Catégorie : 2022

  • Sirénologie

    Depuis que j’ai approfondi mes connaissances sur les sirènes,
    Elles m’acceptent à condition de prendre un poisson pour parrain.
    J’en ai choisi un, arrondi, que j’appelle « Simon de Cyrène »
    Car il me croit, sans conviction, grand ambassadeur des marins.

    J’ai donc passé mes examens à l’université Neptune
    Et j’ai été promu « Triton » lors du grand bal de fin d’année.
    Je n’suis plus qu’à moitié humain mais à l’apparence opportune
    D’un amphibien en demi-thon et demi-homme simultanés.

    Illustration de Charles Santore

  • Vivre avec une sirène

    J’avais commandé sur le Net une « Femme-Poisson authentique »
    Garantie à vie, s’il vous plaît, et « satisfait ou remboursé » !
    Écologique pour la planète, elle a traversé l’Atlantique
    Pour me parvenir au complet dans une caisse renforcée.

    « Avant le tout premier usage, baignez-la trois jours et trois nuits ! »
    Collé comme avertissement pour obtenir « bon résultat ».
    J’ai commencé son arrosage que j’ai terminé à minuit
    Et pris un rafraîchissement glaçons et triple-margarita.

    Soixante-douze heures passées, elle frétillait là, dans mon lit
    Et moi, comme un poisson dans l’eau, j’ai honoré sept fois ma reine.
    Quant à elle, elle s’est surpassée et m’a aimé à la folie
    À en devenir ramollos, ma queue et celle de la sirène.

    Kristen Mcmenamy photographiée par Tim Walker sur http://visualoptimism.blogspot.com/2013/12/far-far-from-land-kristen-mcmenamy-by.html?m=1

  • Toutes ces autres sirènes

    Dans le Grand Livre des Sirènes – que Dieu n’aurait pas imprimé –
    Existent d’autres créatures que la femme en queue de poisson
    Qui n’ont pas besoin d’oxygène ni de belle voix pour s’exprimer
    Sans faire offense à la nature ni lui faire de contrefaçon.

    Les femmes au corps de raie manta préfèrent les eaux tropicales
    Et leurs belles ailes delta permettent les belles prouesses.
    Elles ont acquis leur potentat après des luttes syndicales
    Grâce à leur voix de célesta qui ont fait d’elles des déesses.

    Les femmes-pieuvres – ou femmes-poulpes – vivent dans les eaux boréales
    Dans les abysses où leur fortune est de récolter des godasses.
    Il paraît que c’est là leur coulpe d’avoir volé les céréales
    Du jardin privé de Neptune qui les a puni de l’audace.

    Illustrations de Viccolate, HTG17 et Ryan Firchau

  • Tout va bien !

    Quand la mer aura retiré tout le poids de ses tsunamis
    Qu’elle déverse sur les terres pour protester à sa manière,
    Tous les survivants attirés à contrer les épidémies
    Se retrouveront solidaires pour reconstruire leurs tanières.

    « Tout reviendra-t-il comme avant ? » Pense-t-on prématurément
    Comme si les blessures ouvertes ne laissaient point de cicatrices.
    Il faudra vivre dorénavant dans un présent assurément
    Éclairé par les découvertes de son histoire évocatrice.

    Illustration de François Ravard

  • La crête de la vague

    Comme il fallait bien s’y attendre, lorsque la houle atteint la crête,
    Toute la vague alors déferle et se fracasse sur les brisants.
    Observez la tension se tendre lorsque la foule est enfin prête
    À faire cesser le Clochemerle d’un gouvernement méprisant !

    Tandis que la vague se forme sous la forte impulsion de l’onde,
    Toute la masse s’accumule pour écouler son énergie.
    Tandis que le poids des réformes à force de peser sur le monde
    Pousse le peuple et le stimule à s’opposer en synergie.



    « Clochemerle » est un roman de Gabriel Chevallier qui offre une description sans indulgence de la vie des habitants dans un village du Beaujolais, avec leurs préoccupations sexuelles et dévorantes, leur goût de l’argent, leurs vieilles haines, les divisions entre catholiques et républicains, les ambitions des uns et des autres… Hommes politiques, militaires sont particulièrement brocardés, ainsi que la haute administration.

    Illustration de François Ravard

  • Méchante sirène

    C’est dans un sinistre « glou-glou » que le marin trouva la mort,
    Transbahuté sous la carène, lui qui espérait tant l’amour.
    Périr en mer, pour un marlou, belle fin pour ce matamore
    En manque d’air pour la sirène, lui, qui souffrait du mal d’humour.

