Catégorie : Sirènes du vendredi

  • Sirènes aux corps rompus

    Qui saurait mieux noyer le poisson que l’assemblée des océans
    Où tous les ministres sont des reines vivant aux frais de la princesse ?
    Et pour détourner la moisson, remplir son compte bienséant,
    Qui mieux qu’une bande de sirènes saura mieux pomper nos richesses ?

    Comment une simple sirène qui a fait de longues étuves
    Aux Açores bonnes pour leurs piments pourrait montrer moins de rigueur ?
    La République pourtant sereine renfermerait-elle dans ses cuves
    Du vice plein de boniments qui lui donnerait sa vigueur ?

    Mais il y a pire que les sirènes dans l’aréopage chauvin :
    Requins aux dents longues acérées, pieuvres à l’encre opaque et noire,
    Orques qui tournent dans l’arène et louvoient entre pots-de-vin
    Et les merlus incarcérés dont on a perdu la mémoire.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • Le monde vu par les sirènes

    Pour les sirènes, tout est fluide, tout est flou, tout est nuancé.
    En politique c’est pareil ; tout est trouble, on ne saurait voir
    Les pots-de-vin qui en liquide tombent aux mains influencées
    Par un judicieux appareil manipulé par le pouvoir.

    Pour les sirènes, c’est à la voix qu’on pêche les marins dodus.
    En politique également, depuis tant de temps révolus,
    On cherche la meilleure voie et les meilleurs chemins tordus
    Pour parvenir au parlement, grand lieu de magouille absolu.

    Pour les sirènes, tout finit le plus souvent en queue de poisson.
    En politique au même titre, par le journal télévisé
    Et des programmes mal définis ou des mensonges par omission,
    On finit par faire le pitre tout au sommet de l’Élysée.

    Illustration de Gillianrm Kavanagh sur http://rmkavanagh.ie/paintings-2010 .

  • Les sirènes-volantes

    À force de me raconter autant d’histoires de sirène,
    Je finis par banaliser leur aspect extraordinaire.
    Je suis obligé de compter sur la foi plus ou moins sereine
    Des gens qui vont analyser mes poèmes imaginaires.

    L’imaginaire sans frontières a dépassé les océans ;
    Toute une branche de chimères a évolué à la volée.
    Leurs queues d’or, dont elles étaient fières, se sont dressées sur leur séant
    Et un plumage assez sommaire leur a permis de s’envoler.

    Désormais les sirènes volantes ne s’attaquent plus qu’aux bateaux
    Mais aussi aux avions qui passent qu’elles pénètrent par les soutes.
    Si leurs queues jadis flageolantes faisaient des mouvements patauds,
    Leur vitesse aujourd’hui dépasse le mur du son, sans aucun doute.

    Tableau de James Fodor.

  • Les sirènes modernes

    Les temps modernes ont apporté depuis des siècles millénaires
    Les derniers cris de la technique aux sirènes en soif de confort.
    Les airs qui passent à leur portée depuis les vents tourbillonnaires
    Deviennent stéréophoniques diffusés dans les transistors.

    Depuis qu’elles écoutent la mode, les sirènes sont au goût du jour ;
    Elles affichent des tatouages qui leur permettent d’aller seins nus.
    Étant donné qu’aux antipodes, l’été établit son séjour,
    Bronzent sous un ciel sans nuage ces dangereuses inconnues.

    Illustrations de Sara Ray.

  • Dit-on « pêcheuse » ou « pécheresse » ?

    Commettre des actes de pêche en faisant la tournée des bars
    Ou vivre à fond dans le péché dans le lit d’un torrent furieux,
    Pour un homme, rien ne l’en empêche – ça se prononce pareil, point barre –
    Pour une femme, c’est débauché et ça fait jaser les curieux.

    La pécheresse
    M’intéresse ;
    Le premier pas est accompli
    Toutes les barrières sont levées ;
    La femme est libre, je l’aime ainsi

    La pêcheuse
    Est un peu bêcheuse.
    D’ailleurs ça ne fait pas un pli ;
    Une seule chose la fait saliver :
    Surveiller sa ligne amincie.

    Tableau d’Anna Podedworna.

  • Johnny Triton

    S’il existe encore aujourd’hui, il doit vivre dans les abysses ;
    Il doit jouer de la guitare et coucher sur les bancs de sables ;
    Il doit fumer d’autres produits que la coke et le cannabis.
    Johnny le roi de la bagarre, Johnny Triton l’indispensable !

    Il aime les sirènes aux seins nus qu’il charme de ses biscoteaux ;
    Il chante tous les soirs son aubade aux bateaux ancrés dans la rade ;
    Il planque tous ses revenus aux îles aux paradis fiscaux.
    Johnny l’as de la dérobade, Johnny Triton vieux camarade !

    Toutes les femmes qui l’ont aimé chantent partout sa renommée ;
    Tous ses fils partent en tournée aux quatre coins des océans ;
    Son fan-club est tant essaimé que tous ensemble l’ont surnommé :
    Johnny, pour toute la journée, Johnny Triton tu es géant !

    Illustration de GapYBaraAi sur X.

