Catégorie : 2025

  • Diane t’a toué

    Discrètement derrière un arbre, elle épie et attend sa proie ;
    Ce n’est pas moi pour une fois, je n’lui ai pas brisé le cœur.
    Pour toi, ce visage de marbre, pour toi ce regard plein d’effroi
    Pour toi, cette flèche de bois tirée hélas à contrecœur.

    À contrecœur, elle t’aimait et toi aussi, c’est bien stupide,
    D’une attirance partageant l’enthousiasme pour les voyages
    Son cœur s’est brisé désormais contre ta volonté cupide
    De ne pas perdre trop d’argent dans un contrat de mariage !

    Et voici Diane Chasseresse, le bras au dragon tatoué
    Embusquée, la flèche tragique qui va te frapper en plein cœur.
    La déesse à l’âme vengeresse t’a débusqué et t’a toué
    Lorsque l’amour n’est plus magique, seule la mort s’en sort vainqueur.

    Illustration de François Miville-Deschênes https://www.2dgalleries.com/francois-miville-deschenes/originaux/7348

  • D’un rêve à l’autre

    Il est des rêves en épisodes dont je rêve la première partie
    Et la seconde, la nuit suivante, un peu comme un songe à rallonges.
    D’autres se perdent dans un exode et se retrouvent répartis
    Comme une obsession captivante dans laquelle l’âme se replonge.

    Un détail insignifiant récupéré par l’inconscient
    Sera disséqué savamment dans mon subconscient harassé.
    Le rêve me personnifiant le plus toujours à bon escient
    Revient encore patiemment en suivant le même tracé.

    Les rêves s’enchaîneraient-ils au fur à mesure des nuits
    Comme des fantômes hésitants entre le vrai et mensonge ?
    Dieu ainsi s’amuserait-il lorsque par moments il s’ennuie
    À secouer ses pénitents dans sa mythologie des songes ?

    Illustration de Julia Petrova sur https://theinspirationgrid.com/illustrations-by-julia-petrova

  • Uniquement le jeudi soir

    Uniquement le jeudi soir quand les maris sont en tenue,
    Tenus de garder leurs secrets entre confréries initiées.
    Mais tandis qu’ils vont tous s’asseoir et qu’il serait contrevenu
    D’écouter leurs rites sacrés, laissons ces apprentis-sorciers.

    Occupons-nous de leurs épouses qui se retrouvent à la piscine
    Où elles vont se baigner nues ; ce jour-là interdit aux hommes.
    Pas de mari, pas de jalouse, pas d’observation assassine,
    Pas de propos disconvenu, tout est décontracté en somme.

    Je n’appartiens pas au cénacle des messieurs qui siègent en rond
    Ni à la gente féminine, pourtant je suis impardonnable ;
    Chaque fois j’assiste au spectacle car j’habite dans les environs
    Et j’ai, depuis ma mezzanine, une vue quasi imprenable.

    Tableau de Thomas Gatzemeier sur https://blog.thomas-gatzemeier.de

  • Le robot est l’avenir de la femme

    Séduit par les femmes-robots pulpeuses et multifonctionnelles,
    Avec programme « Kamasutra » et toutes options de caresses,
    Pensant que ce serait trop beau pour des machines exceptionnelles
    J’ai donc pris le nec plus ultra des androïdes enchanteresses.

    J’ai acheté tout un harem avec paiement échelonné
    Et garantie illimitée soit « satisfait ou remboursé ».
    J’avais fixé comme barème de me sentir mamelonné
    Dans toute mon intimité afin de mieux me ressourcer.

    La levrette, extraordinaire et la chevauchée, quelle ivresse !
    Plusieurs vagins sont parfumés et frisent la subtilité.
    La position du missionnaire disponible à toutes vitesses
    Et la branlette part en fumée pour cause d’inutilité.

    Eh bien Messieurs, qu’on se le dise : la femme est l’avenir de l’homme,
    Et l’robot celui de la femme pour faire l’amour en sarabande !
    À moins qu’les femmes n’interdisent la concurrence de ce binôme
    Fait de fornicatrices infâmes qui marchent sur leurs plates-bandes.

    Tableau de Thomas Gatzemeier sur https://blog.thomas-gatzemeier.de

  • Juste à peine capitaine

    Jamais plus on ne demandera quel est l’âge de la capitaine
    Puisqu’elle est femme bien avant l’heure à peine nubile, émancipée.
    Jamais elle ne débandera, désormais métropolitaine,
    D’en reconnaître la valeur, une fois ses doutes dissipés.

    Témoin cette jeune captive qui demanda comme faveur
    D’être soumise à l’équipage du capitaine jusqu’au mousse
    Et qui fut tant et tant lascive que tous, en goûtant sa saveur,
    Optèrent contre l’esclavage de lui venir à la rescousse.

    Juste vêtue d’un beau tricorne, d’un gilet aux galons dorés
    Et d’une grande paire de bottes, elle officiait nue sur le pont.
    Et bien que tous avaient des cornes, ils ont néanmoins adoré
    L’un après l’autre faire ribote, chacun lui plantant son harpon.

    Illustration de Milo Manara

  • Derrière la fenêtre

    Ce soir, je fermai la fenêtre lorsque l’Éternel Féminin
    Apparut de l’autre côté comme une vierge immaculée
    Tandis que je sentais renaître un membre jusqu’alors bénin
    Par la magie de sa beauté et sa venue miraculée.

    J’ouvris tout en remerciant Dieu et le Diable et tous les saints
    En promettant de l’honorer et de l’aimer comme il se doit.
    Elle le fit en appréciant, sa main plongeant dans mon bassin,
    Mon sexe tout revigoré par le petit bout de ses doigts.

    Je me suis ainsi réveillé debout, tout nu, me masturbant
    Devant ma voisine affolée qui avait besoin de s’asseoir ;
    Choquée autant qu’émerveillée de l’onanisme perturbant
    Mais après l’avoir raffolé, elle promit revenir ce soir.

    Tableau de Fernando de la Jara

  • Bons baisers du Cap Horn

    Jamais on ne vit de sirène braver les froides eaux australes,
    Jamais on ne vit de marin passer le Cap Horn sans accord.
    Pour une traversée sereine, il faut un visa magistral
    Sinon les vents outremarins le secoueront à bras-le-corps.

    Alors place à la tradition. Si l’on sacrifie à Neptune
    Une bouteille de vin fin lorsque l’on passe l’équateur,
    La Cap Horn a sa condition : il faut, contre mauvaise fortune,
    Trouver une sirène qui a faim et l’embrasser en médiateur.

