Catégorie : Poésie du dimanche

  • Les chamanes de la forêt

    On dit qu’elles sont empoisonneuses, de vraies sorcières maléfiques
    Et qu’il vaut mieux les éviter quand on les voit dans la forêt.
    D’une attitude soupçonneuse, lorsque j’ai vu ces mirifiques
    Femmes en train de léviter, j’ai pris une allure effarée.

    Trop tard ! Elles m’ont pris par la main et m’ont fait boire leur breuvage,
    Une espèce de vin merveilleux qui fait perdre toute volonté.
    J’ai dormi jusqu’au lendemain après huit heures d’esclavage
    Et c’qu’elles m’ont fait, ô mes aïeux, je ne peux vous le raconter.

    J’ai rêvé avoir chevauché toute la nuit, nu comme un loup ;
    Avoir hurlé la gueule ouverte avec une faim dévoreuse.
    Mais nous nous sommes rabibochés ; je n’en suis pas du tout jaloux
    Puisque j’ai fait la découverte de trois chamanes bien généreuses.

    Art païen de Naomi Cornock sur https://www.nomeart.com .

  • S.O.S. Père Noël

    « Service après vente, tu parles ! » maugréait Jean-Emmanuel,
    L’arrière-arrière-petit-fils pour tout c’ qui a dysfonctionné.
    Entendre « Tu te magnes, Charles ? » tous les matins depuis Noël
    Pour réparer les maléfices des jouets mal confectionnés !

    Voir toute la sainte journée des jeunes enfants mécontents
    Et tous les parents furibonds dont les mamans surexcitées.
    Puis recommencer la tournée durant trois mois jusqu’au printemps
    Quand le dernier ours moribond est finalement ressuscité.

    Malgré la qualité ISO des confections traditionnelles,
    Des poupées aux jolis minois sont emballées mal contrôlées.
    Par bonheur on a le réseau d’une maintenance prévisionnelle
    Qui flaire les lutins chinois et les bras cassés qu’ont gaulé.

    Illustration de Tom Kilian sur https://www.tkillustration.com/?ssp_iabi=1682696161353 .

  • La vérité sur le Père Noël

    Maintenant qu’enfin est passé Noël, puis la fin de l’année,
    Il est temps de lever le voile sur sa nature originaire.
    Après avoir bien potassé librairies et miscellanées,
    L’authenticité se dévoile sur ce fait extraordinaire.

    D’abord il ne vient pas du nord mais des régions himalayennes ;
    Tout là-haut sur le toit du monde dans les lamaseries enjouées.
    C’est le Yéti, ce grand ténor des voix qui sortent de la moyenne,
    Qui parcourt en une seconde la grande tournée des jouets.

    Tous les lutins sont les enfants qu’il a eu de Marie-Noelle,
    Grande Yétie qui fait marcher son petit monde à la baguette.
    Tous les mois à dos d’éléphants, sont livrées de continuelles
    Fournitures très bon marché toutefois conformes à l’étiquette.

    Il faut voir leurs pattes velues manier marteaux et tournevis ;
    Leurs quatre mains très adaptées redoublent d’efficacité.
    Toute cette bande de chevelus, manœuvres qualifiés et novices,
    Est connue dans la Voie Lactée pour leur célèbre pugnacité.

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux de les créditer.

  • Météo érotique

    Le matin un brouillard léger perdure au fond de la vallée
    Entre les monts qui apparaissent turgescents au-dessus des nues.
    Son joli ventre rondouillard sera peu à peu avalé
    Par cette brume où disparaissent tous ses appas sans retenue.

    À midi le temps se découvre et donne la pleine lumière
    Du soleil dans des éclaircies qui perdureront jusqu’au soir.
    Si quelques nuages recouvrent − la saison en est coutumière −
    Le ventre qui a un peu forci, une pluie fine pourrait surseoir.

    En fin d’après-midi le vent soulève les plis de sa robe
    Et dénude montagnes et vallons de la plaine au Mont de Vénus.
    Puis le front froid se soulevant de l’ouest où bientôt se dérobe
    Le soleil qui semble un ballon perdu gagnant son terminus.

    Au coucher, les soleils rougissent, empourprent et encensent ses charmes ;
    Un léger voile les fait jouer au jeu du chat et la souris.
    Il est temps que je me blottisse quand le ciel se teinte de parme
    Et que la nuit me fait vouer tout l’amour dont je me nourris.

    Tableaux d’Artland Wandbild.

  • Seins nus aux quatre saisons

    Au printemps ses bourgeons éclosent et sa fleur tendre s’épanouit
    Dès le matin lorsque les feux du soleil de mes yeux l’admirent.
    Le soir dans notre maison close, j’observe le galbe inouï
    De sa poitrine sur mes cheveux et ma joie de les affermir.

    L’été dévoile ses colliers de perles fines et de fruits mûrs
    D’où sort un lait érotisé par la chaleur de ses mamelles.
    Par le chemin des écoliers, je pars juste entre les fémurs
    Et remonte comme hypnotisé vers les tétons de ma femelle.

    L’automne et ses couleurs transmutent sur ses rondeurs ambre et cuivrées
    Avec juste un vert essentiel qui parsème sa touffe tendre.
    Entre ses deux monts, je permute maintes caresses, énivré
    Du parfum doux consubstantiel auquel j’ai seul droit de prétendre.

    L’hiver blanchit ses mamelons comme deux petites congères
    Que mes mains dévalent en luge, puis remontent et puis redescendent.
    Et, cerise sur le melon, les miches de ma boulangère
    Mouillent comme après le déluge lorsque mon amour la transcende.

    Tableaux de Félix Valloton.

  • L’esprit de la forêt

    J’ai croisé le renard surpris de nous retrouver nez à nez ;
    J’ai même stupéfié un chevreuil tombé les quatre fers en l’air ;
    Heureusement sans parti pris – plus rien ne saura m’étonner –
    Ils n’ont pas jeté de mauvais œil sur mon audace singulière.