  • La sirène émeraude

    J’aurais aimé la rajouter à ma revue des « Belles vertes »,
    Ces femmes habillées de vert ou aux yeux couleur émeraude.
    Mais chaque fois j’étais rebouté sur mon invitation ouverte
    À la suivre sous le couvert d’une rencontre qui me taraude.

    Car depuis que je l’avais vue nager dans un lac de Bavière
    Dont les eaux sombres vert foncé semblaient lui teinter l’épiderme,
    Je l’avais prise au dépourvu et elle plongea dans la rivière
    Disparaissant comme offensée et bouleversée à long terne.

    Tenez, c’est elle sur la photo que j’ai prise en catimini
    Tandis qu’elle sortait du lagon avant d’ pousser son cri d’alarme
    Demain je planterai un poteau où un mot sans ignominie
    L’invitera dans un jargon que j’espère propice à ses charmes.

    Illustration de Rien Poortvliet.

  • Jumping Nessie’s wave

    Je n’ai jamais su l’animal qu’elle calait entre ses jambes
    Mais sur les vagues il bondissait comme un jeune poulain fringant.
    C’était sans doute un jeune mâle aussi impétueux qu’ingambe
    Car à chaque bond elle glapissait de cris d’extase extravagants.

    Elle chevauchait sur sa monture entièrement nue, sans maillot,
    Dans sa chevauchée impudique à qui elle donnait tout son corps.
    Elle partait à l’aventure en criant plusieurs fois « Taïaut ! »
    Comme à la chasse parodique d’un cerf marin d’au moins dix cors.

    Je l’ai entendue quelquefois partir en l’appelant « Nessie »
    Tandis que j’arpentais la lande tout en admirant sa jeunesse.
    Puis lorsqu’elle n’avait plus de voix, elle rentrait en catalepsie
    En revêtant sa houppelande au huis du château du Loch Ness.

    Tableau de Herbert James Draper.

  • Neptunia

    Fille de Vénus et de Neptune, on n’lui a pas donné de nom ;
    La mythologie est muette quant à sa mythique existence.
    Mais justement, cette opportune héroïne devient le chaînon
    Manquant de l’énigme désuète qui ne manque pas de substance.

    Elle est sirène par son père et super-sexy par sa mère ;
    Une sorte de Cupidon avec une queue et un trident.
    « Cupidonia » irait de pair mais ça n’a pas plu à Homère
    Alors plutôt qu’un nom bidon, « Neptunia » fut plus évident.

    Bon. Maintenant qu’elle est nommée, sa légende peut commencer
    Et, bien qu’elle soit inconnue, imaginons sa destinée ;
    Créons-lui une renommée bien héroïque et romancée
    Et que ces héros méconnus cessent d’être procrastinés !

    (Tableau de Boris Vallejo sur https://aphrodisiacart01.wordpress.com/2016/07/18/boris-vallejo-julie-bell/ .)

  • Ces merveilleux fous pêcheurs-volants

    Puisque le métier de pêcheur ne nourrit son consommateur
    Qu’à condition d’aller pêcher dans les fonds les plus singuliers,
    Le contrôle de la fraîcheur demeure dans le collimateur
    Des règlements pour empêcher tous les trafics irréguliers.

    Au temps de la Marine à voile, des galères et des montgolfières,
    Les chalutiers s’en revenaient chargés sans se faire prier.
    Il est temps que l’on nous dévoile ce qui rendait les femmes fières
    Quand leurs maris leur ramenaient de quoi revendre à la criée.

    La guilde des poissons volants vantait bordels et garçonnières
    Où des parties de jambes en l’air valaient les tables solunaires.
    C’est du moins en batifolant avec les sirènes poissonnières
    Que ces marins patibulaires cocufiaient leurs partenaires.

    Mais quel rapport me direz-vous avec la pêche miraculeuse ?
    Eh bien les gardes de Neptune qui fréquentaient également
    Ces établissements chelous avaient la langue peu scrupuleuse
    Et révélaient pour quelques thunes les meilleurs des emplacements.

    (Tableaux de Piero Schirinzi sur https://poramoralarte-exposito.blogspot.com/2018/11/piero-schirinzi_18.html .)

  • La sirène bleue

    Dans les flots bleus, elle se cache grâce à un curieux mimétisme
    Qui lui fait prendre la couleur de l’atmosphère et du décor.
    Elle se recouvre alors de taches qui suivent un fluide magnétique
    Qui se propage sans douleur progressivement sur tout le corps.

    Lorsqu’elle émerge sur le rivage pour se mêler parmi les hommes
    Elle paraît chic dans un maillot digne des plus grands couturiers.
    Aux moments forts de l’estivage, elle sort souvent en binôme
    Avec un matelot fayot ou un marin aventurier.

    Amateur de Bodybuilding, je les repère facilement
    Et joue à les accompagner pour voir ce qui va se passer.
    Parmi les tours et les buildings, elles parviennent habilement
    À mettre la main au panier des passants dès lors dépassés.

    Bodypainting de Lymari Millot sur https://www.nadyasonika.com/gallery/item/mystique/ .

