Catégorie : Les imagerimes

  • Les trois forces

    Les trois forces

    Que ce soit la poule verte, olivâtre ou émeraude,
    Ou que ce soit l’œuf bien mûr, bien pondu et fécondé,
    Je vous livre la découverte à la question qui taraude :
    D’où vient le premier murmure et qui vient le seconder ?

    L’origine de la poule est cachée dans une force ;
    Une force positive qui agit en création.
    L’œuf, cette sorte d’ampoule, prend sa source dans l’amorce
    D’une force négative qui fait la procréation.

    Or, si les deux sont liées comme le yin et le yang,
    Elles ne pourront rien produire ni séparées ni ensemble.
    Elles ont besoin d’une alliée, une sorte de Big-bang :
    Une force qui va induire une neutralité qui tremble.

    Ainsi l’un précède l’autre et l’autre précède l’un,
    Mais ce n’est pas là la cause, ni l’esprit, ni la raison.
    Cette réalité est vôtre car vous y êtes enclin
    Car votre vie fut éclose par cette comparaison.

    Ainsi la vie prend racine dans les trois forces sacrées ;
    La trinité créatrice, la suprême divinité.
    Cette naissance fascine qui voudrait s’y consacrer
    Et c’est l’âme fondatrice de toute l’humanité.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fleur d’origine

    La fleur d’origine

    Pour faire simple et lumineux, je vous le fais avec des fleurs :
    Quelques pétales auréolés autour d’un soleil géniteur.
    Qu’y a-t-il de plus faramineux, qui fait taire les persifleurs,
    Que cette vie alvéolée qui apparaît au moniteur ?

    Déjà cachée dans une graine dans la plus simple expression,
    La fleur de vie se développe aussitôt que point le signal.
    Puis, chaque seconde qu’égrène, dans le sablier, la pression
    Du temps brise la frêle enveloppe du prototype original.

    Et le mystère en toute chose donne à chacun sa dimension ;
    Comme une direction céleste que seule connait le créateur,
    Soit la parfaite métamorphose de ce qui porte la mention
    De l’extraordinaire geste de l’univers procréateur.

    Il suffit d’une simple goutte sur la semence desséchée
    Pour que le miracle s’opère et que la mort soit supprimée.
    Comme le souffle d’air, sans doute, que Dieu donna pour dépêcher
    À notre humanité, son père et sa descendance exprimée.

    C’est la cinquième dimension qui échappe à toute matière,
    C’est cette sainte direction qui ne se soucie pas du temps,
    De la formidable intention de la lumière tout entière
    Qui met la Terre en érection et donne un écho percutant.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Mademoiselle et moi

    Mademoiselle et moi

    Mademoiselle est droite et penchée à la fois ;
    L’air hautain, un peu snob, en quête d’importance.
    Position maladroite mais qui fait, toutefois,
    Un effet xénophobe envers toute assistance.

    Mademoiselle n’écoute que ce qui l’intéresse ;
    Ce qui plait à autrui n’a aucune importance.
    Seule importe sa route de femme chasseresse ;
    Un seul regard détruit qui manque de substance.

    Mademoiselle ne voit que son aura d’étoiles ;
    Tout le reste est si terne que son soleil l’éclipse.
    Elle dirige sa voie en surfant sur la toile
    En mettant la lanterne sur les cœurs en ellipse.

    Mademoiselle ne sent que l’odeur de l’argent ;
    C’est la seule valeur qui fait l’homme étalon.
    Parfois elle ressent dans les cours émergeant
    Juste un peu de chaleur atteindre ses talons.

    Mademoiselle m’aime pas et c’est bien réciproque ;
    Nous sommes étrangers ou d’une autre planète.
    Tous ses tendres appâts lorsqu’elle se défroque
    Mettent mes sens en danger devant sa foufounette
    Et aussitôt ranger ma pauvre zigounette.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • À la recherche de l’enfance

    À la recherche de l’enfance

    Dans tous ces chemins éperdus que j’ai suivis au gré des vents,
    Je me suis souvent égaré dans des passages périlleux.
    Et de mon enfance perdue dans ces labyrinthes décevants,
    Je n’ai fait que me bagarrer contre des fantômes ennuyeux.

    Où est cette petite fille qui me tenait main dans la main
    Et m’entraînait à l’aventure dans des rêveries romantiques ?
    Elle était vive comme une anguille, enchantait mon cœur de gamin,
    Aussi bien les mésaventures que les euphories authentiques.

    Où est passé le garçonnet qui rigolait à mes côtés,
    Me montrait mille et une farces qui me provoquaient ces fous rires ?
    Il savait me désarçonner, il savait bien m’asticoter,
    Il était un joyeux comparse toujours là pour me secourir.

    Puis, je suis devenu un homme et j’ai suivi les directions
    Qu’on m’avait appris à l’école et ont forgé mon opinion.
    Je suis devenu autonome sous les cahots de correction
    Qui me traçaient les protocoles pour me tenir en réunion.

    Il a fallu que je me brise, pulvériser ma carapace,
    Traverser les pires douleurs et abandonner mes défenses.
    Je suis sorti de ma méprise et j’ai retrouvé ma vraie place.
    Là, dans mon cœur, mille couleurs repeignent les joies de l’enfance.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Jurassic-boy

    Jurassic-boy

    Furtivement il se glisse entre les pans de la tente,
    Subrepticement il ose pénétrer à l’intérieur,
    Audacieusement il plisse ses grands yeux noirs dans l’attente,
    Silencieusement il pose son regard de l’extérieur.

    Il n’a aucune richesse hormis sa curiosité,
    Il n’a pas de prétention excepté de partager,
    Il n’a aucune noblesse sauf son affectuosité,
    Pas de mauvaises intentions, fors un cœur avantagé.

    Il m’a suivi sur la route quand je cherchais des trésors ;
    Il m’a guidé sur la piste quand je traquais les filons ;
    Il m’a sauvé des déroutes dans les pas des dinosaures ;
    Il s’est montré moraliste quand je perdais l’aquilon.

    Rapide comme une gazelle, il disparait sans un bruit ;
    Aussi véloce qu’un aigle, il sait capturer ses proies ;
    Élancé comme une oiselle, il sait repérer les fruits ;
    Droit, loyal à toute règle, il n’affiche nul désarroi.

    J’ai songé à l’adopter, à lui ouvrir ma maison,
    Mais il n’a pas accepté mon offrande narcissique.
    Il a préféré opter, à l’encontre de ma raison,
    Pour encore intercepter les chasseurs du jurassique.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Courrier du cœur aux tournesols

    Courrier du cœur aux tournesols

    J’avais mis à dessein ce bouquet sur ma table ;
    J’avais besoin d’idées et d’une inspiration.
    L’aréole d’un sein m’était inévitable
    Comme téléguidé par cette aberration.

    J’y observais aussi sa robe de dentelles
    Qu’elle portait un soir lors d’un galant dîner.
    Mes pensées dégrossies faisaient la tarentelle
    Quand je voulus m’asseoir pour la baladiner.

    Ses pupilles amusées se reflètent au cœur
    De ce gros tournesol qui m’observe sans dire,
    Comme au coin d’un musée avec l’œil critiqueur
    Qui se veut la boussole qui va me contredire.

    J’ai trempé un pétale de la fleur de mentor
    Dans l’encre de l’espoir qui me pousse à écrire.
    Sur ma feuille j’étale d’une voix de stentor
    Sans aucun désespoir ce que j’y veux transcrire.

    Maintenant terminée, posée sur mon pupitre,
    Je m’en vais la poster sur le courrier du cœur.
    Elle est vitaminée par ce tendre chapitre
    Et je vais m’aposter dans un espoir vainqueur.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Quand la mer devient rouge

    Quand la mer devient rouge

    C’est sur un fond sablonneux, enfariné de grès rouge,
    Sur la plage à marée basse arrosée de brumes éparses ;
    Sur ces rochers limoneux, où ça grouille et où ça bouge,
    Des palourdes et des gambas et d’autres moules comparses.

    On y va les pieds dans l’eau dans l’encre rouge de l’anse
    Pour glaner les fruits de mer qui trémoussent sous le sable ;
    Saluant les matelots dont les barques se balancent
    Sous la houle douce-amère des vents indéfinissables.

