé à ma blonde
    D’aller la promener nue sous cette pluie torrentielle.
    Elle s’est déshabillée, s’est précipitée sous l’onde
    En s’aspergeant avec joie de cette eau providentielle.

    Elle est fille de sirène et la mer est son berceau ;
    Elle a les yeux de sa mère et sa longue chevelure.
    Elle est née fille des vents sous le signe du verseau ;
    Elle a la bouche de son père et sa fine dentelure.

    L’eau est son besoin vital de particulière essence !
    Il lui faut de l’eau du ciel pour fournir sa subsistance.
    La moindre ondée lui déclenche une crise d’effervescence ;
    Elle va promener nue sans peur et sans résistance.

    Il faut la voir se vautrer dans les flaques avec délices,
    L’eau gouttant de ses tétons comme fontaine ineffable !
    Arquant son bassin sacré comme happé par une hélice
    Vers les cieux condescendants et leur protection affable.

    Pour la soustraire aux regards des curieux indésirables,
    Nous habitons près d’un lac dans la Cordillère des Andes.
    Moi, je guette les nuages dans ce repaire admirable
    Et j’engendre les orages avec ma verge gourmande.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La sirène aux seins doux

    La sirène aux seins doux

    Chaque fois qu’elle s’accoude au rebord de la piscine
    Et que ses seins généreux défient l’anti gravité,
    Mon regard, pourtant hautain, retombe au pied des glycines,
    Soumis à leur tentation et leur attractivité.

    Seuls peuvent rivaliser ses beaux yeux myosotis ;
    Cette flamme bleue intense qui m’impose le silence ;
    Tandis que ses mamelons n’ont pas besoin de notice
    Pour m’ordonner le respect fors de cette ambivalence.

    Mais la sirène est muette et ne sait dire « je t’aime »
    Elle ne sait que sourire et hypnotiser ses prises.
    Ça commence par les yeux, son plus précieux système,
    Et s’achève par les seins dans une double surprise.

    Pour apprivoiser la nymphe, il faut passer par derrière,
    Prendre les seins dans ses mains et les masser tendrement.
    Lorsqu’elle ferme les yeux, ne pas faire machine arrière
    Et l’embrasser sur la bouche un peu plus allègrement.

    Beaucoup d’hommes ont essayé et beaucoup d’hommes ont péri.
    La sirène n’admet pas qu’il puisse y avoir un faux pas.
    Si j’ai su plaire à son cœur contre toutes intempéries
    C’est en lui goûtant son lait et savourant ce repas.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fille aux yeux papillons

    La fille aux yeux papillons

    Un joli papillon posé sur son visage
    Comme un masque placé pour dissimuler ses peurs.
    Qui saura quelles fins déterminent l’usage
    De ce voile fébrile insolite et trompeur ?

    Quand les craintes animent un doux visage ardent
    Pour recouvrir ses yeux de deux ailes troublées,
    Il faut croire à l’audace perçue en regardant
    La vision timorée mais pourtant redoublée.

    Mais le masque n’est qu’une beauté éphémère
    Qui s’envolera bientôt pour d’autres fleurs sauvages,
    Laissant la fille en fleur un jour devenir mère
    Et quitter sa jeunesse pour un autre esclavage.

    Je l’ai connue enfant, insouciante et rebelle,
    Courant dans le soleil et poursuivre ses rêves.
    Aujourd’hui elle vit, la frêle colombelle,
    Dans la saison confuse, adolescente et brève.

    Seul le temps nous dira qu’a fait le papillon…
    Est-il resté gardien fidèle et implacable ?
    Ou bien l’a-t-il laissée franchir le portillon
    Pour vivre ses amours et sa vie immanquables ?

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’appel du printemps

    L’appel du printemps

    Sur un air de Vivaldi qui courrait sur la campagne,
    Une gerbe de rayons réveilla les fleurs sauvages.
    Les danseuses aux pétales, comédiennes et compagnes,
    Ont bondi sous le faisceau de l’étincelant breuvage.

    Ô Printemps, si ta musique ressuscite les fantômes,
    Répands-la dans les esprits qui languissent dans les villes.
    Illumine les ruelles, renouvèle les symptômes
    Qui font fleurir le bonheur dans les affaires civiles.

    Entendez-vous les violons, les altos, les violoncelles
    Qui sèment leurs partitions sur tous les champs de la terre ?
    Voyez-vous entre les branches, les discrètes étincelles
    Qui annoncent les bourgeons sur les arbres sédentaires ?

    Quand les fleurs jouent les cymbales dans la danse du soleil
    Et que les papillons d’or font voltiger leurs baguettes,
    Les percussions des bourdons, qui flirtent avec les abeilles,
    Mettent une ambiance de joie dans les forêts aux guinguettes.

    C’est le sacre du printemps qui réveille les dormeurs
    Et les sort de leurs effrois, de leurs plaintes et leurs chimères.
    Ouvrez bien grand vos fenêtres, aérez bien vos demeures !
    Laissez entrer dans vos cœurs cette hardiesse primaire !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La Madone aux étoiles

    La Madone aux étoiles

    Créatrice éphémère d’un univers sans fin,
    Amoureuse éternelle des anges butineurs,
    La Madone aux étoiles étreint jusqu’aux confins
    Du firmament de glace ses amants patineurs.

    Un jet de lait furtif cristallise le fruit ;
    J’en observe la trace une nuit sans étoile !
    Les saintes mamelles ont le goût de l’usufruit
    Qui nourrit ses enfants et les couvre de toiles.

    Si Dieu est féminin aréolé de saints,
    Je demande à goûter encore la jouissance
    De ses seins nourriciers qu’Il me montre à dessein
    Mais avec la tendresse de sa magnificence.

    La Madone est ainsi, amoureuse éternelle ;
    Et plus je le redis, plus j’apprécie l’extase
    D’un amour ineffable, tendresse sempiternelle,
    Qui conseille et conduit mon âme vers l’épectase.