  • La sirène des temps modernes

    Depuis le siècle des lumières et l’explosion industrielle,
    Les bateaux ont perdu leurs voiles et sont équipés de moteurs.
    Or les sirènes, les premières, ont dû adapter des kyrielles
    De stratagèmes qui dévoilent qu’elles suivent d’ardents promoteurs.

    Ce sont les tours-opérateurs qui affrètent les grandes croisières
    Et qui engagent les sirènes pour en charmer les traversées.
    Par leurs chants rémunérateurs et leur séduction outrancière,
    Les recettes sont bien plus sereines et les pertes moins controversées.

    Ça ne plait pas à tout le monde notamment aux divas, aux stars,
    Aux Castafiores d’opérette, Shellalas, Ginas et Gigis.
    En revanche à chaque seconde une sirène superstar
    Fait vendre dans les supérettes du PQ à son effigie.

    Tableau d’Armand Baltazar sur https://www.kaifineart.com/armandbaltazar .

  • La justice éminente

    Éminente ou bien dominante, la justice est-elle un fléau ?
    Plane-t-elle au-dessus de nous comme une épée de Damoclès ?
    La question est impertinente car elle invoque les idéaux
    De ceux qui mettent à genoux les gueux sans la moindre noblesse.

    La loi est dure mais c’est la loi et dures sont les forces de l’ordre
    Lorsqu’elles sont manipulées d’une main lourde et radicale
    Car il n’est pas de bon aloi de laisser les pauvres chiens mordre
    Les maîtres qui ont stipulé que leur gestion est amicale.

    Tableau de Sidwill-cg sur DeviantArt

  • Copains comme poisson-chat

    Comment vivre d’amour et d’eau fraîche entre un poisson et un chaton
    Lorsqu’il semble contre nature d’unir ces familles ennemies ?
    Le chat se montre assez revêche à se tremper les ripatons
    Quant au poisson, si d’aventure il sort de l’eau, il en frémit.

    Alors copains comme poisson-chat c’est comme croire qu’une sirène
    Pourrait aimer son matelot autrement que dans son assiette.
    Mais seul Lucifer s’y pencha et Dieu tira vite la sirène
    Et cet accouplement ballot finit au fond d’une oubliette.

    Tableau de Jean Metzinger

  • La nuit de la sirène

    Ayant chanté toute la journée, le chant de la sirène fond
    Dans la nuit noire et étoilée d’une petite mort trop brève.
    Mais le marchand dans sa tournée de sable d’un sommeil profond
    Lui permet de se dévoiler dans le cœur du dormeur qui rêve.

    Et dans mes rêves, je la sens, la douce caresse de velours
    D’une voix qui vient et m’enveloppe dans la capture de mes songes.
    Et cette douleur, j’y consens car l’esprit devenu balourd
    Cède à celle qui développe sa vérité comme un mensonge.

    Mon cœur me crée des insomnies pour résister à la charmeuse
    Mais j’y succombe au petit jour – quel oubli stupide et bénin !
    Je n’émets nulle calomnie du fond de mon âme dormeuse
    Car j’y succomberai toujours ; c’est mon idéal féminin.

    Tableau d’Auguste Raynaud

  • La pêche originale

    Quand Dieu créa l’eau des rivières, elle était fort alcoolisée
    – Sans doute deux anges farceurs jouant aux apprentis chimistes.
    On remonta sur la civière les premiers thons diabolisés
    Par le breuvage dont la noirceur n’était pas des plus optimistes.

    Puis Dieu créa l’homme-poisson ; les anges virent que c’était bon
    Et furent les premiers à pêcher l’Adam et l’Ève en pleine ivresse
    Car les bougres épris de boisson – eaux-de-vie, vodka et bourbon –
    N’avaient vraiment pu s’empêcher de siffler l’eau enchanteresse.

    Ainsi Dieu punit tout le monde à coup de foudre et de déluge
    Et dilua l’eau de la Terre, puis rajouta un peu de sel.
    À point, la planète féconde put enfin servir de refuge
    Au nouvel homme propriétaire ; ange et démon universel.

    Tableau de Scott G. Brooks sur https://www.scottgbrooks.com/product-category/giclee-prints

  • Comment j’ai trouvé mon Vendredi

    C’est en voyant passer les gens, perpétuellement sans relâche,
    Sortir leur chien trois fois par jour, toujours par le même chemin,
    Que j’acquis un poisson d’argent, docile, aux nageoires un peu flaches,
    Pour fuir mon tranquille séjour sans stresser, la laisse à la main.

    Ensemble nous suivons la rivière où je le laisse aller nager
    Car il adore s’éclater à outrepasser les cascades.
    Sauf pour les transports ferroviaires où j’ai dû lui aménager
    Un aquarium hélas refusé par un vieux contrôleur maussade.

    Quand les animaux domestiques subiront la montée des eaux,
    Ils accueilleront dans leurs rangs toute la faune piscicole.
    Plaise à mon esprit scolastique d’ouvrir grand les portes des zoos
    Pour créer à contre-courant ce concept comme un cas d’école.