    Comme le sang d’un dragon qui serait mort d’un assaut
    Contre tous les Léviathans qui fabriquent les légendes,
    Cette couleur du lagon, où naviguent les vaisseaux,
    Fait le sang pur éclatant de cette terre normande.

    C’est au coucher du soleil, au moment du crépuscule,
    Qu’on voit la mer s’enflammer sous la forge de Neptune.
    C’est la couleur du sommeil quand la conscience bascule
    Vers les rêves réclamés par les fables de la Lune.

    Puis, la nuit, tout s’assombrit dans des cramoisis troublants
    Et la mer refait son lit sous une couette d’étoiles.
    Tous regagnent leurs abris, de précaution redoublant,
    Et le pourpre se délie dans le tissu de la toile.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La réponse est dans la fleur

    La réponse est dans la fleur

    Si tu te demandes encore qui décide la direction
    Du vent qui souffle sur les monts et disperse les nuages ;
    Si tu recherches l’accord que donne la protection
    De l’eau qui coule en amont et anime ton sillage ;

    Si tu cherches la raison qui inspire la passion
    De la terre qui nourrit et féconde ses enfants ;
    Si tu quêtes la maison d’où émane la compassion
    Du feu qui brûle et sourit à ton cœur en le chauffant ;

    Alors écoute la fleur, sois attentif à la gerbe,
    La réponse à tes questions est dans le cœur de la fleur ;
    Regarde bien les couleurs, c’est dans leur écho superbe
    Qu’est cachée, en suggestion, la science du souffleur.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Correspondance aux tournesols

    Correspondance aux tournesols

    J’ai voulu t’écrire une lettre
    Mais le vent, en soufflant mes plumes,
    M’a privé, autant qu’on puisse l’être,
    De toute force de mon volume.

    Et me voilà devant ma page
    Sans pouvoir y coucher mes mots.
    Alors, j’ai fait ce découpage
    Avec des efforts extrêmaux.

    En effeuillant la marguerite
    J’ai collé ma lettre d’amour.
    Et pour qu’elle soit émérite,
    Les tournesols sont très glamours.

    J’en ai mis quatre sur ma feuille,
    Le premier, doux comme ton corps,
    Un pour ton cœur de chèvrefeuille,
    Un pour ton esprit en accord.

    Le quatrième pour ton âme
    Qui saura entendre ma voix
    Que j’ai gravée dans cette flamme
    Sur la devise de mon pavois.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Nature rouge

    Nature rouge

    À l’heure où le soleil se couche,
    Quand il lance son rayon vert,
    C’est le moment qui fait mouche
    Où tout parait à l’envers.

    L’heure bleue se teint de rouge,
    Les chats deviennent gris-rouille,
    Tous les inanimés bougent
    Et tout ce qui vit se brouille.

    Une couleur de citrouille
    Emplit doucement la maison.
    Dans la cuisine tout s’embrouille
    Il n’y a plus de saison !

    Tous les légumes mûrissent
    Dans la lumière embrasée.
    Jusqu’à ce qu’ils me nourrissent
    Avec leur pâte à braser.

    Au moment où je m’enivre
    De la liqueur enflammée,
    Je me sens soudain revivre
    Et mon âme est affamée.

    Depuis, tous les jours, je guette
    L’heure floue, momentanée,
    Où Dieu brandit la baguette
    Du miracle instantané.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La philo à l’îlot

    La philo à l’îlot

    Avec ses petits plumeaux pour accomplir son ménage
    Et tous ses petits chiffons bien rangés sous les nuages,
    Robinson lave à grand ’eaux à risquer le surmenage
    Et nettoie comme un typhon pour le grand débarbouillage.

    C’est parce que c’est vendredi et vendredi, c’est sacré !
    Du lointain de l’horizon, derrière la barre de récifs,
    Ça ne s’est jamais contredit : sur leurs pirogues nacrées
    Viendront sur l’île-prison, les indigènes expressifs.

    Quand il aura bien rangé toutes les noix de coco,
    Quand il aura déblayé le varech sur le rivage,
    Quand il aura dérangé sa hutte un peu rococo,
    Quand il aura balayé les fientes d’oiseaux sauvages,

    Il fera un feu de joie sur la pointe du rocher
    Comme un phare dans la nuit qui montrera le chemin.
    Être le seul villageois, sur son royaume accroché,
    Ça le sort de son ennui pour aujourd’hui et demain.

    C’est la vie de Robinson, c’est son devoir d’îlotier
    Qui prend soin de son îlot en vrai maître de maison.
    Il est gai comme un pinson chantant sur l’abricotier ;
    Ça façonne sa philo et ça forge sa raison.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le village oublié

    Le village oublié

    Balayé par les hauts vents, affligé par les tempêtes,
    Tous ces vaillants vétérans conservent la tête haute.
    Protégés par les auvents, sonnant fort de leurs trompettes,
    Sous leurs toits de conquérants, ces fidèles garde-côtes.

    C’est mon village d’antan, où les maisons sont restées
    Fidèles à leurs ascendants, attachées à leur clocher.
    Des fantômes repentants de leurs passés contestés
    Demeurent condescendants des mémoires effilochées.

    Mes souvenirs continuent à arpenter les ruelles
    Dans le labyrinthe étroit qui mène au cœur du village.
    Mes pensées discontinues de ses traces visuelles
    Ont longtemps payé l’octroi et gravé son profilage.

    J’y reviens parfois la nuit lorsque hantent mes nuits blanches
    Et je revois les visages de ses anciens habitants.
    Surtout autour de minuit, du samedi au dimanche,
    Parcourant les paysages dans un émoi palpitant.

    Aujourd’hui sous les nuages, la bourgade à la retraite,
    Ne sent plus les parasites qui grignotent ses maisons.
    Pour un sourire suave, mais ça fait belle lurette
    Que la dernière visite ne connait plus de saison.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La lecture romantique

    La lecture romantique

    Pour tâter l’aventure au fil de ma lecture,
    Je me suis installée devant la liberté.
    Là, sur la devanture de cette architecture,
    Je laisse s’en aller mes mots déconcertés.

    Mon amant, s’il m’entend, viendra sous mon balcon,
    S’agrippera aux phrases que je lie en lisant.
    Moi, Juliette, en mentant, attendrait au cocon
    Afin qu’il m’apprivoise en me tranquillisant.

    Je suis trop romantique et je suis trop rêveuse,
    Mes fantasmes sont flous quand je brûle d’amour.
    Je cherche l’authentique et ça me rend nerveuse.
    Moi, les grands méchants loups me semblent trop glamour !

    Mon cœur battait si fort dans le dernier chapitre
    Que je n’osais bouger de peur d’user l’intrigue.
    Les mots en épiphore dansaient sur mon pupitre
    Quand son bois fut gougé par l’épée de Rodrigue.

    Hier j’étais Chimène, aujourd’hui Cléopâtre !
    Demain je partirai sur les steppes immenses.
    Je ferai mon hymen avec le grand bellâtre
    Qui m’aura soutiré mes meilleures romances.

    Épiphore : Répétition par laquelle un mot ou plusieurs mots reviennent en fin de phrase.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’helvète à bicyclette

    L’helvète à bicyclette

    Un matin, couleur de brume, l’herbe perlée de rosée,
    Sous un ciel nacré d’aurore, satiné de zéolithe ;
    Dans une forêt qu’embrument mes songes encore arrosés
    Des souvenirs qui pérorent d’une rencontre insolite.

    Un petit éclat de rire. Un accident imprévu.
    Comme un oiseau qui s’ébat dans un fol amerrissage.
    Juste aidée de mon sourire que je n’avais pas prévu,
    Me voici dans un débat, fort joli d’apprentissage.

    Juste au bord sur les galets, la bicyclette étendue,
    Une cycliste accroupie qui se relève d’un bond.
    Comme sur un chevalet, peint sur la toile tendue
    De mes fantasmes assoupis, le mirage pudibond.

    Vêtue de robe légère d’une étoffe de nuage,
    Elle se tient devant moi dans un désordre impérieux.
    De beaux seins sous la lingère fixant l’avenir suave
    Et des yeux tout en émoi d’un passé mystérieux.