    Enfin, c’est là que j’aime aller aux quatre vents
    Quand mon esprit n’est plus qu’un souvenir de braise.
    Que m’importe d’user mon corps à contrevent
    Si l’ivresse m’élève comme un alcool de fraise.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vilaine aux jolis seins

    Vilaine aux jolis seins

    Elle s’appelait Vilaine, jamais je ne l’oublierai.
    Quand elle me regardait de ses jolis seins pointés,
    Pour me préserver les yeux de leur éclat déliré,
    Je les fermais chaque fois à mon cœur désappointé.

    Pour préserver cet amour et le nourrir chaque jour,
    Je ne devais pas lever le regard sur sa beauté.
    Je me fiais à l’odeur qui fusait à contrejour
    De ses mamelons fleurés sur sa gorge chapeautée.

    Mais un soir au crépuscule, d’une passion trop intense,
    J’ai osé la regarder pour mieux la mémoriser.
    Ses deux tétons turgescents étaient de telle importance,
    Qu’ils brillaient comme un soleil pour mieux me martyriser.

    Aveuglé par l’éminence de la poitrine obligeante,
    Je baladais à tâtons ma main entre ses tétons.
    C’est ainsi qu’en pétrissant cette chair encourageante,
    Je l’ai gravée en partant avec mes petits petons.

    Aujourd’hui j’y vois plus clair mais la cicatrice reste
    Et quand je ferme les yeux, il m’apparait le fantôme
    De ces mamelons avides à l’émergence si preste !
    Et l’empreinte restera comme un cruel hématome.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’Archi-Capricorne

    L’Archi-Capricorne

    « Capri, c’est pas fini et bientôt ça prend forme ! »
    Telle est la loi réglée de l’Archi-Capricorne !
    Tout est né de l’idée de prendre la terre informe
    Et de la transformer en magique Licorne.

    Par ses capacités mentales et concrètes
    Elle fait apparaître la conscience du temps.
    Et avec la durée, par sa patte discrète,
    Son capital grandit bien loin du débutant.

    Si la maturité apparaît dès l’enfance,
    Cet Archi-Capricorne sera bon gestionnaire.
    Mais son aspect sera bientôt mis en balance
    Avec austérité et rigueur nécessaires.

    Ce sont ses liens sociaux et ses valeurs communes
    Qu’elle partagera qui donnera le charme
    D’une capacité à séduire les unes
    Et attirer les autres sans verser une larme.

    D’un aspect de puissance et d’élan créateur,
    Elle s’est renforcée dans le creux de son âme.
    Mais beaucoup de tensions d’esprit transformateur
    Lui fera rechercher l’harmonie de la femme.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La forêt endormie

    La forêt endormie

    Tout doucement s’éveillent, à la nuit de l’hiver,
    Les frêles pâquerettes un peu matutinales.
    Les bourgeons apparaissent sur les branches olivaires,
    Le grand sommeil s’éteint sur une aube finale.

    Les grands arbres s’étirent et baillent doucement ;
    Les oiseaux les excitent dès la pointe du jour.
    À l’abri des ombrages dans les renforcements,
    Les œufs couvés frétillent prêts à dire bonjour !

    Février sonne l’heure des premières prémices
    Comme l’horloge suisse au quatrième top.
    Quand vient la pleine lune, la charmante Artémis
    Frappe Odin d’une flèche et lui marque le stop.

    L’avez-vous entendu, le coucou du matin,
    Bien avant que l’aurore vous pâlisse le ciel ?
    Dès qu’il sonne l’appel et que son cri m’atteint
    Je regarde s’éclore la nature matricielle.

    Les fées tissent les toiles emperlées de rosée,
    Les elfes ressuscitent le bestiaire hiberné.
    La mort s’en va honteuse sur sa faux nécrosée,
    Vers d’autres hémisphères où devoir giberner.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les invitations de ma jeunesse

    Les invitations de ma jeunesse

    Le phonographe du temps jouait inlassablement
    Cette vieille partition sur laquelle je gravais
    Mes ballades nostalgiques pour sempiternellement
    Inviter quelques amies pour un goûter aggravé.

    Un élixir de malices, juste pour les enivrer ;
    Quelques fruits aphrodisiaques, juste pour les exciter ;
    Des coupes en forme de calice aux parures d’or givrées ;
    Quelques chaises accommodantes, pour mes jolies invitées.

    Il fallait une banane pour de l’autosuggestion ;
    Un petit panier de fraise pour en croquer un lopin ;
    Cinq kiwis, une pastèque, pour hâter la digestion ;
    Et une poignée d’amandes accompagnées de lupins.

    Une liqueur d’ananas décantée la veille au soir ;
    Avec du sirop de figue cueillies à la pleine lune ;
    Un avocat de rigueur pour assurer mes espoirs
    Et enfin une grenade pour mes idées opportunes.

    Si tout s’était bien passé, je servais à mes nanas
    Un petit café serré et des petits chocolats.
    Pour finir, en digestif, une liqueur de guarana.
    À la sieste nécessaire je gagnais ma tombola.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le tact de la potière

    Le tact de la potière

    L’important, c’est de tourner autour du pot la main leste !
    Il faut bien juger le galbe et la taille de la cruche ;
    Il la faut bien évidée afin d’y joindre le geste
    Qui travaillera ses formes dans les rayons de la ruche.

    L’important, c’est de palper et bien sentir la matière !
    Juste assez sur les côtés, bien répartir au culot ;
    Car, pour servir de nourrice à une famille entière,
    Il faut pouvoir contenir et s’adapter au goulot.

    L’important, c’est revenir plusieurs fois sur son ouvrage !
    Les meilleurs pots resteront ceux qu’on aime retrouver.
    Si tu sais bien les remplir jusqu’au calice, sans bourrage,
    Les cruchons bien éduqués n’auront plus rien à prouver.

    L’important, c’est le premier contact avec la texture !
    Que de bonnes intentions et point de pensées impures !
    Il ne faut jamais brusquer sous peine de déconfiture
    Les pots-aux-roses en bouton pour les meilleures boutures.