    Illustration d’Omar Rayyan

  • L’entraînement de la sirène

    Muscler l’organe phonatoire ouvre de nouvelles dimensions
    Sur la plus mortelle des armes dont on ne voit pas la couleur.
    Le chant n’est plus aléatoire mais soumis à la distension
    Des cordes vocales qui charment par une indicible douleur.

    Bien au-delà de la souffrance qui traverse ses deux hémisphères,
    Le marin perd sa volonté comme le taureau dans l’arène.
    Reproduit alors à outrance sur les mers de la planisphère,
    Il nourrit les faits racontés sur la légende des sirènes.

    Illustrations de Nadezhda Illarionova sur https://www.artstation.com/artwork/krP1z

  • Le chant des sirènes

    Souvent la sirène révise l’art de son chant avant l’épreuve
    Qui la consacrera peut-être diva, soliste, enchanteresse.
    L’examen sera vicelard car sa voix doit fournir la preuve
    Qu’elle nécessite nul sonomètre pour qu’un marin s’y intéresse.

    Parmi toutes les prétendantes qui briguent le titre envié,
    Elle se souvient de sa marraine et ses précieux enseignements
    Sur les vocalises ascendantes durant tout le mois de janvier
    Où elle a pratiqué, sereine, expérience et entraînement.

    Illustrations de Nadezhda Illarionova sur https://www.artstation.com/artwork/krP1z

  • La sirène novice

    Point besoin d’être née sirène pour être promue au statut
    De la compagnie des princesses et futures reines des mers.
    Or pour accéder à l’arène et être élève de l’institut,
    Il suffit d’immerger ses fesses et développer ses pieds palmaires.

    Ainsi la fille devient novice et vit en totale immersion
    Dans un séminaire aquatique où elle restera cloîtrée.
    Nourrie aux saintes écrevisses, elle subira la conversion
    De ses jambes problématiques en une queue idolâtrée.

    On lui apprendra à chanter et amplifier son organe
    Pour une chasse consacrée à son régime bienséant
    Par des formules enchantées enseignées par la fée Morgane
    Dont les connaissances sacrées priment dans tous les océans.

    Illustration de Mark Ryden

  • Une sirène pas comme les autres

    Fi des queues en colimaçon pleines d’arêtes et de nageoires ;
    Vivent les queues en tentacules pour mieux étreindre ses victimes !
    La mer, c’est bon pour les poissons ; idem les mares et pataugeoires !
    Refusons tous ces ridicules clichés sur notre vie intime !

    Elle a pris un appartement avec vue sur les vallées suisses ;
    Elle y reçoit peu de matelots car elle leur préfère les bergers.
    Mais elle y cajole ses amants entre ses si nombreuses cuisses
    Que plus d’un de ces rigolos redemandent à s’y héberger.

    Elle y consent et les invite à partager tous ses repas
    Et garnit ainsi son frigo de gigots, épaules et cuisseaux.
    Tout un petit monde gravite, chimères plus ou moins sympas,
    Avec lesquelles, tout de go, elle partage les meilleurs morceaux.

    Tableau de Nicoletta Ceccoli sur https://ilmondodimaryantony.blogspot.com/2013/08/gli-incubi-celesti-di-nicoletta-ceccoli.html

  • Sauver le dernier poisson

    Il n’a pas l’air dans son assiette, le p’tit poisson du vendredi
    Péché, lavé et congelé directement au chalutier !
    Adieu écailles en paillettes, bonjour pané du mercredi,
    Filets carrés et morcelés, darnes découpées sans pitié !

    Faut-il sauver le dernier poisson ? Interdire sa consommation ?
    Mettre à l’index la bouillabaisse, les fruits de mer et l’aïoli ?
    Maquereau qui trouble la boisson du loup de mer en privation,
    Es-tu en hausse ou à la baisse chez ton mareyeur aboli ?

    Illustration d’Enki Bilal

  • La sirène et son fils

    L’évènement est assez rare mais il se produit toutefois
    Quand les marins se mettent en quatre à satisfaire la sirène.
    Car celle-ci n’est pas avare en brochettes de cœurs et de foies,
    Plats aphrodisiaques à débattre mais stimulants en œstrogènes.

    Si bien que quelques mois plus tard, tout le ferment de leur laitance
    Donne naissance à un triton, moitié humain moitié poisson.
    Un fils qui saura sans retard démontrer toute sa prestance
    Avec sa voix de baryton qui monte depuis son caleçon.

    Tableaux de Malene Reynolds Laugesen

  • Prise la main dans la nasse

    Gaffe à la sirène voleuse qui se laisse prendre au filet
    Pour mieux sélectionner sa proie et fuir sans demander son reste !
    La sirène n’est plus cajoleuse après trois crises d’affilée
    Et préfère un banc de lamproies à un marin fort indigeste.

    D’ailleurs plus jamais elle ne chante à s’égosiller sur la mer
    Mais vous pouvez toujours l’entendre à toute heure sur les réseaux.
    Que voulez-vous ? Elle déchante car l’avenir se montre amer
    Et songe à changer sa queue tendre, puis faire feu des deux fuseaux.