    Je lui propose mon bras pour la retirer de l’onde.
    Elle retire sa robe pour la sécher au grand jour,
    Et puis « abracadabra ! », avec sa langue faconde,
    La voilà qui se dérobe en me souhaitant le bonjour.

    Elle enfourche sa bécane, nue dans son costume d’Ève
    En dandinant son derrière sur gerbe de fleurs sauvages.
    Je reste seul sur mes cannes, avec sa robe sur la grève
    Tout en restant en arrière, confondu sur le rivage.

    Tableau de Maryvon Riboulet

  • Le château du prince

    Le château du prince

    Comment bâtir sur le sable un empire de fortune ?
    Comment résister aux vagues qui viendront briser les murs ?
    Nul argent impérissable, nulle assurance opportune
    Ne protègeront les dagues ni la rouille des armures.

    Dans ce sable d’illusion qui voit pousser les châteaux,
    Les petites seigneuries transforment la terre en or.
    Nul ne fera allusion au contenu des bateaux
    D’où les richesses ont fleuri sans jamais perdre le nord.

    Dans ce présent immobile où tout parait éternel,
    Tous les petits souverains règnent en haut de leurs structures
    Dont les pierres font le mobile de leurs combats fraternels
    Jusqu’à ce qu’un sang imprègne leurs belles architectures.

    Mais le prince est jeune encore et suivra sa bonne étoile
    Qui bénira les pâtés qui s’effondreront ce soir.
    Il ne cherche que le record, l’audace qui tisse sa toile,
    Juste un peu pour s’épater de ses frivoles accessoires.

    Élevé ou ratissé, le sable reste inchangé ;
    Il n’a pas besoin de moule pour changer sa destinée.
    Chaque grain rapetissé, scellé ou interchangé
    Sera roulé par la houle demain dans la matinée.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les marées de mars

    Les marées de mars

    Sur des eaux si transparentes que mon cœur va s’y baigner,
    Comme une mer de cristal qui remplirait la calanque,
    Immortelles amarantes dont les vagues sont imprégnées
    Me rappellent le goût distal du sel des terres salanques.

    L’air iodé de ma Provence ravive les souvenirs
    Des lointains marais salants qui m’ont desséché les lèvres.
    La divine providence a su me faire revenir
    Dans le circuit nonchalant de mes pas chargés de fièvre.

    Les marées de mars m’expriment dans l’insolite tableau
    Que brosse le vent du large dilué d’entrées marines,
    Des influences qui priment et m’amarrent comme un câbleau
    À toutes ces petites barges telles felouques barbarines.

    Et le tourbillon m’entraîne dans sa matrice immergée
    Vers mes familles ancestrales noyées dans ses profondeurs.
    Mes flots de pensées s’égrènent dans les rouleaux émergés
    Des vagues chaudes australes, ainsi qu’un échosondeur.

    J’aime le son amoureux du silence de la mer
    Qui fait naître sur la toile mes vraies émotions éparses.
    J’aime le vent langoureux chargé des effluves amers
    Qui m’emporte dans ses voiles comme un voyageur comparse.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le village au fil de l’eau

    Le village au fil de l’eau

    À force de voir partir leurs marins à l’horizon
    Et d’entendre leurs sirènes les séduire de leurs chants,
    De les voir se départir les rossignols des prisons
    Et s’évader en carène sur leurs navires marchands,

    À force de voir pleurer leurs veuves et leurs orphelins
    Et d’entendre leurs sanglots qui font trembler les rocailles,
    De voir la mort affleurer, sacrée par les chapelains
    Pour chasser les cachalots avec la pire racaille,

    Les maisons ont décidé après s’être concertées
    De briser leurs fondations et poursuivre les étoiles.
    Le village consolidé s’est trouvé déconcerté ;
    Sa seule consolation sera de mettre les voiles.

    Toutes amarrées au clocher, leur guide et leur capitaine,
    Les fermes et les écuries, les échoppes et les auberges,
    Toutes se sont accrochées à leur grand mât de misaine,
    Sous le regard ahuri des rivages et des berges.

    Dans le silence interdit de la lande sous la lune,
    La bourgade, à la marée, est partie sans un adieu.
    Juste une trace verdie, entre les pieds des callunes,
    Fait le rappel chamarré du village maladieux.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les vieux bateaux à quai

    Les vieux bateaux à quai

    Qui sont-ils, où vont-ils ? Tous ces bateaux à quai
    Qui ont troqué leur voile pour une ancre solide ?
    Ils étaient mercantiles, ils étaient aux acquêts
    Jusqu’à ce qu’ils dévoilent leur âme cupide.

    Ils ont porté tant d’or que leur bois est usé,
    Ils ont tant sillonné les routes du commerce
    Qu’aujourd’hui on s’endort tant on est abusé
    Et qu’on a bâillonné leurs sirènes perverses.

    Vieux vaisseaux asséchés par la soif de l’argent
    Qui faisaient la fierté de la flotte côtière,
    Immobiles, desséchés par les flots détergents,
    Ils semblent concerter comme des chipotières.

    Ils n’ont que leur passé comme ultime richesse ;
    Ils vivaient d’avenir et de tendres chimères.
    Ils restent à ressasser leurs anciennes largesses ;
    Le temps des souvenirs est une mort amère.

    Aujourd’hui leur présent n’est qu’un temps suspendu.
    Ils ont peur du futur et ne savent plus vivre.
    L’argent omniprésent ne s’est pas répandu
    Et aucune suture ne le fera survivre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Marie-Union

    Marie-Union

    Ô écho de l’union sonne le diapason !
    Délivre-nous le « La » qui fait le bon accord
    Pour que la réunion de nos précieux blasons
    Dessine un Mandala par le cœur et le corps.

    Ô musique d’amour qui fait battre les cœurs
    Et provoquer l’envie de nos chairs korriganes,
    Apporte-nous l’humour qui fait l’esprit moqueur
    Pour goûter à l’envi nos plus riches organes.

    Ô énergie vitale qui apporte à nos âmes
    La compassion du corps et la passion des cœurs !
    Que ce flux capital soit le précieux sésame
    Qui scelle ce raccord qui nous rendra vainqueurs !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les coquelicots aux mille voix

    Les coquelicots aux mille voix

    Entendez-vous de mille voix, leur écho frappe l’espace ?
    C’est la chorale des mille fleurs, l’orchestre auguste, éternel.
    Entendez-vous à claire-voie, le souffle du vent qui passe
    Et qui s’accorde en siffleur au soleil sempiternel ?

    Chef d’orchestre étincelant, c’est toi qui tiens la baguette !
    Tu as charmé ton audience par ta couronne royale.
    De tes feux ensorcelant, sous la voûte de guinguette,
    Tu cultives l’impatience de tes sujettes prairiales.

    Je ne suis que spectateur de ce théâtre floral
    Mais je me laisse séduire par les mille bouches vermeilles.
    Le doux chant incantateur de l’écarlate chorale
    Ne cesse point de produire mille tons, mille merveilles.

    Alors doucement je penche et dépose sur leurs lèvres,
    Une par une, un baiser pour ressentir dans ma bouche
    Des échos, des avalanches du plus précieux des orfèvres :
    Une quiétude apaisée m’arrosant comme une douche.

    Je ne suis plus que le vent qui amplifie l’orphéon,
    Je ne suis plus que la pluie qui communique la vie,
    Je ne suis qu’un feu vivant, un témoin du panthéon,
    Je ne suis plus que le fruit de l’amour inassouvi.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le chant des coquelicots

    Le chant des coquelicots

    Ô mon écho écarlate, que j’aime entendre ta voix
    Quand le vent se fait archer et fait vibrer les montagnes !
    Je chéris ce chant qui flatte dans les champs à claire-voie
    Lorsque je m’en vais marcher dans les chemins de Bretagne.

    Lèvres grenat frémissantes, chuchotant un chant nouveau
    Qui s’accorde à la quiétude qui règne dans la nature.
    Votre antienne engourdissante fait sonner le renouveau,
    Comme une mansuétude dans vos appogiatures.

    Alors l’esprit se détache, le mental éteint son verbe
    Et le cœur rejoint la source qui jaillit dans votre écho.
    Je relâche les attaches de mes souvenirs acerbes,
    Le temps arrête sa course et je lui paie mon écot.