    Regardez-la sur son rocher, dans son angélique innocence
    Qui obtiendrait l’acquittement et le Bon Dieu sans confession !
    Personne ne peut s’accrocher à vaincre sa concupiscence
    Et l’amour pragmatiquement finit toujours en queue de poisson.

    Tableaux de Gustave Gélinet extrait de la BD « La Sirène des pompiers » dessinée par Zanzim

  • Les femmes-poissons dans l’intimité

    Dans l’intimité du foyer du nid d’amour de son marin,
    La sirène a peint les mémoires de son univers maritime.
    Son cœur, encore apitoyé de ses souvenirs utérins
    Marquant sa naissance en mer noire d’un mariage illégitime.

    Sa mère était femme de mer, son père était marin au pair,
    Ils étaient jeunes et insouciants, ils se sont aimé tendrement.
    Mais le beau-père, un homme amer, voulant une lignée prospère
    Envoya son fils inconscient dans un sévère encadrement.

    La femme-pieuvre possède aussi des mémoires à n’en plus finir
    Tatouées sur ses tentacules aux ventouses impitoyables.
    Une fois sa jeunesse dégrossie, elle vit ses amants survenir
    Chacun dardant ses testicules dans des étreintes inoubliables.

    Elle pondit tant d’œufs à berger, qu’on l’appela « Octopussy »
    Elle doit ce drôle de sobriquet aux mâles qui s’y devaient mourir.
    Mais après avoir gambergé tant de grossesses, non sans souci,
    Elles eut huit fois huit poulpiquets, soixante-quatre calmars à nourrir.

    Illustrations de Maxine Vee

  • Baptême de mer

    Tout navire, avant son baptême, a droit à son cérémonial
    Afin d’affermir sa carène et de consolider ses voiles.
    Selon la saison et le thème, selon le site régional,
    Il a droit au ban de sirènes ou au firmament des étoiles.

    Moi-même, jeune bâtiment, un trois-mâts fraîchement armé,
    Je fus baptisé sans remords d’une manière douce-amère ;
    Ma marraine m’avait gentiment déniaisé pour mieux me charmer
    Et l’artimon bandant à mort, je pénétrai la haute mer.

    Tableau de Michael Cheval sur http://chevalfineart.com/portfolio/new-releases

  • La reine oubliée

    Entre la flèche du Sagittaire et la Reine du Capricorne,
    Une treizième constellation en dessinait son côté face.
    C’était bien avant que la Terre bascule sur son axe morne
    Et que la vie en gestation ne transparaisse à sa surface.

    Mais n’est pas Cupidon qui veut car la flèche rata sa cible
    Et se planta sur le point même qui deviendrait l’axe nouveau.
    Or, s’il s’en fallu d’un cheveu que la vie conclut l’impossible,
    Dans le zodiaque, aucun emblème incontestable ne le prévaut.

    Illustration de Moebius

  • Jeune Gaïa deviendra grande

    Avant de devenir Terre-Mère, la jeune Gaïa dut grandir
    Au cœur des étoiles filantes dont elle fut excellente élève.
    Si son enfance fut éphémère, elle sut néanmoins resplendir
    Le sixième jour, midi pétante, pour accueillir Adam et Ève.

    Gaïa déesse de la Terre règne malgré ses habitants
    Dont les animaux trop placides et les humains trop turbulents
    Rendent son jardin délétère et ses océans dégoûtants.
    Alors, Elle pleure de pluies acides des torrents de larmes truculents .

    Tableau de Michael Cheval sur http://chevalfineart.com/portfolio/new-releases

  • Trempé de science égyptienne

    Les charmes de l’Égypte ancienne, entretenus par Cléopâtre
    Qui prenait ses bains entourée des plus belles filles pubères,
    Ont donné aux cartomanciennes des affaires de cœur à débattre
    Grâce à leurs cartes détourées du Livre Sacré Syllabaire.

    L’Atlantide eut aimé transmettre ses connaissances émerveillées
    Dans un grimoire aux feuilles d’or orné d’Europe et son Taureau.
    Mais le temps n’a su nous remettre quelques arcanes dépareillées
    Dont tout le mystère s’endort dans l’antique jeu du tarot.

    Tableau de Michael Cheval sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2011/03/michael-cheval.html

  • Le jeu du fou, de la Reine et des cavaliers

    D’abord le fou charme la Reine par son caractère astucieux
    Qui permet de damer le pion au Roi lorsqu’il part à la chasse.
    De sa jolie voix de sirène, elle leur promet un audacieux
    Avenir doré de champion ou héros si leurs cœurs trépassent.

