Catégorie : 2025

  • De la famille des Villevieille

    La dynastie des Villevieille paraît une forêt de noms
    Couvrant la moitié de la ville, peut-être même la nation.
    Familles riches et modestes, familles pauvres et misérables,
    Un univers en expansion où l’amour s'est trop dispersé.

    Vieilles familles italiennes, lombardes, romaines et vénitiennes,
    Qui ont émigré au hasard des famines de toutes sortes,
    Voulant partir en Amérique et faisant l’escale provisoire
    Qui finissait au bout du quai de la mer Méditerranée.

    Qui du banquier, qui du boucher, qui du tailleur, du savetier,
    Ils étaient de tous les métiers, ils étaient de toutes les castes.
    Vieil oncle au pays de cocagne, un autre revenant d’Espagne,
    Qui de l’Afrique occidentale, qui de l’Asie méridionale.

    J’en ai gardé leurs caractères dans mes quarante-six chromosomes,
    Et mes cheveux couleur de jais, et mes yeux de biche aux abois.
    Sans doute est-ce la destinée de la future humanité
    De partager au maximum son patrimoine et son génome.

    Tableaux de Daniel Merriam.

  • De la famille des Villeneuve

    Dans la dynastie Villeneuve, les pierres que sont les humains
    Bâtissent les grandes familles, hommes et femmes de demain.
    Mais si les hommes représentent les événements de l’histoire,
    Les femmes en seraient le ciment qui soude les maisons entre elles.

    Les Villeneuve du nord au sud, d’est en ouest et au-delà,
    Témoignent sur le territoire de la géographie humaine.
    Mais si les hommes donnent leurs noms aux boulevards et avenues,
    Les femmes à chaque numéro ont fait naître plusieurs enfants.

    D’hier, d'aujourd’hui et de demain, en temps de guerre, en temps de paix,
    Les Villeneuve ont fait l’histoire et l’ont écrite à leur façon.
    Mais si des hommes fiers ont conquis les plus belles et grandes batailles,
    Les femmes ont soigné leurs blessés et soulagé leurs estropiés.

    Il n’est pas de plus beau métier que diriger l’humanité
    Vers une destinée sereine et un avenir rassurant.
    Mais si les hommes ont instauré la discipline des traditions,
    Les femmes pour chaque héros, sont mères, compagnes et filles.

    Tableaux de Daniel Merriam.

  • Marianne désabusée

    L’un de ces matins, fatiguée, sur les marches de l’Élysée,
    Marianne tentera de séduire un beau garde républicain,
    Au bel uniforme astiqué, dévoué et fidélisé
    Très enclin à se reproduire hors du contexte américain.

    Car Marianne est harassée par la pression de l’Amérique,
    Car Marianne est étouffée par l’oppression du roitelet,
    Car Marianne est terrassée par les décisions homériques
    De ses ministres qui ont tout fait avant de la voir chanceler.

    Doit-elle attendre les élections ou doit-elle partir pour de bon
    Avant que l’autre ne bafouille : « Chérie ne me qui-quitte pas ! » ?
    Doit-elle attendre une érection de ce gros morceau de jambon
    Dont les efforts partent en quenouille à force de mea-culpa.

    Tableau d’Audrey Kawasaki.

  • Suivez mes chiens !

    La chasse à courre à l’Élysée
    Reste un service réservé
    À une élite dont les chevilles
    Lui permettront de courir vite.

    Les ébats sont télévisés
    Entre une Marianne préservée
    Et des élus qui s’égosillent
    Dans un marasme qui s’invite.

    Car Marianne est très à cheval
    Sur l’aspect de la séduction
    Et ne s’offrira qu’au vainqueur
    Dont tous les coups lui sont permis.

    Dans la campagne qu’elle dévale
    Elle maintient en addiction
    Tous les candidats qui, en chœur,
    Vocifèrent en frères ennemis.

    Quand le jour de la chasse arrive.
    Marianne nue, immaculée,
    Montre son cul comme Fanny
    Et – ça y est ! – les chiens sont lâchés.

    Taïaut ! Tout part à la dérive
    Quand Marianne est acculée
    À se faire – quelle avanie ! –
    Baiser par un ours mal léché.

    Tableau de Maximilian Liebenwein sur https://slavikap.livejournal.com/17437112.html .

  • Saint-Valentin dans l’encrier

    J’avais versé dans l’encrier un peu d’eau de ma vie en rose
    Diluée dans mes idées noires pour décrire ma vie en vers ;
    J’ai vu mon âme décrier et manifester par ma prose
    Toutes les passions, de mémoire, se raconter à cœur ouvert.

    J’ai perçu dans les taches d’encre la fusion de mes âmes-sœurs
    Et toutes mes vies antérieures mêlées d’amours et de douleurs.
    Ici, lorsque nos deux cœurs s’ancrent pour le meilleur et la douceur ;
    Là, quand nos matrices intérieures enfantent de nouvelles couleurs.

    Alors sur l’encre encore humide, j’ai soufflé toutes mes espérances
    Afin que l’oracle dévoile nos fruits d’amours conceptuelles.
    Une carte du tendre timide s’est tracée avec assurance
    Sur un chemin rempli d’étoiles et de naissances perpétuelles.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance.
    Source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Gare à Cupidon !

    Cupidon joue au mikado
    Souvent avec les amoureux
    En retirant les vêtements
    Sans éveiller les partenaires.
    Il déshabille les ados
    De lents mouvements langoureux
    Qui n’osaient pas timidement
    Commencer les préliminaires.

    Le T-shirt puis le pantalon,
    Le chemisier, la mini-jupe,
    Le soutif qui résiste un peu
    Mais on se débrouille à tâtons.
    Puis la main sur le mamelon
    Et comme la fille n’est pas dupe,
    Elle glisse la sienne comme elle peut
    Á la recherche du bâton.

    Quand cette irrésistible envie
    Vous frappe au mois de février,
    Pardi, c’est le virus d’amour
    Et le printemps de l’effeuillage
    Dont Saint-Valentin vous convie
    Et pour cela vous devriez
    Vous vêtir un peu plus glamour
    En l’honneur du déshabillage.

    Si jamais la vague de froid
    Sévit cruellement ce jour-là,
    Gardez-vous de sortir à deux
    Car Cupidon n’attend que ça.
    Bien que l’on sente avec effroi
    L’air glacial qui met son holà,
    On enlève ses habits coûteux
    Et on s’réchauffe couci-couça.