    Seule la sirène décide si le marin pourra passer
    Selon le goût de son baiser voire de toute la bordée.
    S’il n’est pas vrai, elle trucide l’équipage qui va trépasser
    Sinon la mer reste apaisée et le passage est accordé.

    Tableaux de l’intelligence artificielle sur https://www.facebook.com/groups/1044560210148634

  • Rouges souvenirs

    Dans ma mémoire de Pandore, les souvenirs qui font rougir
    Remontent dans mes rêves sombres en cauchemars incandescents.
    Des couleurs froides et inodores, le rouge se met à réagir
    Avec le noir et la pénombre devient un blues luminescent.

    Vieilles angoisses écarlates aux pires taches indélébiles,
    Moments de détresse empourprés d’abjection et d’humiliation,
    La honte qui me le relate, pousse de plus en plus volubile
    Comme champignons dans les prés jusqu’à la réconciliation.

    Car il faut bien que je l’accepte par ce procédé alchimique
    Qui m’oblige à les ressasser jusqu’à leur élimination.
    Ma subconscience les intercepte dans le réseau biochimique
    De mon cerveau qui crie « assez ! » et demande trépanation.

    Je n’en guéris pas pour autant ; je vis avec tout simplement ;
    Il reste encore quelques taches que l’oubli peine à recouvrir.
    Après la pluie vient le beau temps et l’aube referme humblement
    Le couvercle qui encore s’attache à résister pour s’entrouvrir.

    Tableau d’Alyona Voronenko

  • Le soleil alchimiste

    Parfois le soleil alchimiste expérimente d’autres thèmes
    Que les décors habituels rencontrés aux heures du jour.
    Par des rayons impressionnistes, il change tout l’écosystème
    Avec des reflets virtuels qui ne reviendront pas toujours.

    C’est à l’heure entre chien et loup que l’artiste en nuances excelle
    Ainsi qu’aux aurores boréales et lors des éclipses de Lune.
    Le ciel n’en parait pas jaloux car ses couleurs universelles
    Jouent dans les champs de céréales des combinaisons opportunes.

    Herbes et fleurs sauvages ravies participent aussi au spectacle
    En suivant la mode propice aux festivités du moment.
    Et les oiseaux du même avis paradent en goûtant le miracle
    Qui exalte sous ces bons auspices leurs ramages les plus performants.

    Tableau de David Hockney

  • À l’aveuglette

    En amour comme au restaurant, tout est différent dans le noir ;
    On ne peut voir qu’avec la bouche et qu’avec le bout de ses doigts.
    Le désir vient en explorant comme pour se remettre en mémoire
    Chaque intimité que l’on touche par le plaisir comme il se doit.

    À l’aveuglette, on ne voit rien ; on peut tricher et c’est permis !
    Et puisqu’on peut fermer les yeux, une femme c’est bien mais deux c’est mieux !
    Et, en parfait épicurien, le sexe est bien plus affermi ;
    On monte deux fois plus vite aux cieux, subtil mais jamais ennuyeux.

    On dit que l’amour est aveugle mais trois femmes, c’est le goût du risque.
    Toutes les trois seront trompées mais seule la dernière le sait.
    En l’apprenant, l’épouse beugle mais elle reste pour le fric ;
    Les deux maîtresses détrompées adoptent alors un air de fausset.

    Tableaux de Liu Yan Ming sur https://conchigliadivenere.wordpress.com/2015/12/05/liu-yan-ming-1970-chinese

  • Menu du jour

    Lorsque l’amour est au menu, tous les sens sont sollicités ;
    L’entrée, comme une mise en bouche, flatte l’oreille de mots doux.
    Qu’il est bon d’avoir obtenu avec tant de félicité
    Des « je t’aime » servis à la louche qui courent après le guilledou !

    Plat principal : préliminaires qui se goûtent à même la peau
    Et comme on ne fait d’omelette sans casser d’œuf, il faut oser !
    On caresse sa partenaire et l’on susurre comme un appeau
    Ce qui transforme la femmelette en Vénus métamorphosée.

    Et le dessert est un délice qui plaît aux cinq sens à la fois
    Car le toucher est relevé, l’œil est séduit, la langue aussi ;
    On s’introduit dans le calice, on râle, on crie à pleine voix.
    C’est quand l’orgasme est achevé  que le menu est réussi.

    Tableaux de Liu Yan Ming sur https://conchigliadivenere.wordpress.com/2015/12/05/liu-yan-ming-1970-chinese

  • La planète des femmes

    À tous les âges de la Terre, le futur et l’imaginaire,
    On s’est rendu compte que pour vivre, il fallait supprimer les mâles,
    Ces orgueilleux autoritaires qui ne font rien d’extraordinaire
    À part guerroyer pour survivre dans une folie animale.

    Après avoir bien observé abeilles et mantes religieuses,
    L’exemple à suivre fut facile et assez rapide à œuvrer.
    Ainsi les mâles furent conservés de manière assez judicieuse
    Depuis leurs naissances graciles jusqu’à l’âge ingrat désœuvré.

    Et puis on en fait un festin de cuisses rôties à souhait,
    De cœurs et de foies en brochettes et de rognons à l’étouffée.
    On les engraisse pour un destin pour lequel ils sont dévoués :
    Fécondation sur la couchette, puis on n’a plus qu’à les bouffer !

    Tableau de Ron Miller

  • Cocktail de la femme parfaite

    À partir d’une côte d’homme, ajoute tous ces ingrédients
    Si tu sais assumer la somme de tes savoir-faire expédients :

    « Quelques brins de coquetterie, une solide couche de parti pris,
    Deux gouttes de langue de vipère, une ou deux pincées de colère,
    Un doigt de tissu de mensonge – cousu de fil blanc, bien entendu –
    Quinze grammes de gourmandise, deux pincées de mauvaise foi,
    Un décilitre d’inconscience, un trait d’orgueil et de sottise,
    Une pinte d’envie et de ruse, un zeste de sensiblerie,
    Un verre d’esprit volatil, un dé à coudre d’obstination,
    Une chandelle brûlée aux deux bouts et une cervelle de linotte. » †


    Donne une forme anatomique, une nuit entière tu attendras ;
    Secoue le mélange alchimique, une femme parfaite, tu obtiendras !

    † Texte misogyne extrait de « La schtroumpfette » de Peyo

    Tableau de Guy Buffet

  • Présages à la plage

    Pas de vacances pour Marianne ; elle se doit à la République.
    Juste le Fort de Brégançon à l’abri des petits curieux.
    Mais l’hiver, la neige médiane l’emmène aux sommets helvétiques,
    Car elle préfère à Briançon, Davos et ses forums furieux.

