Catégorie : 2023

  • Une suissesse dans son bain

    Une suissesse dans son bain

    Parfois les eaux du Lac Léman débordent à cause des Suissesses
    Qui calment leurs tribulations par d’abusives ablutions.
    Au pays des Suisses-Allemands, quand vient le terme de leurs grossesses
    L’eau les baigne en adulation de leur propre constitution.

    Dans les atmosphères hermétiques des salles-de-bains helvétiques,
    Coulent les eaux amalgamées des pluies et des glaces fondantes.
    Selon leur classe et leur éthique, vitalité et esthétique,
    Elles passent leur temps à s’y pâmer durant des heures redondantes.

    Tableau d’Evangelion inspiré de Konstantin Tarasov sur https:thecollectibles.tumblr.compost187123384858evangelion-inspired-art-by-konstantin-tarasovamp .

  • À la recherche du bonheur perdu

    À la recherche du bonheur perdu

    Afin que le bonheur arrive, il faudrait que la peur s’en aille ;
    La peur du chasseur à l’affût ou bien la peur du mâle en rut.
    Et je me sens à la dérive parmi tous ces regards canailles,
    Ceux qui passent outre mon refus et se conduisent comme des brutes.

    Afin que le bonheur existe, j’aimerais bien me sentir nue
    Sans me retrouver sans défense ni crainte d’être violentée.
    Si la satisfaction persiste, je me sentirais soutenue
    Si je ne recevais nulle offense, contre mauvaise volonté.

    Le paradis aux mille vierges n’est qu’un vieux rêve phallocrate
    Et pourquoi pas mille étalons promis au gynécée céleste ?
    Là, je lorgnerais sur les verges comme une femelle autocrate
    Sans chemise et sans pantalon mais pour une chanson de geste.

    Tableau d’Adrienne Stein.

  • Un amour de mandragore

    Un amour de mandragore

    Parmi les racines de gingembre, de curcuma, de mandragore
    Que j’avais oubliées dehors, la pleine Lune aura sévi
    En leur développant les membres et en éveillant l’égrégore
    Par je n’sais quel confiteor chanté par l’astre inassouvi.

    Elle a dévoré le gingembre et le curcuma goulûment
    Et puis a grimpé sur le mur en plantant ses griffes dedans.
    Mais lorsqu’elle a rejoint ma chambre, j’ai décidé résolument
    D’accueillir ses jolis fruits mûrs en lui montrant mes belles dents.

    Eh bien la mandragore est bonne, dodue et sucrée à souhait
    Et j’irai bien en rechercher sincèrement toute une souche !
    Mais dès demain je m’y abonne – désormais je peux l’avouer –
    Quand je vais chez le maraîcher j’en ai toujours l’eau à la bouche.

    Sculpture d’Armelle Blary sur https:www.paperblog.fr7403284sculptures-metamorphosees-et-poetiques-de-armelle-blaryamp .

  • Sœurs de lait

    Sœurs de lait

    Deux sœurs de lait me regardaient en me dardant des quatre seins
    Et je ne voyais que l’effet des mamelons dans leur vitrine.
    Et tandis que je m’attardais à appréhender leurs desseins
    Je pris les épées des deux fées plantées dans ma propre poitrine.

    Elles m’ont dévoré le cœur de leurs petites dents pointues
    Puis m’ont recousu d’une toile qui brillait comme un firmament
    Et de leur petit air moqueur m’ont dit avec sous-entendu :
    Maintenant tu es « Cœur-d’Étoile » et tu nous suis, évidemment.

    Alors je suivis les deux sœurs et sommes devenus intimes ;
    Elles m’ont nourri de leur lait et m’ont fait goûter leurs bonbons.
    Depuis je me suis fait chasseur pour leur traquer d’autres victimes
    Et leur offrir ce qui leur plait en me réveillant pour de bon.

    Tableau de Lisa Yuskavage.

  • Le modèle à la main levée

    Le modèle à la main levée

    À main levée, avec méthode, seul l’œil dirige le crayon
    Qui retransmet fidèlement les vraies proportions artistiques.
    Les mains levées de la ribaude captent du soleil un rayon
    Qui va superficiellement en accentuer sa plastique.

    L’osmose unit l’observateur à son modèle qui prend la pause
    Et une relation intime se crée sur la piste aux étoiles.
    Le peintre se fait créateur et la créature compose
    Cette Lilith illégitime d’un nouvel éden sur la toile.

    Tableau de Mato Jurkovic.

  • Autocritique mystique

    Autocritique mystique

    Sans doute la présence d’un Dieu qui me ressemble et qui m’observe
    Depuis le lieu que j’ai atteint pour accomplir ma destinée ?
    Je semblais miséricordieux comme dans une foi qui conserve
    Une âme qui perd son latin parmi des chrétiens obstinés.

    J’ai fait des voyages mystiques, embarqué sur des fleuves en transe
    Sous l’effet de révélations qui m’ouvraient la porte aux mystères.
    Par raisonnements holistiques doublés d’un orgueil à outrance,
    J’ai cherché la corrélation avec une vie plus terre-à-terre.

    Aujourd’hui j’ai perdu la foi envers ma quête d’idéal ;
    J’incarne ma propre prière dans ce chemin ad hominem.
    Mais je vois passer toutefois dans un navire boréal
    Ce Dieu qui regarde en arrière et qui n’est autre que moi-même.

    Tableau de Wolfgang Lettl sur https:www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com201104wolfgang-lettl-1919-2008-germany.html .

  • Lentille impudique

    Lentille impudique

    Mieux que les verres à double foyer ou les lunettes à rayons X,
    Le vin vous dévoile la femme plus belle que quand vous êtes à jeun.
    Du moins, c’est ce que vous croyez lorsque vous devenez prolixe
    Avec propositions infâmes et une pointe d’accent cajun.