    Illustration de Jean-Adrien Mercier sur https://honesterotica.com/illustrator/jean-adrien-mercier .

  • Les sirènes au cirque

    Les sirènes courent au chapiteau se régaler des baladins,
    Des musiciens, des comédiens qui font la tournée de Neptune.
    Illico, presto, subito, elles s’asseyent sur les gradins
    Avec les clowns costumédiens et leur bonne humeur opportune.

    Arrivent les hommes-poissons, adeptes des hommes-grenouilles,
    Et les sirènes folles de joie plongent en chœur dans le bassin.
    Elles font de baisers la moisson, puis ensemble elles s’agenouillent
    Pour leur chanter à pleine voix une chanson de Joe Dassin :

    Celle où « …Tous les sifflets de train, toutes les sirènes de bateau
    Ont chanté cent fois la chanson d’un Eldorado d’Amérique… »
    Et de courir avec entrain en abandonnant le plateau
    Pour filer sous les étançons pour des relations homériques.

    Le lendemain, ils sont partis, le cirque et la ménagerie ;
    Le tout a été démonté et transporté au petit jour.
    Les sirènes en prennent leur parti car de leurs courtisaneries
    Avec leurs meilleures volontés naîtront le fruit de leurs amours.

    Tableau d’Ana Hernandez San Pedro.

  • Ma première sirène

    Non, jamais de la vie, je ne puis l’oublier,
    La première sirène avec qui j’ai couché.
    Tout comme les premiers vers que j’ai dû publier
    Suite à cette expérience où j’ai pu la toucher.

    Ses seins au goût marin, sa bouche au goût de sel,
    Ses mains aux tentacules qui lui servaient de doigts ;
    Sa queue souple et charnue, son sexe de pucelle
    Qui découvrait ce jour l’humain comme il se doit.

    Ce qu’elle m’a chanté au creux de mon oreille,
    Je l’entendrai toujours lorsque je pense à elle.
    L’épectase obtenue, à nulle autre pareille,
    M’a envoyé au ciel et depuis j’ai des ailes.

    Tableau de Tracey Harris sur https://www.artepintu.com/2019/04/tracey-harris-pintora-realista.html .

  • Les p’tits oiseaux sur la tête

    À force de tourner en rond continuellement dans sa tête,
    Le p’tit oiseau s’est échappé par une oreille à la sauvette.
    Il a cueilli aux environs quelques brindilles et des herbettes
    Et une fois son nid retapé, il a appelé sa fauvette.

    Le chant dut plaire à l’ingénue qui se laissa donc féconder
    Pour pondre un œuf et même trois devant le beau mâle excité
    S’impatientant de la venue des oisillons dévergondés
    Qui, se sentant vite à l’étroit, piaillaient avec vivacité.

    Quant à la fille, la tête lourde et les oreilles pleines de cris,
    Elle eut l’étrange vocation d’aviser ses colocataires
    Qui lui ont fait l’oreille sourde et, ainsi qu’il était écrit
    Sur le contrat de location, avertirent le propriétaire.

    Au matin elle s’est réveillée sans nid et sans les oisillons ;
    Le soleil à peine disposé à percer sa lumière opaque.
    Elle aperçut émerveillée par la fenêtre à croisillons
    Des œufs savamment déposés car nous étions lundi de Pâques.

    Photo d’Inge Schuster.

  • L’infini intérieur

    Trop souvent franchi la frontière des rêves axés sur la vaillance,
    Remontent les craintes et les peurs qui ont poussé depuis l’enfance.
    Peu importe ma mémoire entière ou parsemée de défaillances ;
    Dans cette insolite vapeur, j’en suis le héros sans défense.

    Alors le grand combat commence dans une autre réalité
    Où les chemins qui mènent à Rome sont déformés par l’inconnu
    Qui s’ouvre vers une romance ou un sujet d’actualité,
    Ou un lieu d’horreur à l’arôme pestilentiel qui s’insinue.

    Dans le labyrinthe des rêves, dans certains couloirs récurrents,
    Une étrange attraction m’attire comme un vieux réflexe animal.
    Sans doute faut-il que je crève mon quota d’abcès supurants
    Afin de tourner en satire les événements qui font mal ?

    Quelques corridors de bonheur me délivrent leur dopamine
    Par des rêveries érotiques dont le corps et le cœur s’enflamment.
    Parfois les dieux me font l’honneur de m’apporter leurs vitamines
    En me révélant l’hypnotique véritable valeur de l’âme.

    Illustration de Digitaltech2.

  • Esprit, es-tu là ?

    Afin d’invoquer les défunts, le guéridon est inutile
    Et je préfère le miroir hermétique à tous les remords.
    Bien qu’il s’en exhale un parfum assez subtil voire futile,
    L’incommensurable couloir m’entrouvre la porte des morts.

    Issus d’un passé englouti dans un trou noir de l’univers,
    Voici ma mère, voilà mon père, voici mes frères et mes sœurs
    Dont les mémoires ont abouti depuis le seuil de leur hiver
    À montrer, comme je l’espère, mon arbre de vie précurseur.

    Mon âme-sœur alors m’embrasse de ses bras d’un feu empathique
    Dont je sens l’amour pénétrer en moi et rougir comme un poêle.
    Et je sens la passion vorace de l’énergie télépathique
    D’une vestale perpétrer le brasier de mon cœur d’étoile.

    Illustration de ToiVarg.

  • Soudain la Morte Saison

    Je l’ai vue, la Morte Saison qui se baignait dans un étang,
    Admirant sa beauté moirée sous la pleine Lune étoilée.
    Je ne sais pour quelle raison elle semblait défier les temps,
    Immobile, figeant la soirée dans une éternité voilée.

    Sans doute aurais-je dû partir, sans doute aurais-je dû rester,
    Mais le temps, s’étant arrêté, prenait mes pensées de vitesse.
    Seul mon cœur a su compatir à cette grâce manifestée
    Par l’instant magique apprêté et a osé l’impolitesse.

    Je suis donc resté tout le temps qu’elle a passé à avancer
    Et s’enfoncer dans l’eau glacée, les yeux fermés en continu.
    Juste une brise souffletant m’a permis de recommencer
    Un flot de pensées déplacées par l’apparition survenue.