    Promu chevalier, à son tour, il transmet son métier des armes
    Aux jeunes recrues qu’il entraîne pour servir leurs maîtres et leur Roi.
    Mais il enferme dans la tour ceux qui n’ont cédé à ses charmes
    Ou ont opté suivre la Reine sans pour autant payer l’octroi.

    Tableaux de Michael Cheval sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2011/03/michael-cheval.html

  • Tandis que courent les lièvres

    Il ne faut pas courir deux lièvres à la fois ;
    Ne pas viser deux buts sinon perdre les deux.
    Mais si les lièvres courent de partout à la fois,
    Je risque d’être imbu d’en sacrifier l’un d’eux.

    Je ne peux pas passer par deux portes ouvertes
    Et si elles sont fermées, je dois chercher plus loin.
    Avec un œil ouvert sur chaque découverte ;
    Les deux pour confirmer si j’en sens le besoin.

    Mais deux lièvres à moitié n’en font pas un complet.
    Un bon tiens ne vaut-il mieux que deux tu l’auras ?
    L’amour doit être entier au risque d’incomplet
    Comme celui si fertile de ma chère Laura.

    Tableau de Masaru Shichinohe sur https://freewechat.com/a/MzUyMjQ0MjkwMw==/2247503907/1

  • Le charmeur dithyrambique

    Le charmeur égrène de sa vie les perles toujours savoureuses
    Contenues dans le florilège de ses amours les plus loquaces.
    Si son auditoire est ravi de ses aventures amoureuses,
    Il lui offre le privilège d’en écouter les plus cocasses.

    Puis, le flot de belles paroles devient un grappin qui tournoie
    Garni au bout d’accroche-cœurs et de pensées subliminales.
    Tout va trop vite ! À tour de rôle, chacun des petits mots sournois
    Plante le drapeau du vainqueur sur sa conquête libidinale.

    Tableau de Michael Cheval sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2011/03/michael-cheval.html

  • Du cœur, de l’esprit et des mains

    Tandis que le cœur bat trop vite et que le corps poursuit sa course,
    L’esprit projette ses désirs sur l’écran vierge de mon âme.
    Peu à peu, le cœur s’y invite, le corps s’y abreuve à sa source
    Et mes petits « moi », à loisir, se réjouissent du programme.

    Ainsi l’existence déroule le film intime de ma vie
    À la poursuite des amours qui m’entraînent dans d’autres histoires
    Tandis que ma mémoire enroule toutes les anecdotes ravies
    Que reverront avec humour mes petits « moi » contradictoires.

    Tableau d’Aaron Jasinski

  • La nuit dans la forêt

    Dans la forêt des nuits profondes aux arbres peints en clair-obscur,
    Jamais étoile ne pénètre fors un petit rayon de Lune.
    Mais quelques herbes vagabondes tendent leurs limbes et leurs nervures
    Vers l’astre pour s’y reconnaître ; bruyères, genêts et callunes.

    Petite musique de Lune jouée sur un halo léger
    Semble animer des feux follets entre les bois reconnaissants.
    Quelques farfadets de fortune se mettent alors à galéjer
    Et soudain s’enfuient, affolés, au premier cri du jour naissant.

    Tableau de Jan Sluyters

  • Éternel Saint-Michel

    Dominant les quatre éléments, le Mont-Saint-Michel ne déroge
    Ni aux lois des flux telluriques ni à la règle des marées.
    Même le cours du temps véhément ne ralentit pas son horloge
    Qu’il soit météorologique ou d’un présent contrecarré.

    Plusieurs histoires s’y rencontrent dans le dédale de ses rues
    Depuis l’époque gallo-romaine jusqu’à Arthur et Pendragon.
    Même les dieux vont à l’encontre de leurs religions disparues ;
    Seule une force surhumaine maintient Michel et son dragon.

    Photo de Mathieu Rivrin

  • Conjonction Lune-Soleil

    Jeudi, les quartiers de la Lune croissent ou décroissent à volonté.
    Les éphémérides le confirment et l’astronomie en fait foi.
    Quoi qu’il en soit, cette opportune faculté de désorienter
    Son monde, à mon avis, affirme que l’astre nous ment plusieurs fois.

    Vendredi, le Soleil, la Lune et la Terre avaient rendez-vous
    Et l’astrologie en profite pour m’annoncer plein de bonheur
    Bien qu’une chance inopportune se soit glissée, je vous l’avoue,
    Comme une éclipse à la va-vite pressentie en bien tout honneur.