    Prenez plutôt un verre à pied qui épouse bien ses contours ;
    Si jamais elle n’est pas d’accord, tant pis si elle se dérobe.
    Avec l’attitude qui vous sied, offrez-lui un verre en retour
    Et si le vin donne du corps alors enlevez-lui sa robe.

    Photo d’Endegor.

  • Entre rêve et cauchemar

    Les cauchemars sont mes conflits qui ressurgissent chaque nuit
    Tant que mes blessures de l’âme ne sont pas mithridatisées.
    Les eaux de ma mélancolie délavent mon cœur de l’ennui
    Et mon esprit passe à la flamme pour le forger et l’attiser.

    Rêver d’idéal féminin n’est pas mon rêve le plus bénin ;
    Rêvasser d’amour et d’eau fraîche apaise mon âme revêche.
    Tous mes cauchemars récurrents – baptême de feu m’épurant –
    Règlent mes problèmes antérieurs sur l’air de mes songes intérieurs.

    Quel est le pire cauchemar pour un rêveur impénitent ?
    Sans doute un rêve merveilleux qui disparaît avec regrets ;
    Peut-être aussi lorsque démarre une nuit blanche préméditant
    Des trous de mémoires sommeilleux où je vais me désintégrer.

    Rêver d’une putain infâme est-il un affront à la femme ?
    Cauchemarder sa propre mort est-ce se nourrir de remords ?
    Se filmer un rêve éveillé est-ce un présage émerveillé ?
    Faire et refaire le même rêve est-ce l’imaginaire en grève ?

    Illustrations de Miles Johnston sur https:www.juxtapoz.comnewsthe-seduction-of-miles-johnston .

  • Les chatons de Schrödinger

    Les chatons de Schrödinger

    Schrödinger n’avait pas un chat mais une chatte qui mit bas
    De trois chatons métaphoriques sur l’absurdité de la vie.
    Si le premier s’effaroucha lorsque sa mère l’exhiba,
    Le deuxième fut authentique et le troisième plutôt ravi.

    Quant à la théorie quantique, on ne sait quel chat fut élu
    Mais Schrödinger a confondu les spécimens de bout en bout.
    Comme ils étaient tous identiques, à son hypothèse farfelue,
    Le monde entier a répondu qu’elle était à dormir debout.

    Tableau d’Adolf Fleischmann.

  • La tête dans le compotier

    La tête dans le compotier

    La tête dans le compotier, à l’heure du petit déjeuner,
    Vous me verrez trancher la chair juteuse des fruits répandus.
    Pommier, poirier, abricotier, tout le verger sans se gêner
    Fait la fête et la bonne chère sur ma planche à couteau fendu.

    Je commence par du melon qui me rappelle le mamelon
    Avec sa gougoutte de lait qui me flatte tant le palais.
    Mangue, kiwi et ananas qui plaisent tant à ma nana
    Qui aime tellement son homme qu’elle en croque encore la pomme…

    …D’Adam qui, du fond de sa gorge, réclame encore son sucre d’orge
    Et la liqueur blanche et nacrée des noix de coco bien sucrées.
    Je dégoupille une grenade servie avec la citronnade
    Mais bientôt n’ayant plus de fruit, ce sera tout pour aujourd’hui.

    Tableau de Jean Metzinger.

  • Réflexions félines

    Une jolie chatte de gouttière vivait seule en appartement
    Avec son chat comme complice qui lorgnait sur les luminaires.
    La fenêtre servait de chatière au gré de leurs comportements
    Afin que jamais ne faiblisse leur liberté d’imaginaire.

    Paris, l’après-midi s’ennuie de ces deux félins casaniers ;
    Leur besoin d’imagination provoque propos discourtois.
    Mais à la tombée de la nuit, chacun cesse de se chicanier
    Et s’mettent en collaboration pour une sortie sur les toits.

    Alors la chatte assez brûlante de bosser pour des clopinettes
    Commence à grimper au balcon en quête d’autres découvertes.
    Le matou d’une voix dolente miaule dans les bras de la minette
    Quand elle l’envoie, d’un air abscons, chercher des mansardes ouvertes…

    Tableaux de Yannick Corboz.

  • Photomaton au poil

    Sur vos photos d’identité, coup de canif à la morale !
    C’est dans le plus simple appareil qu’il faut se montrer désormais.
    La requête est commanditée après la crise électorale
    Où des burqas toutes pareilles auraient triché comme jamais.

    Ainsi dans nos photomatons, vous trouverez porte-manteaux
    Et équipements de chauffage pour ne point vous y enrhumer.
    Tandis qu’un scanner à tâtons prendra rapports fondamentaux
    Dans la cabine-sarcophage protégée d’un voile embrumé.

    Pourtant ne soyez pas perplexe quand vous vous retrouverez nu(e) ;
    Votre précieuse intimité ne fera aucune victime.
    Laissez-vous faire sans complexe car le résultat obtenu
    Offre en toute légitimité la protection la plus ultime.

    Et voilà, abracadabra ! Le sexe est cryptographié.
    Ah ! Les seins apparaissent encor’, c’est une question de réglage.
    Alors de grâce, baissez les bras et laissez-vous photographier
    De face et de dos tout le corps pour votre meilleur profilage !

    Illustrations d’Enki Bilal sur https:www.passion-estampes.comproduits-derives-artistiquesindexbilal.html .

  • Pluie de grenouilles part en quenouille

    Pluie de grenouilles part en quenouille

    Quand je pense aux sept plaies d’Égypte, aux sauterelles et aux grenouilles,
    Je me dis qu’il faisait bon vivre paradoxalement à l’époque
    Car depuis que l’homme décrypte et que la femme tripatouille
    Le génome comme un simple livre, tout part en vrille et ça débloque !