    Fleurs de joie et de corail, vous m’accrochez au présent ;
    Le passé n’est plus qu’une ombre, le futur inexistant.
    L’éclat du champ de vitrail, doux rayon omniprésent,
    Me soustrait de la pénombre dans un faisceau consistant.

    Toutes vos vagues écumantes du sang vermeil de la Terre,
    Me transportent au bout du monde et me relient à mon âme.
    Votre houle consumante des beautés du Finistère,
    M’est nourriture féconde comme le cœur d’une femme.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le repas de fiançailles

    Le repas de fiançailles

    Pour mieux goûter l’ivresse de mes amours naissantes,
    J’avais pris l’habitude d’exciter les saveurs.
    Foin des fadeurs pauvresses, pâles et affadissantes !
    Je cherchais l’amplitude des subtiles faveurs.

    Des poivrons bien féconds comme seins de la Terre,
    Aux mamelons charnus pour téter leurs liqueurs.
    Avec quelques flacons de vins de caractères,
    De cruchons biscornus parfois alambiqueurs.

    Pimenter et sucrer les arômes ensemble
    Pour mieux les marier et confondre leurs goûts !
    Des sauces bien nacrées d’un velouté qui tremble,
    Vous pouvez parier qu’il y aura du bagout !

    Pour mettre en appétit, embrasser sur la bouche,
    Les lèvres humectées d’un arôme de vin.
    La main assujettie au désir de la couche
    Qu’on va lui becqueter dans un baiser divin.

    Pour priser le dessert, on éteint les chandelles.
    Tout se fait dans le noir, tout se fait à tâtons.
    On séduit l’adversaire qui fait sa brigandelle
    Et dans son entonnoir y planter son bâton.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les fiancés de la mer

    Les fiancés de la mer

    Ils ont scellés leurs destins sans se recouvrir de chaînes,
    Ils ont réuni leurs voiles et marié leur gouvernail.
    Un passager clandestin plus petit qu’un gland de chêne,
    De temps en temps se dévoile par des impulsions canailles.

    Ils ont confié à Neptune de les mener à bon port.
    Vénus montre le chemin au matin par son étoile.
    Un peu de brise opportune, qu’Éole offre comme apport,
    Propulse leur parchemin et les couche sur la toile.

    La mer sera leur patrie au-delà de l’horizon,
    Quelque part aux antipodes de la terre où ils sont nés.
    Éloignés de leur matrie, loin de toutes les prisons
    Où la vie est incommode et l’avenir rançonné.

    Plus de mauvaises nouvelles qui appesantit l’esprit,
    Plus de pression sur les tempes qui contraint au désespoir,
    Plus de retour de manivelle, de peur et de duperie,
    Plus de fumée sur la rampe, de leurre et de faux espoirs.

    L’amour de la liberté est un peu cher à payer
    Mais il ouvre la conscience et réunit cœur et âme.
    Les fiancés concertés sont prêts à appareiller
    Avec toute la patience pour un homme et une femme.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’écho de la Lorelei

    L’écho de la Lorelei

    Auprès des eaux endormies où j’allais en rêvassant,
    Était-ce un jour, une nuit ? Mes souvenirs s’évaporent !
    Toutes mes mémoires hormis, sont fragments embarrassants
    Lorsqu’ils trompent mon ennui en quête d’un égrégore.

    Je ne l’ai pas entendue, je ne l’ai pas aperçue.
    Je la prenais pour un songe échappé de mes fantasmes.
    Mais elle m’a attendu, elle m’avait si bien perçu,
    Immergé dans les mensonges de tous mes faux ectoplasmes.

    Elle m’a dit : « Réveille-toi ! » Elle m’a dit : « Ouvre les yeux !
    Car la porte du présent est, de toutes, la plus étroite ! »
    Je restai un peu pantois devant l’écho impérieux
    Résonnant omniprésent à mon âme maladroite.

    Comment pourrais-je décrire ce que mon cœur ressentit
    À la beauté fabuleuse de cet ange féminin ?
    J’ai presque honte à écrire ce que mon cœur pressentit
    Car son âme était violeuse et moi, simple masculin.

    Elle m’a dit : « Tu ne peux pas, par tes sens humains comprendre !
    Le chemin derrière la porte n’est pas un chemin humain. »
    Elle m’a dit : « Tu ne veux pas, par tes barrières entendre !
    Mais souffre que je t’apporte quelques pouvoirs surhumains ! »

    J’ai reçu un cœur nouveau pour entendre son silence,
    J’ai acquis un nouveau corps pour comprendre sa substance.
    J’eus l’accès au renouveau comme un prix de l’excellence
    Dont je conterai l’accord lors de mes prochaines stances.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La belle désabusée

    La belle désabusée

    Elle avait l’air renfrogné et des seins bien tristounets,
    Une moue mal dessinée sous cet austère visage,
    Un regard bien grognonné à cause d’un camerounais,
    Ou je ne sais quel minet, qu’aurait raté son baisage.

    Un pauvre abrupt laideron qui ne croyait plus à l’amour,
    Qui fermait sa porte à clef et son cœur à double tour !
    Mes amis, nous aiderons cette femme en désamour,
    Cette ode à l’amour bâclé aujourd’hui et sans détour !

    En chemin, à l’improviste, par un sombre jour de pluie,
    Je m’arrangeai pour croiser la dame sans parapluie.
    Comme j’étais positiviste, pour contourner la sévère
    Et pour mieux l’apprivoiser, je lui déclamais mes vers :

    « Femme étrange, ton image fait remonter de mon cœur
    Mille mots, mille pensées que je veux coucher sur l’heure !
    Je veux faire de ton grimage, un sonnet des plus vainqueurs
    Dont les vers, sans t’offenser, vibreront de mots hurleurs ! »

    Je l’ai mise sur mon lit et j’ai ôté ses habits,
    J’ai aussitôt fait rimer ses seins, ses cuisses et son sexe
    Dans des strophes embellies et du plus bel acabit.
    Lentement, ma déprimée devenait un peu perplexe…

    Il me fallut une nuit entière de poésie
    Pour redonner le sourire à la belle désabusée.
    Mais j’ai vu, après minuit, émergeant de l’amnésie,
    Sa vraie beauté accourir sans en avoir abusé.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • À cherche-mouton

    À cherche-mouton

    Il s’est tant amusé à compter les moutons
    Qu’il a trop navigué, loin, au pays des rêves.
    Tandis que son rusé agneau, un peu glouton,
    S’en allait endiguer son appétit sans trêve.

    Et voilà le bonhomme, perdu dans ses pensées,
    Debout devant sa rose et les cheveux aux vents.
    Son mouton gastronome est parti compenser
    Sa nature morose en mangeant sous l’auvent.

    « Dis-moi, Rose-des-Vents, où chercher mon ami ?
    J’ai soif de sa présence et de son amitié ! »
    Mais la fleur ci-devant répondit : « Que nenni !
    Je n’ai ni la plaisance ni la moindre pitié ! »

    « Allez, Rose-des-vents, ne fais pas la jalouse !
    Montre-moi le chemin que tu connais si bien ! »
    Et le cœur émouvant de cette rose en blues
    Lui répliqua : « Demain, tu comprendras combien ! »

    Le soleil s’est levé, le rêve est terminé
    Et l’agnelet glouton a regagné sa boîte.
    Ce qu’il faut relever dans ce conte halluciné,
    C’est qu’les amours de mouton sont souvent maladroites.

    Tableau de Maryvon Riboulet

  • La fée coquelicot

    La fée coquelicot

    Vous ai-je raconté ce souvenir intime
    Quand j’habitais à Mende en terre Margeride ?
    Je vivais sans compter, sans le moindre centime,
    Je mangeais des amandes suivant l’éphéméride.

    J’allais souvent marcher autour du lac Charpal,
    Soit très tôt le matin ou vers le crépuscule.
    Je m’en allai chercher comme plat principal
    Quelques branches de thym et quelques radicules.

    J’aimais bien caresser les pétales si doux
    De ces coquelicots qui rougissaient la lande.
    Sur ma peau, compresser ces délicats doudous,
    Cordons ombilicaux de mes intimes glandes.

    C’est lors d’un effeuillage de ces rouges boutons,
    Que ma main câlina une douce peau tendre.
    Cachée dans les feuillages, frisée comme un mouton
    Et parée de grenats, une fée vint s’étendre.