    Marianne, adepte au naturisme, ne peut le faire qu’à Brégançon,
    De l’autre côté du rocher protégé d’épaisse charmille.
    Ce qui explique le tourisme interdit de toutes façons
    Car on pourrait lui reprocher un surcroît de bijoux de famille.

    Le vent lui caresse les fesses, la brume lui excite les seins
    Et les embruns, sur le minou, lui insufflent au bord de son huis
    L’oracle qui vient à confesse dicter ses présages à dessein
    Que Marianne écoute à genoux : « Toi, tu dépenses, donc je suis ! »

    « Ainsi va la belle insoumise, nue sous l’azur républicain,
    Offrant son corps aux vents contraires et ses promesses à la houle.
    Mais quand revient l’heure promise des comptes au peuple souverain,
    Elle enfile en hâte une bure et s’éclipse de son bain de foule. »

    La quatrième strophe est de Laureline Lechat.

    Tableau de Mabel Rollins Harris sur https://americangallery.wordpress.com/2010/02/24/mabel-rollins-harrism

  • L’amour vache est dans le pré


    Oui, Marianne aura beau extraire la vérité et même pis,
    Elle tombera toujours sur un os et même quarante-neuf/trois !
    À force d’essayer de traire la vache à lait direct aux pis,
    Elle fonce droit vers une précoce défaite à son grand désarroi.

    Le peuple qui n’est pas un veau, meugle depuis longtemps déjà
    Et souhaiterait, au pis-aller, n’être trait qu’une fois par semaine ;
    On a formaté son cerveau avec trop de téléachats
    Et de jeux pour lui signaler qu’il est bon comme la romaine.

    Marianne veille sur son troupeau mais son nouveau chien de berger,
    Manque de Pau, aboie trop peu car il est vite découragé
    Ou jappe alors mal à propos, bref il ne fait que gamberger
    Tandis que crient « Sauve qui peut ! » la plupart des vaches enragées.

    « Mais quand viendra l’heure du tondeur, quel sera le premier tondu ?
    Les moutons, bercés d’illusions, rêvent encore d’un pré plus vaste !
    On leur promet monts et labeur, puis on leur tond le superflu…
    Et qui les nourrit d’allusions ? Un gras bouc aux cornes néfastes ! »

    La quatrième strophe est de Laureline Lechat.

    Illustration de Philippe Delaby sur https://www.facebook.com/profile.php?id=100063267185392

  • La sirène de minuit

    Sur une mer encrée de nuit et sous un ciel vague de lune,
    Une sirène en queue de plumes évolue entre deux éléments
    Mus par le soleil de minuit et son énergie opportune
    Qui semble poindre à plein volume sous un clair-obscur firmament.

    Soleil de minuit et demi, la sirène à la queue de paon
    Fait une roue atmosphérique et s’élève les bras dressés
    En montrant son académie dont la poitrine se suspend
    Comme deux astres chimériques qui me sont soudain adressés.

    À ce moment-là, la sirène crève l’image et le poème
    Et se matérialise enfin dans un rayon projectionniste.
    Elle me dit d’une voix sereine : « Je suis une fée de Bohème
    Qui s’était perdue aux confins d’un univers impressionniste ! »

    Et puis sans tambour ni trompette, je la vois monter au plafond
    Et traverser la page blanche entre les lignes fantomatiques.
    Le temps d’une dernière trempette dans l’eau d’un blanc le plus profond,
    Je succombe à une avalanche de limbes à l’encre sympathique.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • La sirène à l’école

    Depuis que l’Europe réglemente les lieux de pêche autorisés,
    Les pêcheurs de métier renoncent à continuer d’exercer.
    Hélas, les sirènes s’alimentent de ces jolis marins frisés
    Et en conséquence nous annoncent qu’elles en sont bouleversées.

    Nous allons devoir accueillir de jeunes sirènes à l’école
    Et les intégrer comme il sied aux enfants qu’elles vont côtoyer.
    Nous pourrons nous enorgueillir de nouvelles classes piscicoles
    Adaptées aussi bien aux pieds qu’aux queues de poissons écaillées.

    Piscines de récréation remplaceront les cours d’école
    Et les sirènes maître-nageuses auront des fonctions aquatiques.
    Il ne manque que l’agréation afin que le projet décolle
    D’une ministre courageuse pour mettre tout ça en pratique.

    Illustration de Kay Tarrant

  • Le Petit Prince octogénaire

    Combien d’années se sont passées depuis qu’Antoine l’a quitté ?
    Le Renard ainsi que la Rose sont hélas morts depuis longtemps
    Et le Mouton a trépassé au fond de son antiquité
    De boîte devenue morose et insalubre au fil du temps.

    Mais en revanche sa maison a grandi plus que de raison ;
    Sans doute un effet secondaire de sa planète minuscule
    Qui aurait eu l’inclinaison pour une fleur d’arrière-saison
    Qui aurait été solidaire avec la Rose de l’opuscule.

    Cette fleur-là aurait poussé comme le haricot magique
    Et emporté la maisonnée vers un destin toujours plus grand.
    Le Petit Prince courroucé par cette poussée névralgique
    En eut le cœur irraisonné et s’était fait des cheveux blancs.

    Quatre-vingt ans, toutes ses dents ! Plein de souvenirs sur les murs
    Et un serpent apprivoisé pour remplacer Maître Renard.
    Mais le Petit Prince a cependant, puisqu’arrivé à l’âge mûr,
    Un’ rente dont il peut pavoiser et passer ses vieux jours, peinard.

    Le sculpteur Jean-Marc Depas et son Petit Prince en argile – Photo de Marc Braun sur https://laval.maville.com/actu/actudet_-a-new-york-une-statue-du-petit-prince-s-installe-sur-la-5e-avenue-a-partir-du-20-septembre-_54135-5943398_actu.Htm

  • La Belle & la Bête

    Il faut bien que cela arrive, l’instant de retrouver la Bête
    À poil et au fond de son lit pour consommer le mariage.
    Bien que la Belle se ravive au point même d’en perdre la tête,
    Elle sait qu’elle commet une folie mais évitons le pinaillage !

    La Belle n’ayant pas porté plainte et la Bête étant consentante,
    Le fruit de leurs amours bénies n’en sera pas moins étonnant !
    Gageons que, suite à leurs étreintes et leurs libidos compétentes,
    En naîtra un petit génie, sang-mêlé, mais impressionnant.