    Pluie d’ovaires sur la planète en éprouvettes évaluées ;
    Spermatozoïdes dopés à l’eugénisme contrôlé ;
    Ceux qui détiennent les manettes de la génétique évoluée
    Créeront des anges éclopés, vers de noirs desseins, enrôlés.

    On compte supprimer le sexe, confondre les genres, les renier ;
    Faire des femmes des éprouvettes ou des cuves à fécondation.
    Moi, je propose sans complexe si, du moins, vous en conveniez
    De faire l’amour à la sauvette platonique, sans confrontation.

    Illustration de Loopydave.

  • Le roi des champs et le roi des villes

    Le roi des champs avait coutume de visiter le roi des villes
    Et lui apporter ses légumes du jardin cueillis au matin.
    Il revêtait son beau costume – celui de facture servile –
    Et rentrait non sans amertume dans son domaine palatin.

    Quand venait la morte saison, il subsistait de ses réserves
    Et souvent allait quémander pour vivre des allocations.
    Mais comme le cœur et la raison ne naviguent pas de conserve,
    Il n’avait qu’à recommander son âme à la fée des rations.

    Le roi des villes était maniaque – c’était là son moindre défaut –
    Et méprisait les fruits grossiers et les patates pleines de terre.
    Il brûlait, étant insomniaque, au tarif de nuit son chauffe-eau
    Pour un nettoyage outrancier de ce qui gâchait son parterre.

    Quand venait la belle saison, il rassemblait tous les royaumes
    Des petits roitelets des champs pour faire baisser les enchères.
    Mon histoire, sans comparaison, ne fait que démontrer l’axiome
    Qu’il vaut mieux être un bon marchand qu’une victime de la vie chère.

    Tableaux de Jonas Burgert sur http:improvvisazionipoetiche.blogspot.com201703la-linea-di-piombo-jonas-burgert-al.html .

  • Serre-moi la pince !

    Serre-moi la pince !

    Comme elle connaît ses limites, elle se plaît à les dépasser,
    Affronter les plus grands dangers du plus simple au plus compliqué.
    Ainsi donc s’est forgé le mythe de celle qui aime outrepasser
    La peur du péril étranger par un courage revendiqué.

    Les crabes lui serrent la pince avec une grande admiration ;
    Les méduses sont médusées et les requins sont requinqués.
    On dit qu’elle a séduit un prince au cours de sa transmigration
    Et qu’elle en aurait abusé… et que le pauvre aurait trinqué.

    Elle lui a préféré le crabe dont les pinces d’or sont renommées
    Depuis qu’un jeune aventurier l’a narré dans ses reportages.
    Tant pis ! Bien que le prince arabe l’ait appelée sa Salomé,
    Elle a choisi un roturier, oui mais expert en pinçotage.

    (Tableau d’Anthony Ackrill sur https:americangallery.wordpress.comcategoryackrill-anthony
    « Je connais mes limites. C’est pourquoi je vais au-delà. » Serge Gainsbourg.)

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Attentat en profondeur

    Attentat en profondeur

    Souvent lorsqu’il part à la pêche avec ses leurres et ses appâts,
    Notre sirène se dépêche d’y frotter ses propres appas.
    Plus le marin est pourfendeur avec hameçons et crochets,
    Plus l’attentat en profondeur par elle lui sera reproché.

    D’abord elle tâte l’aiguillon pour en tester la résistance
    Et prélève un échantillon dont elle goûte la substance.
    Puis à son tour, elle asticote d’un caractère bien trempé,
    La ligne qui se ravigote sous l’action du marin trompé.

    Après tout va toujours trop vite et tel est pris qui croyait prendre
    Car le pauvre pêcheur n’évite jamais de se laisser surprendre.
    Or il n’en reste aucune arête ; juste un chapeau à la dérive
    Car la sirène ne s’arrête qu’avec la nuit, quoi qu’il arrive.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Coupe de blues

    Coupe de blues plutôt que fraise pour montrer ma nouvelle tête
    Et exprimer mes sentiments, mes peurs bleues et mes coups de sang.
    Coupe de glace plutôt que braise pour me donner un air de fête
    À l’encontre des châtiments lavés avec adoucissant.

    Coupe turquoise, bien assurée, histoire de me détacher
    Des jours qui passent à essaimer la mélancolie du moment.
    Coupe azurée pour rassurer mon cœur qui n’a rien à cacher
    Sinon avoir envie d’aimer et un jour… devenir maman.

    Illustration d’Enki Bilal.

  • Les maux à corps et à cris

    Les maux à corps et à cris

    Si mes maux pouvaient vous parler, si mon corps pouvait s’exprimer,
    S’écriraient en lettres de sang mes émotions les plus profondes
    En tractations, en pourparlers que l’âme saurait imprimer
    En caractères évanescents qui serpenteraient comme une onde.

    « Je n’ai pas l’air dans mon assiette ! » me défilerait sur le front
    Comme font les informations sur le fronton des bâtiments
    « Je ne suis pas une mauviette ! » s’afficherait comme un affront
    Sur mon cœur aux palpitations à l’encre de ses sentiments.

    Sans doute les vieilles douleurs dirigent ma plume de plomb
    Qui semble de plus en plus lourde à force de me chroniquer
    Car mon encre a pris la couleur de l’esprit qui reste en surplomb
    D’une vie dont les plaintes sourdes n’ont jamais su communiquer.

    Illustration d’Enki Bilal.

  • L’inquiétude muette

    L’inquiétude muette

    Le démon de mon inquiétude reste muet sur le moment
    Mais se glisse a posteriori dans les replis de ma conscience.
    Il menace ma zénitude par d’insidieux petits tourments
    Qui m’obscurcissent a priori et font trembler ma prescience.