    D’une peau veloutée comme mes doux pétales,
    Elle laissa ma main s’aventurer plus loin.
    Jamais ne redoutait que mes baisers s’étalent
    Sur le doux parchemin de son tendre pourpoint.

    Le jeu plut à ma mie qui m’accorda trois vœux.
    Le premier, je le pris pour connaître l’amour,
    Le deuxième promis, pour un baiser baveux,
    Mon troisième surpris ma jolie fée glamour.

    C’est avec toi ma belle que je veux désormais
    Partager et le lit et le gîte et la vie.
    Elle ne fut pas rebelle à mon souhait gourmet
    Et la fée m’accomplit mon vœu inassouvi.

    C’est ainsi qu’aujourd’hui je vis dans sa patrie
    Où les prairies sont vertes et les montagnes blanches.
    Mes amours m’ont conduit à vivre dans sa fratrie
    Et elles sont recouvertes d’une douce avalanche.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’œil dévoilé

    L’œil dévoilé

    Échappant à la rigueur des traditions séculaires,
    Il voulait s’épanouir dans un monde sans frontière.
    S’évadant avec vigueur d’un cachot vestibulaire,
    Il voulait s’évanouir sur la terre tout entière.

    L’œil était un peu rebelle à truquer la vérité,
    Il voulait communiquer, regarder et observer.
    Sous une mèche d’ombrelle en toute familiarité
    Il se mit à tourniquer pour pouvoir tout conserver.

    Depuis lors la jeune fille qui se cachait dans ses murs,
    Ne sut résister au charme de cet investigateur.
    Véloce comme une anguille, bondissant dans un murmure,
    Réalisa, sans alarme, ses rêves navigateurs.

    C’est son cœur, ce tendre organe, qui maîtrisait sa vision,
    Laissant à l’esprit frivole la raison et les pensées.
    Et ce cœur, fils de Morgane, savait faire provision,
    Par son amour bénévole, des merveilles à recenser.

    Depuis, son œil est son maître qui se pare d’intuition ;
    Il sait choisir les couloirs dont son cœur connait la clef.
    Et si vous voulez connaître les chemins de sa vision,
    Laissez le cœur le vouloir, suivez-le sans renâcler.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La fille aux mille fleurs

    La fille aux mille fleurs

    D’une ineffable tristesse, elle dissimulait ses pleurs
    Sous les milliers de couleurs d’un bouquet de fleurs des champs
    Qu’elle disposait dans ses tresses pour leur donner de l’ampleur
    En atténuant ses douleurs et ses larmes asséchant.

    J’ai su connaître l’histoire de cette fille éplorée
    En me déguisant en fleur juste à l’orée des forêts.
    Caché sur mon promontoire, je ne pouvais déplorer
    Cette fille aux mille pleurs mouillant ses cheveux dorés.

    Quand elle effleura ma main en découvrant mes épines,
    Elle cria sa surprise et couru vers le bosquet.
    Je restai sur le chemin en guettant la galopine
    Dont mon âme était éprise et que je ne voulais offusquer.

    Je le refis tous les jours pour tenter d’apprivoiser
    La demoiselle en détresse et comprendre ses tourments.
    Tant que dura ce séjour et sans vouloir pavoiser,
    Elle devint ma maîtresse et moi son prince gourmand.

    Elle fuyait les paroles, les mots et les beaux discours
    Qui faisaient tourner la tête et n’étaient que des promesses.
    Passer à la casserole par des coqs de basse-cour
    Sonnaient comme une quintette d’une foire de kermesse.

    Pour expliquer à la belle mes sentiments véritables,
    Je pris des coquelicots pour mettre son cœur en joie.
    Pour séduire ma rebelle par un bouquet profitable
    J’ajoutai tout illico des bleuets luxembourgeois.

    C’est ainsi que nous parlâmes d’amour et toutes ces choses
    Par des bouquets triomphants de fleurettes et de boutons.
    Pour lui déclarer ma flamme, j’apportais quatorze roses
    Et pour lui faire un enfant, je dessinais un mouton.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La cuisine de Margueritte

    La cuisine de Margueritte

    Elle s’appelait Margueritte et j’aimais la rencontrer
    Le soir entre chien et loup dans une intime atmosphère.
    Pour effeuiller la petite, pas besoin de vous montrer
    Comment moi, fier andalou, je m’y prenais pour le faire.

    Vêtue comme un artichaut d’une robe en pétales,
    Chauffée dans un bain-marie, elle s’ouvrait sans surprise.
    J’apportais le gaspacho dans une boîte de métal
    De la Comtesse Du Bary pour croquer ma belle éprise.

    Si tu n’as jamais goûté la chair tendre des sépales
    Sous les dessous féminins, tu n’as jamais rien goûté !
    Il faut laisser dégoutter quand l’amour mouille ses pales
    Pour faire monter le venin qui donne son velouté.

    Je sais bien les cuisiner, moi, toutes ces demoiselles !
    Il faut savoir les cueillir à la rosée du matin.
    Impossible à usiner ! Seule la main de l’oiselle
    Peut branler sans tressaillir et sans paraitre catin.

    Pour revenir à ma belle, c’est comme avec les oignons !
    Ne jamais quitter des yeux même en pleurer quelquefois !
    Elle m’a fait une ribambelle de petits enfants trognons
    À qui j’apprends, tout joyeux, la cuisine d ‘autrefois.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’illumination

    L’illumination

    À force d’avoir dirigé ses pas toujours vers l’ouest,
    Il est arrivé au bout de cette terre des hommes.
    Et le soleil, affligé, illumine sans conteste
    Ce petit prince debout, l’interpelle et le résomme.

    Est-ce la fin de sa quête ? A-t-il atteint son destin ?
    Sa vie n’était-qu’une fuite ? Une fuite sans retour ?
    Je n’aurai qu’une requête bloquée dans mes intestins :
    À quoi sert cette poursuite s’il faut mourir sans détour ?

    Mais le prince est en accord, arrivé sur cette plage,
    Son corps brûle de l’ardeur qu’il a mise dans son voyage.
    Son cœur l’élève encore dans ce divin découplage
    Qui unit le trimardeur au prochain appareillage.

    Toutes ses cellules chantent au diapason de la Terre,
    Ses émotions l’illuminent et font exploser son cœur.
    Des pensées folles l’enchantent dans le secret du mystère
    Et son âme a bonne mine dans ce tourbillon des chœurs.

    Il a trouvé la réponse dans ce présent immobile
    Qui unit Dieu à la terre, qui unit l’homme au Divin.
    Si au passé il renonce, au futur rend sa sébile,
    Sa vie devient volontaire et il en est l’écrivain.

    Tableau de Maryvon Riboulet

  • Ces petites fleurs jaunes

    Ces petites fleurs jaunes

    Elles sont le seul souvenir d’un samedi soir oublié,
    Une invitation aux chandelles dans un petit jardin secret.
    Je n’ai pas vu la nuit venir dans l’ombre des érabliers
    En regardant les hirondelles chassant les insectes indiscrets.

    Il n’y avait pas une étoile ni même une fraction de lune,
    La nuit habillée d’un noir d’encre s’amusait à nous aveugler.
    À tâtons j’ai palpé un voile, j’en remerciais cette opportune
    Qui me retenait comme une ancre tout en m’empêchant de beugler.

    Une main posée sur ma bouche puis un baiser pour tout bâillon
    Et voilà qu’une autre m’entraîne dans un labyrinthe obscurci.
    Puis on m’allongea sur la couche et l’on m’ôta mon médaillon
    Pour ne pas rester à la traine en tâtant mon sexe endurci.

    Elle fit un jeu de lumières en déposant quelques bougies
    Sur le tapis d’herbes sauvages et ces petites fleurs jaunies.
    On aurait dit une prière avec des lumignons rougis,
    Pieusement sur le dallage comme une sainte cérémonie.

    J’ai dit « Je vous salue Marie ! Pierre m’avait loué votre grâce !
    Je crois en vous et à vos seins, permettez que je les embrasse ! »
    Elle n’a rien dit, elle a souri, m’a embrassé sur l’herbe grasse
    Et s’accroupit sur mon bassin pour que plus rien nous embarrasse.