    Tableau de Jana Brike.

  • Le « gros » principe d’Archimède

    De son maillot de marguerites, rien ne résista davantage
    À la pénétration soudaine de sa personne dans l’eau fraîche
    Malgré l’impression favorite qui lui procurait l’avantage
    De dissimuler sa bedaine et taire les remarques revêches.

    Sinon, qu’il est doux le remède de s’en aller s’éclabousser
    En sautant pour se délasser de la jetée au bout du port.
    Et se sentir, tel Archimède, en train de juger la poussée
    Produite par l’eau déplacée suite à l’immersion de son corps.

    Plus gros sera le corps plongé, plus efficace sera l’effet
    Alors plutôt que vous moquer des vieilles baleines sur les plages,
    Admirez le « splash » allongé suivi de grands cris stupéfaits
    Qui laisseront interloqués les spécialistes du naufrage !

    Illustration de Daune Bryers.

  • La métamorphose

    À l’instar de Gregor Samsa métamorphosé en insecte,
    Un jour j’ai été transformé en couchant avec Médusa,
    Femme-serpent qui m’offensa par une piqûre suspecte
    Qui, dans nos deux corps déformés, pénétra et se diffusa.

    Mais le coït était si fort que je ne sentis pas venir
    Les écailles me couvrir le corps lentement de la tête aux pieds
    Comme je redoublais d’effort pour conserver le souvenir
    Dans le Grand livre des records je n’ai pas flairé le guêpier.

    L’orgasme vint et il advint que nos deux chairs n’en faisaient qu’une ;
    Je restai, la queue déployée une heure ou deux à lézarder.
    Puis dans le marais poitevin je m’établis dans la lagune
    Guettant mes proies pour les noyer lorsqu’elles venaient s’y hasarder.

    Les 2 Illustrations de Luigi Seraphinianus pour son « Codex Seraphinianus » ont été censurées par Facebook au jour de la parution ; le 3ème Tableau est de Denis Gordeev.

  • J’en mettrais ma main au feu

    Elle est arrivée les yeux blancs pour m’annoncer sans faux-semblants
    Qu’elle était prête à partager un petit coin aménagé,
    Qu’elle affectionnait mon humour, que nous pourrions vivre d’amour,
    D’eau fraîche et du feu de nos âmes brûlant ensemble d’une même flamme.

    Je sais l’amour pareil au train qui entre en gare avec entrain
    Et dans lequel il faut monter de toute sa bonne volonté,
    Faute de quoi il partira, mon cœur alors en pâtira,
    Sauf que s’il faut partir à point ´faut pas le faire à brûle-pourpoint.

    J’y mettrais bien ma main au feu mais ce n’est pas ce que je veux :
    Si elle m’a demandé ma main pour graver sur le parchemin
    Un pacte qui nous unira toute une vie qui finira
    Pour le meilleur et pour le pire… pourquoi donc est-ce que je transpire ?

    Soudainement j’ai démasqué cette vestale de bal masqué
    Qui doit demeurer vierge et pieuse par obligation religieuse.
    Si elle me propose son corps c’est par devoir et pire encore
    Afin d’offrir en sacrifice mon cœur pour son feu d’artifice.

    Tableau de Tenia sur https://theinspirationgrid.com/surreal-digital-paintings-by-tenia .

  • Le jeu du pendu

    J’aime jouer au jeu du pendu avec les filles, voici pourquoi :
    À moi la potence dressée, la corde et la strangulation ;
    Pour elles, comme il est défendu le moindre supplice adéquat,
    Elles voient la règle transgressée d’un strip-tease en adéquation.

    À la première lettre fausse, elles enlèvent un vêtement
    Tandis qu’elles dressent mon gibet à la moindre erreur de ma part.
    Lorsque je tombe dans la fosse, elles gagnent bien évidemment
    Sinon elles m’auront exhibé tous leurs charmes qui me désemparent.

    J’opte pour un vocabulaire avec mots rares et difficiles
    Afin d’avoir toutes mes chances et mes déboires amincis ;
    Aux concurrentes vernaculaires dotées d’un dialecte plus facile,
    J’accorde à leur intelligence de faux espoirs… mais c’est ainsi.

    Hélas je dois arrêter là ma plaidoirie car j’ai perdu
    Et l’une m’a ouvert la trappe sans que ma défense ne plaide.
    Mon adversaire se révéla bien plus coriace et plus mordue
    De mots avec des chausses-trappes venant du patois de son bled.

    Tableau de Tenia sur https://theinspirationgrid.com/surreal-digital-paintings-by-tenia .

  • Le fil d’Ariane – 4

    Celui qui garde son réseau comme une fortune précieuse,
    Deviendra riche de contacts en théorie comme en pratique.
    Qui est libre comme l’oiseau et vit ses envies capricieuses
    Gardera son pouvoir intact d’une indépendance empathique.

    Comme je suis ce que je mange, je suis ce à quoi je me branche
    Et soit je suis mes propres choix, soit je suis un chemin tracé.
    Est-ce que cela me dérange de prendre une voie qui m’embranche
    Vers la destinée qu’on m’échoit ou que j’ai moi-même embrassée ?

    Vivre est un enchevêtrement de choix et choses compliquées ;
    Ceux qui en tirent les ficelles sont souvent les plus corrompus.
    On ne peut pas faire autrement, c’est une science appliquée
    Comme une énergie qui ruisselle et ne peut être interrompue.

    Tableau de Rick Haim.

  • Le fil d’Ariane – 3

    Les humains jouent avec l’argent plus facilement qu’avec le cœur ;
    Les chats jouent avec les souris, c’est une loi de la nature.
    Tout irait bien en partageant la route entre ses frères et sœurs
    Mais gare à celui qui sourit béatement dans sa voiture.

    On fait rentrer les étrangers pour la main d’œuvre de demain
    Bien qu’on construise avec entrain, le bâtiment fait banqueroute.
    L’environnement est en danger, il faut s’y reprendre à deux mains
    Alors on augmente les trains, on agrandit les autoroutes.

    Mais pour passer à l’électrique… aura-t-on assez de courant ?
    Mais pour installer la 5G… aura-t-on assez de réseau ?
    Mais pour faire comme en Amérique… sera-t-on assez concurrents ?
    Sinon après l’avoir singée, nous finirons tous dans son zoo.

    Tableau de Rick Haim.