    « Dès que la féminine engeance sut que le singe était puceau,
    au lieu de profiter de la chance, elle fit feu des deux fuseaux »
    Georges Brassens, Le Gorille.

    Tableau de Catrin Welz-Stein

  • Le sirénomètre

    Pour observer le temps qu’il fait, rien ne remplace un baromètre
    Mais pour suivre le temps qui passe, il faut l’instrument adéquat.
    Chaque marin, s’il est parfait, consulte son sirénomètre ;
    L’appareil le plus efficace, je vais vous expliquer pourquoi :

    Mais à quoi pense la sirène tous les matins en se coiffant ?
    C’est selon la température du courant de la mode en mer ;
    Selon si les stars dans l’arène s’échangent des mots décoiffant
    Dont l’ampleur en twittérature s’avale comme une pilule amère.

    Les cheveux longs de la sirène exigent une totale attention
    Pour dénouer toutes les tresses et les peigner comme il se doit.
    Selon l’actualité sereine, tout se démêle sans tension
    Mais quand elle en lit les détresses, il lui faudrait plus de dix doigts.

    Tableau de Patricia Rose Studio

  • Ah, si vous connaissiez ma sirène !

    Savez-vous quel est le modèle le plus en vogue dans les musées
    Qui représente l’étalon plus précieux que l’or outremer ?
    Point n’y ont été infidèles, ni lassés, ni désabusés,
    Ceux qui fréquentaient les salons des galéristes de la mer.

    Derrière un rideau de peinture se cache la beauté interdite
    De celle qui figurait l’émule de l’imperceptible Aphrodite.
    D’autant qu’en-dessous de la ceinture, à l’instar des jambes prédites,
    Un coup de pinceau dissimule sensuellement sa queue maudite.

    Tableaux de Colette Calascione

  • Demandeurs d’asile

    Quel sera le comportement des habitués des abysses
    Quand toutes les eaux monteront à l’assaut des terres inondées ?
    Prendront-ils leurs appartements parmi les nombreuses bâtisses
    Que nous leur abandonnerons sans pouvoir les vilipender ?

    Ils prendront nos poissonneries pour des tortures piscicoles,
    Tiendront nos boîtes de conserve pour des sardines locataires,
    Jugeront nos polissonneries comme stupides cas-d’école.
    Alors que Neptune leur réserve l’eau promise sur toute la Terre !

    Tableau de Jose Francese

  • Poissons-ballons

    Jamais je ne terminerai mes vacances en queue de poissons ;
    Voici la raison pour laquelle, je me fabrique un train de rêve.
    Un train de poisson et de raies mais de queues en colimaçon
    Afin d’éviter les séquelles des fins d’ semaine un peu trop brèves.

    Cette année, des poissons-ballons, poissons-clowns et poissons-volants,
    Tous enchâssés en montgolfière pour filer au-delà des mers !
    Je reprendrai bien du galon et des titres mirobolants
    En tant que capitaine fier d’être un grand rêveur de chimères.

    Tableau de Jose Francese

  • L’hélice rose

    J’ai offert mon hélice rose à une sirène helvétique
    Qui m’a attiré dans le lit de sa rivière aux eaux dormantes.
    Puis, après ma métamorphose en un nouvel homme aquatique,
    Je l’ai aimée à la folie, ma douce princesse charmante.

    Et mon bateau à la dérive a navigué fidèlement
    En suivant le sens du courant du Rhin jusqu’à la mer du nord.
    Il est resté dans ses eaux vives poussé par le ruissellement,
    Puis vers l’océan concourant au point où défier la mort.

    Parfois l’hélice rose tourne dans notre palais englouti
    Mon bateau en pèlerinage revient à chaque anniversaire.
    Pourtant jamais je ne retourne vers mon passé inabouti
    Car je vis dans ce nouvel âge dont ma sirène fut l’émissaire.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • Le bateau qui posait des questions

    Revenait tous les vendredis la même éternelle question :
    « Verrais-je sortir la sirène avec ou sans provocation ? »
    Bien sûr, rien ne le contredit malgré l’étrange suggestion
    D’un bateau virant de carène comme point d’interrogation.

    Pourquoi cette interrogation ? À l’évidence le pêcheur
    Est amoureux de sa chimère qu’il ne voit qu’un’ fois par semaine.
    En guise de provocation pour éloigner les empêcheurs,
    De tourner en rond, victimaire, il ép’ronne tout énergumène.

    Enfin seul avec sa sirène, il continue de tournoyer ;
    Sans doute une danse nuptiale pour conquérir sa dulcinée.
    Il vivra des amours sereines, n’ayant pas peur de se noyer,
    Mais pass’ra six journées cruciales à patienter et fulminer.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • L’heure des poissons-volants

    L’heure entre chien et loup-de-mer marque un étrange rendez-vous
    Lorsque la lumière bleuit sous l’influence crépusculaire.
    Le ciel lourd d’embruns doux-amer devient l’hôte qui se dévoue
    Pour que les poissons ébahis s’éveillent et s’envoient en l’air.

    Et puis, divine et magnifique, tenant la barre de sa jonque,
    S’avance leur ange-gardienne perchée sur son colimaçon.
    Tous s’apprêtent à l’honorifique rassemblement de toutes conques
    Qui vont jouer en file indienne un concerto pour infrasons.