    Car il a pris cette habitude d’utiliser mes souvenirs
    Pour me rappeler les sermons contre mon anticonformisme.
    Je profite de l’amplitude de ces angoisses à venir
    Pour y faire tomber ce démon dans son gouffre de pessimisme.

    S’ils se mettent à deux ou à trois pour m’accabler de mes remords,
    Je sais qu’ils ne sont rien qu’un leurre qui s’insinue sans méfiance.
    Si mon espoir reste à l’étroit dans cette angoisse qui me mord,
    Je rebondis toujours à l’heure avec un peu plus de confiance.

    Illustration d’Enki Bilal.

  • Le fantôme de l’album photos

    Le fantôme de l’album photos

    Combien de fantômes capturés par l’œil du peintre inattentif ?
    Combien de spectres interceptés par l’objectif du photographe ?
    Regardez-les s’aventurer derrière l’air représentatif
    Du modèle d’où fuse, excepté, un évanescent olographe !

    Sans doute les pigments authentiques des couleurs leur ouvrait des portes
    Qui débouchaient dans des couloirs où s’en aller et revenir ?
    Sans doute la photo argentique cachait – que le diable l’emporte ! –
    Une occasion, un défouloir pour hanter l’album-souvenir ?

    Illustration d’Enki Bilal.

  • Le vol du corbeau

    Le vol du corbeau

    Un beau jour – ou peut-être une nuit – comme l’Aigle de Barbara,
    Tout endormie dans ma baignoire, mon string m’a été dérobé.
    Ce vol me plongea dans l’ennui – car enfin qui l’accapara ? –
    Jusqu’à ce qu’une colombe noire avec sa prise vint me snober.

    « Sale colombe, rends-le moi ! » m’écriai-je à ce volatile
    « Espèce de palombe ouzbek à qui je vais tordre le cou ! »
    « Je suis un corbeau en émoi ! » me répondit cet imbécile
    Tout en ouvrant son large bec car le truc marche à tous les coups.

    Et ce fut la dernière fois que je mis un string pour dormir
    Car le corbeau noir revanchard revint plusieurs nuits par la suite.
    Mais je remerciai toutefois les fabulettes à vomir
    De La Fontaine cabochard pour sa mise en garde fortuite.

    Illustration d’Enki Bilal.

  • I comme Icare

    Bien sûr, à chacun sa méthode pour voler par la voie des airs ;
    Madame Icare s’est mise à l’art subtil de la fauconnerie.
    Mais plutôt de façon rustaude de dérober – quelle misère ! –
    Les poches pleines de dollars par défaut de larronnerie.

    Monsieur est plutôt ambitieux et s’est empressé de dresser
    Les gros oiseaux que la nature a mis à sa disposition.
    Malgré les aigles capricieux qui l’ont amplement agressé,
    Il a acquis son armature mais en mauvaise position.

    Illustrations d’Enki Bilal sur https:www.passion-estampes.comproduits-derives-artistiquesindexbilal.html .

  • À bas le monde moderne !

    À bas le monde moderne !

    L’invasion des extra-terrestres, ça ne date pas d’aujourd’hui ;
    Ils nous ont déjà attaqués à l’ère des hommes des cavernes.
    Ils ont été mis sous séquestre ; leurs robots ont été réduits
    À payer, l’air estomaqué, l’amende pour délit moderne.

    Cro-Magnon ne rigolait pas avec ces fusées à gogo
    Qui leur dénaturaient le ciel avec leurs chemtrails quadrillés.
    Et ce fut un rude combat que de les bouter tout de go
    Hors de l’espace résidentiel où ils s’étaient multipliés.

    Alors quand je vois, de nos jours, les aéroplanes en folie
    Nous déchirer notre atmosphère et nous écorcher les oreilles,
    Je redeviens l’homme balourd, guerrier cosaque de Mongolie
    Qui n’a d’envie à satisfaire que bousiller ces appareils !

    Tableau de Mark Bryan sur www.artofmarkbryan.com .

  • L’heureux élu ? Non mais sans blague !

    L’heureux élu ? Non mais sans blague !

    « Le jour où les cons voleront, tu en seras chef d’escadrille ! »
    Me disait-on pour me vexer et m’expédier sur les roses.
    Or, quand les anges m’élèveront en compagnie des joyeux drilles
    Ressuscités, décomplexés, j’aurai des pensées bien moroses.

    En plus, vêtu de robe blanche comme seul et unique vêtement,
    Tous ceux qui sont restés en bas apercevront mes génitoires.
    J’en ai la honte tous les dimanches lorsque vient le saint-sacrement
    Et qu’on me promet la nouba sans passer par le purgatoire.

    À quoi bon la vie éternelle avec tous les heureux zélus
    Qui allumeront tous un cierge au nom de leur Dieu éminent !
    Et ces houris sempiternelles jetant sur moi leur dévolu
    Sous prétexte qu’elles sont toutes vierges et moi leur mâle dominant !

    Tableau de Mark Bryan sur www.artofmarkbryan.com .

  • L’énergie du baiser

    L’énergie du baiser

    La force gravitationnelle, la force électromagnétique
    Et les deux forces nucléaires font la physique fondamentale.
    Quand l’énergie émotionnelle et la synergie romantique
    Deviennent ensemble colinéaires, la physique est sentimentales.

    La matière pourtant constituée presque essentiellement de vide
    Entre les atomes épars n’est qu’une alliance de ces forces.
    Quant à l’amour substitué entre deux corps, deux cœurs avides,
    Il est l’énergie qui répare ou brise les noyaux sous l’écorce.

    Tableau de Graham Dean.

  • Projet Coquelicots

    Projet Coquelicots

    Avant que le printemps survienne, je me suis projeté l’écran
    D’un Dieu en camaïeu orange sur coquelicots en pâture.
    Je ne doute pas qu’il y parvienne ; après l’hiver, Il est à cran
    Et nécessite cette étrange transformation de la nature.