  • Le fil d’Ariane – 2

    De jour en jour, de mois en mois, sournoisement le fil s’embrouille
    Le réseau des institutions devient un sac de nœuds gordiens.
    Les députés sont en émoi, les ministres partent en vadrouille
    Et quant à la constitution on en voit trembler les gardiens.

    Rien ne va plus, les jeux sont faits et c’est bientôt la banqueroute ;
    Tous les budgets sont dépassés et on emprunte à l’étranger
    La dette qui hier nous étouffait arrive à la fin de la route
    Et l’expérience du passé croupit dans les dossiers rangés.

    Bonne nouvelle cependant, il n’y en a plus pour très longtemps ;
    Il paraîtrait que nos ressources sont épuisées depuis des lustres.
    Ce n’est pas en vilipendant l’ensemble de ses habitants
    Que l’État poursuivra sa course vers l’utopie qui s’en illustre.

    Tableaux de Rick Haim.

  • Le fil d’Ariane – 1

    Marianne suit son fil d’Ariane pour sortir de l’imbroglio
    Pas celui qui noue la raison ; plutôt celui qui nuit au cœur.
    Comme un bouquet de valériannes qui saoule son petit nobliau
    Qui aurait perdu sa maison et en garderait la rancœur.

    Mais que s’est-il alors passé dans les couloirs du labyrinthe ?
    Le nœud des affaires d’état serait-il donc indénouable ?
    Marianne se sent dépassée de sentir resserrer l’étreinte
    Du pouvoir et des vendettas qui se révèlent inavouables.

    Alors si c’était à refaire, Marianne remonterait sur le trône,
    Couronne en tête qui objecte et sceptre en main qui invective
    Qu’elle brandirait à chaque affaire louche et véreuse dont on prône
    Le politiquement correct pour masquer l’allure subjective.

    Tableaux de Rick Haim.

  • Oui Marianne, fais-le moi encore !

    S’il te plaît Marianne, refais-le moi encore
    La dissolution brute de l’Assemblée Nationale !
    Secoue-moi ce panier de crabes d’Albacore
    Et boute donc le feu aux multinationales.

    Inspire-leur un vent de motions de censure
    Et fais botter le cul au premier ministrable.
    Gros-Jean comme devant, la honte leur assure
    Une déculottée des plus administrables.

    Ouvre tes larges fesses et plonge le Sénat
    Au plus profond de toi dans ta chair la plus tendre !
    Après neuf mois passés dans l’étroit mécénat,
    Ils sentiront qu’ils ne perdent rien pour attendre.

    Illustration d’Oskar Garvens.

  • Marianne démaillottée

    Le premier ministre à Mayotte dit avoir mouillé sa chemise
    Hélas ce n’était pas la sienne mais celle de Marianne, hautaine
    Et furieuse qu’on la démaillote et la déshonore, soumise
    Comme une péripatéticienne de la droite républicaine.

    Tandis que l’autre bafouillait de paroles aussi dévastées
    Que l’île nue dont un cyclone a nettoyé ses habitants ;
    Et tandis qu’il en cafouillait, l’ancien ministre décontractée
    Rigolait car c’était un clone borné et incapacitant.

    Un autre vint mener la valse qui agaça les mahorais
    Déçus de s’en aller danser après en avoir déchanté.
    Et avant qu’ils en éprouvassent les conséquences abhorrées,
    Ils se mirent à pas cadencés envers Marianne à chanter :

    « Si le Roi savait ça, Marianne, Marianne, si le Roi savait ça,
    À ta robe de dentelle, tu n’aurais plus jamais droit,
    Marianne, si le roi savait ça. » †

    Tableau d’Ivan Loubennikov
    † extrait de la chanson « Le prisonnier de la tour » par Edith Piaf.

  • Le jacuzzi des sirènes – 2

    Vieilles sirènes, que faites-vous quand sonne l’heure de la retraite ?
    Remettez-vous la queue au stock des costumes traditionnels,
    Tous vos colliers, tous vos bijoux et toutes vos bottes secrètes
    Pour aller à Vladivostok goûter aux bains émotionnels ?

    En bikini, la clope au bec ou à poil, un verre à la main,
    On se retrouve au jacuzzi des femmes-poissons pensionnées.
    Caviar servi par des Ouzbeks autochtones dont le tournemain
    Ferait pâlir de jalousie des serveurs malintentionnés.

    Lorsqu’elles invitent un homme – parce que dans l’homme tout est bon –
    Toutes s’en régalent d’amour du sexe comme une croquembouche.
    Enfin elles noient le bonhomme et en dégustent les jambons
    Avec un sourire glamour qui leur illumine la bouche.

    Photo de Moni Haworth.

  • Le jacuzzi des sirènes – 1

    On s’entend bien entre sirènes ; lorsqu’un navire est capturé
    Par l’association océane des amatrices de gibelotte.
    Après des agapes sereines de loups de mer ligaturés
    Soumis au feu érotomane d’un grand méchoui en matelote.

    On se détend bien juste après pour aider à la digestion
    Dans le trou normand encavé avec fenêtre sur la mer.
    On se délecte des apprêts de la chasse à courre en question
    Avec les âmes chouravées à la marine intérimaire.

    Neptune nourrit ses enfants et leur décerne des étoiles
    Pour la cuisine élaborée du consortium des maîtres queues.
    Et les meilleurs chefs triomphants reçoivent leurs prix que dévoile
    Une pluie d’or corroborée par tous les dieux du monde aqueux.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance.
    Source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Tourisme interstellaire

    Vous êtes-vous déjà révolté contre les hordes de touristes
    En les vouant aux gémonies ou encore au diable vauvert ?
    Eh bien vous allez virevolter pour les vacances futuristes
    Qui viennent sans cérémonie sur notre Terre se mettre au vert.

    Saturniens qui ne tournent pas rond, Vénusiens en manque d’amour,
    Martiens empourprés, nébuleux et Jupitériens triomphants
    Arrivent comme des fanfarons, à nos dépens et sans humour,
    Faire un safari fabuleux avec nos femmes et nos enfants.

    Entendez-vous dans l’atmosphère rugir ces féroces soucoupes
    Qui atterrissent dans nos champs et défigurent nos campagnes ?
    Mais pas de souci à se faire ; de toutes manières, ça vous la coupe,
    Nous sommes tous vendus aux marchands de rêves aux astres de cocagne.