    La faute en est à l’air du temps qui siffle entre les arbres verts
    Et dont les branches communiquent les transmissions de la forêt.
    Un peu sot, voire débutant, j’ai dû entendre de travers
    Et suivre l’onde botanique glissant sur l’herbe phosphorée.

    Je me suis fait apprivoiser en y revenant chaque jour
    Sans chercher la moindre rencontre avec un habitant des bois.
    Je ne voudrais pas pavoiser mais je crois qu’ils m’aiment d’amour
    Car ils viennent toujours à l’encontre comme s’ils étaient aux abois.

    Art païen de Naomi Cornock sur https://www.nomeart.com .

  • L’oracle de la forêt

    À chacun son totem secret, son inspiration créatrice ;
    À chacun sa source cachée, sa ressource imaginative.
    J’aime les éléments sacrés de la nature génératrice
    Présents sur les signes rattachés de la forêt germinative.

    Toute la flore féminine, force de vie de l’univers,
    Témoigne d’une connaissance gravée depuis la nuit des temps.
    Et le ciel envoie sa quinine quand tombe la neige en hiver
    Pour protéger toute naissance qui émergera au printemps.

    Par toute la sylve étendue comme un oracle horizontal,
    Par tous les arbres hérissés comme ds antennes verticales,
    Leurs prédictions sont entendues par le vent transcontinental
    Dont j’entends les feuilles crisser de leurs délices lexicales.

    « Il neige, sur janvier fiévreux, toute la quinine du ciel » Jean Giraudoux – Provinciales.

    Art païen de Naomi Cornock sur https://www.nomeart.com.

  • Les esprits de la forêt

    Si les esprits de la forêt parlent le langage du cœur,
    J’irai m’égarer la raison dans leurs labyrinthes boisés.
    Je me perdrai dans les fourrés où seuls les animaux moqueurs
    Savent retrouver leurs maisons parmi les ronces apprivoisées.

    Par les chemins vers nulle part, j’ai découvert l’inaccessible ;
    J’ai constaté l’humilité et le pouvoir du lâcher prise.
    J’ai senti tomber les remparts dévoilant mon âme impassible
    Avec la juvénilité de l’enfant devant sa surprise.

    En suivant comme un fil d’Ariane une inspiration dans le vent,
    J’ai maintes fois croisé la route de lièvres, renards et chevreuils.
    Sur la piste des valérianes, le matin au soleil levant,
    J’ai plusieurs fois cassé la croûte avec lutins et écureuils.

    Art païen de Naomi Cornock sur https://www.nomeart.com .

  • Les oracles de la forêt

    Qui sait se taire et observer sans vraiment chercher à comprendre
    Découvrira certains secrets qui ouvrent ses nouveaux devoirs.
    Il veillera à conserver tout ce qu’il souhaitera apprendre
    Sur ses désirs les plus sacrés que sa raison ne saurait voir.

    Les oracles élémentaires, interconnectés aux saisons,
    Renseignent tous les végétaux sur tous les caprices du temps
    Par les minéraux de la Terre sensibles aux combinaisons
    Des alliages entre métaux comme indicateurs percutants.

    D’autre oracles supérieurs dominent aux sommets des montagnes
    Et par la chaîne des vallées, rus, ruisseaux, rivières et torrents.
    Depuis son manteau intérieur, la planète les accompagne
    Par les cheminées exhalées des vieux volcans expectorants.

    Art païen de Naomi Cornock sur https://www.nomeart.com .

  • Alexandre et Bucéphale

    ce soit la monture qui ait choisi son cavalier.
    Quant à ce qui est de pourfendre pour des conquêtes triomphales,
    On dut attendre que mature le conquérant animalier.

    Or comme en attestent les sources, elle a bel et bien existé
    Cette relation singulière, unique dans l’histoire équestre.
    On dit qu’il battait à la course tous ceux qui auraient persisté
    À défier à la régulière n’importe quelle épreuve terrestre.

    Tableau d’Adrien Deggan.

  • Le soir chez les uns et les autres

    Dans nos résidences modernes où nos vies sont superposées,
    Les voisins font partie du lot de la routine quotidienne.
    Lorsque s’éteignent les lanternes, tous vont ensemble se reposer,
    Puis repartiront au boulot tous les matins en file indienne.

    Les postes de télévisions clignotent à toutes les fenêtres ;
    Au moment des informations, soit on complote, soit on sanglote.
    On se soulage en prévision pendant la pub pour son bien-être
    Tandis que fusent les sommations pour économiser la flotte.

    En période de transhumance, les gens ne vivent plus chez eux
    Mais dans le ciel en avion ou sur la route comme d’habitude.
    La continuité des vacances distingue les actifs des oiseux
    Et, comme déjà nous le savions, pour ces derniers… quelle quiétude !

    (Illustration de Pierpaolo Rovero sur http://lambidextre.over-blog.com/2020/03/le-dessin-du-jour-pierpaolo-rovero.html .)

  • La fille aux couteaux

    Aveuglée par une injustice, elle officiait comme partenaire
    À un mexicain basané, lanceur de couteau patenté.
    Craignant une erreur subreptice, fatale ou extraordinaire,
    L’avait la tête enrubannée d’un joli foulard argenté.

    Jusqu’au jour où elle décida de le fixer droit dans les yeux
    Dont le regard, sans faire exprès, sous les feux de la rampe, brilla.
    Hélas, elle l’intimida et lors d’un lancer audacieux
    La fine lame passa si près que l’homme au sombrero cria.

    Pourtant, plus de peur que de mal, elle remit alors son bandeau
    Et le spectacle recommença sans risquer la crise cardiaque.
    Il paraît même que l’animal exigea pour leur libido
    Que la belle au sang chaud pansa ses propres yeux paranoïaques.

    Tableaux de Gill Del-Mace sur https://artandcollectors.com/collections/gill-del-mace-b-1947 .