    Plaise au Dieu-Soleil d’embellir, de l’aurore jusqu’au coucher,
    Et de jouer de sa lumière, sur mon champ toute sa chaleur.
    Plaisent aux étoiles en délire et à la Lune effarouchée
    De répandre sur ma chaumière une aura de même valeur.

    Photo de l’East Yorkshire par Alastair Graham.

  • Mon amie Pascale

    Lundi de Pâques, jour de la Lune, Pascale sort la grande échelle.
    Au premier quartier, elle cueille un croissant chaud, sorti du four ;
    En pleine Lune, bonne fortune pour le chien de Jean de Nivelle
    Qui n’aboie pas mais se recueille posément jusqu’au petit jour.

    Lorsque les phases se terminent, Pascale lave sa récolte
    Au son d’un violon qui chantonne un air vif et bien inspiré.
    Petit à petit s’éliminent toutes les larmes désinvoltes
    Tombées d’étoiles monotones et d’une Lune désespérée.

    Quand la Lune se renouvelle et s’en va pour une semaine,
    Pascale alors sort sa roulotte pour vendre sa compilation.
    « La Lune, la Lune nouvelle ! Profitez de la bonne aubaine ! »
    Crie-t-elle dans un éclat de glotte aux poètes sans inspiration.

    Tableaux de Lisandro Rota sur http:www.lisandrorota.itgalleria-2-dal-2003-al-2010 .

  • Le week-end de Pascale

    Vendredi-saint, prenant son bain avec les carpes qui dégorgent,
    Pascale explore sa baignoire car, au fond, elle n’est pas si bête.
    Après une semaine de turbin, viendra demain son ami Georges
    Avec qui, vêtant son peignoir, elle prévoit de faire la fête.

    Le samedi, elle pique une tête avec Jojo dans la piscine ;
    La cuvette est ainsi nommée pour amplifier leurs ébats
    Qui virent vite à la tempête qui secoue bien fort la bassine
    Et qui étend leur renommée deux ou trois étages plus bas.

    Dimanche enfin, portes ouvertes, elle étend un soleil radieux
    Chauffé toute une nuit d’amour au bain-marie dans la cuisine.
    Après toutes ces découvertes, il est temps de se dire adieu ;
    Jojo s’en va au petit jour et Pascale repart à l’usine.

    Tableaux de Lisandro Rota sur http:www.lisandrorota.itgalleria-2-dal-2003-al-2010 .

  • L’Europe taillée sur mesure

    L’Europe taillée sur mesure

    Amour à nul autre pareil que l’attachement à l’Europe
    Avec son étrange découpe qui brave l’ouest aux vents rapides.
    Sans doute le même appareil, le même organe psychotrope
    Celui qui donne le vent en poupe à son cœur de fils intrépide.

    L’Europe de mes amours d’antan avec ses moultes traditions
    S’est dissoute dans le sablier de l’américanisation.
    Et de nos jours on ne s’entend plus parler que de répartitions
    De biens auxquels il faut se plier pour l’essor de la civilisation.

    Coincée entre trop de puissances qui veulent gouverner la Terre,
    L’Europe est l’enjeu désormais des riches qui souhaitent la piller.
    En faire un lieu de complaisance, une réserve propriétaire
    Au cas où – on ne sait jamais – tout le reste serait bousillé

    Illustration de Lorenzo Mattotti.

  • À toutes jambes

    À toutes jambes

    Dans les rues courent toutes les peurs véhiculées par les médias ;
    Avec menaces de pandémies, de guerres mondiales et pénuries.
    Les gens à voile et à vapeur sont tous coupables dans l’immédiat ;
    Les pédophiles, les ennemis que les complotistes injurient.

    La peur de la mort court toujours comme une catastrophe humaine
    Et l’on bannit l’euthanasie au risque d’y laisser sa peau.
    Hélas, qui vit au jour le jour et à la petite semaine
    Est gouverné par des lazzis qui se cacheraient sous les drapeaux.

    (Tableau de Wolfgang Lettl sur https:www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com201104wolfgang-lettl-1919-2008-germany.html
    Les lazzis, dans la commedia dell’arte, sont toutes sortes de plaisanteries burlesques, soit en paroles, soit en actions, des jeux de mots, des grimaces, des gestes grotesques et jusqu’à des détails de farces sur tréteaux ; mais pas des nazis bien sûr que non.)

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • L’adieu à la sirène

    L’adieu à la sirène

    Adam et Ève ou les sirènes ? Dieu s’est beaucoup interrogé ;
    L’homme et la femme, c’est plus sérieux mais les chimères, c’est le rêve !
    Mais il a vite repris les rênes en réfléchissant au projet
    De son désir impérieux. Tant pis si la sirène en crève !

    Heureusement que Lucifer lui récupéra le programme
    Qu’il essaima au fond des mers comme un virus dans les abysses.
    Tandis que tous les mammifères se centuplaient au kilogramme,
    Les amourettes outremer portaient leur fruits avec malice.

    Les vieux loup-de-mer, du meilleur cru, gobent les marins bien dodus
    Qui cherchent trésors et merveilles et viennent troubler leur boisson
    Mais Adam n’y a jamais cru quant à Ève, elle a répondu
    Que ce n’est pas demain la veille qu’elle port’ra un’ queue de poisson.

    Tableau d’Anthony Ackrill sur https:americangallery.wordpress.comcategoryackrill-anthony .

  • 1 œil du vendredi saint + 7 avril = 13

    Comme le verre à moitié plein, certains n’y voient que du bonheur ;
    Comme le verre à moitié vide, d’autres n’y voient que du malheur.
    J’ai pitié d’eux et je les plains lorsque le mois nous fait l’honneur
    D’un vendredi âpre et avide d’un treize qui se veut harceleur.