    Samedi, j’attends les étoiles qui mentent nettement moins souvent
    Et j’en appelle à la Grande Ourse sans pour autant la prendre au mot
    Car voici qu’un nuage voile le ciel au moment émouvant
    Où elle me révèle la source originelle de tous mes maux.

    Tableaux de Lilly Nilly

  • De marée haute à marée basse

    Lundi, je sens le blues qui monte avec la première marée
    Qui m’apporte du vague à l’âme à l’idée de recommencer
    À rajouter à mon décompte un nouveau jour à démarrer,
    Attiser, surveiller sa flamme sans pour autant le romancer.

    Mardi, le cœur à marée basse fait l’inventaire de la place
    Qu’il occupe sur cette plage, sur cette tranche de ma vie.
    J’observe tout ce qu’il s’y passe, chaque seconde qui remplace
    La précédente au recyclage et qui se répète à l’envi.

    Mercredi, j’ai oublié l’heure et j’ai raté la marée haute.
    Tant mieux car Madame la Lune m’agace avec ses haut-le-cœur.
    Je cesse d’obéir au leurre de monter ou baisser la cote
    De mon moral à la fortune des phases de l’astre moqueur.

    Tableaux de Francisco Fonseca

  • Noire-Neige

    Blanche-Neige s’est faite piquer et son auréole a noirci ;
    Sa robe est devenue toute sale et son histoire n’est plus drôle.
    La sorcière a su s’appliquer diaboliquement, cette fois-ci,
    En inondant toutes les salles de son château par du pétrole.

    Ainsi finissent tous les contes, entachés par de l’argent sale ;
    Les fées délèguent leurs pouvoirs à la magie du capital.
    Tant et si bien, au bout du compte, qu’elles ont ouvert des succursales
    Qui offrent un philtre à promouvoir qui vous conduit à l’hôpital.

    Photo de charme vue sur https://sacredcharm.tumblr.com

  • Tout feu tout femme

    La fée de l’essence, elle-même, est venue soutenir les troupes
    Qui roulent tout autour de la Terre dans leurs beaux camions tout chromés.
    Tout feu tout flamme, tout que qu’elle aime communiquer à chaque croupe,
    Donne une énergie salutaire à la justice qu’on nous promet.

    Mesdames, ne prenez pas ombrage si l’amour leur monte à la tête !
    Messieurs, ne soyez pas jaloux, si les femmes au volant s’en mêlent !
    Car pour lutter contre l’outrage des restrictions qui nous embêtent,
    Il faut sans cesse hurler « au loup ! » lorsque nos ressources s’emmêlent.

    Tableau de J Zhao

  • Mauvais présages

    Mais ce qui devait arriver est arrivé finalement ;
    À force d’être exterminés, les poissons deviennent insolents.
    Avec des oiseaux motivés, ils ont croisés leurs filaments
    D’ADN prédéterminés à produire des poissons volants.

    Et les voici crevant l’écran des aquariums et des fenêtres !
    Les voilà perçant la surface de toutes calottes glaciaires !
    Ainsi foncent les oiseaux à cran et tous les alevins à naître
    Qui réclament l’ultime face-à-face contre l’humanité carnassière.

    Tableau de Cyril Rolando sur https://mymodernmet.com/cyril-rolando-surreal-digital-art

  • La musique aquatique

    Pourquoi du poisson aux chrétiens et des croissants aux musulmans ?
    C’est le secret du Vendredi mais pas celui de Robinson.
    Mais quoi qu’il en soit, l’entretien de cette légende ridiculement
    Pèse dans le monde des érudits bouddhistes, juifs et franc-maçons.

    J’en ai fait ce pianoquarium pour poissons muets comme une carpe
    Qui permet de communiquer avec des bulles de toutes sortes.
    Mon piscicole auditorium sous l’action de mes métacarpes
    M’a dit d’cesser d’polémiquer ; chacun voit midi à sa porte.

    Tableau de Cyril Rolando sur https://mymodernmet.com/cyril-rolando-surreal-digital-art

  • Jour intemporel

    Si je devais mourir un jour, je voudrais que ce soit la nuit ;
    Un jour éclipsé par ma vie qui cesse de donner sa lumière.
    Comme le soleil revient toujours, je continuerai sans ennui
    Ce long voyage dont le devis est signé d’une âme plénière.

    Intemporel sera ce jour et sa nuit fuira hors du temps ;
    Mon corps reviendra à la Terre et l’âme rejoindra le ciel ;
    Mon cœur quittera ses poids lourds qui ont pesé à chaque instant
    Chaque battement élémentaire et épuisé son potentiel.