    L’important, c’est le pied ferme, enroulé dessous les formes ;
    La jambe bien repliée à l’aise dans le giron.
    Tu verras que tôt ou tard si le bassin se déforme
    C’est pour mieux te rassasier et alors mes pots t’iront.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’ange décalé

    L’ange décalé

    Par le décalage horaire, il a le regard absent ;
    Dans l’écartement du tendre, son esprit part en morceaux ;
    Dans l’espace d’un instant, son cœur est obsolescent ;
    Dans l’intervalle du temps, il en a plein les dorsaux !

    Mais comment s’imaginer qu’on puisse dire « je t’aime »
    Et puis un jour retirer sa pensée d’un coup de gomme.
    Comment oser publier sans être enduit d’anathème
    Que l’amour peut se reprendre comme on pèse quelques pommes ?

    C’est la faute à Stupidon, l’ange bancal de l’amour !
    Ce maladroit qui décoche ses flèches tordues et voilées !
    C’est la faute à tous les hommes qui se perdent dans l’humour ;
    C’est la faute aux bonnes femmes qui n’osent se dépoiler.

    Tout le monde parle d’amour mais chacun dans son langage.
    L’un le confond à l’humour, l’autre au sexe et au glamour.
    D’autres le traitent comme un jeu où pratiquer le tangage
    Mais tout ça c’est des paroles qui riment avec désamours.

    Mes amis, il est grand temps de remédier au problème
    Et je propose de faire un peu de compréhension.
    L’amour est indélébile, c’est un honneur, un emblème
    Et oser le retirer fait preuve de dissension.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Paysage mouillé

    Paysage mouillé

    Promenant mes souliers près d’un lac singulier
    Et les ayant trempés pour m’être rapproché
    Un peu trop de ses rives aux roseaux penduliers,
    Je tentais d’en sortir sans me le reprocher.

    Ainsi je me hâtais vers des terres plus fermes
    Pour avoir les pieds secs et les idées plus claires.
    Sur cet oasis sec se dressait une ferme,
    Portes et volets fermés, un peu patibulaire.

    Je m’aventurais donc sur ces terres incertaines
    Quand une voix aigüe me fit tendre l’oreille ;
    Une jeune paysanne d’une allure hautaine
    Et vêtue de surcroit du plus simple appareil :

    « Si ta queue est aussi mouillée que tes chaussures,
    Viens auprès de mon feu, je vais la réchauffer ! »
    S’exprimant d’un sourire pendu aux commissures
    Qui argumentait bien de quoi philosopher…

    Alors je suis allé me sécher les godasses ;
    Je me suis mis tout nu pour plus de sûreté.
    Et la chaudasse a su faire preuve d’audace
    En me suçant tout cru en toute impureté.

    Mes enfants, vous irez marcher dans la nature,
    Vers ce lac imbécile en chaussant bien vos bottes !
    Mais si vous préférez plutôt une aventure
    Ne portez ni chemise, ni caleçon, ni culotte !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Faisons déconfiture !

    Faisons déconfiture !

    Pour une composition de bonne déconfiture,
    Je vous ai préparé les fruits les plus pourris,
    De ma plume émoussée de grossière écriture,
    Avec des mauvais vers et des chauves-souris.

    Commencez par un fût qui aurait fait long-feu,
    Déposez-y les fruits un peu écrabouillés ;
    Puis en guise de sucre, mettez des boutefeux
    Et attisez le tout pour tout carambouiller.

    Lorsque ça épaissit, jetez-y une enclume.
    Si elle ne flotte pas, rajoutez du gros sel.
    Si ça ne mousse pas, rajoutez quelques plumes
    Puis versez le gruau dans une grosse faisselle.

    Laissez bien refroidir pendant deux ou trois nuits
    Dans un endroit humide qui sent le renfermé.
    La nuit de pleine lune, attendez-donc minuit,
    Prenez un grand couvercle, agitez, refermez.

    Plusieurs mois ont passé, invitez vos amis !
    Vos meilleurs ennemis, vos maîtresses éconduites…
    Nappez-en quelques toasts avec du salami
    Et Dieu vous octroiera une peine réduite.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Nature de morte saison

    Nature de morte saison

    Pour renouveler un peu ma nature singulière,
    Je me suis un peu amusé, sans arrière-pensée amère,
    À répartir dans ces pots, sans règle particulière,
    Le contenu de mon âme comme le faisait ma mère.

    Dans la bouteille d’eau-de-vie, une trace de sagesse
    Pour décanter mes ennuis et distiller mes envies.
    En laissant le temps œuvrer, en comptant sur sa largesse,
    J’obtiendrai un élixir à absorber à l’envi.

    Dans le broc, j’ai mis à plat, toutes mes insouciances,
    Mes maladresses et mes fautes pour mieux les clarifier.
    Vraiment, je ne sais pas trop si ça mérite la patience
    D’échanger mes eaux souillées en bon vin qualifié.

    Mais gageons que quelques fruits seront pleins de vitamines
    Et hausseront le tableau de ces liquides étranges.
    Une poire pour la soif, pour éviter la famine,
    Une pomme empoisonnée faute d’avoir une orange.

    Mais le temps n’a pas donné les résultats que j’espère.
    Ma nature est restée morte sans révéler de miracle.
    Alors j’ai changé de ton pour une vie plus prospère
    Et j’ai écrit ce poème pour lever tous les obstacles.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Combien de Pots ?

    Combien de Pots ?

    Combien de ces pots bleus et d’expériences grises
    Devrais-je accumuler dans mon grenier secret ?
    Combien de contenants et leçons bien apprises
    Devrais-je colorer de mes rêves indiscrets ?

    Hier encore j’ai rangé mes souvenirs intimes,
    Espérant à coup sûr embrasser mon destin !
    Je les ai recouverts d’une poussière infime
    Et ils ont regagné mes oublis clandestins.

    Les pots de mes chagrins ne sentent pas la rose
    Mais un renfermé sourd à mes aspirations.
    Et toute l’expérience est devenue morose
    À force de tourner sans commisération.

    Il est temps de briser tous ces pots imbéciles
    Que l’orgueil me conserve à l’abri du respect.
    Il est temps de jeter l’expérience inutile
    Qui nourrit mes greniers vides et circonspects.