    Lorsque tombe un vendredi treize, chacun voit midi à sa porte ;
    L’occasion de tenter sa chance ou interroger son pendule.
    L’amour avec ses yeux de braise prend ce que le temps lui apporte
    Et le samedi, par vengeance, s’amuse aux dépends des crédules.

    Photos de Flóra Borsi sur https:www.2tout2rien.frdes-auto-portraits-avec-des-yeux-danimaux-par-flora-borsi .

  • Couronnement abyssal

    Couronnement abyssal

    Les territoires britanniques insuffisants à son orgueil,
    Il veut régner sur les sept mers, les océans et les deux pôles.
    Sans se montrer trop tyrannique, il a voulu faire bonne accueil
    Aux tritons, sirènes et chimères où prétend-il sa métropole.

    Mais toutes les princesses consorts ne l’entendent pas de cette oreille
    Car les princes se mettent à loucher sur les jolies queues des sirènes.
    Les forces de l’ordre qu’on sort seront submergées sans pareille
    Lorsque le Roi ira coucher avec Kamomilla, leur reine.

    Alors sans tambour ni trompette crevant le monde du silence,
    L’archevêque de Planctonberry l’intronise, sans commentaire.
    Des cris s’élèvent comme une tempête et, par défaut de vigilance,
    Tout le peuple atteint d’hystérie se rue sur le Roi d’Angleterre.

    Tableau de Ilya Répine pour l’opéra « Sadko » de Rimski-Korsakov.

  • Tous à Charles-Roi !

    Venez donc tous à Charleroi pour assister au match du siècle !
    Un combat des chefs inédit : Roi belge contre Roi d’Angleterre.
    Philippe est en plein désarroi tandis que Charles est plus espiègle
    Mais tout cela n’est que comédie ; l’issue ne fait aucun mystère.

    Mathilde et Camille se crêpent le chignon derrière les coulisses
    Et l’on voit rougir les frimousses des princes wallons et flamands
    Car les princesses en taille de guêpe s’envoient avec plein de malice
    Gueuze et autres types de mousses pour mieux séduire leurs amants.

    Tout le monde ayant bien compris que le combat a commencé
    Il y a longtemps des deux côtés : Royaume-Unis, belge et anglais,
    On verra, quel qu’en soit le prix, la victoire déjà annoncée ;
    Nul besoin de tournicoter : ils avaient déjà tout réglé.

    Carte postale de Charleroi sur www.delcampe.net .

  • À son image

    À son image

    Vénus aux fesses callipyges, en trois coup de cuillère-à-pot,
    Peignit un homme à son image, possédant le pinceau sacré.
    Évidemment l’enfant prodige profita du divin repos
    Pour brosser une œuvre en hommage à celle qui l’avait consacré.

    L’artiste en herbe, au pied levé, créa de son dieu le portrait
    Que Vénus jugea in petto à la valeur d’un Picasso.
    Ainsi la femme fut élevée par transition à cet attrait
    Pour la peinture mais au couteau car elle n’avait pas de pinceau.

    Tableau d’Antoine Mansour sur https:antoine-mansour.weebly.com?ssp_iabi=1677572165579 .

  • Vénus X

    Vénus X

    Lorsque la nuit devient intense, Vénus X se métamorphose ;
    Elle se glisse entre mes rêves comme une vampire du cœur.
    J’entends déjà votre sentence : « Bien sûr, il ne pense qu’à la chose ! »
    Non, pas du tout ! Sa morsure brève, je la ressens à contrecœur.

    Vénus X n’est pas Aphrodite ; la passion n’est pas son mobile ;
    Elle vient m’inoculer l’amour pour que j’en cultive mes vers.
    Elle revient à l’heure dite lorsqu’ils sont mûrs et volubiles
    Et me les dope avec humour aux fantasmes les plus pervers.

    Tableau de Roberto Weigan.

  • « J’aurai un tournesol en pot ! »

    « J’aurai un tournesol en pot ! »

    « J’aurai un tournesol en pot ! » m’avait-elle écrit sur sa lettre ;
    « Je serai toute de bleu vêtue avec un chapeau assorti. »
    Et me voici à fleur de peau, bataillant contre mon mal-être,
    Observant à bride abattue ceux qui se pressent vers la sortie.

    Elle se tenait au bout du quai tenant son fichu tournesol,
    Émergeant de la vague humaine comme une sirène sur son rocher.
    Apparemment bien éduquée, bien droite et debout sur le sol,
    Affichant un visage amène, elle me regarda m’approcher…

    Et puis je me suis réveillé, frustré toutefois effrayé
    D’avoir manqué et renoncé à ce fantasme bien à-propos.
    Soudain je fus émerveillé de découvrir sur l’oreiller
    Un petit mot qui annonçait : « J’aurai un tournesol en pot ! »

    Tableau de Catherine Chauloux sur https:catherinechauloux.comles-peintures?ssp_iabi=1677484249339 .

  • L’arbre de la connaissance

    L’arbre de la connaissance

    Évidemment ce n’est pas Ève qui a goûté la connaissance
    Et ce n’est pas non plus un arbre qui portait les fruits du savoir
    Mais Shiva dont les bras se lèvent pour offrir en reconnaissance
    Au créateur resté de marbre tout l’Univers à concevoir.

    Alors Dieu savoure une pomme et apprécie l’inspiration
    Et chaque fois qu’il mange un fruit, il procrée ainsi stimulé.
    À la dernière, il croque l’homme avec fougue et transpiration
    Et lui accorde l’usufruit de sa fortune accumulée.