    Tableau de Jan Sluyters

  • L’ange inspiratrice

    Parfois elle m’interdit l’accès à mon nécessaire à écrire
    Lorsqu’elle pense mécanique ma façon de vivre en ce monde.
    Alors elle crève l’abcès et mes outils sont à proscrire
    Tant que ma bouche reste laconique avec des pensées vagabondes.

    Alors le cœur s’en va puiser dans la mer des larmes amères
    Les idées qui ont décanté depuis que je les y ai versées.
    Et j’extrais jusqu’à m’épuiser de cette mémoire mammaire
    Une encre qui a fermenté de mes remords controversés.

    Tableau de Michael Cheval sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2011/03/michael-cheval.html

  • Nuit intemporelle

    Le même paysage immobile voyage pourtant dans le temps ;
    Les jours le transforment à leur guise et les nuits le métamorphosent
    Avec une encre indélébile puisée dans les trous noirs distants
    Et dont l’empreinte se déguise dans les reflets d’anamorphoses.

    Ainsi la Lune se reflète et la Voie Lactée réfléchit
    Dans l’eau dormante dont les rives se teintent d’un conte de fées.
    Mon coeur d’étoile me soufflette dans l’obscurité qui fléchit
    Que mon canot à la dérive lui aussi en subit l’effet.

    Tableau de Jan Sluyters

  • La belle bleue

    Toutes les roses ont des épines, apparemment pour se défendre
    Mais les cactus ont des piquants, probablement plus convaincants.
    Si les ronces et les aubépines ont des arguments à pourfendre,
    Le cactus, plus communiquant, possède un pouvoir requinquant.

    Le Mezcal et la Tequila, deux eaux-de-vie bleues et piquantes
    Relèvent l’agave au sommet des plantes les plus épineuses.
    Si la boisson obnubila l’armée d’Espagne conquérante,
    Cortès en a tant consommé qu’il l’a sacrée faramineuse.

    Photo de Hugo Tejjada

  • Ciel intemporel

    Qui de la Terre ou bien du Ciel exerce-t-il son plus bel art ?
    La Terre féminine enfante ce que le Soleil lui engendre.
    Comme si le geste essentiel du dessin suivait un scénar
    Écrit par la vie qui enchante de tout son talent à revendre.

    Quel enthousiasme au crépuscule quand le soleil salue le monde
    Sous les applaudissements dorés de la nature rougeoyante !
    Puis, au moment où il bascule, à la toute dernière seconde,
    Un rayon vert sur les forêts, ultime ovation chatoyante.

    Tableau de Leo Gestel

  • À rayer de vos listes

    J’ai retrouvé ce vieux carnet de toutes mes conquêtes incarnées
    Avec ses rayures et ses coches au grenier dans un vide-poches.
    Quelques photos un peu jaunies qui ne m’ont pas très rajeuni
    Et en postface évocatrice, leurs propres notes réprobatrices.

    Nos désirs font interférence mais après tout, quelle différence ?
    L’homme serait-il dépareillé à voir sa femme ainsi rayée ?
    Les rayons aux cuisses fessues et l’ombre bras-dessus bras-dessous
    Forment un érotisme subtil sur les courbes les plus ductiles.

    Photo de Feri Lukas

  • Saint-Valentin Fleurie

    Pour effeuiller la Marguerite, ôtez-lui chacun des pétales ;
    Pour dévêtir la Valentine, laissez-lui faire son strip-tease
    Avec sa musique favorite jusqu’à la phase capitale
    Où, comme un coup de guillotine, paraît l’objet de convoitise.

    Dansez, bandez sans trop penser ; cueillez l’amour et son pistil !
    Butinez, goûter, pénétrez dans son petit jardin secret !
    Arrosez sans vous dépenser ; les fruits nécessitent un subtil
    Entretien sans cesse perpétré durant neuf mois à lui consacrer !

    Photo de charme vue sur https://sacredcharm.tumblr.com

  • Prométhée-nous la Saint-Valentin

    Prométhée exprima sa flamme à Valentine, sa bonne âme
    Qu’il comptait éblouir d’un feu – du moins tel était-il son vœu –
    Mais Zeus jugeant cet acte infâme – voler le feu pour une femme –
    L’aurait condamné quasiment à un terrible châtiment.

    Fort heureusement sa promise, pendant ce temps s’était permise
    De survoler le Mont Caucase en chevauchant ce bon vieux Pégase.
    Et c’est ainsi qu’à chaque fois que l’aigle voulait gober le foie
    Elle lui ruait dans les brancards et ce, jusqu’au prochain rencard.

    Finalement tout s’arrangea et même Zeus les dédommagea
    Après l’incident passager et leur permit de partager
    Avec les hommes ce feu sacré à condition d’y consacrer
    Une journée dédiée à la femme pour en perpétuer la flamme.