    La Bête ayant pris sa retraite aux Canaries avec la Belle,
    Ce sont leurs petits rejetons qui ont grandi dans la maison
    Qui, hommes-boucs, femmes-chevrettes, s’occupent d’une ribambelle
    De pucelles qui n’ont les jetons qu’ pour hâter leur défloraison.

    Illustration de Nicole Claveloux sur http://nicole.claveloux.free.fr/index.html

  • Les dessous de l’histoire

    Puisque sous les pavés, la plage, je dois pouvoir extrapoler
    En regardant sous les jupons de ma mère et arrières-grand-mères.
    Au fil du temps des pucelages perdus d’avoir caracolé
    Avec des hommes un peu fripons, j’en établirais le sommaire :

    Les dessous de la religion, les dessous du Bon Dieu, lui-même
    Qui doit porter entre les jambes toute l’humanité entière ;
    Du linge de corps des légions qui ont repris Jérusalem
    Jusqu’au soutien-gorge qui flambe au bout du bras des lavandières.

    Mesdames, montrez-moi vos dessous et je vous dirai, voyez-vous,
    D’où venez-vous, où allez-vous et dans quel état mon cœur erre !
    Ça ne vous coûtera pas un sou mais j’obtiendrai, je vous l’avoue,
    L’écrin de ce petit bijou si tendre qu’il me rend téméraire.

    Illustration de Milo Manara

  • Dessinatrice de charme

    Connaissez-vous l’encre de charme au bleu profond voluptueux
    Qui fait rosir les romantiques et rougir la gente pudique ?
    Il fait s’éveiller une larme au coin de l’œil affectueux
    Qui aime lire l’authentique des lettres d’amours véridiques.

    La dessinatrice en abuse dans son trait sans modération
    Soulignant la courbe d’un sein ou d’une fesse à peine couverte.
    Pauvre lecteur qu’elle méduse par la soudaine libération
    D’un afflux d’envies qui l’enceint à chaque nouvelle découverte !

    J’en connais une qui dessine presque nue d’une main habile
    Tandis que l’autre cherche l’idée au fond de sa petite culotte
    Pour que sa beauté assassine le bibliophile immobile
    Grâce au suspense validé par une chute rigolote.

    Illustration de Jean-Pierre Gibrat

  • Les bons contes font les bons amis

    Sur les traces de Cendrillon et sur les pas de Blanche-Neige,
    J’ai pris la route de Perrault, puis de Grimm, enfin d’Andersen,
    Pour arriver au carillon qui sonne le départ du manège
    Dirigé par l’ami Pierrot et Grand Loup, le metteur en scène.

    Hansel et Gretel vous accueillent à l’Auberge du Pain d’Épice
    Où l’on s’empiffre à volonté et où l’on brûle ses calories
    Dans le grand four où se recueillent vos cendres sous les bons auspices
    D’une résurrection confrontée à la Mort tout endolorie.

    Dernière étape au Grand Manoir, le paradis des fées rouillées
    Qui se font une nouvelle jeunesse à la fontaine de jouvence.
    Fini de voir les choses en noir ; ici le mal va dérouiller
    Car l’amour des jeunes diaconesses vous est donné en connivence !

    Ainsi vous serez initiés aux grands mystères de l’amour ;
    On vous donnera la clef des cœurs qui ouvre tous ceux qui s’embossent.
    Bien sûr, pour en bénéficier, vous devrez faire preuve d’humour
    En acceptant d’un air moqueur de vous soumettre à Carabosse.

    Illustration de Pauline Baynes

  • Les nouveaux pharaons

    Le Sphynx veille toujours en Égypte comme vaillante sentinelle
    Qui attend le retour des Maîtres, grands bâtisseurs de l’Univers.
    Il sait que, caché dans la crypte, sous son assise originelle,
    Compte, à rebours, le chronomètre depuis bientôt dix-mille hivers.

    Mais à mesure que se rapproche l’échéance du grand retour,
    Déjà la Terre se déchaîne et les éléments se soulèvent
    Car désormais les temps sont proches et l’on observe, aux alentours
    Des pyramides, l’éclair en chaîne qui sans aucun doute s’élève.

    Et voici enfin l’arrivée du Grand-Dieu-Créateur-des-Cieux
    Décrit comme un cheval ailé sur les hiéroglyphes sacrés !
    Il vient afin de raviver ce qu’il estime le plus précieux :
    Le bien et le mal démêlés et l’homme à l’amour consacré.

    Tableau d’Alaa Awad sur https://www.fineartphotographyvideoart.com/2024/11/Alaa-Awad.html

  • Clair-obscur à l’azimut

    C’était une nuit en plein jour ou un jour où il faisait nuit,
    Je n’étais qu’un jeune vieillard à peine né voici trois heures.
    Je goûtais mon premier séjour, ressentant le premier ennui
    Avec les yeux en plein brouillard dans ce clair-obscur abuseur.

    Aujourd’hui j’ai les pieds sur Terre, la tête en l’air comme toujours,
    Le cœur perdu dans les étoiles, l’esprit trop souvent dans la Lune.
    J’ai aussi un vers solitaire qui rime pourtant avec le jour
    Que j’ai reproduit sur ma toile par cette lumière opportune.

    Demain, vieux bébé que jamais, je marcherai sur la frontière
    Mise entre la vie et la mort par un dieu sadomasochiste,
    Les pieds dans la nuit désormais qui cache la journée entière
    Mais qui m’emmène et j’en démords jusqu’au Paradis anarchiste.

    Tableau de René Magritte

  • L’art visionnaire de la clairvoyance

    Qui voit un œuf voit une poule, qui voit une poule voit l’œuf
    Mais seul l’artiste visionnaire verra l’oiseau prêt à voler.
    Les peintres ne sont pas maboules, ils ont simplement un œil neuf
    Qui demeure décisionnaire mais qui ne sort qu’à la volée.

    C’est l’œil du cœur évidemment, celui qui aime plus qu’il ne voit ;
    Celui qui voit dans l’avenir tout ce qu’un œuf peut contenir ;
    Celui qui croît rapidement afin de mieux trouver la voie
    Vers le bonheur en devenir qu’une main ne pourrait tenir.

    Mais qui a le cœur sur la main et l’œil du cœur à l’intérieur
    Est un Magritte, un Picasso, un Van Gogh, Dali ou Rousseau,
    Un poète rêvant en chemin en faisant rimer l’extérieur
    Avec l’âme qui part à l’assaut d’un vers qui s’éveille en sursaut.