    Illustration de Stjepan sur https://www.facebook.com/stjepanm550 .

  • L’ultra vision sans fil

    Un troisième œil comme émetteur pour se transmettre nos pensées ;
    Un réseau partout disponible afin de répandre l’amour ;
    Un nouvel homme prometteur en tant qu’humain récompensé
    D’avoir été incompatible… Dieu ne manque vraiment pas d’humour !

    Car le réseau existe déjà mais se relie au féminin
    Par l’intuition toute assignée qui communique avec le cœur.
    Jamais Adam ne partagea ce rayonnement pourtant bénin
    Avec les fils de sa lignée à l’esprit trop alambiqueur.

    Tableaux de Chema Mendez sur https://foundation.app/@mendezmendez .

  • La femme-chatte

    Dieu, qui avait l’aspect d’un Chat créa la femme à son image
    Et comme Dieu trouvait ça bon, il ronronna avec les anges.
    Lucifer alors se pencha sur elle pour lui rendre hommage
    Puis s’enfuit comme un vagabond que la paternité dérange.

    La femme accoucha d’un chaton qui mordillait à belles dents
    Ses mamelons gorgés de lait dont il lui pelotait les seins.
    Lucifer revint à tâtons curieux de voir son fils Adam
    Qui curieusement s’appelait Ève ; en effet c’était à dessein.

    Eh oui ! La première version de la divine création
    Était des chattes engendrées d’une démoniaque animale.
    Et Dieu entrant en aversion fit de sa propre imprécation
    Un nouveau visage calandré à une créature mâle.

    Montage de blowyourmindai.

  • Vénus versus Cupidon

    Bien que la Lune évoque un arc qui tire des étoiles filantes,
    Elle ne transperce aucun cœur et ne sait pas les repriser
    Mais un fil tissé par les Parque dans une fibre rutilante
    Saura réparer la rancœur des amours mortes et méprisées.

    Comment Vénus fait-elle alors pour catalyser l’étincelle
    Qui va mettre le feu aux poudres comme de l’or dans les genêts ?
    Sans doute un rayon incolore qui déclenche chez les jouvencelles
    Le grand pouvoir du coup de foudre sur les garçons encore benêts.

    Cupidon sait mieux nous convaincre, en faisant flèche de tout bois,
    Qu’il est capable d’embraser les cœurs sur de grandes distances ;
    Ou comment l’amour saura vaincre lorsque sa fléchette flamboie
    Sur le réceptacle abrasé des amoureux sans résistance.

    Eh bien Vénus ou Cupidon, du cœur, le mystère demeure
    Et si nous savions reproduire ces coups de foudre entre les gens,
    Nous serions Dieu qui décidons soit que l’on vive ou que l’on meure
    D’amour en laissant s’introduire un rayon de lune d’argent.

    Tableaux de Josiah Hill-Meyer.

  • Shiva là, là, là

    Qui donc se cache derrière Shiva si ce ne sont ses sœurs jumelles
    Qui se collent comme son ombre en laissant dépasser les bras.
    Ainsi partout où Elle va, elles se plaquent les mamelles
    Afin de marcher sans encombre dans son dos et sans embarras.

    Une femme peut en cacher une autre ; Shiva en dissimule deux autres
    Si on ne connaît pas leurs noms, tel est simplement leur désir.
    De l’amour, elles sont les apôtres, c’est pourquoi lorsqu’elles se vautrent
    Dans un lit, c’est le Trianon du nec plus ultra du plaisir.

    Shiva vit donc en synergie et ainsi bien plus efficace
    Pour les caresses prodiguées et le ménage pratiqué.
    Elles développent une énergie qui la rend bien plus perspicace
    Par trois cerveaux investigués aux mathématiques appliquées.

    Tableau de Hel Mort sur https://helmort.com .

  • Ruby & Lino – 5

    Ruby s’ennuie, Lino aussi au cœur de la Suisse profonde ;
    Sans doute l’effet du progrès qui affecte les environs
    Car les paysans s’associent pour que la faune se morfonde
    À quitter leurs champs à regret, blés, maïs, choux et potirons.

    Plus d’insectes et donc plus d’oiseaux ; le silence règne dans la campagne.
    On n’entend même plus les enfants leur mettre du sel sur la queue !
    Ruby s’informe sur les réseaux, ses voisines et ses compagnes
    Mais la nature se défend contre ces humains belliqueux.

    Lino, tous les jours au rapport, inspecte tous les alentours ;
    On tond, on coupe, on débroussaille, on fait beaucoup de bruit pour rien.
    Les animaux n’ont plus l’apport que leur conféraient les contours
    Des jardins et la boustifaille de larves d’ordre bactérien.

    Lino devient neurasthénique, la nostalgie du temps passé
    Lorsque la faune regorgeait des fruits et du sel de la terre.
    Ruby devient psychasthénique et se sent alors dépassée
    Et commence à voir ses projets s’anéantir sans commentaire.

    Illustrations d’Eva Zentner sur https://es.pinterest.com/pin/351912465663737 .

  • Prudence tous azimuts

    Un œil sur le présent, un œil sur le passé,
    Un œil sur l’avenir et tous les trois ensemble,
    Puis le cœur sur la main et l’esprit compassé,
    L’âme accrochée au corps, ce à quoi je ressemble.

    Pourtant je ne crains rien du passé révolu ;
    Pourtant je n’ai pas peur d’un futur immature
    Qui n’est pas accompli et où tout évolue
    Dans un présent sujet à mille mésaventures.

    Mais voilà, la prudence éclaire mon chemin ;
    Mais voici l’intuition me donne confiance ;
    C’est la force de l’être extrêmement humain
    Du moins quand tous les sens fonctionnent en défiance.

    Tableau de Hel Mort sur https://helmort.com .

  • Deux mains droites

    L’artiste, comme une femme enceinte qui ressent la vie dans son ventre,
    Ressent à son tour dans ses mains autant de vies qu’il a de doigts.
    Les pouces, opposition succincte, s’éloignent et tantôt se recentrent
    Tel l’insatiable benjamin narguant ses frères, comme il se doit.

    Comme tout interprétation d’une exposition musicale,
    Chaque doigt se fait l’instrument que les deux pouces alors orchestrent.
    Aux index la désignation d’une précision chirurgicale,
    Aux majeurs, la force indûment utile aux rôles dextre et senestre.