    « Sauf l’arbre de la connaissance ! » de peur que l’homme à son image
    Se mette à tire-larigot à créer à saturation.
    Ainsi la femme, dès sa naissance, ne s’en tira pas sans dommage
    Car elle hérita tout de go du virus de procréation.

    Tableau d’Antoine Mansour sur https:antoine-mansour.weebly.com?ssp_iabi=1677572165579 .

  • Chacun son cœur et sa raison

    Chacun son cœur et sa raison

    Quand on est uni par le corps, l’esprit ne l’est pas forcément
    Et quand on l’est avec le cœur, ce n’est pas toujours par raison.
    Quoi qu’il en soit on voit encor’ de nos jours uniformément
    Des alliances à contrecœur mais nécessaires à la maison.

    Comme en témoignent les siamoises dont les âmes-sœurs tiraillées
    Penchent vers le mal ou le bien selon où le chat est couché.
    L’une est affable, l’autre narquoise selon comme elle est travaillée
    Par le démon qui lui convient ou l’ange en train de l’attoucher.

    Ce sont les chatons qui décident de laisser faire ou interdire
    Selon si l’envie de jouer prône sur celle de s’assoupir.
    Tour à tour, ils seront placides ou déchaînés et, à vrai dire,
    Quand ils sont les plus enjoués, vous pouvez vous attendre au pire.

    Illustration de Jeff Drew sur jeff drew – ART STORE: Prints & More! (jeffdrewpictures.com) .

  • Le pont fantôme

    Le pont fantôme

    Sans doute les légions romaines, les soldats de Napoléon
    Et les farouches Huns d’Attila, afin de franchir l’Achéron,
    Ont traversé à perdre haleine, et sur un air d’accordéon
    En buvant de la téquila, ce pont fantôme en Aveyron.

    Eh non !
    Ce pont qui invite à tenter l’aventure des grandes conquêtes
    N’a dû connaître que des moutons, des loups, des chiens sans décorum.
    Quant aux conquérants patentés, ils auraient pris, selon enquête,
    Des routes dont nous nous doutons qu’elles mènent toutes jusqu’à Rome.

    Magnifique pont à Saint-Martin-de-Lenne en Aveyron.

  • La fusion des sentiments

    La fusion des sentiments

    Si l’amour fusionne deux cœurs, deux corps, deux sexes et deux esprits,
    J’imagine assez les deux âmes unir leurs univers intimes.
    Je devine un rêve moqueur qui se serait alors surpris
    À passer, muni d’un sésame, dans le côté illégitime.

    La femme, curieuse comme il se doit, irait visiter les bas-fonds
    Pour s’encanailler des pensées que son mari aurait cachées.
    L’homme s’en irait glisser son doigt dans le bouton le plus profond
    Pour causer une faim insensée chez sa compagne amourachée.

    Sans doute est-ce ce qui se passe dans la relation fusionnelle
    En quatre ou cinq, six dimensions au-delà de nos connaissances.
    Un autre temps, un autre espace et un amour impulsionnel,
    Pavé des bonnes intentions d’un enfer en toute puissance.

    Tableau de Maria Amaral.

  • La douleur du présent & la couleur de l’attente

    La douleur du présent & la couleur de l’attente

    Plus j’attends, plus le temps s’arrête lorsque je veux aller plus vite
    Et plus le temps me paraît court au moment où cesse l’attente.
    Jusqu’à ce que ma vie s’apprête à m’apporter ce que j’évite
    C’est-à-dire mettre sur mon parcours une interruption imminente.

    La douleur m’a remis en place dans le temps du moment présent
    Car la souffrance ancre l’esprit sur un présent incompressible.
    Finalement rien ne remplace dans la vie d’être omniprésent
    Et chaque seconde m’a appris à apprécier tous les possibles.

    J’ai appris à ouvrir le temps sur des vacances éternelles,
    À écouter mon inconscient me parler d’avenir notoire.
    J’ai même obtenu mon content dans ces attentes sempiternelles
    Où je permets au subconscient de me raconter ses histoires.

    Tableau d’Izumi Kogahara.

  • Les vieux miroirs infidèles

    Les vieux miroirs infidèles

    Méfiez-vous des vieux miroirs pleins de poussière dans vos greniers !
    Certains retardent, certains avancent et ainsi déforment le temps ;
    D’autres perdus au fond d’un tiroir ou encore au fond d’un panier
    Le ralentissent en connivence ou le renversent à contretemps.

    Si vous vous y voyez plus grand alors ils altèrent l’espace ;
    Si vous paraissez plus petit, c’est dû à leurs points d’inflexion.
    Quoi qu’il en soit, il est flagrant que leurs distorsions se surpassent
    Et que sous leurs tains aplatis se cachent de fausses réflexions.

    Ainsi les vieux miroirs déclinent et réfléchissent distraitement ;
    Ils perdent la mémoire, en outre, oublient ce qu’il faut renvoyer
    Car avec l’âge, la vitre s’incline de moins en moins discrètement.
    Faites attention à ces jean-foutres qui ne font que vous fourvoyer !

    Illustration de Jérémie Almanza.

  • L’étang de la réflexion

    L’étang de la réflexion

    J’aime jouer d’anamorphoses à la surface de l’étang
    Comme des miroirs déformants qui ne sont pas si infidèles.
    Souvent dans ces métamorphoses, ridées par quelques mauvais temps,
    Évoluent des poissons dormants entre fonds de sable et ridelles.

    J’y pêche des images en 3D surgies de tous ces hologrammes
    Qui se répètent en motifs qui s’apparentent à de la moire.
    Il s’en dégage des dégradés émergeant des stéréogrammes
    Comme un souvenir émotif qui remonte de ma mémoire.

    Ce ne sont que des incidences ! me dit-on la plupart du temps
    Et de trop d’imagination, je devrais plutôt m’abstenir.
    Mais je n’y vois que coïncidences ; non pas l’erreur du débutant
    Mais plutôt l’accumulation d’indices sur mon avenir.