    Tableau de René Magritte

  • Aux créatures

    Au séminaire des créatures émancipées de la planète,
    J’ai rencontré les Sumériens, Atlantes et Hyperboréens.
    Toute la gente progéniture – qui ne sont que marionnettes
    Pour le plaisir épicurien des anciens dieux cyclopéens.

    Cyclopéens, Minotauriens et toute la mythologie
    Des créateurs qui ont taillé l’homme et la femme à leurs mesures,
    Les humanoïdes, les Aliens et toute l’égyptologie
    De religions ravitaillées qui les ont polis à l’usure.

    À l’assemblée j’ai rencontré Jésus, Bouddha et Mahomet
    Et tous les saints des évangiles et même des supers héros.
    Comme j’habite une contrée où l’on m’a longtemps assommé
    De bondieuseries de Saint-Gilles, j’leur ai mis à tous un zéro.

    Zéro pointé car rien n’est fait pour vivre en paix sur cette Terre ;
    Obligé de manger au risque d’être mangé et pire encore
    Sous prétexte d’être parfait, je dois subir l’autoritaire
    Loi d’un dieu fou et terroriste qui m’fait boire et manger son corps.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • À la mère de Mélusine

    Bien sûr que j’aimais Mélusine mais j’avais tant aimé sa mère
    Que j’aurais aspiré à naître trente ou quarante années plus tôt.
    J’aurais travaillé à l’usine comme à l’époque sa grand-mère
    Et entonné sous sa fenêtre mon amour subito presto.

    Un jour je me suis introduit timidement dans l’antichambre
    Pour la voir se déshabiller ; c’était vraiment plus fort que moi.
    Je ne sais ce qui s’est produit mais elle m’a ouvert sa chambre,
    Je ne pouvais que babiller tant mon cœur était en émoi.

    Bien sûr que j’aimais Mélusine mais c’est sa mère que j’évoque
    Qui d’ardeur mon cœur arrêtait, qui d’envie mes nuits suscitait.
    Je relis de vieux magazines avec ses photos de l’époque
    Comme si encore elle s’apprêtait d’amour à me ressusciter.

    Tableau de Daniel Merriam.

  • Des créateurs

    Qui croit que Dieu a créé l’homme à son image est dans l’erreur ;
    S’il voyait comment sont décrits ses créateurs, il aurait crainte.
    Pas un seul de ses chromosomes ne correspond à la terreur
    Que lui inspirerait un cri s’il en découvrait son empreinte.

    D’immenses Mantes Religieuses de deux ou trois mètres de haut
    Ont sélectionné dans la branche des primates des spécimens
    Dont, d’une manière ingénieuse, ils ont créé leurs idéaux
    En faisant quelques coupes franches dans la queue et dans l’abdomen.

    Ils ont greffé la connaissance dans leurs cerveaux développés,
    Les ont mis à la verticale pour éviter de s’embourber.
    Et depuis à chaque naissance, l’homme est de plus en plus dopé
    Et ses vertèbres cervicales seront de plus en plus courbées.

    Car dès le prochain millénaire, l’homme moderne prééquipé
    D’intelligence artificielle et de smartphones organisés,
    Est invité au séminaire des créatures émancipées
    Pour une vie superficielle et toute déshumanisée.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux de les créditer.

  • De la famille de Mélusine

    Je ne connais de Mélusine que ses cousins et ses cousines ;
    Mais ni son père, ni sa mère, ni son grand-père ni sa grand-mère.
    Étrange arbre généalogique sans correspondance logique
    Avec un livret de famille assermenté d’une estampille.

    Certains disent qu’elle est saltimbanque, d’autres qu’elle travaillerait dans la banque…
    Aussi timide que matamore, c’est un véritable oxymore !
    Afin de mieux argumenter, tâchons de nous documenter
    Et tirons des bibliothèques, racines toltèques ou aztèques.

    Une Meluzine au moyen âge aurait été sorcière ou mage ;
    En Amérique précolombienne, elle se serait nommée Fabienne ;
    Au pays du soleil levant, aucun écrit n’en relevant
    Pas plus qu’en Afrique centrale, ni que dans les terres australes.

    Ainsi depuis la nuit des temps, le mystère Mélusine s’étend
    Aussi loin que remonte l’histoire et la science péremptoire.
    Sans doute elle n’existe pas mais de l’erreur, il n’y a qu’un pas
    Mais moi qui l’ai connue, sachez que j’en étais amouraché.

    Tableaux de Daniel Merriam.

  • L’ivresse de Marianne

    Si Marianne devait s’enfiler tout ce qu’on boit à l’Élysée,
    La France serait alcoolique et la ville de Foix en cirrhose.
    Si elle se devait de défiler avec les gardes mobilisés
    Pour la fête patriotique, elle ferait une psychonévrose.

    Quoiqu’il paraît qu’on l’a vue nue avec un Roi qui parle anglais
    Et qui lui aurait fait trop boire en espérant gaudrioler,
    Puis qu’il l’aurait sans retenue fouettée après l’avoir sanglée
    Avec violences et déboires et pour finir l’aurait violée.

    Du schnaps avec le chancelier, du gin avec Charles, je crois,
    Qui aurait, comme à une fille publique, dit, de sa noble particule :
    « De peur que vous ne chanceliez, ralliez-vous à votre Roi,
    Puis quittez cette république et son président ridicule ! »

    Crac, Marianne a dessaoulé ; Clac, Marianne l’a giflé ;
    Badaboum, Marianne a jeté toutes les bouteilles aux containers.
    Et croyez-moi si vous voulez, quand le président veut siffler
    Son Martini bien agité, elle lui fait un doigt d’honneur.

    Tableau de Lars Helweg.

  • Blanche-Neige 2025

    Aujourd’hui le miroir magique de la télé de Blanche-Neige
    Lui renvoie qu’elle est la plus belle lorsqu’elle s’y regarde nue.
    La Saint-Valentin fut tragique : pas de prince sur le manège
    Et pas de pompon qui rappelle un dernier tour circonvenu.

    Sans doute vingt-huit jours à peine, c’est un peu court pour les amours ;
    On se console comme on peut avec un thé et des gâteaux.
    On pleure comme une fontaine, on maudit le sens de l’humour
    D’un Cupidon plus que douteux qui nous a menés en bateau.

    Mais demain pour le premier mars, la chasse au mâle est réouverte ;
    Taïaut les biches sont aux abois, le cerf est dans leur lit ce soir !
    Dieu que l’amour est une farce ! Mais combien la plaie reste ouverte
    Jusqu’à ce que sorte du bois le prince qui ne peut plus surseoir !