  • Fata Morgana

    Le verbe « Que la lumière soit ! » à lui seul creva les ténèbres
    Comme un mirage apparaissant dans le néant évanescent.
    N’étant pas là, ça va de soi, personne aujourd’hui ne célèbre
    La première image naissant dans l’univers opalescent.

    Quand la première graine germa pour donner ses fruits à la Terre,
    Personne n’a vu le miracle qui ne faisait que commencer.
    Et lorsque la mer renferma la première faune élémentaire,
    Nul n’a consulté quelque oracle sur l’évolution annoncée.

    Eh bien, Mesdames et Messieurs, il y eut une observatrice
    À chaque étape fondamentale depuis la création du monde.
    Dieu absorbé et minutieux dans son énergie créatrice,
    C’est sa femme, plus sentimentale, qui en filma chaque seconde.

    On l’appelle Fata Morgana mais jamais Dieu n’en parlera ;
    Il jalouse toute allusion à celle qui le désarçonne.
    Si vous voyez cette nana dans le désert du Sahara
    Ce n’sera pas une illusion mais la meuf à Dieu en personne.

    Le deuxième tableau est d’Alex Fitch. Quant aux trois autres, ce sont des images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux de les créditer.

  • Tempête d’étoiles

    L’Europe sème ses étoiles sous l’ombre immense que le taureau
    Étend au cours de leur voyage vers la liberté de s’aimer.
    Soudain quelque chose se voile au-dessus des champs pastoraux ;
    On entend comme un mitraillage dans le firmament clairsemé.

    Sans doute Zeus qui s’est trahi car il s’était dissimulé
    Sous l’apparence d’un taureau et s’est pris un coup asséné
    Par la belle Europe ébahie de s’être fait manipuler
    Par des stratagèmes immoraux sans cesser de l’ morigéner.

    Europe sème désormais ses quelques étoiles en solitaire
    Et se refuse à tous les dieux qui font des plans sur la comète.
    Elle restera vierge à jamais et Zeus lui sera tributaire
    D’une rente au montant dispendieux qu’assidûment il lui soumette.

    Illustration de Valera Lutfullina

  • Poussière d’étoile

    Je cherche les nuits alchimiques où l’air, chargé de météores,
    Permet aux âmes en errance de redevenir persistantes.
    Dans l’atmosphère cyclothymique, les voix qui s’expriment au-dehors
    Prennent soudain une apparence de nitescences intermittentes.

    Si je décompose un éclair qui jaillit et zèbre le ciel
    Avec ses flammes de cristal qui s’échangent entre terres et nues,
    Je vois les feux follets bleu-clair d’un flambeau accrémentitiel
    Agité par une vestale vers des anges circonvenus.

    La Terre agit comme un aimant d’impact météorologique
    Dont l’énergie qui ascensionne porte ses souffrances et ses cris.
    Bien sûr la science dément ce phénomène liturgique
    Et les religions n’en mentionnent aucun écho dans leurs écrits.

    Illustration de Charles Vess pour le roman de Neil Gaiman

  • Pervers Noël

    Pervers Noël cache son jeu toute l’année à l’atelier
    En créant des contrefaçons de nos voitures électriques.
    Bien sûr, nous connaissons l’enjeu de ce bonhomme fou à lier :
    Attirer filles et garçons par ses tendances égocentriques.

    Les poupées qui disent « Maman ! » conditionnent les petites filles
    À souhaiter très rapidement pouvoir rencontrer les garçons,
    Ceux-là même qui, innocemment poussifs à l’esprit de famille,
    Sont amenés perfidement à jouer dans leurs caleçons.

    Pervers Noël qui sévissait les nuits de décembre dans les rues
    A enfin été arrêté par la police persévérante
    Pour les crimes qu’il assouvissait et ce matin a comparu
    Devant le juge décrété suite aux plaintes proliférantes.

    Tableaux de Matt Watts

  • La couleur de l’amour

    Bleu comme la première nuit qui rendit l’amour électrique ;
    Nos premiers frissons qui parcourent nos corps sensibles et tendus.
    Bleue comme l’aurore qui luit au petit matin féérique
    Sur deux amoureux qui concourent à figer le temps suspendu.

    Blanc comme la deuxième nuit qui rendit l’amour éternel ;
    Nos premiers baisers qui apaisent cette soif de nous reconnaître.
    Blanche comme la liqueur qui fuit de par l’organe maternel
    Qui accueille celui qui la baise de l’envie d’un enfant à naître.

    Rouge comme la troisième nuit qui rendit les amours fécondes ;
    Nos premières cellules échangées pour le meilleur et pour le pire.
    Rouge comme la vie qui se poursuit dans la matrice rubiconde
    Où pulse à l’abri du danger un petit ange qui soupire.

    Illustrations de Lorenzo Mattotti

  • La plume de l’ange

    Le temps passait seul, sans son ange qui n’avait pu se libérer
    Et j’écrivais à cœur perdu, l’esprit crissant sur le papier.
    Lorsque dans la lumière orange d’un crépuscule réverbéré,
    Une plume blanche, éperdue, vint atterrir juste à mes pieds.

    La nuit était-elle tombée ou était-ce entre chien et loup ?
    Toujours est-il qu’un ange blanc se posa à proximité.
    Et moi bien sûr, j’ai succombé, ce qui rendit le temps jaloux
    Qui suspendit l’ange tremblant entre deux airs illimités.

    J’ai pris sa plume que j’ai trempée à l’encre d’une nuit sans Lune
    Et j’ai raconté cette histoire du temps et de l’ange qui passent.
    Plaise au lecteur que j’ai trompé avec cette idée opportune
    Qu’il prenne conscience notoire de mes errances dans l’espace.