    Je les ai balancés dans le champ du potier,
    Abandonnant aux vents mes intentions stériles.
    Et je vais parcourant les plages aux cocotiers
    Me nourrir de la vie et d’amours puériles.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Sortie des songes

    Sortie des songes

    Belle à peine ingénue émergeant de mes songes ;
    Hier encore sirène, aujourd’hui faite femme.
    Comme un arbre au printemps chargé de faux mensonges,
    Portant ses fruits de vie fors que mon cœur affame.

    Deux yeux pour m’observer, deux yeux pour me nourrir,
    Une bouche à sourire, une bouche à plaisir.
    Sauras-tu contenter mon cœur prêt à mourir ?
    Sauras-tu me séduire au-delà du désir ?

    Si souvent j’ai rêvé de ton visage tendre !
    Tu courrais avec moi accrochée à mon bras.
    Si souvent j’ai prêté une oreille à t’entendre
    Rire de mon malheur quand mon âme sombra !

    Mais tu as su plonger dans mes troubles abysses,
    Me prendre par la main lorsque je me noyais
    Et puis me ramener sur la rive propice
    Pour pleurer avec moi quand je m’apitoyais.

    Sans prononcer un mot et sans faire un seul geste,
    Tu as su exprimer une chanson d’amour.
    Juste avec ta poitrine, tes hanches et tout le reste,
    Tu as su ranimer une flamme d’humour.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Geronimo à l’appel

    Geronimo à l’appel

    Dès que le soleil se lève, il répond à son appel,
    Debout sur le pied de guerre et la main sur le clavier.
    Si Géronimo est prêt à jouer sur son Apple,
    C’est que l’ennemi est là et doit mordre le gravier.

    Écoutez ces cris de guerre qui montent dès le matin
    Pour galvaniser les hommes qui attendent leur café.
    Il faut bien nourrir ses troupes sans faire de baratin
    Pour donner de l’assurance d’un cœur ferme et sans gaffer.

    Parfois sonne la retraite qui nous promet une trêve
    Et le grand chef se retire auprès de son chocolat.
    Mais il ne mange pas trop ; il doit préserver ses rêves
    De ces cadeaux qu’il espère auprès de Saint-Nicolas.

    Des jours entiers il s’enferme ; c’est pour son recueillement
    En verrouillant bien sa porte scellant son isolement.
    Il a quand même veillé à faire, précieusement,
    Provision de ses Kinder Riegel bénévolement.

    Mais qui sera sa princesse, mais qui sera son Orphée
    Qui troquera son esprit contre un vrai cœur qui soupire ?
    Saura-t-elle l’enlacer auprès des bras de Morphée
    Pour vaincre cet imbécile et numérique vampire ?

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mes lettres-nature-mortes

    Mes lettres-nature-mortes

    Toutes ces invitations, que sont mes natures mortes,
    Voient l’appel à partager au-delà de la peinture.
    Voyez ce cadre parfait qui scelle comme une porte
    Le message recelé dans l’ultime fermeture.

    Tous mes récipients renferment mon nectar le plus intime.
    Oserez-vous y goûter ? Risquerez-vous d’accepter ?
    Mon breuvage est un poison qui vous fera ma victime,
    Mais aussi un antidote qu’il faudra intercepter.

    On prétend que mes images sont de parfaites inepties,
    Que leur créateur est fou ou frappé d’ignominie.
    Mais laissez-moi vous montrer qu’elles sont une asepsie
    Contre un mal que l’on vous fait croquer en catimini.

    Beaucoup d’autre ont refusé de rejoindre mes agapes.
    Ils m’accusent de malice et de vivre dans mes rêves.
    Souffrez que ces collations ne sont pas des chausse-trapes,
    Mais reflètent mes intuitions que je recueille sans trêve.

    Mes pensées contre nature ne resteront pas lettre morte ;
    Si elles sont décalées, c’est de l’homéopathie.
    Juste assez pour provoquer un réflexe en quelque sorte
    Pour réveiller votre aura, élever votre empathie.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le faucheur

    Le faucheur

    Il vous tranchera la vie au plus près de vos racines,
    Brandissant sa grande faux comme un sceptre d’agronome.
    Il vous scindera le cœur avec sa lame assassine
    De la précision glacée du funeste métronome.

    Mais c’est pour vous détacher de ces liens qui vous enserrent ;
    C’est pour mieux vous délivrer de ce que vous n’avez su faire.
    Lorsque l’heure est arrivée, il se fait votre émissaire
    Pour vous permettre d’oser de changer votre atmosphère.

    Je l’ai entendue siffler plusieurs fois dans cette vie,
    Tranchant chaque fois la part qui m’entrainait vers le bas.
    La blessure est douloureuse, difficile est le devis
    Lorsqu’il faut prendre commande et continuer le combat.

    Regardez-le aiguiser le fil ténu de sa lame
    Car il n’est pas immoral et ne cherche pas le mal.
    Il est juste l’instrument du plus profond de votre âme
    Qui décide quand il faut un jour préparer ses malles.

    C’est le passeur de votre âme, il faut bien le reconnaître
    Et le tranchant de sa lame est parfois bien nécessaire.
    Il faut mourir à la vie afin de pouvoir renaître
    Pour préparer le retour du prochain anniversaire.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les cendres de décembre

    Les cendres de décembre

    Au solstice de l’hiver quand tout se pare de glace
    Et que les cristaux fleurissent comme des étoiles au vent,
    Je monte à la citadelle retrouver dans son palace
    Ma reine sur sa terrasse, préoccupée sous l’auvent.

    C’est une tâche difficile qu’être reine des amours
    Pendant le temps des frimas et des journées raccourcies.
    Heureusement qu’il y a les nuits bien plus courtes que les jours
    Qui permettent d’abriter les idylles endurcies.

    Les volutes de tendresse parées de mille couleurs
    Enchantent mon cœur de braise et le préservent du froid.
    Les spirales de caresses éliminent les douleurs
    Et complimentent mon corps qui abandonne ses effrois.