    Entends-tu les cornes de brume dont les sons glissent sur les eaux ?
    Ils émanent des mille coquilles des olifants de l’océan.
    L’écho qui jaillit de l’écume et qui se déploie en réseau,
    Provient de l’illustre flottille qui le soir ressort du néant.

    Tableau de Laura Diehl

  • Quand rôde la sirène

    Quand elle rode entre deux eaux, cachée derrière les roseaux,
    Nul ne saurait l’apercevoir ni même ne saurait prévoir
    La nature de ses intentions à moins de faire très attention
    Aux cris des oiseaux qui trahissent l’avancée de l’instigatrice.

    Quand vous apercevrez son corps, sans doute vous pourriez encore
    Fuir et rejoindre la terre ferme avant que ses bras vous renferment
    Contre sa poitrine opulente et sa plastique corpulente
    Pour vous proposer d’en jouir avant de vous évanouir.

    Trop tard ! Et ses lèvres pulpeuses goûtent votre chair sirupeuse ;
    Ses doigts enserrent votre sexe, vous abandonnez tout réflexe
    Et quand vient la petite mort, alors que la sirène mord,
    Par le meilleur, elle vous déguste à pleine dents dans votre buste.

    Tableau de Barbara Tyson

  • Allo, les réseaux sociaux ?

    Les synapses contactent un neurone à des milliers de connexions
    Et celui-ci fait la synthèse pour choisir une solution.
    Chez les hommes, la testostérone leur permet de faire objection
    Aux informations sur les thèses qui mènent à la révolution.

    Si le cerveau est complotiste – puisqu’il se renseigne pour agir –
    Les hommes, en troupeau de moutons, élisent leur loup-président.
    Les « sauve-qui-peut » humanistes mettent longtemps à réagir
    Avant que, nous le redoutons, il bouffe tous ses résidents.

    Illustrations d’Oksana Grivina sur http://www.dripbook.com/grivina/style/illustration-portfolios

  • Les deux Vendredies

    D’ores et déjà vendredi revient systématiquement
    Annoncé, en fin de semaine, par deux sirènes en pêle-mêle.
    Je le dis et je le redis : « ce jour est thématiquement
    Voué, par leur nature humaine, à deux femmes-poissons jumelles.

    Deux sirènes qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau, c’est drôle !
    Comme le reflet d’un miroir ou deux clones sans contredit.
    Elles vivraient toujours ensemble en s’admirant à tour de rôle ;
    Elles sont connues dans leur terroir sous le nom des deux Vendredies.

    Tableau de Nicoletta Ciccoli

  • Vendredi, mangez du lapin !

    Je vois les feuillets s’effeuiller au fil de mon éphéméride
    Sept fois par semaine – quelle aubaine ! – mon régime suit la marée :
    Lundi, du poisson persillé ; mardi, la fête à la bourride ;
    Mercredi, sole marocaine ; jeudi, bigorneaux bigarrés.

    Mais point de poisson vendredi, la mer m’a posé un lapin.
    Qu’à cela ne tienne – de garenne – j’en quémande de toute ma fièvre !
    Notre pêcheur, sans contredit, aussitôt lance son grappin
    Et nous remonte de sa carène une sirène à moitié lièvre.

    Du vendredi soir au dimanche, durant deux jours, durant trois nuit,
    Je l’aimerai passionnément et jusqu’à la dernière arête.
    Le goût de sa douce chair blanche m’aura profondément séduit
    Au point que, sans désagrément, ce n’est pas demain que j’arrête.

    Illustration de Dominic Murphy sur https://www.dominicmurphyart.co.uk/down-the-rabbit-hole

  • Histoires d’amour libres

    Petit oiseau, petit poisson	s’aimeront un jour d’amour tendre
    Lorsqu’à l’instar du Créateur, je bâtirai mon nouveau monde.
    Un monde où, au temps des moissons, l’air et le vent pourront prétendre
    À se marier à la moiteur des rivières chaudes et vagabondes.

    L’onde aussi légère que l’air, l’air alourdi de compassion,
    Rencontreront un équilibre dans des amours plus ou moins sages.
    Des poissons-volants similaires à des anges en lévitation
    Convoleront en amour libre avec des oiseaux de passage.

    Illustration de Vladimir Gvozdariki sur http://klimtbalan.blogspot.com/2012_02_01_archive.html

  • La voix de sa mère

    Partout elle recherchait sa mère depuis qu’elle les avait quittés
    Pour les abysses éternelles aux eaux chatoyantes et nacrées.
    Malgré la mémoire éphémère de son départ précipité,
    Elle compulsait les maternelles origines de son chant sacré.

    Héritière de son ouïe fine – des oreilles en colimaçon –
    Elle disposait des coquillages là, tout autour de son séant,
    Pour écouter la voix divine, assise sur sa queue de poisson,
    Dont remontait le babillage par le réseau des océans.