    Illustration d’Andrej Mashkovtsev

  • Miss Caméléonne

    Sans doute un prénom qui déteint sur ses tenues vestimentaires
    Tant celles-ci sont assorties aux murs de son appartement.
    Quant à ses cheveux et son teint, également complémentaires,
    Ils s’adaptent à chaque sortie au ton de ses emportements.

    Point ne s’arrête son mimétisme à sa peau et ses vêtements ;
    En effet tout son caractère prend la couleur de l’air du temps.
    Conséquence du magnétisme de la Terre et ses éléments
    Sur cette fille pleine de mystères mais qui se dévoile pourtant.

    J’ai connu Miss Caméléonne au cours d’une de mes tournées
    Celle-là même la plus étrange, je dirais même atmosphérique.
    Elle venait de Sierra Leonne et, le soir en fin de journée,
    Elle prenait la couleur orange d’un coucher de soleil d’Afrique.

    Tableau de Louis Treserras sur http://wombart.net/emotion-research-by-louis-treserras

  • L’œil, l’expression et l’impression

    L’œil, miroir indiscret de l’âme, reflète mon étonnement
    Devant tout ce que je découvre et que j’ai du mal à comprendre.
    Mais il trahit souvent la flamme dont fuse le rayonnement
    Des raisonnements que j’entrouvre sur le peu que j’ai pu apprendre.

    L’œil, sentinelle défensive, explore mon environnement,
    Attentive à ce qui se passe derrière son intime frontière.
    Parfois elle se montre offensive pour pallier le foisonnement
    Des imprévus qui la dépasse et la font trembler toute entière.

    L’œil, porte-parole du cœur, exprime mes ressentiments
    Comme les joies et les pressions sur ce que j’ai envie de vivre.
    Il sait occulter mes rancœurs, mes craintes et mes sentiments
    Et ne renvoie que l’expression de mon intérieur comme un livre.

    Illustrations de Jean-Pierre Gibrat

  • Réflexions lunaires

    J’aime ma fenêtre propice aux réflexions fort opportunes
    De son miroir qui me démontre sa silencieuse complétude
    Au seuil des meilleures auspices que m’envoie un rayon de Lune
    Qui perce et qui vient à l’encontre de mon cœur chargé d’inquiétudes.

    Lune, Ô ma Lune taciturne, que me révèle l’avenir
    À travers la neige qui tombe d’une incertitude impassible.
    J’en appelle à l’astre nocturne dont le halo sait convenir
    À m’indiquer ce qui m’incombe dans la nuit de tous les possibles.

    C’est l’heure où je vais me coucher, lorsque le temps se superpose
    Que m’apparaît la direction vers laquelle je dois lâcher prise
    Je laisse mon cœur accoucher du germe que le jour dépose
    Quand le soleil en érection m’illuminera sans surprise.

    Illustrations de Jean-Pierre Gibrat

  • Sol’œil couchant sur mer de larmes

    J’aime l’iris à l’horizon du soleil qui cligne de l’œil
    Lorsqu’il me darde un rayon vert pour me souhaiter bonne espérance.
    Et quand la Terre est en prison de ses souffrances et ses écueils,
    Il ouvre en grand tout l’univers ravivant sa persévérance.

    Observez les yeux dans les yeux le regard de l’astre couchant
    Qui reflète l’âme de Dieu et ses voies incommensurables.
    Souvent clément et merveilleux, parfois terrible, effarouchant,
    Mais toujours miséricordieux envers nos conflits incurables.

    Tableau d’Alexander Grey

  • L’attente gauloise

    L’attente s’en va en fumée sans rien laisser qu’un peu de cendres
    Sur lesquelles le temps soufflera vers une amnésie dominante.
    Juste des pensées consumées par l’esprit qui aime descendre
    Vers le cœur qui m’insufflera l’espoir d’une fin imminente.

    L’attente cesse brusquement, le train de vie reprend son cours
    Qui m’emporte avec mes pensées que j’enferme dans ma valise.
    Mon rêve né fantasquement soudain n’est plus d’aucun secours
    Mais j’y reviendrai dépenser d’autres absurdes psychanalyses.

    Illustration de Jean-Pierre Gibrat

  • À la recherche de Dame Nature

    Difficile de se représenter Dame Nature concrètement ;
    Sans doute faut-il l’imaginer lorsqu’elle était vierge et nubile.
    Mais étant moi-même exempté de remonter discrètement
    Dans mon génome enraciné dans l’ADN, c’est difficile.

    Pourtant dans mes rêves éveillés, j’ai aperçu ma créatrice
    Naissant elle-même du néant, laissant le champ libre aux envies.
    Dans cet Éden émerveillé, elle a établi sa matrice
    Pour créer terres et océans pour, enfin, abriter la vie.

    Un jour, elle s’est mise en couleurs – c’était là son premier printemps –
    Et accordé le sacrifice de sa nature alimentaire
    Pour accoucher dans la douleur deux humains âgés de vingt ans
    Dont je suis à moitié leur fils et à moitié fils-de-la-Terre

    Créations de Kathryn Blake sur https://www.artstation.com/artwork/Z53mnm

  • Du côté des belles dames du temps jadis

    J’aime déshabiller le temps et lui ôter la carapace
    De la vieillesse dont il enduit la peau des beautés éphémères.
    Mot fugitif, presque insultant, qui évoque le temps qui passe
    Et qui tristement éconduit le souvenir de nos grands-mères.

    Le curseur du temps dans leurs rides où sont gravées leurs émotions
    Fait chanter l’écho de leurs cœurs avec une ardeur impatiente.
    Combien de jours, de nuits torrides, avec l’amour en promotion
    Ont induit les rires moqueurs de leurs jeunesses insouciantes ?

    Les belles dames du temps jadis, quelque part immortalisées
    Par les vibrations de leurs âmes qui pulsent en ondes maternelles,
    Pour que jamais ne s’affadissent leurs présences cristallisées,
    Nous ont intégré ce sésame comme une intuition éternelle.