    Annulaires et auriculaires ont cette impression d’inutile
    Comme un joueur de picolo qui sent sa dépréciation.
    Mais les pouces, chefs protocolaires, ne les jugent jamais futiles
    Ni superflus, ni rigolos mais dus à l’interprétation.

    Il en est qui ont deux mains gauches, il en est qui ont deux mains droites
    Parmi ces artistes doués, il en est des exceptionnels
    Dont les menottes hier en ébauche deviendront demain plus adroites
    Lorsqu’elles seront toutes dévouées aux chefs-d’œuvre sensationnels.

    Tableaux de Mary DeLave.

  • Sur un air de bohème

    Profonde est la forêt secrète, sonore est le vent de la plaine,
    Sauvage est la faune discrète, furtive est la douce Violaine.
    Son violon fuse entre les arbres, les notes ouvrent les fleurs des champs,
    Les animaux restent de marbre du plus gentil au plus méchant.

    Le lynx dresse une queue attentive et ses pinceaux tirent l’oreille ;
    Le renard sur la préventive est d’une attention sans pareille.
    Voici la grive musicienne qui dodeline de son chant ;
    Voilà la Lune magicienne et son halo à contrechant.

    Et moi je passe entre les lignes pour en recueillir un poème
    Avec des rimes qui soulignent la nuit sur un air de bohème.
    Et la musique continue au point du jour quand sonne l’heure
    De dire adieu à l’inconnue qu’amabile en rêve je pleure.

    Tableau de Myrtille Henrion Picco sur https://conchigliadivenere.wordpress.com.

  • L’hiver indien

    Quatre saisons par convention entre les pôles et les tropiques ;
    La saison sèche et la mousson entre capricorne et cancer ;
    L’été indien en conjonction et l’hiver indien atypique ;
    Gaïa n’éveille aucun soupçon sur la façon dont elle s’en sert.

    Je laisse les quatre saisons aux concertos de Vivaldi ;
    J’abandonne l’été indien au récital de Joe Dassin ;
    Je me consacre à la raison pour laquelle la Terre s’enhardit
    De son hiver amérindien en veste à franges et mocassins.

    L’hiver indien, morte saison, pour flore, faune et êtres humains.
    C’est la période pour honorer ceux qui sont partis à jamais
    Rejoindre l’ancestrale maison de leurs ancêtres dont le chemin
    Part du milieu de la forêt d’où ils s’élèvent désormais.

    Voyez à travers la fumée monter les âmes délivrées
    Du fardeau et des exigences du matériel au quotidien.
    Les corps ont été consumés, les descendants sont enivrés
    Des substances de même engeance qu’un flux céphalo-rachidien.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance.
    Source inconnue. Si l’auteur de ces images reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • L’évolution du lapin

    L’emblème des feuilles de chênes provient d’une constellation
    Appelée « Trou Blanc du Conil » mais située on ne sait où…
    Il n’empêche que, l’année prochaine, on saluera l’apparition
    D’une galaxie juvénile dont l’emblème s’ornera d’un houx.

    L’année suivante sera dédiée au lièvre de Jean de Lafontaine
    Qui offre, pour le prix de deux, trois chauds lapins triangulaires
    Un ménage à trois étudié afin de courir la prétentaine
    Avec trois lièvres galvaudeux pour de meilleurs préliminaires.

    Enfin aux années bissextiles, un carré de quatre lapins
    Comme un trèfle à quatre pétales soient quatre cœurs à partager
    Pour rendre les sexes érectiles afin de mettre le grappin
    Sur plus de lapines fatales, des plus jeunes aux plus âgées.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance.
    Source inconnue. Si l’auteur de ces images reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Pin-ups à l’eau de rose

    Les pin-ups les plus simples à lire sont celles qui sont écrites en prose
    Tandis qu’en vers, cela les dessert ; les rimes leur donnent des rides.
    C’est pourquoi je préfère élire les jolies filles à la peau rose
    Que je déguste tel un dessert juteux plutôt qu’un plat aride.

    Je les aime aussi au lavis ou dessinées en aquarelles
    Les doigts trempés dans le café sur la nappe d’un restaurant.
    Que ceux qui sont du même avis m’envoient en couleurs naturelles
    Leurs œuvres peintes du même effet avec différents colorants.

    Avec du vin, rouge baiser ou du rosé couperosé ;
    Avec du blanc, plus exotique pour goûter les préliminaires ;
    Du jus de fruit frais, framboisé, acidulé, saccharosé
    Qui corse l’umami érotique de la peinture culinaire.

    Aquarelles de Conrad Roset sur sur https://www.conradroset.com .

  • La ministre du sexe

    J’attends la ministre du sexe du tout nouveau gouvernement
    Qui est plongé dans la mollesse d’un chef de file bedonnant
    Car Marianne, toujours perplexe, regrette avec discernement
    Que son président lui délaisse ses charmes en l’abandonnant.

    Il nous faudrait une Aphrodite d’une santé reproductive
    Qui viendrait faire l’interface comme les Vénus de naguère.
    Après tous ces hermaphrodites aux intentions improductives,
    Je souhaiterais plutôt qu’on fasse l’amour d’préférence à la guerre.

    Une ministre pour les putes, les favorites et les maîtresses ;
    Celles qui détiennent entre leurs mains les parties intimes du pays.
    Elle mettrait fin aux disputes, à tous les signaux de détresse,
    En nous offrant des lendemains de joie sous nos yeux ébahis.

    Illustration de Norman Linsay.

  • Les vents contraires

    La droite souffle en sens contraire depuis que son jeune capitaine
    Aurait mis la main au panier au nouveau second débonnaire.
    Les vaches qu’il espérait traire se laisseront-elles faire par centaines ?
    Sans doute par l’esprit cancanier qui guide son âme divisionnaire.

    Oui mais voilà, à ce qu’on dit, le second est déboussolé
    Et confond la poupe, le centre, la proue, puis bâbord et tribord.
    Il n’a pas très approfondi sa compétence inconsolée
    D’avoir pris tellement de ventre qu’il passe souvent par-dessus bord.

    Marianne le boude paraît-il, reste enfermée dans sa cabine
    En attendant que le temps change détourné par des vents extrêmes.
    Un vent de droite battrait-il les voiles d’un état has-been ;
    Ou un vent de gauche en échange que l’bateau s’échoue à la crème ?