    Depuis ces fleurs font mille échos quand je les aperçois dans l’herbe,
    Comme un chant sacré solennel qui me rappelle cette rencontre.
    Elles me font penser aux bécots que j’ai reçus avec superbe
    Et cet amour compassionnel que je garde dans le cœur, tout contre.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le coquelicot solitaire

    Le coquelicot solitaire

    Ça faisait un an déjà que je courtisais ma belle.
    Je la rencontrais le soir lovée dans son habit rouge.
    Pour n’avoir pas l’air goujat, j’apportais des mirabelles
    Qu’on mangeait sans rien surseoir sous l’ombrage des carouges.

    Elle ôtait sa pèlerine d’une couleur écarlate
    Et l’étendait sur la mousse dans un mouvement de grâce.
    En ouvrant grand les narines, en haussant les omoplates
    Et riant de sa frimousse sur le tapis d’herbes grasses.

    Je l’appelais « Coquelicot », pour ses lèvres vermillon.
    « La cousine du Pavot », pour ses pommettes vermeilles.
    Je l’appelais « Mon Œillette », pour ses hanches en papillon.
    Elle était mon « Argémone », qui régnait sur mon sommeil.

    Pour honorer son pistil et préserver ses pétales,
    J’étalais sa robe rouge comme chasuble sacrée.
    Je mettais beaucoup de style à dévoiler cet étal
    Car je suis né à Montrouge et je m’y suis consacré.

    Elle avait une peau blanche, satinée comme une pèche
    Avec des lèvres grenat et des mamelons corail.
    Entre ses bras, la pervenche voulait que je me dépêche
    À grimper au Nirvana dans son caravansérail.

    Quand nous avions épuisé nos provisions de baisers
    Et tari toute la source qui abreuve l’amourette,
    Nos sens tout amenuisés n’étaient qu’à peine apaisés,
    Nous n’avions d’autre ressource que fumer une cigarette.

    Les coquelicots ne durent que l’espace d’un printemps
    Et la chaleur estivale enflamma ses oriflammes.
    On vit fondre la soudure de nos deux cœurs éreintants
    Et ce rouge adjectival me darda ses lance-flammes.

    C’est la fleur que je préfère et qui brûle dans mon cœur.
    Quand je goûte ses pétales, je repense à ma passion.
    Il n’y a plus rien à faire, il n’y a pas de rancœur,
    Quand les amours sont létales, elles meurent en compassion.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Cœur alchimiste

    Cœur alchimiste

    J’avais amassé tant d’or dans mon coffre-cœur de pierre
    Qu’il s’est enflammé un soir sous cette charge explosive.
    Comme une boîte de Pandore sous les coups d’une rapière
    Qui sous ses coups de poussoir serait devenue corrosive.

    Toute une vie de calculs et de fougues cérébrales
    Me l’avaient tant desséché qu’il ne parlait à personne.
    À trop lire de fascicules sous de peines palpébrales
    Ne pouvaient que dépêcher un morose glas qui sonne.

    Il a fallu que se brise cette forte carapace
    Pour que l’esprit tyrannique soir exilé en déroute.
    Et qu’enfin comme une brise se faufilant dans cet espace
    Une voix inorganique me fasse changer de route.

    C’est une étrange gazelle qui courait dans les montagnes
    Qui réveilla le dormeur enfoui sous les décombres.
    Pour ravir la demoiselle, moi, le prince de Bretagne,
    Je suis devenu charmeur et je suis sorti de l’ombre.

    Si elle m’a rejeté, m’ignorant de son silence,
    Elle m’a ressuscité de cette prison de glace.
    Et mon cœur s’est projeté de toute sa corpulence
    Et a su me susciter l’amour que rien ne surclasse.

    Aujourd’hui, en bonne entente, dans le cœur et dans l’esprit,
    Nous aimons donner au corps la parole désormais.
    Le cœur fait l’âme contente, tous se sont enfin compris
    Nous formons le bel accord dont l’écho fait le cornet.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les fleurs égoïstes

    Les fleurs égoïstes

    Mes jolies fleurs clairsemées ont toutes beaucoup à dire.
    Trop grosse ou bien trop charnue ? Chaque fleur a son histoire.
    Unique ou bien parsemée ? À louer ou affadir ?
    Sublime ou bien biscornue ? Laide ou bien adulatoire ?

    Dans nos jardins de famille, chaque cicatrice reste
    Et les années de printemps n’en effacent pas la trace.
    Toutes les jeunes charmilles grandissent plus ou moins prestes
    Et se gênent en s’éreintant pour régner sur les terrasses.

    On charme le jardinier, on captive le fleuriste.
    Tant pis s’il faut ombrager les candidates en friche !
    Sous le soleil matinier, on loue le pépiniériste
    Pour se faire encourager et admettre au clan des riches.

    Chaque fleur a ses affaires et se croit unique au monde.
    Le bouquet n’est qu’un réseau qui doit l’écouter se plaindre.
    Les roses qui prolifèrent ont des épines immondes
    Mais unies par des tréseaux hypocrites à complaindre.

    Elles faneront un jour, desséchées dans l’amertume,
    Rejetant la faute aux autres si elles n’ont pas eu leur gloire.
    C’est le pire des séjours de chercher l’honneur posthume
    Et jouer les bons apôtres dans un bocal étrangloir.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le petit prince

    Le petit prince

    En habit d’explorateur, brandissant bien bas son sceptre,
    Le petit prince est paré pour de nouvelles aventures,
    Avec son air d’orateur, le fils de la belle Électre,
    Et son air désemparé d’un héros en miniature.

    Il est tombé des étoiles de son beau vaisseau d’argent
    Naufragé involontaire, un Robinson de l’espace,
    Observant la moindre voile, sur l’horizon émergeant,
    Pour une aide humanitaire de crainte qu’il ne trépasse.

    C’est d’un coucou en acier échoué d’une tempête
    Que son ange est arrivé par une nuit déprimante.
    Un aviateur finassier, un amateur de trompette
    Qui avait trop dérivé, balloté par la tourmente.

    Petit prince s’est caché du monstre métallisé
    De peur qu’il ne se réveille et l’avale goulûment,
    Puis sa peur s’est relâchée sous l’effet des alizées
    Et le voilà qui surveille son sauveur résolument.

    L’aviateur était artiste et grand-maître du pinceau.
    Il sut dessiner la route qui menait à sa maison.
    Aidé par le trompettiste, l’enfant couru les rinceaux,
    Représentés sur la croûte, qui faisaient la liaison.

    Quand vous le rencontrez, éperdu sur votre route,
    Ayez toujours à portée quelque chose à regarder ;
    Des crayons à liseré pouvant servir de biroute
    Et les moutons confortés seront sagement gardés.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Couleur poivre

    Couleur poivre

    Corps luisant et sanglant, à la peau satinée,
    Dont la chair est un feu à ma bouche gourmande,
    Bourgeonnant comme un gland à ses vices platinés,
    Comme ardent boutefeu de la langue allemande.

    Tantôt jaune, orangé, tantôt rouge, émeraude,
    Comme des oriflammes sur le souffle des vents,
    Au goût vif, étranger qu’à ma faim me taraude
    Et fait cracher des flammes à travers les évents.

    Piment rouge, piment fort je te croque, tu me mords,
    Tu m’as communiqué ton paprika glamour,
    À grands coups de renforts, par la petite mort
    Qui m’a fait tourniquer la chaleur de l’amour.

    Je sais de tes arômes et toutes ses essences
    Empreindre mon palais sur un parfum d’extase.
    C’est la force de l’homme ténue dans sa semence
    Faisant au chevalet jouir mon épitase.

    Fier de ta forme étrange et de son goût suave,
    Tu enflammes ma langue au profond de ma bouche.
    Es-tu démon ou ange ? Intrépide ou bien zouave ?
    Mon cœur et mon corps tanguent quand je perce ta couche.

    Poivre noir, poivre blanc, qu’importe ta couleur
    Si tu sais relever les goûts et les saveurs.
    Dans ma main, tout tremblant, c’est un peu de douleur
    Quand tu vas t’élever et devenir baveur.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’écoute silencieuse

    L’écoute silencieuse

    Elle écoute à l’intérieur dans l’oreille de mon cœur,
    Elle observe les non-dits par l’intuition de mon âme,
    Elle pressent tout l’extérieur, naturelle et sans rancœur,
    Elle perçoit les interdits dans le souffle de sa flamme.