    Photos de Marie Doro, Maude Fealy, Ione Bright & Paulette Navier

  • En quête d’ailleurs

    Je suis en transit dans ce monde où je n’accepte nulle attache
    Et où j’attends à chaque instant de sauter dans un train qui passe.
    Mais cela ne prend qu’une seconde ; si ma vigilance s’en détache
    Je reste suspendu au temps et reste coincé(e) dans l’impasse.

    Or, si je n’ai pour tout bagage que le sac de mes souvenirs,
    Si je ne porte que l’habit de mes connaissances acquises,
    Alors aussitôt je dégage et prends le train de l’avenir
    Vers des gens de mon acabit selon mes qualités requises.

    Illustrations de Jean-Pierre Gibrat

  • Réflexions au fil de l’eau

    Toutes ces gouttes au fil de l’eau pareilles au flot de mes pensées,
    Pareilles au flux du genre humain, pareilles aux nuages qui passent,
    Partent dans l’oubli, à vau-l’eau, un autre cycle où dépenser
    Leurs vies vers un nouveau chemin, nouveau monde et nouvel espace.

    Qu’il est hypnotique l’effet de l’existence qui s’écoule
    Et qui m’attire comme un aimant de ressentiments magnétiques !
    Sans doute vers l’univers des fées d’où ma propre magie découle
    Et qui revient comme un amant sentimental et pathétique.

    Illustration de Jean-Pierre Gibrat

  • Les couronnes des reines

    Après avoir tiré les Rois, on continue avec brio
    À se préoccuper des reines non pas vraiment pour les tirer
    Mais les honorer toutes les trois puisqu’elle forment un trio
    Dont l’association pérenne est assidûment désirée.

    Commémorons Épiphanie, Reine magicienne oubliée,
    Puis consacrons la Chandeleur, Reine des crêpes et des chandelles !
    Célébrons enfin Stéphanie, Reine qui n’a rien publié
    À ce jour mais dont la valeur reviendra comme l’hirondelle !

    Que feront les reines au printemps ? Elles prendront leurs quartiers d’été
    Bronzer de Pâques à l’Assomption jusqu’en automne, fin des vacances.
    Puis elles reviendront en leur temps avec leurs trois rois répéter
    Contre toutes nos présomptions, les mêmes faits sans conséquences.

    Tableaux de Georgia Th sur https://justlikehopey.tumblr.com/post/114981137204/georgia-th/amp

  • Les voyages perpétuels

    À la ville, comme à la campagne, les cœurs solitaires s’assemblent
    Pour trouver un terrain d’entente et pour naviguer de conserve.
    Ainsi, compagnons et compagnes cherchent la voie qui leur ressemble
    Et répondra à leurs attentes et à ce que l’avenir réserve.

    Tous les voyages sont chaotiques – on dit qu’ils forment la jeunesse –
    Et l’amour n’aime ni la routine ni le quotidien ressassé ;
    Il se cherche un milieu biotique pour s’épanouir en finesse
    Afin que ses fruits s’agglutinent sur les tuteurs entrelacés.

    Alors les cœurs partent en voyage sur de grandes lignes érotiques
    Ou pour dormir en wagon-lit ou batifoler en croisière.
    Et puisque l’amour n’a pas d’âge, vers une retraite exotique,
    Ils s’aimeront à la folie sur le chemin du cimetière.

    Car l’amour ne s’arrête pas là où la mort figure une escale
    Mais il repart en fusionnant pour procréer un nouvel être.
    Ni Paradis, ni Walhalla, ni aucune évasion fiscale,
    Mais un retour occasionnant des épopées au kilomètre.

    Illustrations de Pascal Campion sur https://positivr.fr/pascal-campion-dessins-couple/?amp

  • La revanche du bonhomme en pain d’épice

    Révolution chez les amantes, les laïques et les religieuses !
    Les bonhommes ne perdent plus la tête pour une partie de jambes en l’air.
    À moins qu’on ne nous le démente par une pirouette prodigieuse,
    Ils sont partis à la conquête des droits dont ils sont titulaires.

    Désormais, pour la parité, ils goûtent avant d’être mangés
    La garniture dont ils enrobent les vêtements de leurs promises.
    Tandis qu’en solidarité, lorsque le tout est mélangé,
    Elle ôte et lui offre sa robe comme si elle lui était soumise.

    Après qu’il eut été mangé, croqué et sucé jusqu’à l’os,
    Il ne resta plus que la tige de ce bonhomme en pain d’épice.
    C’la dut alors la démanger, la fille, de s’enfiler gratos,
    En coupant court à tout litige, son petit bâton de réglisse.

    Tableau de Nicoletta Ceccoli sur https://vigilantcitizen.com/latestnews/disturbing-mkultra-and-child-abuse-paintings-displayed-on-billboards-in-italy

  • L’entre deux mondes

    Monde intérieur imaginaire qui me rappelle d’où je viens,
    Qui fait sonner les expériences acquises de mes vies antérieures.
    J’aime tant son imaginaire qu’à travers lui, je me souviens
    De l’écho d’une clairvoyance vers l’itinéraire ultérieur.

    Monde extérieur immatériel car j’appréhende sa matière,
    Sa dureté et ses dangers à jamais de moi différents.
    Pourtant l’organe sensoriel qui me fait vivre toute entière
    Lui est à la fois étranger et cruellement afférent.

    Je suis ce monde intermédiaire, je suis assis sur la fenêtre
    Avec la peur de basculer dans un destin irréversible.
    Comme une question subsidiaire qui me décidera à naître
    Pour une vie immaculée de mes mémoires inaccessibles.

    Illustration de Jean-Pierre Gibrat

  • L’amante religieuse en herbe

    Comme il faut bien qu’elle s’habitue,
    les bonhommes en pain d’épice
    Sont principales gâteries
    qui enchanteront sa jeunesse :
    « Je te grignote et je te tue
    à petit bout mais sans malice ;
    J’aime ta camaraderie
    et ta saveur toute en finesse ! »

    Elle chantonnait cette comptine
    en dégustant chaque bouchée
    De ses petits amis sucrés
    à la tête aromatisée.
    Petite habitude enfantine
    qui allait plus tard déboucher
    Sur une litanie consacrée
    à ses victimes traumatisées.