    Illustration de Nadezhda Illarionova sur https:www.artstation.comartworkkrP1z .

  • Parle-moi de toit

    Parle-moi de toit incliné, parlez-moi de voûte en plein cintre,
    Parle-moi de tes chiens assis, parlez-moi de vos beaux clochers !
    J’aime voir l’esprit décliné, coloré à l’âme du peintre
    Et exposé sur un châssis de toile brute effilochée.

    Entre le cœur et la raison, s’établit une architecture
    Qui parfait le corps féminin et le porte sur le toit du monde.
    Ce parallélisme « maison » entre la femme et la toiture
    M’est apparu simple et bénin dans une vision vagabonde.

    Mesdames, ne tournez pas le dos à cette image terre-à-terre
    Car j’ai placé l’intelligence et votre pensée féminine
    Devant ce lever de rideau que la nature vous confère
    Et qui vous élève d’exigence au-dessus des lois masculines.

    Illustrations de Tran Nguyen.

  • Mon dimanche des rameaux

    Pour célébrer l’arbre de vie qui bourgeonne tous les printemps
    Dans ma structure végétative abreuvée du sang de la Terre,
    Mes os pleurent de synovie en honneur à la nuit des temps
    Et à l’aube commémorative de ma lignée humanitaire.

    Greffé de l’arbre de connaissance qui a mûri sous les étoiles,
    J’en ai goûté l’humidité comme un eau-de-vie fondatrice
    Et j’en tisse en reconnaissance cet humble vêtement de toile
    Qui transforme ma nudité en fontaine fécondatrice.

    Avant-hier j’étais minéral, ma vie était d’année-lumière ;
    Hier j’étais encore végétal, nourri au sein des fleurs du mâle.
    Ce matin le puits sidéral qui coule de ma moelle épinière
    A transmuté tous mes pétales en nouvelle flore animale.

    Tableaux de Keith Perelli sur https:supersonicart.compost79969072754keith-perelliamp .

  • Tandis que l’homme court à sa perte…

    Tandis que l’homme court à sa perte…

    Tandis que l’homme court toujours à la course contre la montre
    Pour vaincre sa peur de la mort et compenser de son vivant,
    Le voilà contraint, tous les jours, à courir comme le démontre
    La loi du gain et de l’effort pour gagner son pain motivant.

    Il est devenu mange-temps, gobe-minute, croque-seconde
    Et digère l’heure accumulée dans son estomac financier.
    Sa vie allant en augmentant, il voit sa course furibonde
    De plus et en plus stimulée comme un Sisyphe pénitencier.

    Et puis un beau jour, tout s’arrête. Fini cette épreuve futile !
    Parvenu au bout de sa course, il souhaite enfin se défouler.
    Mais à l’étape de la retraite, il souhaite encore se rendre utile ;
    Hélas par le trou de sa bourse, son temps de dupe est écoulé

    Tableau de Antoine Mansour sur https:antoine-mansour.weebly.com?ssp_iabi=1677572165579 .

  • …La femme attend l’heure adéquate

    …La femme attend l’heure adéquate

    L’homme ayant chanté tout l’été se trouve dépourvu en hiver,
    Ayant tout misé sur l’argent et le bonheur artificiel.
    Il vient voir la femme, hébété, lui priant de son univers
    L’accueillir en lui partageant un peu de vivres substantiels.

    Mais la femme n’est pas tombée de la dernière pluie battante ;
    Elle attendait l’heure adéquate pour prendre sur lui sa revanche.
    « Où sont passées les retombées de tes dividendes en attente ? »
    Demande-t-elle d’une voix coite à l’homme bête comme un manche.

    « J’ai consacré toute ma vie à accumuler des richesses,
    Les recomptant, les maintenant, jusqu’à l’annonce du trépas. »
    « Eh bien ! » répond-elle ravie, « après toutes ces belles largesses,
    Tu peux décompter maintenant car l’amour, lui, ne compte pas ! »

    Tableau d’Antoine Mansour sur https:antoine-mansour.weebly.com?ssp_iabi=1677572165579 .

  • Avril, le roi de la brosse-à-chiottes

    Avril, le roi de la brosse-à-chiottes

    Au mois d’avril, grand nettoyage, c’est le mois qui lave plus blanc
    À grandes averses et pluies d’orages, un peu de grêle pour décaper.
    On sèche à grand coup d’essorage ; les coups de vent les plus troublants
    Font plus que force ni que rage envers une Terre à retaper.

    Et Avril s’en donne à cœur joie avec son balai arc-en-ciel
    Qui vous redonne un coup de neuf tout autour des quatre horizons
    Qui donne envie aux villageois qu’il est enfin providentiel
    Au bout de quatre-vingt-dix-neuf jours de fêter Pâques aux tisons !

    Illustration de Lisa Aisato sur https:www.aisato.noandre-illustrasjoner#itemId=55830f07e4b0d670c6fc3e2b .

  • La course éperdue de Mars

    La course éperdue de Mars

    Aussitôt né, c’est de départ pour la course contre la vie
    Où il ne pourra s’arrêter d’avancer sinon reculer.
    Où court-il ainsi ? Nulle part ! Sa faim toujours inassouvie
    Le pousse à ne jamais regretter de devoir tant gesticuler.

    Ainsi était la vie de Mars, un mois échappé à l’hiver
    Qui voulait connaître l’amour et épanouir sa libido.
    Mais le printemps aime les farces ; le mois d’avril n’est qu’un pervers
    Qui lui glisse dans un trait d’humour un poisson derrière le dos.

    Illustration de Lisa Aisato sur https:www.aisato.noandre-illustrasjoner#itemId=55830f07e4b0d670c6fc3e2b .