    Tout derrière la cloison intime de mes pensées,
    Dans les cavités du cœur et ses émotions profondes,
    Elle échappe à ma raison mais n’est jamais offensée,
    Souriant d’un air moqueur d’une tendresse féconde.

    Le soir avant de plonger dans l’abîme de mes rêves,
    Elle déroule mon âme pour en faire sa tunique.
    Elle sait bien prolonger les images les plus brèves,
    Elle dédouble sa flamme pour retisser l’être unique.

    Dans la souffrance excessive, elle parle à mon oreille
    Comme un ange protecteur qui psalmodie ma douleur.
    Dans les ombres dépressives, c’est à nulle autre pareille
    Qu’elle éclaire les projecteurs et met mes nuits en couleur.

    C’est l’écho de mes racines qui remonte aux origines
    Et me relie à moi-même bien avant que je m’incarne.
    Elle vibre et me fascine dans mes fibres androgynes,
    La divinité qui m’aime dans cette intime lucarne.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’œil musicien

    L’œil musicien

    Quand l’œil se met à l’écoute, à l’écoute du présent
    Et qu’il ferme les paupières de ses oreilles au temps,
    Alors l’âme, au compte-goutte, voit l’esprit omniprésent
    Qui transforme en cœur de pierre l’être intérieur impotent.

    Quand la musique est douleur et que la souffrance sonne,
    Il ne faut pas résister mais non plus s’y résigner.
    Car la pire des couleurs enfermée dans la personne,
    C’est nier et persister la partition désignée.

    Je l’ai entendue le soir qui hurlait dans les couloirs
    Tandis que j’étais lié dans un corps endolori.
    Je ne pouvais y surseoir ni trouver de défouloir
    À ce mal fort délié me clouant au pilori.

    Parfois la marche funèbre éclatait de mille cors
    Comme une aubade tragique perpétrée en La mineur.
    Je plongeais dans les ténèbres anéanti dans mon corps
    En chantant des liturgiques et le cœur tambourineur.

    J’ai appris à l’écouter d’un œil sain, sans jugement ;
    J’en ai trouvé les richesses de l’écho à l’extérieur ;
    J’ai appris à la goûter et senti les changements
    Que procure la vieillesse de l’éternel intérieur.

    Tableau de Maryvon Riboulet

  • Cœur d’or

    Cœur d’or

    Un cœur d’or sonnait Ding-Dong sur le clocher de ma vie ;
    Les ventricules gonflés du sang vermeil de l’amour.
    Sur des vieux airs de folksong de l’ancienne Yougoslavie,
    J’en reconnaissais ronfler ses systoles pur glamour.

    Moi aussi, je l’ai sonné, son carillon d’espérance
    Pour porter mon oriflamme sur des citadelles fières.
    Des cœurs carapaçonnés derrière des vies en errance
    Qui refroidissaient ma flamme d’une âme austère de greffière.

    Il a résonné longtemps comme un glas de circonstance
    Qui a creusé ses sillons dans la chair de mes souffrances.
    Son balancier remontant sans trouver de résistance
    Parmi les microsillons gravés pour ma délivrance.

    Qu’est ce qui donne la valeur ? Qu’est ce qui dore son blason ?
    Qu’est-ce qui rend l’âme légère ? Qui est son mètre étalon ?
    Fi de ces contrevaleurs qui faussent le diapason
    Fi des monnaies étrangères, des talents et des gallons.

    Alors je l’ai libéré, j’ai tranché ce qui l’attache,
    Je l’ai laissé s’envoler libre de toute folie.
    Mon âme s’est libérée de ses soucis multitâches
    Et m’a ouvert les volets, chassant la mélancolie.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Un amour de Coccinelle

    Un amour de Coccinelle

    Mon matou est amoureux, mon matou est passionné.
    Coccinelle de printemps, coccinelle des amours,
    Berce son cœur langoureux, d’un amour attentionné
    Sous le soleil éreintant dans la chaleur des mamours.

    Dodelinant sur sa tête, mettant la puce à l’oreille,
    Elle lui murmure des mots doux dans un langage secret.
    Sur des chansons de quintette, chœurs à nuls autres pareils,
    Elle enchante mon matou en élans très indiscrets.

    Je l’ai vue ouvrir ses ailes en effeuillage érotique
    Faisant glisser chaque pois comme ardentes excitations.
    Mon félin fervent de zèle suivait la bête hypnotique,
    Queue levée en contrepoids, prunelles en dilatation.

    Tel un pilote intrépide menant par le bout du nez,
    Elle conduit son matou là où la raison l’ignore.
    D’une démarche rapide, elle emmène mon minet
    Avec ses meilleurs atouts pour épouser son signor.

    Tous les soirs quand vient la nuit, sous la lanterne lunaire,
    Écoutez le doux ronron d’un cœur félin qui soupire.
    Couché dans les belles-de-nuit, en période solunaire,
    Le phallus hors du giron et sa belle s’y accroupir.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les Fées-mères

    Les Fées-mères

    Elles sont invisibles car on ne les voit pas,
    Elles sont silencieuses, on ne les entend pas,
    Elles sont éphémères, viennent et puis s’en vont
    Et quand elles sont parties, nous nous en émouvons.

    J’en ai à la maison une preuve formelle,
    Elle peint des tableaux quand je ne regarde pas.
    Ses cheveux indociles sont couleur caramel
    Et ses foulards soyeux emballent ses appâts.

    Si vous cherchez à voir comment elle travaille,
    Vous la prendrez pour folle ou comme femme-enfant.
    Laissez-la à son rythme, et voyez les trouvailles
    Qu’elle invente en pouffant son rire triomphant.

    Si elle vous parle un peu, prêtez bien votre oreille
    Car sa voix est fluette et raisonne en son cœur
    Comme un ruisseau murmure et nulle autre pareille
    Vous dira des merveilles sans blâme et sans rancœur.

    Maintenant je vous quitte, je l’entends qui m’appelle !
    Elle a besoin encore d’un peu d’inspiration.
    D’abord un peu d’amour pour nourrir sa chapelle
    Et puis un peu de rêve pour son admiration.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Souvenirs de Bretagne

    Souvenirs de Bretagne

    Te souviens-tu de ces vents fous qui tentaient de nous séparer ?
    Nous luttions, les mains enlacées, pour résister à leurs assauts.
    Te souviens-tu de ces remous qui risquaient de nous égarer,
    Dont nous n’étions jamais lassés et dont nous étions leurs vassaux ?

    Ces souvenirs des jours heureux, je les ai gravés dans mon cœur ;
    Le vent y souffle toujours plus fort et les courants, également.
    S’il y eut des jours malheureux, je les ai gommés sans rancœur ;
    Ils étaient tracés sans effort sur sable gris, tout simplement.

    Ce sont nos routes de Bretagne, bordées de vagues outremer,
    Où nous avons marché ensemble vers des aventures incertaines.
    Puis j’ai regagné mes montagnes, tandis que tu gagnais la mer.
    Mais, fréquemment, les nuits je tremble quand je pense à mon capitaine.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • L’éternel féminin

    L’éternel féminin

    Puis soudain, l’horizon s’embrase dans la déchirure du temps,
    D’un éclat troublant le silence dans cette atmosphère écrasante.
    C’est la vie dictant sa prophrase qui fait un écho percutant,
    Un verbe édicté sans violence dans la lumière fertilisante.

    J’en oublie tous ces temps d’attente, mais ces temps-là n’existaient pas,
    Je n’étais qu’une ange-apprentie, pas encore promue chérubin.
    Juste une jeune débutante, je faisais mes premiers faux pas,
    Jusqu’à ce qu’Il m’ait pressentie pour épouser mon concubin.

    Je suis née de fleur de lumière, pour éclairer la création ;
    Je suis née de flamme essentielle dans la cinquième dimension.
    Si les ombres dans la poussière n’y voient là que procréation,
    Leurs théories providentielles ne sont pavées que d’intentions.