    Comme elle n’a pas beaucoup d’amis,
    elle prend son déjeuner au lit
    De la rivière au chocolat
    en compagnie de ses copains ;
    Pour ne pas avoir d’ennemi,
    elle va au bout de sa folie
    En grignotant sans tralala
    sa bonne bouille en massepain.

    Dans son école des Nougatines
    de l’ordre des Saintes Amantes,
    Elle apprendra l’anatomie
    et le meilleur côté des hommes :
    Leurs têtes en chocolatine
    battues dans du thé à la menthe,
    Bases de la gastronomie
    inscrite dans ses chromosomes.

    Tableaux de Nicoletta Ceccoli sur https://ilmondodimaryantony.blogspot.com/2013/08/gli-incubi-celesti-di-nicoletta-ceccoli.html ainsi que sur https://www.irancartoon.com/site/artists/nicoletta-ceccoli

  • Nourrir son imaginaire

    Nourrir son imagination exige en guise d’introduction
    Un sens aussi vrai qu’un mensonge qui grandira avec le temps.
    Le cœur d’enfant en gestation développera son addiction
    Avec des rêves et des songes qui se bousculent à contretemps.

    Bien sûr, au train où vont les choses, son appétit grandit encore,
    Devient de plus en plus exigeant et tout son cœur s’en réconforte.
    Le plaisir se métamorphose en lui transformant tout son corps
    Et son esprit intransigeant envers des émotions plus fortes.

    Au printemps, premières amours, tout son être s’épanouit
    Mais dès qu’on lui pose un lapin, l’imagination se rebiffe.
    Elle se console non sans humour sur ses désirs évanouis
    Avec un pignon de sapin pour un besoin impératif.

    Tableaux de Nicoletta Ceccoli sur https://ilmondodimaryantony.blogspot.com/2013/08/gli-incubi-celesti-di-nicoletta-ceccoli.html

  • La porte intérieure

    Nouvelle Lune de l’année, la porte reste verrouillée
    Suite à on ne sait quel dilemme qui l’avait maintenue bouclée.
    Elle semble vraiment condamnée – d’ailleurs ses gonds sont tous rouillés –
    Pourtant ce n’est plus un problème car on a égaré la clef.

    Mais cette nuit de pleine Lune, six jeunes filles en robe blanche
    Ont accompli le rituel de l’ouverture de la porte.
    Sans autre procédure aucune, on entendit craquer les planches
    Selon le sens spirituel que le chant consacré comporte.

    Une fois la porte entrouverte, les jeunes vierges sont entrées
    Dans le mystère et le silence de la foret du bois-des-chênes.
    Puis la clairière s’est recouverte de ronces tellement concentrées
    Qu’on en a omis l’existence et ce, jusqu’à l’année prochaine.

    Illustration d’Olga Baumert

  • L’amour verdurera

    Partout l’amour verdurera dans la nature déflorée
    Quand le printemps réveillera campagnes, vallées et forêts !
    Partout la vie bourgeonnera et fera jouir les fleurettes
    Que la pluie badigeonnera d’eau fraîche sur les collerettes.

    Revivront d’amours végétales les nouveaux rameaux érectiles
    Qui exposeront leurs pétales autour de leurs pistils fertiles.
    Et mûriront les fruits bénis par d’indispensables abeilles,
    Petites fées dont le génie nous remplit de vie les corbeilles.

    Tableau d’Igor Morski sur https://www.espritsciencemetaphysiques.com/illustrations-controverse-dun-artiste-polonais-revelent-cote-noir-de-societe-moderne.html

  • Ma vie en couleurs

    Je vis en vert la nuit, le jour, entre le cœur et la raison ;
    Quant au blues et aux bleus de l’âme, je les mets en périphérie.
    Qu’il est utopique, le séjour d’un poète resté à la maison
    Qui écrit sur le cœur des femmes dans les bras de son égérie !

    L’égérie voit la vie en rose car, après tout, c’est là son rôle
    Et reste jaune très longtemps dans une jeunesse éternelle.
    Elle a sauvé mon cœur morose – je vous en donne ma parole –
    Qui vit un retour de printemps de ses amourettes charnelles.

    Le soir, ma femme devient violette, comme la couleur des montagnes
    Où la Chèvre de Monsieur Seguin s’enfuit en quête d’aventures.
    Je sèche mon encre obsolète dans l’encrier de ma compagne
    Pour qui j’ai l’éternel béguin au parfum de littérature.

    Photos de Julius Ise sur http://blog.julius-ise.de/colorgames

  • Le choix du Roy

    Le Roi possède tous les droits et c’est normal, il est le Roi ;
    Il est aussi de droit divin né de la cuisse de Jupiter
    Ou de n’importe quel endroit, cheville gauche ou genou droit,
    Quoi qu’il en soit, quoi qu’il advint, le Roi est Maître, pas de mystère !

    La Reine ne possède rien et c’est normal, elle est la Reine
    Mais elle règne dans son lit surtout quand le Roi n’est pas là ;
    Lorsqu’il part chasser les vauriens de ses provinces souveraines,
    Elle y accueille à la folie tous ses amants sans tralala.

    La courtisane fléchit le Roi ; c’est normal, c’est la plus jolie
    Que le Roi séduit sans retard car, des folies, il n’en a guère.
    Là, bien serrés, tout à l’étroit, Il oublie sa mélancolie
    Et lui fait deux ou trois bâtards qui, plus tard, iront à la guerre.

    Les autres cartes font les corvées ; c’est normal elles n’ont aucun titre
    Sinon leurs chiffres décarrés qui tiennent lieu de patronyme.
    Parfois les As sont réservés à faire jouer leur libre arbitre
    Lorsqu’ils s’annoncent en carré d’un consentement unanime.