    Photo de charme vue sur https://sacredcharm.tumblr.com

  • L’impossibilité d’une île

    Mon cœur rêve d’îles désertes où l’on vit nu dans l’insouciance
    Comme si le singe, tapi en moi, restait dans son arbre éploré.
    Mon âme se montre diserte pour refouler l’insignifiance
    Du progrès qui met en émoi l’esprit sans cesse amélioré.

    Redevenir homme des bois et retourner à la nature ?
    Il semblerait qu’il soit trop tard car le temps reste irréversible.
    Les remords font le contrepoids avec la triste conjoncture
    Aux regrets toujours en retard sur ses effets imprévisibles.

    Tableaux d’Anne Delplace sur http://www.anne-delplace.com/peinture-huile.php

  • Rêveries en rémission

    La nuit, capté par l’inconscient, le flux de mes rêves s’anime
    Et passe à travers la passoire de l’esprit en demi-sommeil.
    Il puise dans mon subconscient mes désirs les plus unanimes
    Et se répand dans ma mémoire puis, fond comme neige au soleil.

    Entre l’émetteur mystérieux et le récepteur défaillant,
    Beaucoup de songes se précipitent dans l’abîme des trous du savoir.
    Combien de messages impérieux, transmis d’un souffle prévoyant,
    Tombent dans l’âme décrépite qui n’a pas su les promouvoir ?

    Tableaux d’Anne Delplace sur http://www.anne-delplace.com/peinture-huile.php

  • Et tangue le navire

    Les monstres marins ressurgissent quand on ne s’y attendait plus ;
    On les avait dit disparus, éradiqués par le progrès.
    Pourtant les alarmes rugissent comme s’ils étaient en surplus
    Et pour cette fois apparus annoncer le temps des regrets.

    Autant de fléaux sont passés et ont englouti nos cités
    Et l’humanité n’a cessé de recommencer son histoire.
    On ne compte plus les trépassés, les guerres et les atrocités
    Sans que la vie ait progressé par-dessus-tout vers sa victoire.

    Aujourd’hui la moindre tempête est synonyme d’apocalypse ;
    Le moindre rhume qui éternue menace toute la Terre entière.
    On prend la poudre d’escampette et l’intelligence s’éclipse
    Devant un virus inconnu qui franchit toutes les frontières.

    Tableaux de Francisco Fonseca

  • Au fil de l’eau de l’océan

    Bientôt ma ville submergée vivra d’une vie aquatique ;
    Mon long courrier naviguera vers des latitudes sereines.
    Mais je le verrai converger par les couloirs sud-Atlantique
    Surtout lorsqu’il rappliquera pour ensemencer nos sirènes.

    Cette nuit, ma ville sous-marine allume ses feux de positions
    Et attire ainsi mon navire qui vire de tribord à bâbord.
    Le capitaine alors s’arrime à l’ancre à sa disposition
    Et hèle celles dont le cœur chavire mais accepte de grimper à bord.

    Un an plus tard, sur le retour, les sirènes avec leurs enfants
    Qui ont affermi leurs poumons reviennent aux eaux maternelles.
    Chacun de plonger à son tour afin de rentrer triomphant
    Retrouver leurs hommes-saumons dans leurs abysses paternelles.

    Tableaux de Francisco Fonseca

  • La danse de l’homme-zèbre

    À force de courber l’échine et accepter les oppressions
    Braillées par les ânes dociles qui entretiennent sa folie,
    L’homme devient une machine qui s’agite selon les pressions
    Exercées par des imbéciles dans une sourde mélancolie.

    Pareil au zèbre dont les rayures le distinguent dans la savane,
    L’homme oppressé devient la proie des fauves qui ouvrent la chasse.
    Pour échapper à la souillure, il passe à des actions profanes
    Pour s’enfuir du chemin de croix vers lequel l’étau/l’état le pourchasse.

    Tableau de Robert Heindel

  • Le paradis intoxiqué

    En vérité, tout est toxique, tout est poison écornifleur
    Malgré une belle apparence et l’envie de croquer dedans.
    La beauté paraît dyslexique avec le langage des fleurs
    Dont la grammaire fait carence à dater de la pomme d’Adam.

    Tous les petits démons sucrés n’y font pas, non plus, exception ;
    Leur séduction nous turlupine et nous abuse à contrecœur.
    Même si le féminin sacré est d’immaculée conception,
    Telle une rose et ses épines, sa flamme vous brûlera le cœur.