    C’est ainsi que souffle la vie sur les paysages endormis,
    C’est ainsi qu’anime la flamme sur les cœurs en mélancolie.
    Jusqu’au fond des âmes asservies des espoirs à jamais hormis,
    C’est moi qui brandis l’oriflamme des obscurantismes abolis.

    Souffrez qu’aujourd’hui je m’efface, je vous ai montré le chemin.
    Mon pouvoir inspire vos âmes car je l’ai béni de mon sceau.
    En tous coins, en toutes surfaces, c’est écrit sur vos parchemins :
    « La confiance est votre sésame ! » Gravez-le sur vos panonceaux !

    Tableau de Fabienne Barbier

  • De paysages en paysages

    De paysages en paysages

    De paysages en paysages, ce temps qui passe m’hypnotise
    Dans ses reflets en clair-obscur que mon esprit tarde à connaître.
    J’en ai oublié les visages, et leurs finesses, et leurs sottises,
    Dans leurs navrantes sinécures qui passent devant ma fenêtre.

    Mon âme a planté son hamac dans les montagnes immobiles
    Et mon esprit, qui fait du vent, s’évapore dans la chaleur.
    Mon corps a pris de l’estomac dans ce silence indélébile
    Et mon cœur s’en va dérivant bercé par le chant des haleurs.

    Ce paysage continu sans commencement et sans fin
    Voudrait m’emporter avec lui jusqu’au-delà de l’horizon.
    Mon esprit est discontinu, mon âme reste sur sa faim,
    Je voulais un coin de parapluie, je n’ai trouvé qu’une prison.

    Dans cette enceinte du présent murée d’hier et de demain,
    L’inertie passe où rien ne passe et les chemins vont nulle part.
    Partout, je suis omniprésent, je suis les voies et les chemins,
    Je me transvase dans l’espace, je vole au-dessus des remparts.

    Il n’y avait rien à entreprendre, il n’y avait rien à discuter,
    Mais écouter ce paysage qui raconte la vie sur Terre.
    Je ne cherche pas à le comprendre, je m’abandonne à l’écouter,
    Car d’affûtage en aiguisage, il berce mon cœur libertaire.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Le secret de la sirène

    Le secret de la sirène

    Vêtue de sa peau de sirène qui soutient ses seins merveilleux,
    La petite reine se baigne dans son costume imaginaire.
    Tandis que son corps de murène devient quelque peu écailleux
    Dans la mer mystérieuse où règne une vie extraordinaire.

    Déjà ses mamelons se durcissent sous la caresse des courants
    Qui s’insinuent entre ses cuisses et lui complimentent le sexe.
    Tandis que nageoires s’esquissent dans son dos à contrecourants
    Et libèrent une onde qui bruisse en forme d’accent circonflexe.

    Maintenant les rayons de lune font miroiter ses jolies fesses
    Qui ondulent au-dessus des dunes sur le rivage de minuit.
    Tandis que ses pieds se transforment et que ses deux cuisses s’affaissent,
    Délivrant une queue caudiforme comme un poisson belle-de-nuit.

    Savez-vous qu’ainsi les sirènes ont besoin de se ressourcer
    Et laisser savourer leur corps de la tendresse de la mer ?
    Mais pour redevenir humaines, elles doivent bouleverser
    Le cœur des marins pour, encore, perpétuer leurs vieilles chimères.

    La voilà qui guette ce soir quelques bateaux à l’horizon.
    Elle va chanter nue et hautaine en dodelinant les mamelles.
    Elle n’a pas besoin d’accessoire pour enfermer dans ses prisons
    Le cœur du vaillant capitaine qui fera d’elle sa femelle.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La belle arménienne

    La belle arménienne

    Pour ce nouveau prototype fabriqué dans la mer noire,
    On a invité les mages venus des quatre horizons.
    Sa marraine est l’archétype d’une vieille bassinoire
    Qui fait briller son image et en donne les frissons.

    On l’appelle « l’Arménienne », la voiture de l’année !
    Elle a cent chevaux-vapeurs prêts à vous éperonner !
    On fait une bonne moyenne sur la Méditerranée !
    Le pied sur l’accélérateur, écoutez-la ronronner !

    Son pilote, c’est Albert ! Le roi de la livraison !
    Pour offrir à ses clients une pizza cuite à point,
    Il la gare au réverbère, pour charger sa cargaison
    Et l’apporte à bon escient dans son habit de pourpoint.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • Les cygnes d’étang

    Les cygnes d’étang

    Ce sont les cygnes d’étang qui vont toujours deux par deux.
    Ce sont des signes des temps qui font fuir les cafardeux.
    Le col des cygnes s’étend pour tracer un cœur d’amour.
    L’école des signes s’entend résonner jour après jour.

    Ô mon bel oiseau parfait, fais-moi une place sur ton dos !
    Emporte-moi au-delà loin de ces temps oubliés !
    Loin de ce monde surfait, mets sur mes yeux ton bandeau
    Pour ne plus fixer cela et n’en plus rien publier.

    J’ai marché dans les rivières, j’ai traversé mille ponts,
    Mes amis sont les canards, mon allié est le héron.
    Sous les coups des étrivières qui ont forgé mes crampons
    J’avance en père peinard jusqu’aux marches du perron.

    La blancheur de ton plumage n’a jamais été souillée
    Par la boue des immondices qui jalonnent les rivages.
    Tu fais fi de ces ramages sans jamais être vasouillé
    Malgré tous les préjudices qui t’attristent et te ravagent.

    Moi, j’ai laissé mes racines disparaître aux quatre vents,
    J’ai choisi pour domicile ton pays et tes forêts.
    Et cette fièvre assassine que j’avais auparavant
    S’est mutée en codicille qui pousse mon mascaret.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La geisha aux trois couleurs

    La geisha aux trois couleurs

    Je l’ai souvent vue assise toute nue sur sa terrasse,
    La geisha aux trois couleurs, rayonnante de lumière.
    Dans cette pénombre grise d’où se détache sa trace
    Me laissant mille douleurs dans mon cœur chargé de pierres.

    Ses mouvements en cadence jouent musique dans l’espace ;
    Une expression artistique de figure féminine.
    Regardez quand elle danse, regardez quand elle passe !
    Quand ses bras en élastique jouent la jolie figurine.

    Un sein rond couronné d’or, un sein lourd auréolé
    Sous deux épaules au soleil qui en caresse les dunes.
    Au moment où je m’endors d’un esprit « Olé, Olé »,
    Je rêve à ces deux merveilles que je tète sous la lune.

    Quand la geisha se repose, ses trois couleurs se mélangent
    Dans une teinte d’albâtre lumineuse de la nuit.
    Quand la geisha tient la pose, sa peau, blanche comme un ange,
    M’appelle et je dois combattre mes cauchemars de minuit.

    De l’aurore au crépuscule, ma geisha sonne l’accord
    Par les reflets des rayons qui dessinent mille gestes.
    Majuscules ou minuscules ? Le langage de son corps
    Brouille et corrompt mon crayon et mes rimes font le reste.

    Tableau de Fabienne Barbier

  • La danse de pluie

    La danse de pluie

    Ma voisine d’en face est une vraie sirène.
    Dès les premières gouttes, elle se déshabille
    Puis, vient sur sa terrasse, apaisée et sereine,
    Sous la pluie qui m’envoûte en pure jeune fille.

    C’est pour moi qu’elle danse nue devant ma fenêtre
    Pour m’aimer en silence sans rien laisser paraître.
    C’est pour moi qu’elle ondule son corps qui vient de naître
    Pour m’extraire de ma bulle, je dois le reconnaître.

    Ces gouttes de plaisir qui glissent sur ses seins,
    Qui mouillent sa plastique, qui perlent aux mamelons,
    Qui ruissellent à loisir jusqu’au creux de ses reins,
    Qui nettoient et astiquent jusqu’au bout des talons.

    Mais lorsqu’elle s’allonge en écartant les jambes
    Pour jouir de l’extase du flux et du reflux,
    Je crée une rallonge que l’onde me détrempe
    Et mon cœur est en phase et l’amour y afflue.

    Mais lorsque l’arc-en-ciel irradie ses cheveux
    Et que le soleil perce à enflammer son corps,
    Cette danse essentielle s’arrête sur un aveu :
    J’apprécie les averses et encore et encore !

    Tableau de Fabienne Barbier