    Tableaux de Jake Baddeley sur https://www.jakebaddeley.com/collection/paintings/paintings-2007

  • Danse autour du marais salant

    Te souviens-tu, esprit de sel, quand ton âme a quitté ton corps
    Pour s’enfoncer en haute mer vers les abysses ténébreuses ?
    Puis ton fantôme universel peu à peu s’est mis en accord
    Avec l’élément outremer happé par d’essences fibreuses.

    Et tu t’es matérialisée, déesse du marais salant
    Qui danse sur la fleur de sel dans sa métamorphose rose.
    Et puis tu t’es cristallisée dans des fragrances exhalant
    Ce goût divin qui ensorcelle ma soupe et tellement de choses.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
    Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux de le créditer.

  • Petit déjeuner au chat

    Au saut du lit je me détends, je m’étire et je me toilette,
    Puis je prépare guilleret mon petit-déjeuner sacré.
    Le rituel se répétant mais sans devenir obsolète,
    Je lui consacre tout l’intérêt des aliments salés-sucrés.

    Tasse de lait dès potron-minet, la première gorgée me sourit.
    Quelques tranches de jambon fumé pour une première mise en bouche
    Que j’ai à peine terminée que je hume sur la cuisinière
    Une omelette parfumée à l’ail des ours et des souris.

    Mais voici que mes maîtres grognent et m’envoient illico presto
    Redescendre au plancher des vaches pour je ne sais quelle raison.
    Alors tant pis, je me renfrogne et abandonne mon resto,
    Puis avec un air de bravache, je m’enfuis hors de la maison !

    Tableau de Kenne Gregoire

  • La soupe à la grimace

    Mon œil, que Marianne soit soumise à ceux qui prétendent épouser
    Ses formes courbes et ses réformes et s’adapter à ses valeurs
    Quand elle se révèle promise à un avenir piquousé
    De rappels pénibles et conformes à plusieurs années de malheur.

    J’ai un mauvais goût dans la bouche à force de m’être alléché
    Aux beaux discours des candidats qui sont devenus mes bourreaux.
    Je crains que la France n’accouche de lois qui me font trébucher
    Dans un ersatz de corrida où j’ai le rôle du taureau.

    Alors si je tire la langue, ce n’est pas par impolitesse
    Mais par fatigue accumulée à subir les mêmes erreurs
    Que l’on m’impose et me harangue à force d’indélicatesses
    Par les médias assimilés à la seule voix de la terreur.

    Tableaux d’Annica Klingspor sur https://ello.co/annicaklingspor

  • Les cœurs en carême

    Après les fêtes on récupère les cœurs demeurés solitaires ;
    On les purge et on les décrasse de toutes mauvaises pensées.
    On les récure et l’on repère les endurcis célibataires
    Afin qu’il ne reste nulle trace de vieilles douleurs expansées.

    Puis on recoud les cœurs brisés, c’est le travail du cœurdonnier
    Qui rafistole les blessures et les fractures du myocarde.
    Une fois qu’ils sont cicatrisés, on les confie aux façonniers
    Qui vont effacer les sutures et rentoiler le péricarde.

    Puis on repeint les cœurs moroses avec la couleur du bonheur
    Qui élimine les bleus de l’âme sous plusieurs couches de vernis.
    On les parfume à l’eau de rose, on les cite au tableau d’honneur
    Et on galvanise à la flamme les carapaces qui ont terni.

    Enfin les cœurs, entrés en cure, passent en thalassothérapie
    Et ne se nourrissent que d’amour durant trois ou quatre semaines.
    Après un temps de sinécure et de kinésithérapie,
    Ils sont remis au goût du jour pour vivre une expérience humaine.

    Illustrations de Heinz Geilfus

  • La route de Samarcande

    Parfois la route de la soie se joue de méandres en lacets
    Qui donnent un peu le mal de mer mais qui valent bien le coup d’œil.
    Il faut garder par devers-soi tous ces virages entrelacés
    Qui apportent un goût doux amer dans un voyage sans écueil.

    Et puis Samarcande apparaît se découpant sur ciel d’azur
    Et ses mosquées, ses mausolées, médersas ornées de faïence.
    L’inquiétude alors disparaît et change au fur et à mesure
    Les appréhensions désolées pour un sentiment de vaillance.

    Illustration de Thomas Thiemeyer

  • Le baiser du dieu-paon

    L’amour est une dimension de l’espace-temps métaphysique
    Dont la lumière a pour valeur l’intensité de l’intention
    Avec deux pôles en extension aux méridiens géodésiques
    Qui en transmettent la chaleur et les couleurs de sa tension.

    Du féminin incandescent au masculin vif et ardent,
    La synergie devient divine dès qu’un baiser est échangé.
    L’univers n’a rien d’indécent quand ses étoiles vont s’attardant
    Vers un trou noir où se devine un futur Big-Bang louangé.

    bodypainting & photos de Bella Volen sur https://bella-volen.com/fine-art-body-painting.html

  • Z’animaux

    D’une lointaine descendance avec Noé et Emzara,
    La Reine Rouge sur son trône surveille la montée des eaux
    Tandis que son chat violet pense à l’aubaine d’un bon débarras
    Pour les chienchiens à leurs patronnes et leurs délits de sale museau.

    Alors on trie de préférence les animaux de compagnie ;
    On vire les hippopotames, les affreux et les déficients ;
    On choisit avec déférence sans faire de zoomanie
    Ceux qui plaisent à Monsieur-Madame et les distraient à bon escient.

    Lui, n’a gardé qu’un chat qui fume en robe noire de havane ;
    Elle, n’a pris qu’un rhinocéros pour un usage cosmétique
    Dont elle abuse et se parfume tandis qu’à côté se pavane
    Une grenouille dont l’air féroce n’est avant tout qu’hypothétique.