    Tableaux de Michael Cheval sur http://chevalfineart.com/portfolio/new-releases

  • La chatte de Madame Seguin

    La chatte de Madame Seguin serait la plus belle du monde
    D’après les on-dit répétés que j’ai perçus dans l’escalier.
    Combien en ont eu le béguin ? Combien d’amoureux à la ronde
    Sortent par ces mots hébétés, las, essoufflés sur le palier ?

    J’ai souhaité connaître la chose et sous un prétexte un peu sot,
    Je sonnai en catimini et entrai l’air intéressé…
    Une femme nue prenait la pose, sa chatte agitait un pinceau
    Et m’annonça : « Presque fini ! Pourquoi êtes-vous tous si pressés ?

    Tableau de Jeanne Saint Chéron

  • Ondes rouges

    Dans le noir et blanc de mes rêves, souvent se détache une teinte
    Qui souligne en fausses couleurs un message issu de mon âme.
    Quelquefois la nuance est brève mais souvent elle met son empreinte
    Comme pour accentuer la douleur d’un cri qui surgit de la trame.

    Marquées au fer rouge du cœur, combien de blessures profondes
    Remontent étrangement la nuit après des années d’amnésie ?
    Comme si l’eau de la rancoeur après avoir rejoint d’autres ondes
    Passées sous les ponts de l’ennui se teint d’une encre de jalousie.

    Tableaux d’Izumi Kogahara sur http://touchofcolorr.blogspot.com/2015/11/izumi-kogahara.html?m=1

  • Le phénix de glace

    À l’instar du fameux phénix qui renaît toujours de ses cendres,
    L’équivalent existerait mais qui renaîtrait de ses glaces.
    Sans démonstration trop prolixe, il suffit d’attendre décembre
    Et voir en quoi consisterait le spécimen qui le remplace.

    Dès l’instant des premiers frimas, vient comme une mort à rebours,
    Une sorte de printemps renversé qui apparaît lors du solstice.
    Alors dans ce microclimat dans les campagnes, loin des bourgs,
    Renaît la chimère inversée qui évoque un phénix factice.

    Photo de Tammy Shrive sur https://www.thefabulousweirdtrotters.com

  • Moi, mes souliers

    Tant mes souliers ont voyagé depuis l’aube de mes premiers pas,
    Tant mes souliers se sont usés d’avoir couru sur les remparts.
    Mes pieds s’y sont apanagés avec ampoules et sparadrap
    Et tout mon cuir désabusé se craqueler de toutes parts.

    Mais ils m’ont tellement soutenus que je n’ saurais prétériter
    Leur soutien en toute occasion, sauts d’obstacles et ainsi de suite.
    Et les pieds d’une femme nue, observés avec témérité,
    Me prétextent une conclusion ou l’envie de prendre la fuite.

    Tableau de René Magritte

  • Rien à dire

    Rien à dire contre le silence qui lui tient lieu de forteresse
    Comme un interdit humiliant qui la hisse au-delà de moi.
    Malgré toute ma vigilance à trouver ce qui l’intéresse,
    Je me heurte au mur résiliant qui met tous mes sens en émoi.

    Tous mes essais pour contourner son nid d’aigle le furent en vain ;
    Hautes murailles garnies de ronces, gens protecteurs de toutes sortes.
    Alors je m’en suis retourné lentement comme il en convînt
    Car, n’obtenant nulle de réponse, il fallait bien que je m’en sorte.

    Tableau d’Izumi Kogahara sur http://touchofcolorr.blogspot.com/2015/11/izumi-kogahara.html?m=1

  • Sainte Nitouche

    Je l’ai zoomée à la folie de mon télescope indiscret,
    La Sainte-Nitouche d’en face de l’autre côté de la rue.
    Elle trouble ma mélancolie en me dévoilant les secrets
    De l’intimité efficace d’un sein brusquement apparu.

    Pourtant elle sait que je l’observe et le soir en levant nos verres
    Nous trinquons ensemble à distance avec un sourire convenu.
    Cependant elle, sur la réserve, me signifie d’un doigt sévère
    Qu’elle m’oppose toute résistance même en s’affichant toute nue.

    Tableau de Thierry Marchal sur http://www.marchalexpo.com/oeuvres_thierry_marchal.htm

  • La bergère en colère

    Beaucoup trop d’histoires ont coulé dans l’eau sous les ponts de chez nous
    À propos des coups de colère pour la bergère envers ses chats.
    Depuis tout le temps écoulé, il apparaît que son courroux
    N’était pas si spectaculaire que celui qu’on lui reprocha.