    Toutes ces gerbes ardentes, dans des coïts prolongés,
    Me réchauffent le sérum qui coule dans mes artères.
    Toutes les étreintes vives entre nos corps allongés
    Me prolongent l’énergie dont je suis héréditaire.

    C’est la saison des amours mortes pour ceux qui hibernent,
    Mais c’est celle qui consume mon cœur et mon corps de feu.
    Je suis le Phénix de l’hiver, j’allume les drapeaux en berne
    Et j’entretiens votre flamme pour la saison des adieux.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Fleurs de novembre

    Fleurs de novembre

    C’est à l’aube des jours tristes qu’il faut sortir de l’impasse
    Avant que les afflictions n’envahissent mon pays.
    C’est aux portes de l’hiver, avant que mon cœur trépasse
    Que je vais cueillir mes fleurs dans les champs de l’abbaye.

    Je commence par l’Aurore, cette fleur du Canada
    Qui pousse à longue distance et me met le cœur en transe.
    Puis je butine Carmen, celle qui me répond « nada ! »
    Quand je demande son prix en faisant des remontrances.

    Sous le soleil de midi, j’aime cueillir Dalila
    Et la baiser dans le foin avec le vent pour témoin.
    Mais c’est notamment Fabienne que je couche dans les Lilas
    Retroussant sa robe blanche, sans culotte néanmoins.

    Plus tard dans l’après-midi, j’effeuille la marguerite
    Avec la jolie Sophie en lui ôtant ses habits.
    Lorsque le soleil s’abaisse, rasant les toits des guérites,
    Je lui broute le minou tartiné de wasabi.

    Sous la cape de la nuit noire, je dépose enfin ma gerbe
    De toutes ces fleurs des champs devant un feu de cheminée.
    Quand leur peau est bien dorée, comme le dit le proverbe,
    Je leur fais mon plein d’amour, aux sexuelles graminées.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les journées d’octobre

    Les journées d’octobre

    Pendant les journées d’octobre dans une lumière obscure,
    Quand le soleil importune les collines en gris-amer,
    Lorsque les brumes alourdissent les colonnes de mercure,
    Je sens l’amour qui s’étire dans le bleu-gris de la mer.

    Au moment de l’équinoxe, j’aime à parodier les noces
    En organisant des bals costumés particuliers.
    Toutes les femmes sont nues, juste un châle en mérinos
    Qui caresse leurs épaules par un charme singulier.

    Elles arborent un masque, ces Vénus incognito,
    Qui dérobe leurs visages aux prunelles indiscrètes.
    Laissant pour seule parure leurs plus gracieux capitaux ;
    Des seins en forme de poire, lumignons pour amourettes.

    Affiché comme un trophée entre des splendides cuisses
    Trône le symbole intime de leur temple de l’amour.
    Et lorsqu’elles vous dépassent, pas un silence ne bruisse,
    Dandinant leur croupe altière qu’on ne voit pas tous les jours.

    Souffrez que je vous délaisse juste un instant, s’il vous plait,
    Pour inviter à la danse la reine de ces beautés.
    Sur une couche confortable, avec mes plus beaux couplets,
    Je crée la danse du sexe que j’appelle le « cul-botté ».

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La vierge de septembre

    La vierge de septembre

    Il dit oui, il dit non, il ronronne au giron,
    Manifestant souvent ses airs d’indépendance.
    Il se plait à régner sur tous les environs,
    Il est maître à penser lorsque sa souris danse.

    Elle, c’est presque pareil et c’est tout le contraire !
    Caressant son matou couché sur son minou,
    Elle répète ses caresses sans jamais s’y soustraire
    Au chaton de son cœur, son petit coquinou.

    Si la chatte échaudée craint l’eau réfrigérée,
    Il vaut mieux pour le chat qu’elle soit en chaleur !
    Il faut être mouillée mais sans exagérer
    Sinon les saints sont durs et nous font un malheur !

    Le soir elle se met nue devant la cheminée,
    Le matou sur son ventre mordillant l’abricot ;
    Elle jouit dans l’extase de l’habile minet
    Fors la belle nubile lui court sur l’haricot.

    Mais le brave chaton aura sa récompense :
    Une chatte odorante agréable à lécher.
    La nymphomane aura comme unique dépense
    De nourrir de câlins l’animal alléché.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le cul assis entre deux chaises

    Le cul assis entre deux chaises

    Suspendue dans l’instant d’un temps mort hermétique,
    Elle fuit un passé qui ne lui convient pas.
    Réfugiée dans l’absence d’avenir hypothétique,
    Elle reste en balance et saute les repas.

    Elle n’a que regrets d’une vie chimérique
    Et accuse la vie de n’avoir rien compris.
    Elle cherche les raisons les plus ésotériques
    Qui ouvriront la voie qu’elle cherche sans tromperie.

    Si vous l’avez croisée elle a dû vous apprendre
    Où chercher la clarté et comment la trouver.
    Si elle vous a parlé vous avez su comprendre
    Qu’elle ne fait que quérir de vous être approuvée.

    J’ai partagé sa vie pour le temps d’un voyage,
    Toujours à fureter et chercher les phénix.
    Mais quand elle revient elle fait son nettoyage
    Et dilue les images qui tachent son cœur d’onyx.

    Toujours à préjuger et critiquer les actes,
    Toujours prête à étendre ses meilleures théories,
    Elle reste immobile dans la posture exacte
    Pour la reconnaissance d’être mise au pilori.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le goût de l’août

    Le goût de l’août

    À la saison des amours, lorsque les cigales chantent
    Et les grillons du foyer assourdissent le silence,
    Ce regard en clair-obscur, témoin d’un cœur qui déchante
    Attend, espère et soupire tous ses désirs en balance.

    Une alchimie de couleurs qui noie tous ses sentiments
    Dilue toutes les nuances qui peuvent altérer son âme.
    Sous les coups et les douleurs, ces morsures de piment,
    Qui mijotent dans le cœur et entretiennent sa flamme.