    Illustrations d’Enki Bilal

  • Illusio in unguento, in vino veritas

    L’illusion n’émet pas d’odeur malgré son flacon débouché
    Qui laisse sentir l’envoûtement dans des volutes embaumées.
    Point n’ai besoin de décodeur pour voir ce leurre retouché
    À grands coups de glougloutements pulsés de sa fiole empaumée.

    Depuis l’arôme de la pomme, les mensonges sentent le roussi,
    Les tentations empuantissent et les escroqueries empestent.
    J’aspire à lire un nouveau tome dans un paradis sans souci
    Pour que le mal s’anéantisse de lui-même par la malepeste !

    Le vin cache sa vérité sous une robe vermillon
    Qui laisse aviser les rondeurs et tous les charmes de l’alcool.
    Sa force et sa témérité, comme les ailes d’un papillon,
    Créeront un trouble en profondeur dans mes esprits cavernicoles.

    Depuis la cuite de Noé et l’ivresse de la Pentecôte,
    Les mots me font tourner la tête dans des promesses politiques
    En pots-de-vin désavoués qui se décomposent et cocotent
    Avec demandes et requêtes vers un monde apocalyptique.

    « Illusio in unguento, in vino veritas» : Illusion dans le parfum, vérité dans le vin.

    Tableaux de Chie Yoshii sur https://www.chieyoshii.com

  • Les roses de paradis

    Chaque jour j’achetais des roses pour les semer à tous les vents,
    Les voir s’envoler sur la mer d’une vague rouge enflammée.
    Jusqu’à en avoir la névrose d’associer au soleil levant
    L’œuvre que mon art éphémère se plaît au ciel à déclamer.

    Car j’aime déclarer ma flamme par devant les quatre éléments
    Comme une vestale d’amour qui veille sur son feu sacré.
    Plaise à mon cœur, plaise à mon âme de consacrer obstinément
    Chaque pétale de velours à sa demande consacrée.

    Mes roses forment une prière qu’évoquent toutes leurs corolles
    Par des tons plutôt que des mots et des litanies de couleurs.
    Les épines restent en arrière, les pétales portent mes paroles
    Qui me lavent de tous les maux qui ont crié mille douleurs.

    Texte inspiré des « Roses de Saadi » de Marceline Desbordes-Valmore

    Tableau de Jonas Burgert sur http://improvvisazionipoetiche.blogspot.com/2017/03/la-linea-di-piombo-jonas-burgert-al.html

  • La femme qui venait de l’azur

    Belles sirènes dont l’existence n’est connue que des initiés,
    Vos cousins pionniers intrépides sont partis conquérir l’azur !
    Leurs corps prirent la consistance des pluies et des vents nourriciers
    Et leurs yeux autrefois limpides bleuirent au fur et à mesure.

    Sirènes d’air aussi légères que des nuages ascensionnels
    Et dont les tribus tout entières ont quitté les marées esclaves,
    Peuplent mes envies passagères et mes rêves les plus passionnels
    De m’affranchir de la frontière d’une gravité qui m’enclave.

    L’une d’elles a croisé ma route lors d’une chute dans les montagnes
    Et m’a soutenu dans l’éther dans une étreinte anesthésique.
    Mon corps désormais en déroute du souvenir de sa compagne
    Me laisse le cœur solitaire et l’âme à jamais amnésique.

    Illustration d’Alexandre Mahboubi sur https://www.artstation.com/alex-mabb

  • Biographie d’une femme-fleur

    Déjà bébé, la femme-fleur, aux pétales tout potelés,
    Séduit d’un sourire charmant, toujours aux anges évidemment.
    Premières larmes, premiers pleurs et la voici remodelée
    À coups de serpes et de sarments que la vie porte vaillamment.

    À l’heure des jeunes filles en fleur, on la célèbre sous toutes formes ;
    Bouquet discret de séduction, bouquet sacré de mariage.
    Bouquet de toutes les couleurs, gerbe aux nuances uniformes,
    Bouton d’or en introduction au plus érotique voyage.

    La femme-fleur ne fane pas. N’est-elle pas une fleur immortelle ?
    Fleurette qui s’altère le nuit ressuscitera au matin.
    Elle s’épanouit sans faux pas sous autant de plis, de dentelles,
    S’évanouit, puis s’amenuit le soir dans ses draps de satin.

    Tableaux de Anna & Elena Balbusso sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2014/02/Anna-Elena-Balbusso.html

  • Dans la famille Fleur, je voudrais…

    Dans la famille Fleur, je voudrais une rose
    En couleur irisée de gouttes de rosée.
    Arrosée de mes pleurs sous un soleil morose
    Au fond d’un cœur brisé et l’âme névrosée.

    Cette fleur qui grandit d’amour immaculé
    Refleurit dans mon corps un matin de printemps.
    Pétales d’organdi où vont s’accumuler
    P’tits bonheurs en accord au ton de l’air du temps.

    Mais la rose se fane sans perdre de beauté,
    Puis ride son calice et dessèche sa tige.
    Le jardinier profane lui croit sa vie ôtée ;
    Le rêveur, sans malice, y voit fleur de prestige.

    Tableaux d’Anna & Elena Balbusso sur https://www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com/2014/02/Anna-Elena-Balbusso.html

  • Où est le chat de l’écrivaine ?

    Il est là où il ne faut pas et n’est pas là où on l’attend
    Mais quand le maître est écrivain ou la maîtresse, femme de lettres,
    Alors le chat n’est pas sympa et devient suppôt de Satan
    Ou égérie de droit divin selon le souffle à lui transmettre.

    Celui de Shakespeare, coquin, était un matou choupinou ;
    Le chat scénique de Molière manifestait beaucoup d’humour ;
    Ceux des auteurs américains dorment toujours sur leurs genoux
    Et ceux des femmes romancières miaulent sur les romans d’amour.

    Illustration de Trina Schart Hyman