    Tableau de Shiori Matsumoto sur https://iamachild.wordpress.com/category/matsumoto-shiori

  • Une rose pour la sirène – 2

    Depuis que la sirène est veuve, elle voue un culte à ses roses
    Qu’elle cultive en souvenir de son vieux marin regretté.
    Elle a su surmonter l’épreuve et remonter son cœur morose
    Par un jardin plein d’avenir pour les vieux couples retraités.

    Elle a grossi, évidemment, car le parfum de rose énivre
    Tant l’âme que son corps distille une rémanente liqueur.
    Ainsi l’amour, les sentiments pèsent autant que leurs poids en livres
    Et la sirène des Antilles en fait sa richesse du cœur.

    Tableau de Victor Nizovtsev sur https://www.catherinelarosepoesiaearte.com/2016/08/victor-nizovtsev-new.html

  • Une rose pour la sirène – 1

    Un vieux marin à la retraite cherchait sirène pour ses vieux jours
    Lorsqu’un spécimen de l’espèce se présenta sur son chemin.
    Alors, le vieillard, d’une traite, lui offrit comme preuve d’amour
    Une rose par délicatesse afin d’y demander la main.

    Mais comment son petit oiseau fit-il pour aimer sa queue tendre ?
    Sachez que tous les amoureux vivent et d’amour et d’eau fraîche.
    Ils ont dû entre les roseaux plus de mille fois s’y reprendre
    Mais, sous leurs efforts langoureux, naquit un triton dans leur crèche.

    Tableau de Victor Nizovtsev sur https://www.catherinelarosepoesiaearte.com/2016/08/victor-nizovtsev-new.html

  • L’école du charme

    La sirène, devenue moderne, séduit les femmes plus que les hommes
    Sauf que, plutôt que les noyer, elle les enchante, s’il vous plaît !
    Fi des marins, vieilles badernes, vivent les coquines amazones
    Dont l’amour sait s’apitoyer d’orgasmes vocaux décuplés !

    Celles qui cherchent la bonne école de la jouissance au féminin
    N’ont pas besoin de GPS à la voix de fausse sirène.
    Demandez Madame Nicole, au 4, rue Saint-Saturnin,
    Et découvrez, je vous l’ confesse, le chant langoureux d’une reine.

    Tableau de Gustave Gélinet extrait de la BD « La Sirène des pompiers » dessinée par Zanzim

  • Sirénologie

    Depuis que j’ai approfondi mes connaissances sur les sirènes,
    Elles m’acceptent à condition de prendre un poisson pour parrain.
    J’en ai choisi un, arrondi, que j’appelle « Simon de Cyrène »
    Car il me croit, sans conviction, grand ambassadeur des marins.

    J’ai donc passé mes examens à l’université Neptune
    Et j’ai été promu « Triton » lors du grand bal de fin d’année.
    Je n’suis plus qu’à moitié humain mais à l’apparence opportune
    D’un amphibien en demi-thon et demi-homme simultanés.

    Illustration de Charles Santore

  • Vivre avec une sirène

    J’avais commandé sur le Net une « Femme-Poisson authentique »
    Garantie à vie, s’il vous plaît, et « satisfait ou remboursé » !
    Écologique pour la planète, elle a traversé l’Atlantique
    Pour me parvenir au complet dans une caisse renforcée.

    « Avant le tout premier usage, baignez-la trois jours et trois nuits ! »
    Collé comme avertissement pour obtenir « bon résultat ».
    J’ai commencé son arrosage que j’ai terminé à minuit
    Et pris un rafraîchissement glaçons et triple-margarita.

    Soixante-douze heures passées, elle frétillait là, dans mon lit
    Et moi, comme un poisson dans l’eau, j’ai honoré sept fois ma reine.
    Quant à elle, elle s’est surpassée et m’a aimé à la folie
    À en devenir ramollos, ma queue et celle de la sirène.

    Kristen Mcmenamy photographiée par Tim Walker sur http://visualoptimism.blogspot.com/2013/12/far-far-from-land-kristen-mcmenamy-by.html?m=1

  • Toutes ces autres sirènes

    Dans le Grand Livre des Sirènes – que Dieu n’aurait pas imprimé –
    Existent d’autres créatures que la femme en queue de poisson
    Qui n’ont pas besoin d’oxygène ni de belle voix pour s’exprimer
    Sans faire offense à la nature ni lui faire de contrefaçon.

    Les femmes au corps de raie manta préfèrent les eaux tropicales
    Et leurs belles ailes delta permettent les belles prouesses.
    Elles ont acquis leur potentat après des luttes syndicales
    Grâce à leur voix de célesta qui ont fait d’elles des déesses.

    Les femmes-pieuvres – ou femmes-poulpes – vivent dans les eaux boréales
    Dans les abysses où leur fortune est de récolter des godasses.
    Il paraît que c’est là leur coulpe d’avoir volé les céréales
    Du jardin privé de Neptune qui les a puni de l’audace.

    Illustrations de Viccolate, HTG17 et Ryan Firchau

  • Méchante sirène

    C’est dans un sinistre « glou-glou » que le marin trouva la mort,
    Transbahuté sous la carène, lui qui espérait tant l’amour.
    Périr en mer, pour un marlou, belle fin pour ce matamore
    En manque d’air pour la sirène, lui, qui souffrait du mal d’humour.