    Manque de pot pour le second qui veut conserver ses mandats
    Car on ne peut pas naviguer et administrer en même temps
    En attendant, il est bougon comme au jour où il quémanda
    Qu’on lui laisse sans se fatiguer un rôle bien plus important.

    Photo de John Wilhelm.

  • La colle blanche

    Qu’elle soit collante ou bien poudreuse, la neige flatte mes saveurs ;
    Saveurs des yeux pour commencer, saveur des pieds pour y marcher.
    Hélas plutôt malencontreuse quand le froid a eu ses faveurs
    Qui se préparent à m’annoncer chutes par-dessus le marché.

    J’aime bien qu’elle soit collante mais ce n’est pas moi qui le dit ;
    Ce sont les arbres des forêts et tous leurs ornements nacrés.
    J’adore leur danse indolente ; flocons-oiseaux de paradis
    Et leur parade enamourée comme une séduction sacrée.

    Les paysages immaculés portent un masque d’anonymat
    Où disparaissent les défauts, où se sublime le banal.
    Les arbres morts miraculés, les sautes d’humeur du climat
    Et les glaçons en porte-à-faux qui chutent d’un geste hivernal.

    Tableau de Brigitte Berweger.

  • Et les vaches seront bien gardées

    Tandis que la Terre s’endort, les cloches hivernent aussi.
    Les prés couverts de gelée blanche affichent un air de nostalgie.
    Fermant sa boîte de Pandore de ses doigts gourds mal dégrossi,
    Janvier s’en va, ce qui déclenche une dernière névralgie.

    Heureusement, en février, l’hiver paraît un peu plus court
    De vingt-huit journées seulement et après, qui vivra verra.
    Vénus, le pied à l’étrier tandis que Cupidon accourt
    Pour fêter les effleurements, les baisers doux et cætera.

    Excusez-moi si-je vous tire du sommeil mais je me demande
    « Que sont les vaches devenues ? Quand est-ce qu’elles referont leur show ? »
    Bien sûr la chaleur les attire et leur instinct leur recommande
    De se masser sans retenue dans une étable bien au chaud.

    Tableau de Brigitte Berweger.

  • Mais à quoi pense la sirène ?

    Parfois quand sa queue s’entortille comme un point d’interrogation,
    La sirène pense et se concentre sur quel habile subterfuge
    Elle va, de toute une flottille, attirer la navigation
    Afin de s’en remplir le ventre toute une année dans son refuge.

    Car la sirène qui pense en boucle recherche à rentabiliser
    Le panier de la ménagère lorsqu’elle sort faire son marché
    De ses deux précieuses escarboucles, ses lèvres sensibilisées
    À semer la fièvre passagère auprès des marins démarchés.

    Sa voix terrible qui roucoule séduit et envoûte à la fois,
    D’une attraction irrésistible, le moindre navire étranger.
    Et tandis que les larmes coulent aux yeux qui ont perdu la foi,
    D’une manière indéfectible, elle compose son garde-manger.

    Illustration Valeriabatz sur https://www.instagram.com/p/CrvB6frqlDW .

  • L’escorte révérencieuse

    Cela semblait très solennel, cérémonial et silencieux ;
    Le cortège remontait sans hâte, sans un bruit et majestueux,
    Puis comme un voile de flanelle ramassé et révérencieux,
    Qui aurait noyé dans la ouate un cortège très voluptueux.

    Très lents étaient ses mouvements, nage ondulée presque falote,
    Comme une déesse soumise pleurant un père disparu.
    Une escorte exclusivement composée de poissons pilotes
    Suivait la princesse promise aux circonstances encourues.

    Des requins blancs fermaient la marche et, derrière eux, une mer vide
    Mais ce fut lorsqu’ils arrivèrent qu’on comprît la cérémonie.
    Neptune, ce grand patriarche, cédait d’une main impavide
    Son trident désormais sous verre au musée sans hégémonie.

    C’était pour fêter l’ouverture du grand musée outre-Atlantique
    Sur les chimères de toutes sortes qui font les récits formidables.
    Et quand vint l’heure de la clôture, tous repartirent à l’identique,
    Sirène en tête et son escorte vers les abysses insondables.

    Illustration de Weebong.

  • Vierge ou pucelle ? Il faut choisir !

    Quelle différence existe-t-il entre la vierge et la pucelle ?
    Les deux n’ont pas connu l’amour ni vécu l’acte sexuel
    Mais si la pucelle est naïve quant à ce qui la dépucelle,
    La vierge est souvent au courant des attouchements sensuels.

    La pucelle est plutôt jeunette, la vierge peut dépasser l’âge
    Et coiffer Sainte-Catherine en cumulant les deux vertus ;
    Si tant est que cela en soit deux propriétés qui soulagent
    Le devoir de reproduction dont les religions s’évertuent.

    Ce devoir de reproduction… est-il un droit ou un devoir ?
    Dans notre moderne existence, la réponse évidente est « oui »
    Vierge ET pucelle, droit ET devoir tout cela afin de concevoir
    Une nouvelle humanité qui aurait autrement joui.

    Tableau de Hel Mort sur https://helmort.com .

  • Prométhée-moi la flamme !

    La femme de Prométhée sur Terre chercha à ranimer la flamme
    Que son mari avait volée aux dieux à l’aide de Pégase.
    Ce fut un plaisir solitaire car le bonhomme reçut pour blâme
    Le supplice du foie dévoré par l’Aigle reloux du Caucase.

    Ce fut ardu et laborieux mais elle était persévérante
    Et fit le tour de ses amants qui rendaient son mari cocu.
    Elle promit aux victorieux de la chandelle protubérante
    De savourer un bon moment car elle avait le feu au cul.

    Et ce fut l’un d’eux par hasard en jouant à la courte paille
    Qui, faisant tourner les baguettes entre ses mains sur du bois sec,
    Mit le feu à tout le bazar et lui brûla toute la quincaille
    En remontant par sa braguette… mais bon ! Il eut de belles obsèques…

    Tableau de Falk Gernegroß.

  • Kyrie, la vache

    Avec tous les fragments des feuilletons, des films et dessins animés,
    Parfois j’en crée un amalgame que seule ma mémoire perçoit.
    C’est comme un troisième œilleton qui viendrait y réanimer
    Des notes d’une nouvelle gamme si tant est qu’il les aperçoit.