    La femme en pleine lumière révèle un cœur qui s’enflamme.
    Elle se dore sous le soleil et fait feux de tous ses charmes.
    Elle se gorge, elle accumule et si elle suscite le blâme,
    Elle l’évacue la nuit dans ses rires et dans ses larmes.

    Elle a besoin de soleil, c’est son aliment unique
    Pour en nourrir ses enfants fruits de ses amours triviales.
    Un feu ronfle dans son cœur comme un poêle magnifique
    Et réchauffe le foyer de sa maison familiale.

    Ne lui jetez pas la pierre de discorde réfractaire.
    Ne jugez pas ses envies, son orgueil et sa bohème.
    Elle distille les maux et les soucis de la Terre
    Dans le creuset de son cœur et les transforme en poèmes.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Roméo et Juillette nus

    Roméo et Juillette nus

    Nu dans mes pensées infimes, nu dans mes désirs ultimes,
    Je ne porte pas de masque ni la défroque des moines.
    Nu dans mes gestes usuels, nu jusqu’à mon âme intime,
    Je m’évade de la masse en me chamarrant la couenne.

    Je saurai vous mettre à l’aise sans souci et sans complexe ;
    Je ne porte aucune arme, c’est là que réside le charme.
    Laissez-moi donc vous séduire par la valeur de mon sexe ;
    Allongez-vous sur mes vers et ne versez pas de larme.

    Pendant que je vous déshabille, fermez les yeux en confiance.
    En ôtant votre corsage, respirez bien en détente.
    Tandis que glisse la jupe, ouvrez la bouche sans méfiance.
    Quand j’enlèverai la culotte, souffrez qu’un geste me tente.

    Après avoir fait l’amour plusieurs fois dans la journée,
    Quand je vous aurai séduite et convertie à mes rites,
    Vous prêcherez ma parole, nue durant votre tournée,
    Tout en montrant votre corps et ses appâts émérites.

    Je vous écrirai mes vers, le phallus dans votre bouche ;
    Je vous chanterai mes rimes en vous caressant les seins ;
    Vous m’inspirerez souvent pénétrée sur votre couche ;
    Vous brûlerez mes vaisseaux en créant de beaux desseins.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les chaleurs de juin

    Les chaleurs de juin

    Surgissant de ses rêves oints de pensées obscures,
    Éclairée par un cœur ténébreux, ombrageux,
    Ses yeux ne sont que masques voilant la sinécure
    D’une vie clairsemée aux amants outrageux.

    Si son cœur se perçoit faiblement sur ses lèvres,
    C’est qu’il a des secrets qu’il voudrait murmurer.
    Quand sa bouche s’entrouvre sur un sourire mièvre
    C’est qu’il pleure sa peine d’habiter emmuré.

    Moi qui l’ai rencontrée, j’ai vu sa carapace ;
    Mais la triste coquille était fine à percer.
    Sous ses austères traits, elle était dans l’impasse ;
    Alors qu’il suffisait pourtant de la bercer.

    Pour allumer la flamme d’une femme morose,
    Il suffit de frotter ses seins étincelants.
    Comme pierre-silex qui fait bouton de rose
    Et embrase le feu du creuset ruisselant.

    De ce visage obscur, j’ai tiré la lumière
    De son sexe maussade, j’ai perçu le plaisir.
    Mais je n’y suis pour rien ; c’était sous la poussière
    Qu’il suffisait d’ôter laissant l’amour saisir.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les quais de mai

    Les quais de mai

    C’est au 20, rue du quai que ma mémoire sombre
    Dans les plis des ruelles profondes qui s’enracinent
    Aux souvenirs intimes tapis dans la pénombre
    Qu’on extrait par lambeaux d’une peine assassine.

    Les amours du passé deviennent immobiles,
    Durcies par la résine du temps qui cristallise.
    Ni mortes, ni vivantes, sans raison, sans mobile
    Qui était le cœur fort qui portait les valises.

    Tous les plaisirs d’amour se jettent dans la mer
    Comme la pluie qui tombe sur la terre trop sèche.
    Ils n’ont rien abreuvé de leurs sources amères
    Et retournent intacts tous les fruits de leur pêche.

    Les amours emmurées sont les plus difficiles,
    Ils n’ont aucun écho et sont nature morte.
    Les albums de photos redeviennent fossiles
    Quand ils sont immergés au midi de la porte.

    Si les amours d’antan se perdent dans l’oubli,
    C’est que le temps se pose, dépose et redépose
    Des couches d’illusions plus ou moins anoblies
    Qui font fleurir l’amour d’humus de ménopause.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • D’avril et d’eau morte

    D’avril et d’eau morte

    Elle a caché son amant dans le placard de ses rêves,
    Esquissant une beauté comme d’une contenance.
    Elle est divisée en deux d’une querelle sans trêve,
    Entre amante et soupirante ou femme par alternance.

    L’amant furtif joue le jeu d’un butineur de fleurettes.
    C’est un jardinier heureux qui va où le vent le porte.
    L’amante est sur le qui-vive, d’éternelles amourettes
    Consommées sur le tapis, n’importe où en quelque sorte.

    Si elle essaie d’échapper à l’emprise masculine,
    Le lascar va menacer de changer de crèmerie.
    Si elle essaie d’attirer toute son adrénaline,
    C’est lui qui baisse le feu, d’hypocrite mômerie.

    Elle se plie à ses jeux, s’humilie comme une bête,
    Offrant tous ses orifices à son plaisir égoïste.
    Lui, pour la récompenser, lui parlera des courbettes
    Que fait sa femme au foyer comme tout bon altruiste.

    S’il l’emmène en vacances, c’est pour faire bonne mesure
    Lorsqu’il part en séminaire ou devant sa clientèle.
    Il s’en sert comme jouet, et cela sans démesure
    Mais pour pouvoir le quitter, faudra faire dans la dentelle !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Vénus et Mars en bateau

    Vénus et Mars en bateau

    Maman, les petits bateaux qui naviguent par deux,
    Ne sont-ils faits que de bois ou sont-ils amoureux ?
    Et quand ils se rapprochent d’un air galvaudeux,
    Est-ce pour accoucher d’un amour langoureux ?