    Illustration d’Adriana Lozano sur https://www.itsnicethat.com/articles/adriana-lozano-illustration-181120

  • La faim des lévriers

    Déjà se ferme février, déjà l’hiver sent le sapin ;
    Déjà commencent les prémisses du printemps fou qui s’impatiente.
    Déjà la faim des lévriers pousse leurs maîtresses en escarpins
    À les sortir non sans malice pour des amours insouciantes.

    La Saint-Valentin est passée, les Valentines en retard
    Doivent compter sur leurs toutous pour trouver quelqu’un à leur goût.
    Les chiens qui ont la panacée des rencontres faites sur le tard
    Sont les lévriers et surtout ceux qui flairent mieux les bagouts.

    Miroir magique de février, demain tu voleras en éclats !
    L’amour sera fécond en mars pour se trouver un compagnon.
    Lâchez les chiens, les lévriers et qu’ils rapportent sans blabla
    Un ami, copain ou comparse, n’importe qui, qui soit mignon !

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer

  • Mélancolie du fond des mers

    Le fond des mers est frais et les amours rigides
    Entre le matelot invité aux abysses
    Et la sirène hélas qui se montre frigide
    Ne fait aucun effort, la passion s’estourbisse.

    Heureux comme un poisson dans l’eau ne suffit pas
    Et le marin déçu se sent un peu frustré ;
    La sirène avait beau promettre ses appas,
    Sur son lit de cailloux, elle n’a su s’illustrer.

    Leurs amours sont noyées ; le feu de la passion
    Ne saura plus vraiment comment les réjouir.
    Ayons pour le bonhomme toute la compassion
    Qu’il est en droit d’attendre d’être mort sans jouir.

    Tableau de Miguelanxo Prado

  • Dans son aquarium

    Lorsque l’hypothétique muse s’régale de la somme des carrés,
    Poissons scalaires des deux côtés de son réservoir agencé,
    Elle me regarde et elle s’amuse de voir mes plans contrecarrés
    Car j’espérais la bécoter dès qu’elle se serait avancée.

    Elle est joueuse et fait semblant de se sentir ma prisonnière
    Dans son petit cube magique qu’une eau douceâtre ravitaille.
    Je lui trouve un air ressemblant avec Rita, la poissonnière
    Qui me l’a vendue léthargique et de toute petite taille.

    Croyant que c’était un poisson, je l’ai placée au vivarium
    Avec d’autres poissons de roche, rouget-grondin, congre et rascasse
    Que je lui donne sans façon en disposant son aquarium
    Afin que, lorsque je m’approche, elle devienne beaucoup plus loquace.

    C’est pourquoi chaque vendredi, j’ai des histoires à raconter
    Autant cocasses qu’inédites grâce à notre correspondance.
    Comme je n’ai jamais contredit ma belle sirène, je peux compter
    Sur elle pour éviter redites, répétitions et redondance.

    Tableau d’Ivan Lubenikov sur https://www.catherinelarosepoesiaearte.com/2012/06/ivan-loubennikov.html

  • Conversations épistolaires

    Toutes ces personnes qu’on voit en rêve et qui font la conversation
    Sont-elles issues d’un au-delà ou fruit de l’imagination ?
    « Oui » ou « Non », réponses trop brèves, demandent un peu plus d’attention
    Alors j’ai pris l’apostolat d’en faire l’illumination.

    J’ai donc écrit à mes chimères que mes rêves souvent m’évoquent ;
    Sirènes, fées et femmes nues à qui je dédie cette lettre
    Car depuis l’école primaire, j’ai pris l’habitude loufoque
    De dialoguer sans retenue avec celles de mon périmètre.

    Dans un arbre vivait la première qui m’a toujours bien conseillé ;
    J’ai souvent entendu la voix de mon ange gardien secret.
    Ces rencontres sont si coutumières et mon âme si émerveillée
    Que j’ai donc emprunté la voie qui mène au féminin sacré.

    La première qui m’a répondu m’a regardé sans dire un mot
    Mais elle exprimait sur son dos des messages incompréhensibles.
    Mais un fois la glace fondue, elle m’en a fait une démo
    En faisant du taekwondo d’une manière suprasensible.

    Illustration de Tear Jerker sur https://www.deviantart.com/proguio/gallery

  • La femme blonde sur fond de châle espagnol

    Juste vêtue d’un pendentif et boucles d’oreilles assorties,
    Elle était assise sans raison, passant son temps à renâcler.
    Moi, j’avais été préventif et, pensant qu’elle était sortie,
    J’étais entré dans sa maison car elle m’avait donné la clef.

    Sur un fond de châle espagnol au motif de fleurs de printemps,
    Assise nue, là, elle attend, je crois, quelqu’un d’autre que moi.
    La vie est parfois tartignole et je préfère vivre à plein temps
    La moindre occasion qui prétend m’offrir je ne sais quel émoi.

    « Bonjour, c’est moi qui suis venu ! » Lui dis-je doucement à l’oreille ;
    Elle, tout en restant impassible, m’observe sans étonnement.
    « Mon ami, sois le bienvenu ! » Dit-elle d’une voix sans pareille
    Et ce que j’pensais impossible devint alors l’Évènement.

    Tableau d’Albert Marquet.

  • Ainsi naît la nymphe

    Au gui l’an neuf, elle naît d’un œuf, puis elle dort jusqu’au printemps
    Et se réveillera en mars pour déclencher le renouveau.
    Avec ses sœurs – elles sont neuf – elles font un travail éreintant
    Mais se font aider de comparses du moins ceux qui ont le niveau.

    Car il faut être un initié pour faire partie des ouvriers
    Spécialisés dans l’ouverture de tous les bourgeons à éclore.
    Les elfes y ont bénéficié depuis le mois de février
    Et les lutins sont par nature des habitués du folklore.

    Comme en musique, la neuvième augmentée formée par les nymphes
    Tierce mineure des lutins et sixte majeure des elfes,
    Sont en accord pour que reviennent les montées de sève et de lymphe
    Qu’ont annoncé d’un air mutin les vierges de l’Oracle de Delphes.

    Quand vient l’automne, la nymphe meurt et son corps revient à la terre
    Mais reviendra en champignon comme on pourra l’apercevoir.
    Bien sûr, ce n’est qu’une rumeur mais on dit que ces vacataires
    Inspirent aussi les compagnons du Tour de France et du devoir.

    Illustration de Boris Vallejo.