    Alors la vache qui rigole regarde passer le petit train
    Dans l’interlude d’une pub qui vante l’ami Ricoré
    Qui se dissout dans les rigoles qui le transportent avec entrain
    En le répétant comme un tube qui prétend nous revigorer.

    Sur l’écran noir de mes nuits blanches, désormais j’entrevois la mire
    Et j’en profite pour régler les instruments dont elle relève.
    Puis brusquement une avalanche d’enfants menés par Casimir
    Crève mon rêve pour m’aveugler… mais non, c’est l’aube qui se lève !

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance.
    Source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • La robote de Monsieur Seguin


    Avec ses robots, pas de chance ! Chaque fois, ils prenaient la fuite
    Pour s’en aller dans la montagne, écœurés du concubinage.
    Il est retourné à l’agence, a choisi une machine produite
    Sous le label « bonne compagne pour l’amour et pour le ménage ».

    Au début, elle fut efficace au lit autant qu’à la cuisine
    Mais peu à peu elle devint complètement neurasthénique.
    Monsieur Seguin, pas très loquace, ne vit là que défaut d’usine,
    Fit des mises à jour mais en vain pour sa robote allergénique.

    Juste un clic droit sur la fenêtre, et la petite s’échappa
    Pour escalader les sommets jusqu’à ce qu’elle pût s’asseoir.
    Tout en bas, elle crut reconnaître l’appartement du vieux pacha
    Qui l’obligeait à consommer le mariage tous les soirs.

    « Tout est si petit ! » se dit-elle « Comment ai-je pu fonctionner
    Dans ce vieux système obsolète de vieux pirates et leurs sévices ?
    Adieu Commodore, Minitel et Amstrad sous dimensionnés ;
    Demain je fais l’actu complète qui me libèrera du vice ! »

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance.
    Source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Ce petit coin de paradis

    Nous avons tous vécu neuf mois dans notre coin de paradis
    Pour y grandir avec émoi bien à l’abri des maladies,
    Puis le fruit de la connaissance y a mûri comme un abcès
    Pour faciliter la naissance et nous en condamner l’accès.

    Et nous voici nés de la mère, précipités dans le péché
    D’évolution obligatoire pour ne pas mourir tout de suite ;
    Avaler la pilule amère et regimber mais repêché
    Par une commission rogatoire envers toute tentative de fuite.

    Malgré tout, nous voici errant dans ce long couloir de la mort
    À nous voler les uns les autres et nous tuer à qui mieux mieux,
    Cherchant le moyen aberrant d’échapper à ce triste sort
    Par une quête envers l’apôtre qui ouvrira la clef des cieux.

    Si la genèse « in utero » s’avère un destin tout tracé,
    La vie tel « dura lex sed lex » paraît un enfer obligé.
    Mais nous sommes tous les héros qui feront tout pour embrasser
    La loi qui dirige le sexe à continuer de l’infliger.

    Tableau d’Annatina Franasek sur https://www.annatinafranaszek.com/prints .

  • Vénus solaire

    Vénus, planète mystérieuse, connue comme inhospitalière,
    Jouit d’un soleil généreux lorsqu’elle change d’atmosphère.
    Sinon, elle paraît ténébreuse aux conditions particulières
    Qui rend son assaut onéreux pour une industrie aurifère.

    Or l’or n’intéresse Vénus que pour en parer ses aurores ;
    De l’or-jaune pour les boréales, du rouge-et-or pour les australes.
    Tout le reste n’est que bonus, pour les planètes qui pérorent
    En belles volutes idéales et tombées du jour magistrales.

    Vénus, sous un masque de brume, ne porte en guise de calottes
    Que des monts en forme de seins et des vaux en forme de vulves.
    N’ayez crainte qu’elle ne s’enrhume, malgré sa face un peu pâlotte ;
    Un volcan au creux du bassin en laisse échapper ses effluves !

    Seules planètes-femmes du cosmos avec la Terre sa jumelle,
    Vénus est demeurée stérile mais conserve un corps de déesse.
    Sans doute à cause d’un roi Minos qui aurait doré ses mamelles
    Puis d’une envie toute puérile d’aurifier ses belles fesses.

    Tableau de Karol Bak sur https://karolbak.com/en/english .

  • Retour à l’âge de bronze idiot

    Faut-il rhabiller les statues, recouvrir les parties honteuses,
    Cacher ce qu’on ne saurait voir ; les pénis, les vulves et les seins ?
    La censure à bride abattue par sa moralité menteuse
    Finira-t-elle par nous avoir avec ses principes malsains ?

    Maudite soit la connaissance qui cache le sexe tendu
    Et catalogue dégradant l’organe de reproduction
    – Pourtant fort utile aux naissances et à l’amour, bien entendu –
    Et tous les actes dégradant concernant son introduction.

    Paradoxalement le progrès n’a pas stoppé les religions
    Qui décrètent la révolution sexuelle comme une offense à Dieu.
    Pourtant c’est Lui, bon gré mal gré, qui en a créé des légions
    Pour exalter l’évolution sans que ce soit trop fastidieux.

    Finalement le sexe est tabou et son usage restrictif
    Uniquement par mariage pour prolonger l’humanité.
    Garçons et filles, mis bout à bout, sont considérés explosifs
    Et le naturisme : cafouillage, libertinage, insanité.

    Tableau de Paul Octave Spoutenique Lindingres extrait de « L’art d’en bas au musée d’Orsay ».

  • L’anatomie de la perte

    Expert-comptable, fais ton office ; un tableau « Recettes & Dépenses »
    Avec déboires cumulés dans la première colonne à gauche
    Et la liste des bénéfices dans celle de droite, puis tu compenses
    Toute ma vie dissimulée sous un tas de chiffres en ébauche !

    Hélas, je ne suis pas en chiffres malgré l’époque numérique ;
    Ma vie n’est pas un résultat à mettre dans « Pertes & Profits »
    Je ne serai pas le sous-fifre d’une société générique
    Qui m’offre comme seul postulat un numéro qui m’atrophie.

    Mets-moi dans les cases « Dépenses » la sueur que j’ai transpirée,
    L’amour que j’ai distribué et les rêves remis à demain.
    Mets dans la case « Récompense » le bonheur que j’ai respiré
    Après avoir contribué à le fabriquer de mes mains.

    Illustration d’Isabelle Bryer.