    J’en ai vu, ce matin, deux petites chaloupes,
    À peine accastillées dans leurs premières voiles.
    Je les imaginais venant de Guadeloupe
    Débordant de soleil aux poussières d’étoiles.

    Ils se sont échappés loin de leur bateau-mère,
    Louvoyant les récifs et les côtes amères.
    Puis, dans le lagon bleu, ténébreux, outremer,
    Ils se sont embrassés bercés par leurs chimères.

    Je vous l’avoue, maman, les bateaux ont un sexe !
    Mars avait un grand mât, que dis-je, un braquemât !
    Vénus avait la poupe légèrement circonflexe
    Et le mât dans la poupe a grimpé l’audimat !

    Pipe en bois ou brouette, levrette ou missionnaire,
    Ils ont fait de tout bois chaque pose amoureuse.
    Ça grinçait par moment, c’est extraordinaire !
    J’ai appris que la mer était avant coureuse.

    Vous dirais-je, maman, ce qui fit mon tourment ?
    Ce n’est pas de connaître enfin la libido
    De ces petits bateaux à l’appétit gourmand,
    Mais de n’avoir pas su être aussi rapido !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Janvier primevère

    Janvier primevère

    Lorsque pleurent les marasmes dans les hivers de l’histoire,
    Dans la grisaille des villes, je recherche la lumière.
    J’ouvre mon cœur aux fantasmes, les plus éjaculatoires,
    Qui ébranlent les murailles et tous ces murs de poussières.

    Entre les pierres des murs, j’ai trouvé cette rosette ;
    Je lui ai sucé le cœur, l’ai arrosé de mon sperme.
    Tout en l’entendant gémir, j’ai mordillé sa noisette
    Enfouie en profondeur des ourlets de l’épiderme.

    C’est alors qu’elle a poussé et ses soupirs et ses branches
    Pour recueillir dans le vent la réponse à ses caprices.
    J’ai continué patiemment, avec sexualité franche,
    Quarante jours, quarante nuits, la culture séductrice.

    Elle en a mouillé les draps recouvrant les fondations
    Des murs odieux qui enferment ma liberté de vision.
    En versant l’eau au verso allant à l’inondation
    Jusqu’à péter les murets et les portails des prisons.

    En unissant les boutons de toutes ces roses à foison ;
    En reliant les mamelons de ces fleurs, juste nubiles ;
    En éjaculant sans cesse dans les plis de leur toison ;
    J’ai recouvré le printemps et retrouvé ma Sybille.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Baiser-février

    Baiser-février

    Pour mieux te caresser, j’ôterai ta culotte,
    Caresserai le fruit guidé par le désir.
    Et quand tu jouiras, j’entendrai la hulotte
    Répondre à nos amours par son cri de plaisir.

    Je poserai mes lèvres sur tes lèvres humides
    En glissant doucement mon organe fiévreux.
    Je tèterai goulûment, à ta bouche timide,
    Ta langue gémissante à l’arôme amoureux.

    Je soutiendrai ta tête comme un petit bébé
    Que je prendrais au bras pour lui donner le sein.
    Répétant sur ta nuque des massages adoubés
    Qui te feront chanter au son du clavecin.

    Pour tes seins arrondis, je n’ai cesse d’acter
    D’en pincer le bout rond de chaque mamelon.
    Et d’aspirer du doigt le liquide lacté
    Qui nourrira l’amour de miel et de melon.

    D’abord juste à l’entrée du temple d’agrément,
    J’en baiserai les lèvres cachant le clitoris.
    Et puis profondément j’hisserai mon gréement
    Et déploierai les voiles sur la mère orifice.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les flèches immobiles

    Les flèches immobiles

    Flèches augustes et fières, taillées de précision,
    Vous indiquez midi dans le temps suspendu.
    Le présent est figé comme d’une incision
    Dans l’univers réel aux cordes des pendus.

    Ces horloges insidieuses me semblent trop parfaites
    Et leurs clochers ne savent rien faire que donner l’heure ;
    Aux quatre coins du monde, leurs images surfaites
    Paraissent briller d’or mais ne sont que des leurres.

    Mais si la perfection est montrée au pendule,
    Nul ne la trouvera, ni midi à sa porte.
    Dans la tour de Babel, les langues incrédules
    Sont brouillées à jamais et le chaos l’emporte.

    Les cloches régulières veulent rythmer la vie
    Que les saisons n’ont su imposer dans ce monde.
    Les carillons d’antan, répétés à l’envi,
    Ne sont que des chimères et des repères immondes.

    Mais la vie elle-même n’est pas une mécanique.
    Elle est faite d’amour et respire la confiance.
    Ce monde trop parfait ne transmet que panique
    Et la mort endormie en fait son alliance.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La bulle du silence

    La bulle du silence

    Pavillon isolé mais riche de lumières,
    Mon petit atelier, ma bulle souveraine
    Plantée dans les couleurs diluées des poussières
    Transcrites dans le vent par le chant des sirènes.

    Mais c’est surtout la nuit lorsque le temps s’arrête
    Que mon corps devient corde et que mon cœur résonne.
    Il vibre par le chant des femmes en queue d’arête
    Qui m’ensorcelle l’âme et l’esprit déraisonne.

    Je me mets à bouger comme une marionnette,
    Animée par des fils conduits par des sorcières.
    Je fais fuir les épouses et les maris honnêtes
    Qui me croient l’esprit sot et l’âme souricière.

    Mais c’est là que j’écris mes rimes aujourd’hui
    Quand j’écoute le vent qui murmure à l’oreille.
    Les fumées alentour vous montrent où me conduit
    Le doux chant du zéphyr à nul autre pareil.

    On me dit égoïste chargé d’ingratitude,
    Mais si j’ai fuis le monde c’est pour mieux le comprendre
    Dans la nature alpine et dans ma solitude ;
    Et mon cœur est en paix d’avoir à vous l’apprendre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Kirovakan, je me souviens

    Kirovakan, je me souviens

    Je me souviens à présent, après ces années de fuite,
    De ma jeunesse perdue sur les bords du lac Sevan
    Quand je courais l’aventure et les filles à ma poursuite
    Dans les ruelles étroites de ma chère Kirovakan.