    Si les chatons buvaient son lait, à peine trait de ses brebis,
    Ils chassaient aussi tous les rats en échange de leur pitance.
    Mais son mari, homme fort laid, obnubilé par le débit
    Traquait les chats, ces scélérats, et les maintenait à distance.

    Alors la bergère en colère chassa son avare de mari
    À grands cris et coups de bâton qu’on entendit sur plusieurs lieues.
    Depuis, les chants épistolaires l’ont échauffée au bain-marie
    Et le lait du pauvre chaton s’y est répandu au milieu.

    Tableau de Thierry Marchal sur http://www.marchalexpo.com/oeuvres_thierry_marchal.htm

  • L’arbre de la connaissance

    J’eusses aimé croquer comme Adam dans le fruit de la connaissance,
    Découvrir le péché de chair, la gourmandise et la luxure !
    Faire, en premier, tout un ramdam, semer la désobéissance
    Parmi les angelots si chers en en leur jetant les épluchures.

    J’eusses aimé vivre sans retenue avec Lilith en naturistes
    Au paradis revendiqué au nom de notre liberté.
    Puis, Ève et ses sœurs, toutes nues, aux perspectives futuristes,
    Auraient vécu sans polémiquer leur éternelle puberté.

    Tableau de Rafal Olbinski sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2016/12/Rafal-Olbinski.html

  • L’ombre jaune

    L’art de conjuguer sa maison à sa voiture donne raison
    À la tendre similitude d’agrémenter ses habitudes.
    Un vaisseau de pierre immobile, un véhicule automobile,
    Pour profiter du temps qui passe, repasse et qui courbe l’espace.

    Jaune citron, un peu acide dénote un caractère lucide
    Comme un soleil en solitaire qui roule tout autour de la Terre.
    Monsieur, Madame, couple charmant, ont dû échanger le serment
    De ne voir pour tout coloris qu’un jaune paille ou canari.

    Photo de @hytha.cg

  • L’Esprit de l’Afrique

    Dans la nuit soudaine et violette, chacun se retrouve au point d’eau
    À l’heure lunaire indiquée à la Corne de Rhinocéros.
    Les animaux sur la sellette, les prédateurs en commandos,
    Un curieux mélange imbriqué de faune paisible et féroce.

    Éléphants et hippopotames et tous les autres pachydermes
    Chacun conduit sa caravane sous la houlette des léviathans.
    Puis, quand l’obscurité entame, d’une nuit qui tombe à son terme,
    Sa primauté sur la savane, l’Esprit de l’Afrique les attend.

    Tableau de Robert Heindel

  • Ô Lotus !

    Fleuri de rose vénitien, le Grand Canal semble tranquille
    Sous l’odeur des lotus éclos qui l’endort dans ses rêves roses.
    Un marchand de sable phénicien coupe les eaux de la presqu’île
    Afin de gagner son enclos sous un ciel d’aurore morose.

    Originaire de Phénicie, au sable si rose et si fin,
    Il répand les parfums d’orient tout autour de l’Adriatique.
    Le tourisme bénéficie jusqu’à ses ultimes confins
    De ce trafic répertoriant toutes les dépendances hypnotiques.

    Venise fleurie

  • Chatonades

    Dans la nuit noire, les chatons excellent au jeu des silhouettes ;
    Velours au bout des ripatons, ils aiment jouer les girouettes.
    Eux, savent d’où vient la lumière qu’ils renvoient pareil à un phare
    Postés au bas d’une chaumière d’une fixité que rien n’effare.

    Minet, derrière sa fenêtre, joue comme à la télévision
    Et prend son temps pour reconnaître où voler quelques provisions.
    S’il observe le temps qui passe, la météo et les infos,
    Il cherche à faire un coup d’audace car à tout âge, les chats sont faux.

    Photo d’Andofuchs

  • Promenade naïve

    Je m’accompagne naïvement le cœur d’enfant dans les contrées
    À la recherche d’un espace où le temps n’a pas d’importance.
    Je communique tardivement mais il est temps de rencontrer
    Cette entrevue que j’outrepasse à travers le temps à distance.

    Tiens ! Me voici sous le grand chêne avec l’ami imaginaire
    Qui était promu seul confident et détenteur de tous mes biens.
    Et moi je rétablis la chaîne entre mon présent ordinaire
    Et mon passé se dévidant vers l’avenir qui est le mien.

    Je me souviens de son guichet qui s’ouvrait à même son tronc
    Et son visage souriant suivant mes pensées surannées,
    Ma timidité affichée et mes allures de poltron,
    Sans savoir que l’ami brillant, c’était moi, dans plusieurs années.

    Tableaux de Paul Corfield