  • Les héros de BD aux jeux olympiques

    C’est passé presque inaperçu après les jeux paralympiques ;
    Pourtant les Héros de papier ont eu, à l’instar d’Astérix,
    Le droit de passer par-dessus leurs BDs aux cases atypiques
    Pour faire avec leurs équipiers les premiers BD-olympix.

    Tintin et Spirou les rassemblent afin qu’ils restent tous ensemble
    Et Lucky Luke qui tire juste interprète Monsieur Auguste.
    Natacha, l’hôtesse de l’air, a dû piquer quelques colères
    Avec Adèle reportrice qui s’occupe des supportrices.

    Obélix et Mortimer boxent et ce n’est pas un paradoxe ;
    Corto Maltese (et non Malsène) concourt les frégates sur Seine ;
    Arzach et son oiseau volant courrent le marathon en collants ;
    Enfin le Marsupilami amuse ses millions d’amis.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • À la dernière heure – 2

    Un beau jour la machine humaine connaît la panne simplement ;
    Est-ce le cœur, est-ce le corps ou sont-ce les quatre éléments ?
    Ou est-ce comme la semaine qui se termine passablement
    Mais qui repart une fois encore d’un nouveau pas bien véhément ?

    La mort serait irréversible mais la vie est inexorable ;
    Entre l’infini de la mort et l’autre infini de la vie
    Quel est le vainqueur invincible qui sera le plus favorable ?
    « Mort-vivant » serait oxymore et la mort l’égale de la vie.

    À la fois fragile et solide, fruit d’une longue évolution,
    Le corps est une armée levée constamment sur le branle-bas.
    Quant à l’esprit, c’est un bolide issu de la révolution
    D’une existence hier enlevée pour renaître ici ou là-bas.

    Tableau de Laurent Rique.

  • À la dernière heure – 1

    Avant de mourir bêtement, disons quand vient la dernière heure,
    J’aimerais revoir mes grands-pères et mes grands-mères sans mes parents.
    Avec mon père, j’ai tellement eu d’oppositions et de heurts
    Que je crains qu’il ne me repère encore un conflit apparent.

    Ma mère, ce n’est pas sa faute, n’étant pas très démonstratrice
    Ne m’a pas transmis l’affection que j’étais en droit de prétendre.
    Je n’en tiens pas la dragée haute ; elle n’a pas été ma nourrice ;
    Hélas son sein en défection s’est fait éternellement attendre.

    Les grands-parents, c’est différent ; pas de litige d’adolescent,
    Pas de lutte de génération qui ne me laisse que remords.
    Comme il serait désespérant de croire un dieu obsolescent,
    J’espère en leur révélation quant à la vie après la mort.

    Tableau de Laurent Rique.

  • Ma femme, ma maîtresse, ma voisine et moi

    La vie à quatre avec trois femmes pourrait paraître inapplicable
    Mais j’ai su répartir les tâches et bien choisir mes partenaires.
    Partager n’est pas si infâme quant à son lit, quant à sa table
    Surtout si chacune s’attache à son rôle obligationnaire.

    Le dimanche au lit pour l’épouse et la semaine pour ma maîtresse ;
    À ma voisine la salle-de-bains, la buanderie et la lessive.
    Ainsi aucune n’est jalouse, n’exprime ni maux ni détresse
    Et quand je rentre du turbin, elles ne s’en montrent que plus lascives.

    Ne vous mettez pas en colère en m’accusant d’être trigame
    Car elles m’en font voir, les salopes, quand il faut que je les honore !
    L’amour est si protocolaire que leurs orgasmes haut de gamme
    Contraignent à ce que j’enveloppe la chambre de tentures insonores.

    Tableau de Waldemar von Kozak sur http://waldemarkazak.com .

  • La bateleuse

    La bateleuse sait le secret du souvenir des vies passées
    Dont elle a suivi le chemin où elle a été initiée.
    Quelques petits objets concrets qui lui rappellent son passé
    L’éclairent sur nos lendemains dont elle nous fait bénéficier.

    Mais là s’arrête la ressemblance et se distingue du bateleur
    Car elle n’opère ni par magie ni par prestidigitation,
    Ni de gestuelles invraisemblances, ni de paroles sans valeur
    Mais une science qui agit sur la nature en gestation.

    Elle cherche des ronds de sorcière pour y déposer ses cerceaux
    Puis elle plante son bâton en direction de la Grande Ourse.
    Alors son talent de sourcière et ses principes universaux
    Lui font repérer à tâtons ce qu’elle dépose dans sa bourse.

    De ses récoltes cosmopolites, personne ne sait rien à vrai dire
    Mais elle les vend assez chères sur les marchés ésotériques.
    Par ses polyèdres insolites, nul ne saurait me contredire
    Qu’elle fait s’élever les enchères devant un public hystérique.

    Tableau de Gil Bruvel sur https://www.bruvel.com .

  • À la mère des Horloges

    Puisque je triche avec le temps et que je rajeunis souvent
    J’arriverai au paradis plus jeune que j’aurai vécu.
    Saint-Pierre en souffrira autant qu’un petit bébé émouvant
    En me jouant la parodie de la mort désormais vaincue.

    D’ailleurs Saint-Pierre est une femme – ce qui explique son retard –
    Son horloge avance le jour et pire retarde la nuit.
    Au début, j’ai trouvé infâme de me réveiller à l’instar
    Du Soleil qui, dans mon séjour, se couche quand la Lune luit.

    Tout s’est arrangé quand Saint-Pierre – ou devrais-je dire Saint-Pierrette –
    M’a proposé de partager sa maison, son toit et son lit.
    Le temps figé comme une pierre ne fait, depuis belle lurette,
    Qu’un petit clin d’œil passager qui chasse ma mélancolie.

    Tableau de Daniel Merriam.

  • À la mère des Oiseaux

    J’ai triché un peu, je l’avoue ; Mes maisons d’hôtes pour oiseaux
    N’est que prétexte pour attirer, poules, oies et grues de passage.
    J’y donne plusieurs rendez-vous aux jolis becs, jolis museaux
    Qui souhaiterait s’y retirer pour un week-end plus ou moins sage.

    Bergeronnettes de mes amours, jamais je ne vous oublierai !
    Chardonnerettes de mon cœur, mes jours sont les plus valeureux !
    Mésanges aux plumages glamours, pour toujours je vous publierai
    De mon âme de merle moqueur mes hommages les plus chaleureux !