    J’ai parcouru des régions, j’ai traversé des frontières ;
    Dans une main, ma valise ; dans l’autre main, ma promise.
    J’ai emmené mes enfants pour une ville côtière
    Sur la Méditerranée avec juste une chemise.

    Le soir entre chien et loup, je vais arpenter la grève
    Et je lève mon regard fixé sur la Bonne-Mère.
    Le soleil saigne la mer sous le vent soufflant sans trêve
    Et dessine dans le ciel le visage de ma mère.

    Et je la vois accouchant dans un murmure de silence
    Tandis que je vagabonde de son sein vers l’autre monde.
    Et quand s’ouvre le passage comme une sourde violence,
    J’abandonne mon caveau, loin des souvenirs immondes.

    Je renais sur cette Terre, accueilli par des caresses ;
    Je renais dans cette ville avec mes sœurs et mes frères.
    Pour remercier mon Dieu de l’amour et la tendresse
    Je vous offre ma cuisine et mon cœur pour vous distraire.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Morte saison

    Morte saison

    Aujourd’hui tout est gris, je n’ai pas de couleurs.
    La nature est en deuil et le temps est en pleurs.
    Le tonnerre a brisé à grands coups de canons
    Le silence de peine sur tous les cabanons.

    Le brouillard me dilue les lumières perdues,
    Étouffant sous son aile en pesant son étoffe.
    La froidure m’engourdit après m’avoir mordu
    Et je sens son venin dans mes vers et mes strophes.

    Dans mon bunker d’hiver j’entends sourdre le vent
    Qui s’allie à la neige effaçant toute trace.
    Comme ce pugilat entre les morts-vivants
    Et les derniers fidèles sous la gelée vorace.

    Même le temps trahit le soleil invisible ;
    Il raccourcit les jours et allonge les nuits.
    La frange de lumière devient presque illisible
    Et les ombres accordent le baiser de minuit.

    Mais les étoiles brillent et continuent leur course
    À travers le zodiaque au-delà des nuages.
    Sous la monotonie du manque de ressource,
    Je brûle mes chimères au cœur d’écobuage.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les portes invisibles

    Les portes invisibles

    Regardons au-delà de nos peurs et nos peines.
    N’embourbons pas nos yeux dans l’humus pourrissant.
    Les arbres ne sont pas des serrures ou des pennes,
    Mais peuvent nous ouvrir vers des lieux nourrissants.

    Laissons-les s’écarter et montrer notre route.
    Laissons-les nous montrer qu’il n’y a pas de frontière.
    S’ils relient le soleil à la terre, sans doute,
    Ils seront les passeurs vers une autre matière.

    Quand nous sommes en forêt cernés par leur présence,
    Nous savons qu’ils ne sont ni gardiens ni limites.
    Ce ne sont que des portes exemptes de malfaisance
    Qui permettent d’oser de partir en ermite.

    Pour moi, ils ont ouvert le passage du choix ;
    Dévoilant l’horizon caché sous la barrière.
    Inexorablement, jusqu’à ce que je choie
    Dans une initiation pour une autre carrière.

    Il n’y a d’illusion que pour les non-voyants ;
    Ceux qui s’arrêtent au mur, écrasés sous leurs charges.
    Mais il faut invoquer son ange prévoyant,
    Courir vers le bateau qui nous emmène au large.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Ce balancier troublant

    Ce balancier troublant

    Ce bateau solitaire coincé sur la planète,
    Entre des eaux timides et des vents courroucés,
    Semble avoir lâché l’ancre et rompu sa chaînette ;
    La coque entre deux ondes et le mât débroussé.

    Est-ce l’évolution qui dirige sa barre ?
    Est-ce un dieu tout puissant qui tient son gouvernail ?
    Je ne vois sur le pont qu’un homme un peu barbare
    Dans les bras d’une femme en couple de tenailles.

    Ils recherchent une terre, ils recherchent le feu.
    C’est le sel de la vie, l’énergie capillaire.
    Dans l’équilibre hostile d’un subtil couvre-feu,
    Menacés des abysses et des plus lourds que l’air.

    Cette odieuse balance qui oscille en silence
    Entre quatre éléments unis, hétérogènes,
    Va comme une machine que bat avec violence
    L’humanité perdue pour préserver ses gènes.

    L’homme n’est que de l’eau dans un bocal en verre.
    Il retourne à la terre, ses pieds sont ses racines.
    Son esprit brasse l’air qui souffle son calvaire.
    Son cœur n’est que du feu que son âme calcine.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Méprisante Aphrodite

    Méprisante Aphrodite

    Qui te rend si hardie de montrer tes appâts,
    Toi, à peine nubile et déjà débauchée ?
    Où donc est ta pudeur apprise chez papa,
    Quand tu cachais tes seins, juste à peine ébauchés ?

    Les deux mains sur les hanches et le sexe en valeur,
    Le regard éperdu, juste un poil apeuré,
    Tu as l’air résignée, pas trop femme en chaleur,
    Les seins un peu figés, le pubis effleuré.

    Qui est ce que tu méprises ? Est-ce toi, est-ce moi ?
    Est-ce de la pitié que je vois dans tes yeux
    Qui te trouble la bouche et trahit ton émoi,
    Mais permet toutefois cet esprit audacieux ?

    Quand tu m’as fait l’amour tu étais partie ailleurs ;
    Ton corps mis au grand jour mais ton cœur dans la nuit
    Dans les pensées secrètes et l’orgueil chamailleur
    D’une fille hautaine et perdue dans l’ennui.

    À cet air méprisant d’un juge accusateur,
    Je sais bien que je n’aurai jamais plus d’autre accès
    Quand j’aurai fuis ton lit démoralisateur
    Loin d’un cœur rabat-joie sans manque et sans excès.

    Tableau de Fabienne Barbier