    Regardez-la sur son rocher, dans son angélique innocence
    Qui obtiendrait l’acquittement et le Bon Dieu sans confession !
    Personne ne peut s’accrocher à vaincre sa concupiscence
    Et l’amour pragmatiquement finit toujours en queue de poisson.

    Tableaux de Gustave Gélinet extrait de la BD « La Sirène des pompiers » dessinée par Zanzim

  • Les femmes-poissons dans l’intimité

    Dans l’intimité du foyer du nid d’amour de son marin,
    La sirène a peint les mémoires de son univers maritime.
    Son cœur, encore apitoyé de ses souvenirs utérins
    Marquant sa naissance en mer noire d’un mariage illégitime.

    Sa mère était femme de mer, son père était marin au pair,
    Ils étaient jeunes et insouciants, ils se sont aimé tendrement.
    Mais le beau-père, un homme amer, voulant une lignée prospère
    Envoya son fils inconscient dans un sévère encadrement.

    La femme-pieuvre possède aussi des mémoires à n’en plus finir
    Tatouées sur ses tentacules aux ventouses impitoyables.
    Une fois sa jeunesse dégrossie, elle vit ses amants survenir
    Chacun dardant ses testicules dans des étreintes inoubliables.

    Elle pondit tant d’œufs à berger, qu’on l’appela « Octopussy »
    Elle doit ce drôle de sobriquet aux mâles qui s’y devaient mourir.
    Mais après avoir gambergé tant de grossesses, non sans souci,
    Elles eut huit fois huit poulpiquets, soixante-quatre calmars à nourrir.

    Illustrations de Maxine Vee

  • Mauvais présages

    Mais ce qui devait arriver est arrivé finalement ;
    À force d’être exterminés, les poissons deviennent insolents.
    Avec des oiseaux motivés, ils ont croisés leurs filaments
    D’ADN prédéterminés à produire des poissons volants.

    Et les voici crevant l’écran des aquariums et des fenêtres !
    Les voilà perçant la surface de toutes calottes glaciaires !
    Ainsi foncent les oiseaux à cran et tous les alevins à naître
    Qui réclament l’ultime face-à-face contre l’humanité carnassière.

    Tableau de Cyril Rolando sur https://mymodernmet.com/cyril-rolando-surreal-digital-art

  • La musique aquatique

    Pourquoi du poisson aux chrétiens et des croissants aux musulmans ?
    C’est le secret du Vendredi mais pas celui de Robinson.
    Mais quoi qu’il en soit, l’entretien de cette légende ridiculement
    Pèse dans le monde des érudits bouddhistes, juifs et franc-maçons.

    J’en ai fait ce pianoquarium pour poissons muets comme une carpe
    Qui permet de communiquer avec des bulles de toutes sortes.
    Mon piscicole auditorium sous l’action de mes métacarpes
    M’a dit d’cesser d’polémiquer ; chacun voit midi à sa porte.

    Tableau de Cyril Rolando sur https://mymodernmet.com/cyril-rolando-surreal-digital-art

  • Vendredi en bocal

    Il faut pêcher vers l’extérieur encore plus loin, en haute mer
    Car les poissons ont disparu de nos rivières et nos étangs.
    Et moi, cloîtrée à l’intérieur de mon confinement amer,
    J’ai trop d’étiquettes parcourues, labellisées au fil du temps.

    Le thon a payé son octroi à l’imposition de la pêche ;
    Le hareng sort de temps en temps garni de sauce rémoulade ;
    La sardine à l’huile à l’étroit avec les pilchards escabèche
    Et le saumon sont mécontents du mercure qui les rend malades.

    Illustration de Marija Tiurina

  • Le bal des sirènes sans-gène

    J’ai reçu une invitation dans l’aquarium de mon poisson.
    Une enveloppe bleue nacrée, toute petite et qui flottait
    Presque comme en lévitation, à la surface comme un glaçon.
    Je lus ce petit mot sacré avec la voix qui chevrotait :

    « Cher Monsieur, vous êtes invité au bal des sirènes sans-gène.
    Lundi soir, juste après la douche, approchez-vous, nu, du bocal.
    Plongez dans sa concavité et n’ayez crainte pour l’oxygène ;
    Nous vous ferons du bouche-à-bouche pour un petit bonheur buccal. »

    Illustration de Scott Gustafson sur http://madamkartinki.blogspot.com/2012/12/scott-gustafson-1.html

  • Ses vendredis à elle

    Elle voulait changer d’atmosphère et se retirer de ce monde
    Où ne reste nulle île déserte ni oasis en plein désert.
    Les montagnes ou la stratosphère lui donnant des nausées immondes,
    La mer apparut plus ouverte et les poissons pas moins diserts.

    Elle a échangé son local qui sentait trop l’air confiné,
    Étanchéifié ses fenêtres et rempli d’eau l’appartement.
    Puis elle a passé le bocal avec deux doigts d’air comprimé
    Enfin elle s’est sentie renaître et son poisson, également.

    Photo de Sophie Black