À force de voir partir leurs marins à l’horizon
Et d’entendre leurs sirènes les séduire de leurs chants,
De les voir se départir les rossignols des prisons
Et s’évader en carène sur leurs navires marchands,
À force de voir pleurer leurs veuves et leurs orphelins
Et d’entendre leurs sanglots qui font trembler les rocailles,
De voir la mort affleurer, sacrée par les chapelains
Pour chasser les cachalots avec la pire racaille,
Les maisons ont décidé après s’être concertées
De briser leurs fondations et poursuivre les étoiles.
Le village consolidé s’est trouvé déconcerté ;
Sa seule consolation sera de mettre les voiles.
Toutes amarrées au clocher, leur guide et leur capitaine,
Les fermes et les écuries, les échoppes et les auberges,
Toutes se sont accrochées à leur grand mât de misaine,
Sous le regard ahuri des rivages et des berges.
Dans le silence interdit de la lande sous la lune,
La bourgade, à la marée, est partie sans un adieu.
Juste une trace verdie, entre les pieds des callunes,
Fait le rappel chamarré du village maladieux.
Tableau de Fabienne Barbier
Laisser un commentaire