    Pour une oiselle peinteresse à qui j’ai cuisiné mes vers,
    J’ai bâti un nid-atelier pour peindre la carte du tendre.
    Aquarelles enchanteresses, printemps-été-automne-hiver
    Ont fait de mes vœux d’oiselier un cœur qui ne saurait attendre.

    Tableau de Daniel Merriam.

  • De la famille des Horloges

    J’ai longtemps détraqué les montres, montres gousset et bracelets ;
    On m’a dit que mon magnétisme rivalisait contre le temps.
    À quartz ou même automatiques, la technologie se heurtait
    À mon intime biorythme ; j’avais le cœur à contretemps.

    Lorsqu’est venu l’informatique, j’ai jeté mes montres aux orties
    Comme un être humain défroqué qui aurait renié son temps.
    Pourtant contre toute logique, si mon horloge s’organisait
    La droite et la gauche, en revanche, se sont mises à se déphaser.

    Et puis je ne sais pas comment, le temps s’est mis à s’allonger
    Le temps d’un informaticien est une notion relative.
    Cinq minutes alors devenaient cinq heures et même davantage
    Un jour durait une semaine, elle-même à l’ordre d’un mois.

    Aujourd’hui le temps file vite, si vite qu’on est déjà demain ;
    Mes poèmes écrit à l’avance sont souvent mal appréciés.
    C’est normal parce que je commence par le milieu ou par la fin
    Et que le dénut est tombé dans le puits infini du temps.

    Tableaux de Daniel Merriam.

  • De la famille des Oiseaux

    Depuis plusieurs mois maintenant j’ai ouvert quelques maisons d’hôtes
    Mais pour oiseaux uniquement, sur mon balcon précisément.
    Au début juste un peu de pain que j’ai pétri et cuit moi-même
    Pain complet avec fruits confits, noisettes, amandes et cardamone.

    Boules de graisse énergétiques aux quatre coins de la terrasse ;
    Plusieurs parfums pour les fins becs de ces mésanges à la hupette.
    Du blé glané mais pas volé à la lisière des forêts
    Et du maïs après récolte abandonnés au bord des champs.

    J’avais proposé du millet soit à la carte, soit au buffet
    Mais tous ces snobs me l’ont boudé comme nourriture pour perroquets
    Jusqu’à c’qu’un oiseau plus malin que les autres vienne s’aventurer
    Et apprécie comme un gourmet et aille le vanter aux autres.

    Une cabane suspendue pour les oiseaux bardes-chanteurs
    Avec buffet à volonté ; graines du pays sélectionnées.
    Une maison sise en terrasse pour les passereaux en retraite
    Avec mangeoires sur la piscine et jet d’eau en décoration.

    Tableaux de Daniel Merriam.

  • Le parcours de Marianne

    Quel parcours fantasmagorique que celui de la République
    Que Marianne suit depuis plus de deux siècles maintenant.
    Cinq fois elle a changé catégorique de constitution qui explique
    Qu’elle voudrait voir sortir du puits la Vérité la soutenant.

    Apparemment ce n’est pas gagné ; le jeu et les dés sont pipés ;
    Le jeu de l’oie a égaré la clef de la case prison ;
    Aux échecs se sont castagnés les joueurs bien trop dissipés
    Les partis sont contrecarrés de ne rien voir à l’horizon.

    Elle a essayé la marelle afin d’atteindre le paradis
    Mais une pluie est survenue et ses tracés sont effacés.
    Il reste bien une passerelle qui ne couterait pas un radis
    Mais un roitelet est venu couler son bateau fracassé.

    Marianne aurait plus de chance à courir la carte du tendre
    En croquant chacun des amants après une nuit à l’Élysée.
    Il n’y aurait plus eu d’urgence à concourir sans plus attendre
    Au pouvoir qui évidemment deviendrait lors diabolisé.

    Tableau d’Audrey Kawasaki.

  • Parité bien ordonnée

    Marianne veut la parité mais elle est seule à l’exiger.
    Plus tout à fait dorénavant ; les élus sont déterminés.
    Or dans la grande hilarité, tous les ministres ont transigé :
    « On va tous se mettre en avant, maquillés et efféminés ! »

    Elisa-bête Sous-Bérou sera la première ministre ;
    Emmanuelle de la Valse, deuxième sirène d’Outremer.
    Géraldine Darmaninoux, pour une justice plus sinistre
    Et une brunette dégueulasse pour un intérieur très sommaire.

    Nos ministres ainsi travestis devront marcher d’un pas femelle
    Sur la frontière très étroite qui sépare les hommes de femmes.
    Si vous avez l’œil averti, ne les quittez pas d’une semelle
    Vous les verrez de gauche à droite faire des courbettes infâmes.

    Tableaux de Jean-Pierre Villafañe sur https://www.jeanpierrevs.com .

  • M. & Mme Fisher-Mermaid

    Le temps passe sur les rencontres mais les rencontres ne passent pas
    Et le vieux pêcheur marseillais aime toujours sa vieille sirène.
    Ils gardent leurs enfants tout contre leur cœur et à chaque repas
    Noël ou Pâques, ces grassouillets reviennent embrasser leur mère.

    Mère qui a bien bourlingué bien que devenue franco-suisse
    Loin des mers et des océans, bien loin des abysses sauvages,
    Mais elle a su ribouldinguer de manière à ce qu’elle puisse
    Se faire la belle sur son séant en peignant tous ses vieux rivages.

    Ses vieux rivages de Bretagne, du Maroc et des îles hellènes
    Avec un ancien flibustier qui l’a auparavant distraite.
    Aujourd’hui elle est la compagne qui, entre Rimbaud et Verlaine,
    Écoute le langage châtié de son poète à la retraite.

    Illustration de Jessica Warrick.

  • Prière à Neptune

    Celle qui veut devenir sirène doit prier de cette position :
    Nue, accroupie dans la baignoire, les mains jointes et les pieds levés.
    Psalmodier d’une voix sereine l’incantation sous condition
    Que l’eau salée de la Mer Noire les ait très longuement lavées.

    Il faut la foi et la patience qui seront bien récompensées
    Lorsque fusionneront ses membres en une queue toute en rondeurs.
    Dès qu’elle en aura conscience, elle sera alors dispensée
    De vivre seule dans sa chambre pour gagner les grandes profondeurs.

    Plaise à Njörd et plaise à Neptune de lui accorder leurs faveurs
    Si la novice a de la voix et le corps bien proportionné
    Là où le corps ressemble à la Lune leur sera de toute saveur
    Et lui feront découvrir la voie enchanteresse et passionnée.

    Tableau de Valéria Ko.